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Full text of "Histoire et sagesse d'Ahikar l'Assyrien (fils d'Anael, neveu de Tobie) Traduction des versions syriaques avec les principales différences des versions arabes, arménienne, grecque, néo-syriaque, slave et roumaine"

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DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DE  LA  BIBLE 

PUBLIÉS    SOUS.   LA    DIRECTION    DE   FRANÇOIS    MARTIN 
PROFESSEUR   DS    LANGUES   SÉMITIQUES   A   L'INSTITUT  CATHOLIQUE    DB    PARIS 


HISTOIRE  ET  SAGESSE 

D'AHIKAR  LASSYRIEN 

(FILS  D'ANAEL,   neveu  DE  TOBIE) 

TRADUCTION    DES    VERSIONS    SYRIAQUES 

AVEC   LES  PRINCIPALES   DIFFÉRENCES   DES   VERSIONS    ARABES 

ARMÉNIENNE,  GRECQUE,  NÉO-SYRIAQUE, 

SLAVE  ET  ROUMAINE 

PAR 

François    NAU 

DOCTEUR  ftS-SCIENCES  MATHÉMATIQUES,  LICENCIÉ  ÉS-SCIENCES  PHYSIQUES, 

DIPLÔMÉ  DE  l'École  des  hautes-études  (section  philologique), 

PROFESSEUR  A  L'INSTITUT  CATHOLIQUE  DE  PARIS 


PARIS 

LETOUZEY    ET    ANÉ,   ÉDITEURS 

7C  bis,    BUB      DBS     SAINTS-PURES 

1909 


HISTOIRE    ET    SAGESSE 

D'AHIKAR  L'ASSYRIEN 


DOCUMENTS 


POUR 


L'ÉTUDE  DE  LA  BIBLE 


APOCRYPHES  DE  L'ANCIEN  TESTAMENT 


Le  Livre  d'Hénoch,  traduit  sur  le  texte  éthiopien  par  François 
Martin,  professeur  de  langues  sémitiques  à  l'Iustitut  catholique  de 
Paris,  et  par  les  oiembres  de  la  Conféi-ence  d'éthiopien  (1904)  de 
rinstitutcatholique  de  Paris,  Un  vol.  in-S"  de  clii-320  pag.       7  fr.  50. 

Histoire  et  Sagesse  d'Ahikar  l'assyrien,  traduction  des  versions 
syriaques  ai'cc  les  principales  différences  des  K'ersions  arabes,  armé- 
niennes grecques,  néo-syriaque,  slave  et  roumaine,  avec  introduction 
et  notes  par  M.  Nau,  diplômé  de  l'Ecole  des  Hautes-Etudes,  profes- 
seur à  l'Institut  catholique  de  Paris.  Un  vol.  de  312  pag.  5  f r. 

L'Ascension  d'Isaïe,  traduction  sur  le  texte  éthiopien,  par  Eug.  Tis- 
SERANT,  diplômé  de  langues  sémitiques  de  l'Institut  catholique  de 
Paris,  professeur  d 'Assyriologie  à  l'Apollinaire  (Rome.)  Un  volume 
de  240  pag.  environ. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DE  LA  BIBLE 

PUBLIÉS     SOUS     LA    DIRECTION    DE    FRANgOlS    MARTIN 

PROFESSEUR    DE    LANGUES    SÉMITIQUES    A    L'iNSTITUT  CATHOLIQUE    DE    PARIS 


HISTOIRE  ET  SAGESSE 

DAHIKAR   LASSYRIEN 

(FILS  D'ANAEL,   neveu  DE  TOBIE) 

TRADUCTION    DES   VERSIONS    SYRIAQUES 

AVEC   LES  PRINCIPALES   DIFFÉRENCES   DES   VERSIONS    ARABES 

ARMÉNIENNE,  GRECQUE,  NÉO-SYRIAQUE, 

SLAVE  ET  ROUMAINE 

PAR 

François    NATJ 

DOCTEUR  ÉS-SCIENCES  MATHÉMATIQUES,  LICENCIÉ  ÉS-SCIENCES  PHYSIQUES, 

DIPLÔMÉ  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES-ÉTUDES  (section  philologique), 

PROFESSEUR  A  L'iNSTITUT  CATHOLIQUE  DE  PARIS 


-^C~tiSÔ;5-T>t^ 


PARIS 

LETOUZEY    ET    ANÉ,    ÉDITEURS 

76  bis,     RUE       DES      SAINTS-PÈRES 

1909 


INTRODUCTION 

CHAPITRE    PREMIER 
Analyse  du  livre. 

C'est  une  double  collection  de  sentences  ou  proverbes 
insérée  dans  une  histoire  :  Ahikar,  scribe  de  Sennachérib 
et  de  Sarhédom,  adopte  Nadan,  le  fils  de  sa  sœur,  l'élève 
et  lui  adresse  une  première  série  de  sages  maximes  pour 
compléter  son  éducation.  Nadan  n'en  profite  pas  et^  crai- 
gnant d'être  déshérité  par  son  oncle,  il  imagine,  à  l'aide 
de  lettres  écrites  en  son  nom,  de  le  faire  passer  pour  un 
conspirateur  et  de  le  faire  condamner  à  mort.  Fort  heu- 
reusement, le  bourreau  est  un  ami  d'Ahikar,  et  il  n'exé- 
cute pas  l'ordre  donné. 

Peu  après,  le  roi  d'Egypte  demande  au  roi  d'Assyrie  de 
lui  envoyer  un  homme  qui  puisse  répondre  ii  toutes  ses 
questions  et  bâtir  un  palais  dans  les  airs. 

Ahikar  seul  peut  suffire  à  cette  tâche.  11  va  en  Egypte, 
répond  aux  questions  du  Pharaon  et,  à  son  retour,  il  deman- 
de que  Nadan  lui  soit  livré.  Il  lui  fait  donner  la  bastonnade, 
afin  de  faire  entrer  la  sagesse  «  par  les  épaules  puisqu'elle 
n'avait  pu  entrer  par  les  oreilles,  »  et  il  lui  adresse  une 
seconde  série  de  maximes. 

Ces  deux  séries  de  maximes  (m,  1-95,  et  xxxin,  9G-142) 
ont  autant  d'importance  que  l'histoire  :  elles  constituent  la 
Sagesse  (V Ahikar,  par  analogie  avec  la  Sagesse  de  Snlo- 
mon  et  \a  Sagesse  de  Jésus,  fds  de  Sirach  ;    aussi   certains 


Z  HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AI.IIKAU    L  ASSYRIEN 

manuscrits  les  font  figurer  seules  clans  leur  titre  :  «  Les 
maximes  et  la  sasesse  d'Ahikar  ^.  »  Parfois  même  on  les  a 
extraites  de  l'histoire  pour  les  éditer  à  part  2.  D'autres  ma- 
nuscrits ne  mettent  dans  leur  titre  que  u  Histoire  d'A- 
hikar 2».  d'autres  enfin  :  «Histoire,  c'est-à-dire  sagesse 
d'Ahikar  *.  »  Nous  avons  choisi  comme  seul  titre  adéquat  : 
«  Histoire  et  sagesse  d'Ahikar,  » 

La  première  série  (m,  1-95)  est  toute  didactique,  pai- 
exemple  (m,  6)  :  «  Mon  fils  ne  désire  pas  la  beauté  du 
dehors,  car  la  beauté  disparaît  et  passe,  mais  une  bonne 
mémoire  et  un  bon  renom  demeurent  à  jamais.  »  Elle  s'ins- 
pire des  Proverbes  de  Salomon  et  elle  est  une  des  sources 
de  l'Ecclésiastique. 

La  seconde  a  pour  but  de  mettre  en  relief  l'ingratitude 
de  Nadan  ;  elle  ne  se  compose  presque  que  de  comparai- 
sons, que  l'on  pourrait  appeler  des  similitudes  ou  des  para- 
boles, par  exemple  (xxxiii,  109)  :  «  Mon  fils,  tu  m'as  été 
comme  un  chaudron  auquel  on  a  mis  des  oreilles  d'or  sans 
débarrasser  son  fond  de  sa  noirceur  ;  «  (xxxiii,  113):  «Mon 
fils,  tu  m'as  été  comme  un  chien  saisi  par  le  froid  qui  fut 
se  chauffer  chez  des  potiers  (ou  :  chez  des  boulangers)  et 
qui,  lorsqu'il  eut  chaud,  chercha  à  aboyer  et  à  les  mordre; 
ils  se  mirent  à  le  frapper.  Il  aboya,  et  eux,  craignant  d'être 
mordus,  le  tuèrent.  »  Cette  seconde  partie  est  apparentée 
aux  plus  anciens  recueils  de  fables  ;  elle  sert  de  trait  d'union 
entre  les  plus  anciens  apologues  —  par  exemple  :  Juges, 
IX,  8-15  ;  II  Samuel,  XII,  1-4 —  et  les  apologues  et  paraboles 
de  l'ancienne  littérature  juive,  pour  aboutir  peut-être  aux 
paraboles  du  Nouveau  Testament. 

Ces  deux  séries  de  maximes,  d'après  Clément  d'Alexan- 
drie reproduit  plus  tard  par    Eusèbe,  ont  été  apportées  de 

1.  Mss.  de  la  version  armcnienne. 

2.  Une  collection  arabe  d'où  procède  la  version  éthiopienne. 

3.  Mb.  B. 

4.  Ms.  C. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTRINES 


Babylonie  en  Grèce  par  Démocrite,  au  v^  siècle  avant  notre 
ère,  et  ont  pu  servir  de  modèle  :  les  premières  aux  pensées 
de  Démocrite  et  de  Ménandre  dont  il  nous  reste  quelques 
fragments  [i/ifra,  III,  ii),  et  les  dernières  à  quelques 
fables  ésopiques,  ce  qui  a  conduit  plus  tard  à  prêter  à 
Ésope  l'histoire  d'Ahikar  et  à  créer,  à  l'aide  d'Ahikar  et 
d'Ésope,  nn  nouveau  sage  fabuliste  qu'on  a  nommé  Loqman 
(infra,  VI). 

L'histoire  elle-même  comprend  deux  parties  :  d'abord  le 
rôle  d'Ahikar  en  Babylonie,  où  il  est  chancelier  des  rois 
Sennachérib  et  Sarhédom,  sa  chute  causée  par  Nadan  et 
la  punition  de  celui-ci  —  cette  partie  seule  a  été  utilisée 
dans  la  version  grecque  du  livre  de  Tobie  ;  ensuite  le 
voyage  d'Ahikar  en  Egypte  pour  construire  un  château  dans 
les  airs  et  résoudre  les  énigmes  que  lui  proposera  le  Pha- 
raon. Cette  dernière  partie  se  rattache  aux  plus  anciennes 
énigmes,  comme  Juges,  xiv,  12-14  :  u  Du  dévorant  est  sortie 
la  nourriture  et  du  fort  a  procédé  la  douceur  ^  ;  »  elle  a  été 
largement  exploitée  ou  même  transcrite  dans  l'ancienne 
littérature  juive. 

Ce  court  résumé,  dont  les  assertions  seront  justifiées 
dans  la  suite  de  l'Introduction,  suffit  à  montrer  l'intérêt  de 
VHistoire  d'Ahikar  qui  est  apparentée  à  tant  d'ouvrages  de 
la  Bible  et  de  la  littérature  profane. 


CHAPITRE  II 

Enseignements  et  doctrines  de  ÏHistoire  d'Ahikar. 

L'importance  du  livre  d'x\hikar  dans  l'histoire  liltéiaire 
sera  mise  en  relief  lorsque   nous  étudierons   ses  relations 

1.  La  reine  de  Saba  vient  aussi  proposer  des  énigmes   à  Sulomon. 
I  Rois,  X,  1  ;  II  Parai,,  ix,  1. 


4  HISTOIRE    ET    SAGESSE    DAHIKAR    L ASSYRIEN 

avec  Démocrite  et  INIénandre  [Introd.,  III,  ii),  avec 
Tobie  et  l'Ecclésiastique  (III,  m),  avec  le  Nouveau  Tes- 
tament (III,  iv),  avec  les  fabulistes  (VI).  Nous  nous  bor- 
nons à  résumer  ici  les  quelques  détails  historiques  et 
géographiques  que  renferme  son  histoire,  les  préceptes 
moraux  mis  en  relief  dans  ses  maximes  et  les  remarques 
linguistiques  que  nous  fournit  l'étude  des  noms  propres. 

I.  Histoire  et  géographie. 

Toutes  les  versions  connues  jusqu'ici  faisaient  d'Ahikar 
le  chancelier  du  seul  Sennachérib,  et  elles  écrivaient  que 
Sennachérib  était  fils  de  Sarhédom  (Asaihaddon)  i,  ce  qui 
est  contraire  à  la  vérité  historique  et  aux  données  du  'ivre 
de  Tobie,  car  Sennachérib  (705-681)  est  le  père  d'Asarhad- 
don  (681-668).  Cette  faute  était  exploitée,  bien  entendu, 
par  tous  ceux  qui  ne  voulaient  voir  qu'un  simple  conte  dans 
l'histoire  d'Ahikar.  Le  manuscrit  syriaque  J3  vient  par 
bonheur  nous  donner  la  clef  de  l'énigme.  Il  porte  au  com- 
mencement :  «  Lorsque  je  vivais  à  l'époque  de  Sennaché- 
rib... les  devins  me  dirent  :«  Tu  n'auras  pas  d'enfant,  »  i,  1, 
et  jdus  loin  :  «  Ahikar,  scribe  et  gardien  du  sceau  du  roi 
Sarhédom,  »  v,  6;  «de  Sarhédom  à  Ahikar,  »  vi,  2,  etc.  Il 
est  donc  clair  que  le  commencement  de  l'histoire  (adoption 
de  Nadan)  se  place  sous  Sennachérib  et  la  fin  de  l'histoire 
(trahison  et  punition  de  Nadan)  sous  Sarhédom.  Le  manus- 
crit 7i  est  donc  en  complet  accord  avec  l'histoire  et  le  livre 
de  Tobie  ^,  Mais  les  scribes,  après  avoir  lu  qu'Ahikar  était 
chancelier  de  Sennachérib,  n'ont  pas  songé  que  vingt  ans 

1.  Sarhédom  est  la  transcription  de  Asur-ah-iddin  (Asarhaddon), 
avec  cliute  de  l'aspirée  initinle. 

2.  'Ayei'xatpo;  ^v  ô  àoyiovioyào^  xal  Eut  to-j  SaxTuXi'oy  y.a'i  Sioc/.TiTTi;  xal 
à/.AOYt(TTr;;  è7Ù  SevvayripeliJ.  PaercXéw;  'Affffupîwv,  xal  xaT£0Tr,<7ev  aÔTOv  Sa^ep- 
Sovô;  èx  Se-JTÉpai;.  Tobie,  i,  22.  Cf.  Introd.,  III,  m,  a.  Ahikar  a  donc 
ëté  le  chancelier  des  deux  rois. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTRINES  O 

au  moins  se  sont  écoulés  entre  les  chapitres  i  et  ii,  1,  où 
Ahikar  met  Nadan  en  nourrice,  et  le  chapitre  ii,  3,  où  Ahi- 
kar  cède  sa  place  à  Nadan.  Ils  n'ont  donc  pas  pensé  qu'il 
avait puyavoir  un  changementde  règne,  et  ils  ont  niispartout 
Sennachérib  en  place  de  Sarhédom  pour  conformer  la 
suite  de  l'histoire  au  commencement.  Si  l'on  fait  vivre 
Nadan  une  vingtaine  d'années  i,  on  doit  placer  sa  nais- 
sance sous  Sennachérib  (aux  environs  de  l'année  690  -)  et 
sa  mort  sous  Asarhaddon  (avant  668  ^). 

Le  roi  de  Perse  et  le  Pharaon  d'Egypte  ne  sont  pas  dé- 
signés par  un  nom  propre  dans  le  manuscrit  B,  v,  5  et  7. 

La  géographie,  en  dehors  des  noms  communs  :  Perse, 
Elam,  Assur,  Ninive,  Egypte,  ne  peut  tirer  grand  parti  de 
«  la  plaine  de  Nesrin  (ou  des  aigles)  située  au  midi,  »  v, 
8  ;  VI,  2  ;  viii,  1  ;  ni  de  «  la  montagne  nommée  Sis,  » 
VI,  2,  qu'on  ne  rencontre  pas  ailleurs  et  qu'on  n'a  donc 
pas  identifiées. 

II.  Dieu. 

Dieu  est  le  Créateur,  le  Tout-Puissant,  il  punit  celui  qui 
le  délaisse,    i,   4-5,   et   celui  qui  l'accuse,  xxxiii,  134  ;   il 

1.  Il  est  censé  être  mort  jeune,  car  le  roi  dit  d'Ahikar  :  «  Je  t'ai 
fait  périr  sur  des  paroles  d'enfants,  »  xiii,  2,  et  :  «  (toi)  que  j'ai  fait 
périr  sur  les  paroles  d'un  enfant,  î  xviii,  3.  Le  mot  «  enfant  »  conve- 
nait donc  encore  à  Nadan. 

2.  Sennachérib  régnait  depuis  l'an  705,  mais,  avant  d'adopter  Na- 
dan, Ahikar  a  dû  devenir  le  chancelier  de  Sennachérib  et  s'enrichir, 
aussi  celte  adoption  semble  mieux  placée  dans  la  seconde  partie  du 
règne  que  dans  la  première,  Ahikar  avait  alors  soixante  ans,  i,  2. 

3.  Année  de  la  mort  d'Asarhaddon.  —  On  peut  tenir  compte 
aussi  de  ce  que  Tobie  a  perdu  la  vue  sous  Sarhédom  (Tobie,  i,  24  ; 
II,  11)  et  de  ce  qu'au  moment  où  il  la  recouvra,  quatre  ans  plus  lard 
(Vulgate,  XIV,  3)  ou  plutôt  huit  ans  plus  tard  (Codex  Vaticauus, 
ibidem),  Ahikar  n'avait  pas  encore  été  trahi  par  Nadan,  puisque 
tous  deux  assistaient  aux  noces  (Tobie,  xi,  20).  La  mort  de  Nadan 
se  place  donc  après  la  huitième  aniu'e  de  Sarhédom  (après  673), 
donc  entre  673  et  G68. 


6 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AlIIKAR    L  ASSYRIEN 


n'exauce  pas  le  pécheur,  xxxiii,  103-104,  ni  le  méchant, 
XXXIII,  106  ;  il  pardonne  h  ceux  qui  ont  péché,  xxxiii, 
134,  et  rend  à  chacun  selon  ses  œuvres,  xxxiii,  142  ;  il  faut  le 
prier,  m,  38,  aussi  Ahikar  l'implore,  i,  4;  xv,  3-5,  espère, 
en  lui,  XX,  2,  et  lui  attribue  sa  délivrance,  xxix,  3  ;  xxxiii 
142. 

III.  Eschatologie. 

«  Les  satans  »  sont  mentionnés,  m,  38,  49.  Nadan  sera 
puni  dans  la  géhenne,  xxxiv,  2.  L'homme  peut  «  pécher 
devant  Dieu,  wxxxiii,  100,  mais  le  mal  sera  rendu  (dans  la 
géhenne)  pour  le  mal,  xxxiv,  2.  Il  y  a  donc  une  vie  future, 
bien  qu'elle  ne  soit  pas  indiquée  avec  toute  la  netteté 
désirable. 

IV.  Préceptes  moraux. 

Il  faut  éviter  les  discordes,  m,  73,  77,  83,  85,  86,  le 
mensonge  et  le  vol,  m,  87,  l'aveuglement  du  cœur,  m,  62, 
les  péchés  de  la  langue,  m,  57,  63,  71,  les  courtisanes  et 
les  femmes  querelleuses,  m,  7,  8,  9,  14,  26,  27,  88,  92.  Il 
faut  craindre  le  maître,  ni,  43,  et  la  pauvreté,  m,  56  ;  fuir 
les  méchants,  m,  36,  81  ;  fréquenter  les  justes,  m,  13,  16, 
18,  24,  29,  30,  50,  51,  93  ;  pratiquer  la  vertu,  m,  6,  75,  et 
la  pénitence,  m,  67  ;  bien  élever  ses  enfants,  m,  32,  33, 
37,  39,  53,  59;  rendre  le  bien  pour  le  mal,  m,  28;  con- 
server les  secrets,  m,  2,  3,  70,  72  ;  compatir  aux  maux  des 
ennemis,  m,  25.  A  côté  de  cela,  on  trouve  l'éloge  de  la 
vie  de  famille,  m,  39,  et  quelques  traits  orientaux  comme 
la  polygamie,  i,  2,  les  huit  nourrices  de  Nadan,  ii,  1,  et 
les  sept  nourrices  primipares  des  deux  enfants  qui  devaient 
conduire  les  aigles,  xxv,  3.  INIentionnons  encore  l'impor- 
tance attribuée  aux  riches  et  aux  puissants,  m,  22,  43,  52, 
55,  68,  74,  79,  89,  95. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTRINES  7 

Eu  somme  l'histoire  d'Ahikar  est  bien  inféi'ieure  —  au 
point  de  vue  du  sentiment  religieux  —  à  tous  les  livres  de 
la  Bible.  Cette  remarque,  comme  nous  le  dirons,  a  conduit 
à  induire  qu'elle  était  l'œuvre  d'un  païen  ou  du  moins  une 
œuvre  païenne  légèrement  retouchée  par  un  juif. 

V.  Noms  propres. 

Les  noms  propres,  en  dehors  des  noms  bibliques,  appar- 
tiennent pour  la  plupart  à  l'onomastique  babylonienne  *. 
Les  nombreuses  formes  que  revêtent  quelques-uns  d'entre 
eux  dans  les  manuscrits  tiennent  à  l'écriture  sémitique  qui, 
sauf  en  assyrien,  laisse  les  voyelles  h  l'arbitraire  des  scri- 
bes. Elles  témoignent  de  l'antiquité  et  du  succès  du  livre, 
puisque  tant  de  scribes  ont  pu  accumuler  tant  de  fautes. 

1**  AniKAR  est  écrit  de  manière  uniforme  dans  tous  les 
textes  syriaques,  mais  dans  les  autres  versions  il  devient 
Haiqar,  Heycar,  Hicar  (arabe)  ;  Khikar  (arménien)  ;  Akyr 
et  Akyrios  (slave)  ;  Esope  (grec).  Dans  le  livre  de  Tobie 
on  trouve  'Ayj.iyapoç,  'Ayziyjxpoq,  'Ayeiayapoç,  'Ayioi,y(xp, 
'A/c'.y.ap,  'Ayiy,txpoç,  'Ayei'/.xpoz,  Achior  (V'^ulgate  et  Pes- 
chito)  2  et  Ahikar.  La  meilleure  lecture  nous  semble  être 
'Ayti/.ap  ou  'Ayv/âp,  en  français  Ahicar  ou  Ahiqar,  ce  qui 
nous  ferait  rendre  le  het  syriaque  par  k  et  lec/o/'syriaque  par 
c  ou  q.  Nous  avons  conservé  Ahikar  pour  nous  conformer 
à  1  édition  de  Cambridge  qui  a  vulgarisé  le  nom  sous  celte 
forme  ^.  A  l'occasion,  nous  employons  les  autres  formes 
dans  nos  analyses  et  citations. 

A^iikar  peut  s'expliquer  par  l'araméen  où  il  signifierait  : 

1.  Les  indications  relatives  à  l'onomastique  babylonienne  nous  ont 
été  données  par  M.  François  Martin. 

2.  De  cette  identité  de  forme  dans  la  Vulgate  et  laPeschito,  M.  Meiss- 
ner  a  conclu  que  le  texte  chaldéen  utilisé  par  saint  Jérôme  était  peut- 
être  la  Peschilo  syriaque. 

3.  Cette  édition  ajoute  cependant  un  point  sous  la  lettre  k. 


8  HISTOinE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

«  Le  frère  cher  »  ou  chose  analogue;  par  exemple,  en  sup- 
posant un  redoublement  du  yod  (forme  suggérée  par  le 
grec  'A-/i7/.apcç),  on  pourrait  traduire  :  «Mon  frère  (m')  est 
cher  1.  10  Mais  cette  formation  se  rencontre  avec  le  même 
sens  parmi  les  noms  propres  assyriens  ou  babyloniens. 
Ainsi  on  trouve  à  l'époque  môme  des  Sargonides,  Abi-ia" 
qai\  «  Mon  père  m'est  cher,  »  Harper,  Assi/rian  and  baby- 
lonian  Letters,  t.  viii,  Londres,  1902,  n.  774,  çerso,  lig.  11, 
peut-être  même  notre  Ji-hi-ia-rjar.  VoirRanke,  Earhj  Baby- 
lonian  personal  Naines,  Philadelphia,  1905,  p.  251  ; 
Johns,  Assyt-ian  DeeJs  and  Documents,  Cambridge,  1901, 
t.  m,  p.  114.  Ahikar  était  fils  d'Anaël,  frère  de  Tobic 
(Tobic,  I,  21);  il  fut  chancelier  d'abord  de  Sennachérib, 
puis  de  Sarhédom. 

2°  Nadax,  écrit  aussi  Anadan  (slaA^e)  et  Nathan  (armé- 
nien), se  trouve  dans  le  livre  de  Tobie  sous  la  forme  Naoa[j. 
d'où  sont  dérivés  'A^i[j.  -  et  Naoaô  ^.  De  plus  le  Sinai- 
ticus,  à  côté  de  Naoao,  donne  Na6ao  et  le  Vaticanus,  à  côté 
de  Aoaix,  donne  Na^oaç.  On  trouve  de  plus,  dans  les  versions 
latines,  Nabal  (que  l'on  peut  tirer  paléographiquement  du 
grec  Na6ao  à  moins  que  ce  ne  soit  une  mauvaise  transcrip- 
tion du  latin  Nabat),  puis  Nabath  et  Nabad  et,  dans  les  ver- 
sions syriaques,  'AcabetLaban  qu'on  peut  aussi  faire  dériver 
paléographiquement  de  Nadab  et  Nadan  (par  mauvaise 
lecture  du  d  écrit  en  estranghélo,  le  noun  devenant  aïn  ou 
loniad).  Le  grec  porte  Ennos  *.  La  forme  primitive   semble 

1.  M.  Veller  propose  «  mon  frère  est  un  bijou  »,  analogue  à  Al.ii- 
lioud  «  mou  frère  est  gloire  »  et  Ammihoud  «  mon  oncle  est  gloire  ». 

2.  inoir^ire  Naôâp.  est  devenu  ÈTtotriasv  '.\.6â;j.. 

o.  Dans  les  manuscrits  minuscules,  p  et  [j.  s'écrivent  de  la  même 
manière  hors,  pour  le  \j.,  une  petite  ligature  avec  la  lettre  précédente. 
Inutile  de  dire  que  nos  manuscrits  en  ouciales  comme  le  Shiaiticus 
peuvent  dériver  de  manuscrits  écrits  en  minuscules. 

4.  Peut-être  pourrait-ou  supposer  que  Maxime  Plauude,  ou  l'auteur 
de  la  version  grecque,  a  voulu  rendre  Adam  qui  signifie  souvent 
t  homme»  par  Enosch  (Ennos)  qui  a  le  même  sens.  Voir ////Va,  IV,  viii. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTUINES 


bien  être  Nadan,  de  la  racine  assyrienne  naddnv,  «  don- 
ner» *,  forme  analogue  au  nom  propre  Na-ta-an,  de  natdnu 
qui  signifie  également  «  donner  »,  que  présente  l'onomas- 
tique néo-babvlonienne.  Il  est  possible  aussi  que  cette 
forme  ait  été  Nadin,  nom  babylonien  qui  revient  assez 
fréquemment,  et  qu'elle  ait  été  altérée  en  Nadan,  comme 
Nabn-zér-iddin  eu  Nabuzardan.  Voir  Tallquist,  Neiibahy- 
lonisches  Namenbacli,  Helsingfors,  1905,  p.  156  et  320. 

3"  Nabouzardan  ",  nom  du  jeune  frère  de  Nadan  (infra^ 
V,  1),  est  écrit  en  arabe  Benouzardan,  par  permutation  des 
deux  premières  consonnes.  C'est  un  nom  babylonien  bien 
connu  Nahû-zêr-iddin ,  «  Nabii  a  donné  un  rejeton  »,  litté- 
ralement ((  une  race  »,  voir  II  Rois,  xxv,  8  ;  Jérémie,  xxxix, 
9,  LU,  12  ;  Johns,  Assyriaii  Deeds  and  Documents^  Cam- 
bridge, 1901,  t.  III,  p.  574,  col.  b. 

4"  EsFAGNi,  nom  de  la  femme  d'Ahikar,  est  écrit  de  la 
même  manière  dans  la  plupart  des  textes  arabes  ;  la  traduc- 
tion de  Cliavis  et  Cazotte  [Cabinet  des  fées,  t.  xxxix, 
p.  260  sq.)  porte  cependant  Zéfagnie.  Cette  modification 
est  sans  importance,  mais  on  remarquera  que  le  rôle 
d'Esfagni,  assez  terne  dans  toutes  les  versions,  où  elle  se 
borne  à  exécuter  quelques  ordres  d'Ahikar,  est  capital  dans 
la  version  de  Cliavis  et  Cazotte  ^.  Ici  Zéfagnie  est  la  sœur 
de  Sarhédom,    père   de  Sennachérib  '*,  elle  préserve  plu- 

1.  D'après  M.  Halévy,  dans  la  Revue  sémitique,  l'.lOO,  p.  57, 
note  3,  Xadan  serait  un  mot  persan  qui  signifierait  «  sot  »,  «  insen- 
sé j.  Nous  croyons  plus  raisonnable  d'admettre  la  présence  de  la 
racine  sémitique  lUidânu  si  employée  dans  les  noms  propres. 

2.  Manque  dans  le  slave.  Est  devenu  «  Baudan  o«  Boudan  î  dans 
l'arménien  (p.  37). 

3.  C'est  une  édition  des  Mille  el  une  nuits. 

4.  Nous  avons  dit  que  toutes  les  versions  (hors  le  ms.  B)  commet- 
tent cet  anachronisme.  Il  semble  qu'une  mauvaise  coupure  de  Tobic, 
I,  22,  et  II,  1,  pouvait  faire  croire  qu'Ahikar  était  parent  du  roi,  car  dans 
La  sainte  Bible,  éd.  Lethiolleux,  Taris,  1880,  nous  lisons  la  traduction 
suivante,  en  note  deTobie,  i,  25  :  «  Car  Achicharus  était  grand  échan- 


10  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYKIEN 

sieurs  fois  Ahikar  delà  disgrâce,  elle  le  réconforte  lorsque 
l'ingratitude  de  Nadan  l'accable,  c'est  elle  qui  a  l'idée  de 
sauver  la  vie  à  Ahikar,  car  c'est  elle  qui  a  jadis  sauvé  la  vie 
h  celui  dont  dépend  alors  le  sort  de  son  mari.  C'est  encore 
elle  qui  amène  Sennachérib  au  repentir  et  lui  annonce 
qu'Ahikar  est  vivant  ;  elle  accompagne  son  mari  en  Egypte 
et  dirige  <l  du  haut  d'une  tour  »  le  vol  des  aigles  et  des 
enfants  qui  doivent  construire  un  château  dans  les  airs. 
L'auteur  de  cette  rédaction  des  Mille  et  une  nuits  le  fait 
d'ailleurs  remarquer  lui-même^  car  tandis  que  Schariar  est 
surtout  intéressé  par  les  aventures  chez  Pharaon,  Dinar- 
zade  dit  h  Schéhérazade  :  c  Vous  avez  peint,  ma  sœur,  une 
femme  pour  laquelle  j' ai  conçu  tant  d  estime  que  je  n'ai  pas 
été  curieuse  de  vous  demander  son  âge  et,  m'auriez-vous 
dit  qu'il  était  fort  avancé,  je  pense  que  je  l'aurais  oublié 
tant  je  la  trouvais  belle,  noble  et  imposante.  »  Dans  l'ar- 
ménien, ce  nom  est  devenu  Abestan  et  Arphestan  '^. 

M.  Halévy  -  rapproche  ce  nom  de  V Asphenez  de  Daniel, 
I,  3,  qui  signifie  en  persan  ((  hôte,  hôtelier  ».  On  pourrait 
le  rapprocher  aussi  de  Hasbadana^  de  Néhémie,  viii,  4. 
Mais  si  ce  nom  appartient  au  récit  primitif,  il  est  fort  pos- 
sible qu'il  ne  soit  qu'un  nom  babylonien  altéré  par  les 
scribes.  Nous  relevons  dans  l'onomastique  babylonienne 
des  formes  qui  en  contiennent  les  principaux  éléments, 
telles  :  Asgandii^  Pa-qa-ana-Arhail,  Sapik,  As-pi-e. 
Voir  Tallquist,  Neubahylonisclies  Namenhuch,  Helsingfors, 
1905,  p.  306,  327,  etc.  Il   se  peut  qu'il  ait  été  à  l'origine 

son,  garde  du  sceau  et  ministre  de  la  comptabilité  et  des  finances 
sous  Sennachérib  roi  des  Assyriens,  et  Sacherdon  l'établit  le  premier 
(de  son  royaume)  après  lui.  Mais  //  était  mon  cousin^  mon  parent  et 
aussi  parent  du  roi.  t  C'est  à  rapprocher  de  la  version  arabe  des 
Mille  et  une  nuits  qui  fait  d'Ahikar  le  parent  du  roi  par  sa  femme 
Esfagni.  Caussin  de  Percerai  écrit  Shagfatni. 

1.  Manque  dans  le  slave. 

2.  Revue  sémitique,  1900,  p.  57  sq. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTRINES  11 

composé,  comme  beaucoup  d'autres,  de  plusieurs  éléments 
par  exemple  de  sapik,  «  il  a  versé  »,  en  tête,  et  d'un  autre 
élément  altéré  ;  ou  de  iikin,  «  il  a  établi»  à  la  fin,  dont  le 
sujet  et  le  régime  auraient  disparu.  Cf.  Samaè-sjim-iikin. 
Voici  donc  la  généalogie  qui  nous  est  fournie  par  les 
livres  de  Tobie  et  d'Ahikar. 

Tobiel 


1 
Anaël 

1 

1 

Tobit  (Tobie)         Anne 

(ép.  de  Tobie) 

1 

1 

Al.i 

ikar 

(ép. 

Esfagni 
,  d'Ahikar) 

sœur  d'Ahikar 
1 

N 
(fih 

1                            1 
adan              Nabouzardan 

s  aîné)             (fils  cadet) 

Ajoutons,   comme   complément,   la  liste  des  rois  de  Ni- 
nive,  contemporains  de  Tobie  et  d'Ahikar  : 
Salmanasar  IV,  727-722 

Sargon,  722-705 

Sennachérib,  705-681 

Asarhaddon,  681-668 

Assurbanipal,  668-626 

5"  Nabousemak,  nom  du  bourreau,  d'où  les  formes 
dérivées  ou  corrompues  Abousemak,  Ibn  Samik  (syriaque 
C  et  arabe)  ;  Abousomeika  (trad.  Agoub)  ;  Abousmaq 
(arménien)  ^. 

Nabousemak  est  un  nom  judéo-babylonien  2,  peut-être 
analogue  à  l'Ahisemak  de  TExode,  xxxf,  6,  xxxv,  34  ;  il 
signifierait  «  Nabû  appuie  »,  en  assyrien  Nabû-sdmik  ;  cf. 
le  nom  propre  Sa/naku  dans  .lohns,  Assyrian  Deeds  and 
Documents^  Ca  mbridge,  1901,  t.  m,  p.  566,  col.  h.  Ilsepeut 

1.  Manque  dans  le  slave. 

2.  Cf.  Noms  théophoies  en  Assyrie  à  Vépoque  des  Sargonides,  dans 
la  Revue  de  l'histoire  des  religions^  t.  liv,  n.  1  (1906),  p.  57. 


12  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR    l'aSSYRIEX 

aussi  qu'il  ne  soit  qu'une  altération  de  la  forme  très  con- 
nue Nabn-Hum-ukin,  ((  Nabii  a  établi  un  fils  »,  littérale- 
ment «  un  nom  ». 

Le  grec  remplace  ce  nom  par  Hermippos.  C'est  peut- 
être  encore  une  sorte  d'équivalent,  car  Hermès  =  Xabii, 

6"  Abikam,  nom  que  prit  Ahikar  en  Egypte,  est  quelque- 
fois écrit  Ahikam  dans  B.  C'est  un  nom  araméen.  Ou  le 
trouve  dans  les  contrats  assyriens,  mais  à  une  époque 
(vu"  siècle  et  au-dessous)  où  les  Araméens  étaient  très  répan- 
dus en  Assyrie,  sous  la  forme  Wba-qdme  ou  'Iba-qdme;  cf. 
la  forme  analogue  Ahi-iaqdmu  et  Ahi-iqâmii^  Jolins,  Assy- 
riaii  Deeds  and  Documents,  t.  m,  p.  492  et  549.  Il  signifie  : 
a  Mon  père  s'est  relevé  )).  La  forme  analogue  Ahikam,  qui 
se  troive  aussi  II  Rois,  xxv,  22,  et  Jérém.  xxxix,  14;  xl,  5, 
signifie  :  «  Mon  frère  s'est  relevé  ï). 

7°  Nabouhail,  écrit  aussi  'Oubâil,  est  un  nom  babylonien 
qui  signifie  :  «  Nabû  est  puissant  )),  ou  peut-être  :  «  Nabû 
est  (ma)  force  ».  Cf.  Nabâ-hi-U-ildni^  a  Nabû  est  la  force 
(ou  :  le  plus  puissant)  des  dieux»,  Muss-Arnolt,  Assrjrisch- 
engliscli  deiitsches  Hand^voerterbuch,  Berlin,  1905,  p.  312, 
col.  a,  et  Ita-il-llu,  dans  Ilarper,  Assijrian  and  babylonian 
Lettcrs,  t.  V,  Londres,  1900,  n.  524,  recto,  ligne  2. 

8"  Tebsalotjm  :  ce  nom  (comme  le  précédent),  d'après 
M.  R.  Harris,  serait  une  interpolation  parce  qu'il  manque 
dans  l'arménien  et  le  slavon.  Il  le  rapproche  de  Dabshalim 
qui  figure  dans  Kalilah  et  Dimnah  et  lui  attribue  donc  aussi 
une  origine  hindoue  ^  Cependant  il  doit  suffire  que  ces 
noms  figurent  dans  le  syriaque  et  son  dérivé  l'arabe,  puis- 
que ces  versions  représentent  au  mieux  l'original  et  sont 
vraisemblablement  la  source  de  toutes  les  autres.  Rien  de 
plus  connu  d'ailleurs  que  les  racines  sémitiques  tob  et  sa- 
liim,  eu  assyrien  Tdb-snlmii^  «  Il  est  bon  le  salut  »  ;  cf.  le 
nom    propre    Tdb-cfir  Asur,    «  Elle    est    bonne    la   protec- 

1.  lid.  de   Cîimbiidgc,  p.  xxxv. 


ENSEIGNEMENTS    ET    DOCTRINES  13 

tion  d'Assur  »,  Tallquist,  NenbahyloniscJies  Namenbnch, 
Ilelsingfors,  1905,  p.  317,  col.  a.  Ici  le  nom  de  la  divinité 
doit  être  sous-entendu  :  «  Il  est  bon  le  salut  »  (donné  par 
tel  dieu  —  ou  —  par  les  dieux). 

9"  Nacouel  est  un  nom  babylonien  qui  signifie  «  Nabù 
est  Dieu  )).  On  trouve  les  altérations  Nebouhal,  Nabouhal, 
Nagoubil,  dans  l'arabe  et  le  slave,  Bèliar  dans  l'arménien. 
10°  Aki  ^,  fils  de  Hamsélim  -,  (en  arabe  Anis,  fils  de 
Sah  le  sage),  est  à  rapprocher  d'yl/i/.^,  I  Samuel,  xxi,  11; 
xxvii,  2.  On  ne  connaît  d'ailleurs  aucun  roi  de  Perse  de  ce 
nom.  Halévy  pense  qu'il  faut  lire,  au  lieu  de  Aki^  AkJiash, 
«  visiblement  abrégé  de  r-4//rt6r/i(i'e/-05/i  (Hshayarsha),  Xerxès, 
des  derniers  livres  de  la  Bible  ;  »  Revue  sémitique,  1900, 
p.  57. 

11°  Manzifar,  nom  du  prisonnier  immolé  à  la  place 
d'Aliikar.  Il  est  plus  probable  encore  que  pour  ]*]sl"agni 
que  ce  nom  est  une  altération  d'un  nom  babylonien,  qui  se 
terminait  probablement  ^îarapal,  «  fils  »,tel  que  Marduk- 
nasir-apal,  ou  Munazziz-apal,  «  Il  a  établi  un  fils  »  ;  cf. 
Nabâ-zêr-munazziz,  «  Nabù  a  établi  un  rejeton  »,  Jolins, 
Assyrian  Deeds  and  Documents,  Cambridge,  1901,  t.  m, 
p.  5G4.  La  forme  arménienne  Senifar  suggérerait  un  rap- 
prochement avec  Asnafar  de  I  Esdras,  iv,  10,  que  certains 
assyriologues  identifient  avec  Assurbanipal  ;  v.  Schradcr, 
Die  Keilinschriften  und  das  Alte  Testament^  3®  édition, 
Berlin,  1902,  p.  351. 

Ces  noms  babyloniens  et  bibliques  sont  autant  de  mar- 
ques personnelles  h  l'auteur,  conservées  à  travers   les  tra- 


1.  Avec  caf. 

2.  Ce  nom  manque  dans  B.  Le  slave  (p.  12)  porte  e  au  roi  Nalon  > 
et  «  Nalon,  roi  de  Perse.  »  Le  syriaque  porte  :  e  au  roi  de  Perse  et 
d'Elani.  »  Nous  ne  pouvons  expliquer  ce  mot  que  par  une  corruption 
du  syriaque  «  Elam.  ï  h'aïii  initial  a  été  lu  comme  un  noun  et  a  don- 
né c  au  roi  de  Perse   Nélom  >  (d'où  Nalon). 


14 


HISTOIHE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


ductions  ;  elles  nous  permettront  donc  d'avance  r  que   cet 
auteur  était  un  Juil  babylonien. 

Nous  n'avons  pas  mentionné  les  noms  particuliers  à  la 
version  arménienne  parce  que  ce  sont  probablement  des 
interpolations  : 

Dès  le  commencement  (p.  24),  Ahikar  prie  les  dieux 
BeUim,  Simil  et  Samin.  Le  premier,  le  Bilelsanani  des 
Mille  et  une  nuits,  est  un  dieu  phénicien  :  Baal-Samaïni,  ou 
Baal  du  ciel.  Les  autres  ne  se  trouvent  pas  ailleurs,  du 
moins  sous  cette  forme.  Samin  n'est  peut-être  qu'une 
simple  abréviation  de  Baal-Samaïm,  peut-être  aussi  le 
nom  d'une  autre  divinité  phénicienne,  Esmoun.  qu'on 
trouve  sous  la  forme  Samuna  dans  le  nom  propre  assy- 
rien Sa-mu-na-aplu-iddin,  voir  Johns,  An  Asstjria?i  Doonis- 
day  Book^  Leipzig,  1901,  p.  75. 

Enfin  Simil  cache  sans  doute  une  altération  que  nous 
ne  pouvons  découvrir  pour  le  moment.  L'explication  «  Dieu 
du  ciel  »  n'est  guère  plausible  à  cause  de  l'interversion 
qu'elle  suppose.  D'un  autre  côté,  il  est  peu  probable 
que  nous  ayons  ici  la  divinité  babylonienne  Simaliya  ; 
voir  Zimmern,  Beitruge  zur Kenntnis  der  babylonisclien  Re^ 
ligion,  t.  I,  Leipzig,  1896,  p.  8,  ligne  139. 

Plus  loin  (p.  35)  Houday  et  Baliayn,  fils  du  roi,  interro- 
gent Ahikar  qui  leur  répand  :  «  Il  y  a  quatre  choses  qui 
réjouissent  l'œil  de  l'homme,  »  etc.  Comme  l'a  fait  remar- 
quer M.  Rendel  Harris,  p.  lv,  ce  passage,  propre  à  l'ar- 
ménien, peut  dériver  de  Prov.,  xxx,  où  Agur  s'adresse  à 
Ithiel  et  Ucal  ^  et  leur  dit  en  particulier  :  (15)  «  Trois  choses 
sont  insatiables  et  la  quatrième  ne  dit  jamais  c'est  assez, 
etc.  (24).  Quatre  choses  sont  minimes  sur  la  terre,  etc.  » 

1.  Saint  Jérôme  a  traduit  tous  ces  noms   propres  ;  ainsi  «  P;iroles 
(l 'Agur  3)  est  devenu  dans  la  Vulgate  :   «Yerba  congregantis  »,  etc. 


LE     PROBLÈME    LITTÉRAIHE  15 

CHAPITRE  III 

Le  problème  littéraire. 

I.  Ahikar  dans  la  littérature  moderne. 

1.  De  nombreuses  éditions  de  V Histoire  d' Ahikar  ont  été 
publiées  depuis  près  de  200  ans  et  ont  passé  inaperçues. 
Citons  les  éditions  de  la  version  arménienne  publiées  en 
1708,  1731,  1807,  1834,  1850  et  1861  et  celles  des  supplé- 
ments des  Mille  et  une  nuits ^  par  exemple  dans  le  Cabinet 
des  fées,  t.  xxxix,  Genève  et  Paris,  1788,  p.  266-3G1,  Le 
récit  a  pour  titre  :  Histoire  de  Sinkarib  etde  ses  deux  visirs, 
et  diffère  beaucoup  des  diverses  versions  publiées  à  Cam- 
bridge. En  général  l'édition  du  Cabinet  des  fées  allonge, 
imagine  des  dialogues,  amplifie  le  rôle  de  la  femme  d'Ahi- 
kar  ;  les  proverbes  cependant  sont  moins  nombreux  que 
dans  les  autres  éditions  et  souvent  sont  nouveaux.  On  n'a 
pas  signalé  jusqu'ici  de  manuscrit  arabe  correspondant  et 
on  ne  sait  donc  jusqu'à  quel  point  ces  divergences  dépen- 
dent du  manuscrit  on  du  traducteur.  Une  nouvelle  traduc- 
tion a  été  donnée  dans  l'addition  ajoutée  par  M.  Caussin 
de  Perceval  à  l'édition  des  Mille  et  une  nuits  publiée  à 
Paris  en  1806,  t.  vm,  p.  167-221,  d'après  le  ms.  oOol  de 
Paris  1. 

1.  La  bibliographie  de  Haïqdr  comme  partie  des  Mille  et  une  nuits 
se  trouve  dans  Victor  Chauvin,  Bibliographie  des  ouvrages  arabes 
ou  relatifs  aux  Arabes  publiés  dans  l  Europe  chrétienne  de  ÎSIO  à 
Î885,  tome  vi,  Liège,  1902,  p.  36-43.  Cf.  lorae  m,  p.  39-41,  D'après 
celte  bibliographie,  voici  la  place  de  notre  récit  dans  les  éditions  des 
Mille  et  une  nuits  :  Chavi»  et  Cazotte  [Cabinet  des  Fées),  t.  xxxix, 
p.  266  ;  llanley,  Londres,  1868,  p,  143-165  (Caliphs  and  Sultans)  ; 
Caussin  de  Perceval,  Paris,  1806,  t.  vm,  p.  167;  Gaultier,  Paris,  1822, 
t.  VII,  p.  313  ;  Habicht,  Breslau,  1825,  t.  xni,  p.  71  ;  Pourrai,  Paris, 
1842,  t.  IV,  p.  61  ;  Burlon,  Bénarès  et  Londres,  18  85,  t.  xii,  p.  1  ; 
Heuning,  Leipzig,  1895  (d'après  Burlon). 


IG 


IlISTOinE    ET    SA(;iîSSI':    d  aiiikar    l  assyiukn 


2.  Une  troisième  traduction  française  crun  texte  arabe  fut 
faite  par  J.  Agoub,  né  au  Caire  le  20  mars  1795,  venu  en 
France  à  la  suite  de  l'armée  d'Egypte  et  mort  le  3  octobre 
1832.  Celte  traduction  parut  d'abord  dans  l'édition  des 
Mille  et  une  nuits  d'Edouard  Gauttier,  t.  vu,  Paris,  1822, 
p.  313.  Cette  œuvre  ne  peut  malheureusement  nous 
donner  aucune  idée  précise  de  l'original  arabe  dont  elle 
découle,  car  l'auteur  a  plutôt  visé,  semble-t-il,  à  donner 
nue  rédaction  personnelle  qu'une  traduction.  11  écrit  dans 
une  note  finale  :  «  J'ai  traduit  ce  conte  sur  deux  manus- 
crits arabes  que  j'ai  corrigés  et  complétés  l'un  par  l'au- 
tre. »  La  rédaction  d'Agoub  est  divisée  en  nuits  et  forme 
ainsi  les  nuits  561  à  568.  Cette  même  rédaction,  hors  la 
division  en  nuits,  a  été  reproduite  dans  Mélanges  de  litté- 
rature orientale  et  française  par  J.  Agoub,  avec  une  notice 
sur  l'auteur  par  M.  de  Pongerville,  de  l'Académie  française, 
Paris,  1835,  p.  61-119,  sous  le  titre  :  Le  sage  Ileycar, 
conte  arabe  ^.  Des  éditions  soignées  allaient  heureusement 
être  bientôt  données. 

3.  Assémani  avait  déjà  signalé  la  relation  qui  existe  entre 
les  histoires  d'Esope  et  d'Ahikar  :  De  Hicaro  eadeni  fere 
narrantur  quie  de  JEsopo  Phryge  [Bibliotheca  orientalis, 
t.  m,  p.  286;  cf.  t.  II,  p.  508).  Mais  G.  Holïmann  semble 
avoir  été  le  premier  à  rapprocher  les  histoires  d'Ahikar  et 
de  Tobie,  dans  Abhandlungen  fi\r  die  Kunde  des  Mo/gen- 
landes,  t.  vu,  p.  3,  Ausziige  aus  Syrischen  Akten persischer- 
Mdrtyrer,  Leipzig,  1880,  p.  182-183.  Il  ne  connaît  de  cette 
histoire  que  le  feuillet  syriaque  conservé  dans  le  manuscrit 
de  Londres,  add.  1200  (publié  dans  l'édition  de  Cambridge, 
p.  33-36)  ;  il  mentionne  des  manuscrits  carchounis  signa- 
lés dans  deux  catalogues,  mais  ne  dit  pas  les  avoir  vus.  Il 
ne  semble  donc  pas    connaître   le  fond  du  récit,   mais  la 


1,  Cette  traduction  a  aussi  paru  sous  ce  titre  à  part,  Paris,  Didot, 
4824,  ia-8,  41  pages. 


LE    PUOr.LÈME     I.ITTÉR\IHE  17 

version  syriaque  lui  donnant  la  forme  Ahikar  an  lieu  de 
Tariibe  Heykar,  lui  fait  reconnaître  dans  le  héros  de  cette 
histoire  r'Aysi/.ap  du  livre  de  Tobie.  G.  Hoffmann,  dans  ce 
passage,  se  propose  de  mettre  en  relief  le  mélange  des  noms 
propres  bibliques  dans  les  légendes  monacales  et  même 
dans  la  géographie  de  l'Assyrie,  il  suppose  donc  qu'un 
clerc  syrien  a  emprunté  le  nom  d'Ahikarau  livre  de  Tobie 
pour  l'introduire  dans  un  ancien  conte.  G.  Bickell  soutient 
au  contraire  [Al/ienxiim,  t.  ii,  1890,  p.  170),  que  le  livre 
de  Tobie  est  postérieur  à  V Hisluire  d' Ahikar,  car  ce  der- 
nier ne  fait  aucune  allusion  au  premier  et  se  trouve  être  en 
somme  un  livre  assez  peu  religieux,  qu'un  clerc  syrien 
n'aurait  jamais  écrit  sous  cette  forme. 

4.  Dans  la  Bijzantinisclie  Zcitscluifl,  t.  i,  1892,  p.  107- 
l2o,  V.  liigic  publie  une  traduction  allemande  de  l'an- 
cienne version  slave  faite,  dit-il,  sur  un  texte  grec,  bien  que 
le  fond  soit  d'origine  orientale  ^.  De  l'ancien  slave  dérive, 
selon  lui,  une  version  serbe  découverte  en  1886,  à  Moscou, 
par  E.  V.  Barsov.  Par  contre,  d'autres  rédactions  sud- 
slaves  et  serbes  présentent  tant  de  différences  avec  les 
précédentes,  surtout  dans  les  sentences,  qu'on  ne  peut  les 
faire  dériver  d'une  même  source,  INI.  lagic  dit  avoir  publié 
ces  dernières  (texte  serbocroate  en  particulier)  en  1808 
dans  le  t.  ix  des  Arkw  za  povjestaicii  jugoslcn>ensku . 
M.  Vj .  Kuhn,  dans  un  article  qui  suit  immédiatement  celui 
de  V.  lagic  [Ihjz.  ZcUsclirlft,  1892,  p.  127-130),  lui  ajoute  de 
nombreux  compléments  bibliographiques. 

5.  Dans  la  Zeilschrifl  dcv  Dentschen  Mori^enl.  Gesell- 
scliafl,  t.  xi.viii,  1894,  p,  171-197,  M.  Bruno  Meissner 
compare  d'abord  le  texte  arabe  publié  par  Sàlhânî,  Contes 
arabes,  Beyrouth,  p.  1-20,  à  la  traduction  des  Mille  et  une 
nuits,  c'est-à-dire  à  la  traduction  Agoub,  car  la  note  citée 
pwr  lui,  qui  figurerait   au  t.  xiii,  p.    294,   de  l'édition  alle- 

1.  Cf.  infra,    IV,   vu. 


18  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR    l'aSSYHIEN 

mande  des  Mille  et  une  nuits,  n'est  autre  que  la  note  finale 
d'Agoub.Il  signale  ensuite  les  divers  manuscrits  syriaques 
de  V Histoire  dWhikar.  En  particulier  il  utilise  le  manuscrit 
Sacliau  336  que  nous  allons  traduire. 

lî  croit  pouvoir  conclure  que  le  grec  conservé  dans  la 
vie  d'Esope  est  antérieur  au  syriaque  et  à  l'arabe.  Du  moins 
les  noms  propres  montrent  que  l'arabe  provient  du  syria- 
que. La  fin  de  l'histoire  par  contre,  qui  n'a  plus  de  texte 
grec  parallèle,  semble  provenir  de  sources  orientales  et 
serait  un  écrit  judaïque,  antérieur  au  livre  de  Tobie.  Enfin, 
M.  Meissner  rapproclie  de  VHistoire  cVAhikar  divers  pas- 
sages des  Targums  hébreux  que  nous  signalerons  en  note. 

6.  Cette  même  année,  1894^  M.  Lidzbarski  publiait  en 
aulograpbie  un  texte  arabe  et,  en  face,  sur  la  pnge  de  gau- 
che, un  texte  en  dialecte  néo-syriaque  (Torani),  qu'il  don- 
nait comme  la  traduction  du  précédent,  d'après  le  manus- 
crit Sachau  539  (cf.  Verzeicliniss  der  ST/rischen  Handschrif- 
ten,  Berlin,  1899,  n.  290,  p.  815).  Il  est  certain  d'ailleurs 
que  le  texte  arabe  diffère  du  texte  de  l'édition  de  Cambridge 
et  que  le  tex'e  néo-syriaque  diffère  du  texte  syriaque  du 
manuscrit  ,9.56  que  nous  allons  traduire.  L'année  suivante, 
M.  Lidzbarski  publia  la  traduction  de  cette  Histoii-e  d'AJii- 
kar  et,  dans  un  troisième  volume,  un  glossaire  néo-syria- 
que Ces  trois  volumes  ont  paru  dans  Semitische  Studien  : 
Ergânzungshefl  zur  Zeilschrift  fur  Assyriologie,  Die  neua- 
ramàisclien  Handschriften  der  kôniglichen  Bibl.  zu  Berlin, 
crster  Teil,  Weimar,  1894;  zweiter  Teil  (Ahikar,  p.  1-41) 
und  drilter  Teil,  Weimar,  1895. 

La  traduction  allemande  de  M.  Lidzbarski,  parue  dans 
la  seconde  partie  ci-dessus,  fut  encore  reproduite  l'année 
suivante  dans  Geschichlen  und  Lieder  aus  den  neu-aramciis- 
chen  Handschriften  der  kôniglichen  Bibliothek  zu  Berlin, 
von  Mai  k  Lidzbarski,  Weimar,  1896.  Comme  les  deux  tra- 
ductions sont  identiques  et  que  les  pages  elles-mêmes 
coînmencent  et  finissent  au  racme  mot,  nous  n'avons  donc 


LE    PROBEÈAfE    LITTERAIRE  19 

en  somme  que  deux  tirages  d'une  même  traduction.  Elle  a 
pour  titre  :  Geschicltte  des  \veisen  Chikar. 

Entre  temps,  M.  M.  Lidzbarski  avait  encore  publié  un 
court  article  dans  la  Zeitschrift  der  Deiitschen  Morgenlûn- 
dischen  GesellscJwft,  t.  xlviii,  p.  671-675,  en  réponse  à 
M.  B.  Meissncr,  pour  mettre  son  texte  arabe  en  relief  et 
dire  que  le  livre  d'Ahikar,  écrit  avant  le  livre  de  Tobie, 
l'avait  été  en  hébreu,  plus  probablement  qu'en  ffrec, 

7.  M.  E.  J.  Dillon  publia  une  traduction  faite  sur  les  ma- 
nuscrits syriaques  de  Londres  et  de  Cambridge  (/>  et  C)  en 
tenant  compte  cependant  de  la  traduction  de  M.  Lidz- 
barski à  laquelle  il  fit  quelqtics  emprunts,  cf.  Ahika?-  tlie 
wise.  An  ancient  Jœbrew  folkstory,  dans  The  contemporary 
Review^  mars  1898,  p.  362-386.  D'après  lui,  les  Hébreux 
du  second  siècle  avant  notre  ère  lisaient  Ahikar  comme  une 
histoire  véritable,  aussi  bien  qu'Esther  et  Tobie,  et  c'est 
merveille  que  ce  livre  n'ait  pas  été  inséré  dans  leur  canon. 
A  l'en  croire,  «  le  livre  d'Ahikar  est  un  conte  juif  composé 
en  hébreu  au  m"  siècle  avant  notre  ère  et  traduit  plus  tard 
en  araméen.  )>  Il  ne  paraît  connaître  ni  le  passage  de 
Clément  d'Alexandrie  ni  celui  de  Strabon  et  ne  semble 
donc  pas  soupçonner  que  le  conte  du  m®  (ou  du  iv^j  siècle 
avant  notre  ère  présuppose  un  recueil  de  maxiuKs  et  une 
histoire  qui  peuvent  remonter  au  vu".  Sa  traduction,  divi- 
séic  en  cinq  chapitres,  a  été  mise  en  hébreu  par  Joseph 
Massel.  Cf.  infra,  IV,  x. 

8.  Après  ce  travail  parut  aussitôt  la  belle  édition  de 
Cambridge  {The  S  tory  of  Ahikar  froin  tlie  Syriac,  Arabie, 
Armenian,  Ethiopie,  Greek  and  Sla^'onie  versions,  by  F.  C. 
Conybeare,  J.  Rendel  Harris  and  Agnes  Smilh  Lewis,  Lon- 
dres et  Cambridge,  1898),  qui  renferme  le  texte  greo  lire 
de  la  vie  d'Esope  ^,  le  texte  et  la   traduction   anglaise   i\ç^ 

1.  On  trouve  la  Iraductiou  franç.nise  de  ce  texte  faite  par  I.a  Fon- 
taine,dans  ;  Les  grands  écrivains  de  la  France,  oeuvres  de  La  Fontaine 


20  HISTOIIIE    ET    SAGESSE    d'aiIIKAR    l'aSSYIIIEN 

versions  arménienne,  syriaque  et  arabe  et  enfin  la  traduc- 
tion anglaise  des  versions  slave  ^  et  éthiopienne  avec  une 
longue  introduction  (i-lxxxviii)  par  J.  Rcndel  Harris. 

9.  Cette  édition  provoqua  de  nouvelles  études.  Dans 
la  Réunie  biblique,  t.  viii,  1899,  p.  50,  M.  E.  Cosquin 
développa  avec  brio  une  idée  assez  paradoxale.  Il  ne  vit 
dans  Ahikar  qu'un  vieux  conte  populaire  répandu  même 
dans  l'Inde,  d'origine  polythéiste,  adapté  maladroitement 
au  monothéisme,  et  ne  renfermant  donc  aucun  élément 
historique  ^  : 

«  L'histoire  du  sage  Ahikar  est  au  fond  un  arrangement,  Ij 
une  adaptation  littéraire  de  vieux  contes  orientaux.  C'est 
dire  qu'il  n'y  entre  pas  une  parcelle  de  vérité  historique... 
Nous  croyons  qu'une  version  hébraïque  de  l'histoire  du 
sage  Ahikar  existait  avant  que  fût  rédigé  le  livre  de  Tobie, 
et  que  c'est  cette  version  que  le  rédacteur  de  Tobie  avait 
sous  les  yeux  et  non  pas  un  texte  en  langue  étrangère... 
Mais  nous  estimons  que  ce  texte  juif  n'était  pas  le  texte 

éditées  par  Henri  Reguier,  Paris,  Hachette,  1883,  tome  i,  p.  46-51; 
éd.  Parraaulier,  Paris,  1825,  t.  i,  p.  lxxxii-lxxxvi  ;  éd.  Lefèvre, 
Paris,  1838,  p.  28-40,  etc. 

1.  Cette  traduction  anglaise  fut  faite  sur  la  traduction  allemande 
de  Y.  Jagic  mentionnée  plus  haut. 

2.  M.  Margarete  Plath,  qui  a  repris  la  thèse  de  M.  Cosquin  au  sujet 
de  Tobie  (Cf.  Zum  Buch  Tohit,  dans  les  Theologische  Studien  und 
Scliriften,  Golha,  1901,  p.  377-414),  consacre  aussi  une  longue  note  à 
Ahikar  (p.  394).  H  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  lien  intime  entre  les  deux 
hi-toires  de  Tobie  et  d'Ahikar,  Leurs  rapports  ne  sont  donc  pas  pri- 
mitifs, mais  le  rédacteur  du  livre  de  Tobie,  relativement  plus  récent, 
a  voulu  s'appuyer  sur  une  relation  plus  ancienne.  On  ne  peut  dire 
s'il  l'a  connue  par  tradition  orale  ou  par  un  écrit,  mais,  en  toute  hy- 
pothèse, l'histoire  d'Ahikar  n'est  qu'un  conte.  — •  La  thèse  Cosquin- 
IMatli  au  sujet  de  Tobie  est  exposée  et  réfutée  par  Jos.  Siéger  (cf. 
Dus  Buch  Tobias  und  dus  Màrchen  vondom  dankbaren  Todlen,  dans 
Bcr  Kalholilc,  I1I«  série,  t.  xxix,  1904,  p.  367-377),  qui  consacre 
aussi  une  note  à  Ahikar,  p.  377,  note  3,  mais  seulement  pour  montrer 
(juc  celui-ci  ne  peut  porter  tort  au  livre  de  Tobie. 


LE    PnOBLÈME    LITTÉRAIRE  21 

primitif  et  que  l'auteur  primitif  n'a  pas  pu  être  un  Juif. 
Cette  version  hébraïque  était  à  notre  avis  une  version 
monothéiste  d'un  vieux  récit  païen...  L'histoire  du  sage 
Ahikar  a  été  composée,  cadre  et  épisodes,  d'éléments  em-' 
pruntés  au  vieux  fonds  des  contes  orientaux  ;  elle  ne  con- 
tient pas  le  moindre  élément  historique,  pas  même  un  grain 
de  vérité,  comme  l'a  dit  très  bien  M,  Dillon.  » 

L'auteur  se  devait  évidemment  d'appliquer  la  même 
méthode  fantaisiste  au  livre  de  Tobie.  Celui-ci  n'était  donc 
à  son  tour  qu'une  parabole,  un  remaniement  d'un  conte 
populaire,  une  variation  sur  le  thème  du  mort  reconnais' 
sant.  Le  Père  Hagen  dans  son  Leiicon  biblicum  {Cursus 
Scripturœ  sacrce,  Paris,  1905),  au  mot  Acliiacliarus,  a  très 
bien  fait  remarquer  que  l'article  de  M.  Cosquin  est  un 
pur  tissu  de  conjectures  et  ne  peut  donc  enlever  le  carac- 
tère historique  du  livre  de  Tobie,  ni,  ajoutons-nous,  de 
V Histoire  cV Ahikar  ^. 


1.  Les  rapprochements  et  les  dépendances  établis  par  les  folk-lo- 
ristes  entre  les  contes  ou  récits  de  divers  pays  nous  (ont  assez  sou- 
vent admirer  l'érudition  des  auteurs,  mais  nous  paraissent  toujours 
dépourvus  de  toute  force  probante.  11  existe  des  généalogistes  qui, 
pour  une  somme  donnée,  raltaclient  tout  homme  à  une  famille  célèbre  et 
même  —  si  l'on  y  met  le  prix  —  à  un  héros  des  croisades.  Les  folk- 
lorisles  sont  plus  désintéressés  lorsqu'ils  établissent  la  filiation  des 
récits,  mais  il  faut  reconnaître  que  leur  lâche  est  bien  plus  facile, 
puisqu'ils  ne  sont  gênés  par  aucun  registre  d'état  civil.  Nous  nous 
permettons  de  leur  proposer,  comme  les  deux  termes  d'une  généalo- 
gie, la  pensée  suivante  d'Ahikar  :  «  Mon  fils  la  chèvre  qui  circule  et 
qui  mullipiie  ses  pas  sera  la  proie  du  loup  »  (m,  46  ;  arabe,  n.  30  ; 
arménien,  n.  43)  et  le  récit  connu  d'Alphonse  Daudet  :  c  M.  Séguin 
n'avait  jamais  eu  de  bonheur  avec  ses  chèvres.  Il  les  perdait  toutes 
de  la  même  façon  :  un  beau  matin,  elles  cassaient  leur  corde,  s'en 
allaient  dans  la  montagne,  et  là-haut  le  loup  les  mangeait...  si  jamais 
tu  viens  en  Provence,  nos  ménagers  te  parleront  souvent  de  la  cabro 
de  moussu  Seguin,  que  se  battègue  touto  la  nieu  emé  lou  loup,  e  piei 
lou  matin  lou  loup  la  mangé  »  (fxllres  de  mon  moulin,  n.  4).  Ils  pour- 
ront utiliser  Ja  comparaison  105  du   c.   xxxiii  d'Ahikar  et   suivre  la 


22  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAI?    l'aSSYRIEN 

10.  La  thèse  de  M.  E.  Cosquin  fut  reprise  par  M.  Th. 
Reinach  [Revue  des  études  juives,  t.  xxxviii,  janvier-mars 
1899,  p.  1-13)  sous  le  titre  :  Un  conte  babylonien  dans  la 
Uttératui'e  juive  :  le  roman  d'Akhikhar.  La  légende  baby- 
lonienne aurait  été  connue  des  Juifs  et  traduite  par  eux  en 
leur  langue.  Le  rédacteur  du  livre  de  Tobie  aurait  introduit 
Ahikar  en  un  seul  endroit  (grec,xiv,  10)  de  son  livre, com- 
me un  exemple  célèbre  destiné  à  mettre  en  relief  la  justice 
divine.  Les  autres  mentions  d'Ahikar  (grec,  i,  11,  22  ;  x,  10; 
XI,  18)  n'appartiendraient  pas  à  la  rédaction  primitive  du 
livre  de  Tobie  et  seraient  des  interpolations. 

La  rédaction  primitive  de  l'ouvrage  aurait  été  poly- 
théiste, païenne  ^  :  Ahikar  a  soixante  femmes  et  soixante 
palais;  dans  la  version  arménienne  il  adresse  ses  prières 
aux  dieux  Belsim,  Simil  et  Samin  ;  il  consulte  les  mages, 
les  astrologues  et  les  devins.  Plus  tard,  des  rédacteurs  mo- 
nothéistes ont  introduit  des  éléments  monothéistes,  tout 
en  laissant  subsister  le  fond  primitif  du  récit  : 

«  L'origine  première  de  ce  conte  pourrait  bien  être  un 
mythe  solaire.  Les  soixante  épouses,  les  soixante  palais 
d'Akhikhar  rappellent  étrangement  les  soixante  maisons  du 
soleil,  la  division  primitive  du  cercle  céleste  en  60  degrés... 
de  l'heure  en  soixante  minutes  -...  Les  Grecs  y  virent  sur- 
chèvre de  M.  Séguin  en  Provence,  en  Grèce,  en  Orient  et  peut-être 
dans  l'Inde  et  en  Chine.  Il  est  entendu  qu'ils  n'auront  à  produire 
aucun  registre  d'état  civil  et  pourront  ainsi  donner  libre  cours  à  leur 
érudition  et  à  leur  imagination 

1.  Ceci  n'a  lùen  d'étonnant,  puisque,  d'après  Tobie  (i,  4),  toute  la 
tribu  de  son  père  Nephtali  s'était  écartée  du  temple  de  David  et  de 
Jérusalem  (cf.  infra,p.  2't)  et  que  le  commencement  de  l'Histoire  d'A- 
hikar nous  montre  qu'en  effet  celui-ci  adorait  les  idoles.  Il  en  fut 
puni  et  revint  au  vrai  Dieu,  mais  son  éducation  et  sa  formation  n'en 
avaient  pas  moins  été  païennes,  ce  qui  devait  percer  encore  dans  le 
récit. 

2.  L'ouvrage  a  été  écrit  en  Babylonie,  où  prit  naissance  et  d'où  nou  s 
fut  transmise  la  numération  sexagésimale,  voilà  tout  ce  que  prouvent 


LE     PROBLEME    LITTERAIRE 


23 


tout  un  trésor  de  maximes  morales.  Ce  que  Démocrlte 
s'appropria,  ce  que  Théophraste  commenta  se  réduit  pro- 
bablement aux  discours  parénétùjues  placés  dans  la  bouche 
du  saffe  Akhikhar.  A  leur  tour  les  Juifs  firent  counaissauce 
avec  ce  livre  populaire  et  peut  être  le  traduisirent-ils  en 
leur  langue.  Dans  la  plus  ancienne  forme  du  livre  de  Tobie 
—  qui  paraît  dater  du  u°  siècle  avant  l'ère  chrétienne  — 
la  seule  mention  de  l'Akhikhar  est  contenue  dans  le  verset 
que  nous  avons  cité  (xiv,  10-11)  ;  l'auteur  y  voit  uq  conte 
édifiant,  un  exemple  célèbre  destiné  à  illustrer  la  justice 
divine,  la  Némésis  qui  fait  tomber  le  crime  dans  les  pièges 
et  les  abîmes  qu'il  a  lui-même  creusés.  » 

Ce  n'est  point  la  littérature  juive,  mais  c'est  une  version 
araméenne  ayant  conservé  fidèlement  le  caractère  poly- 
théiste de  l'original  babylonien,  qui  introduisit  l'ouvrage 
dans  les  littératures  grecque,  arménienne  et  syriaque. 

11.  M.  J.  Halévy  a  combattu  les  hypothèses  de  M.  Th., 
Reinach.  Cf.  Revue  sémitique,  1900,  p.  23:  «  L'hypothèse  de 
l'origine  babylonienne  (païenne)  d'Akhiakar  ne  peut  se 
soutenir  d'aucune  manière.  » 

Ahikar  n'était  pas  un  païen,  car  un  païen  qui  vient  au 
vrai  Dieu  est  reçu  à  bras  ouverts  et  est  assuré  d'une  pro- 
tection particulière  de  la  part  de  Dieu  (cf.  I  Rois,  vin,  41- 
43;  Isaie,  lvi,  6-7),  tandis  qu'Ahikar,  lorsqu'il  s'adresse  au 
vrai  Dieu  après  s'être  adressé  aux  idoles,  est  puni.  C  était 
donc  un  Israélite  qui  avait  commis  un  crime  en  s'adressant 
aux  idoles  parce  qu'il  avait  ainsi  abandonné  son  Dieu.  Il  y 

ces  rapprochements.  Il  faut  une  tournure  d'esprit  particulière  pour 
chercher  un  mythe  à  cette  occasion.  Notons  d'ailleurs  qu  à  notre 
avis  les  .naythologLstes  ne  sont  qu'un  prolongement  des  tolk-loristes. 
Ces  derniers  établissent  une  généalogie  entre  les  faits  analogues 
qu'ils  relèvent  sur  l'ancien  continent,  et  les  mythologistes  rattachent 
l'un  des  anneau.\  de  cette  généalogie  à  un  phénomène  naturel.  Sur  le 
nombre  soixante,  cf.  Cantique,  m,  7  :  Lectulum  Salomonis  sexagiiita 
fortes  ambiant  ex  fortissimis  Israël,  et  vi,  7  :  Sexaginia  sunt  rcglnx. 


24  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYIIIEN 

a  plus:  le  livredeToble  nous  apprend  explicitement  dans  la 
version  du  SinaiLicus  et  du  Vaticanus  que  toute  la  famille 
de  Tobic  avait  abandonné  le  vrai  Dieu  pour  sacrifier  au  veau 
que  Jéroboam  avait  élevé  à  Dan  : 

VATICANUS  SIXAITICUS 

4. Durant  majeunesse, lors-  5.    Tous   mes  frères  et   la 

que  je  demeurais  dans  mon  maisondeXephtali,  mon  père, 

pays   dans  la   terre  d'Israël,  sacrifièrent  au  veau  que  le  roi 

toute   la  tribu    de  Nephtali,  Jéroboam  fit  à  Dau  sur  toutes 

mon  père,  s'éloigna  du  tem-  les  frontièrcsde la  Galilée,  et 

pie  de  Jérusalem.  moi  seul  j'allai  souvent  à  Jé- 
rusalem aux  jours  de  fête. 

Ainsi  Anaël,  frère  de  Tobie,  et  son  fils  Ahikar  devinrent 
idolâtres  et  continuèrent  a  pratiquer  l'idolâtrie  en  Baby- 
lonie,  jusqu'au  jour  oii  Dieu  punit  le  dernier  en  lui  refu- 
sant un  fils.  M.  Halévy  étudie  ensuite  l'onomastique  du 
livre  et  essaie  de  montrer  qu'elle  est  entièrement  araméen- 
ne,  comme  celle  du  livre  de  Tobie,  à  l'exception  de  quel- 
ques noms  persans  ;  il  conclut  :  «  Le  lh>re  d'Akhîaka?-  forme 
un  nouvel  anneau,  et  des  plus  intéressants,  de  la  chaîne 
des  œuvres  littéraires  juives  de  l'époque  grecque  qui  ont 
préparé  la  transformation  de  VAirada  hébraïque  dans  ses 
deux  variétés  principales  :  rabbinique  et  chrétienne.  » 

12.  E.  Schùrer  avait  aussi  conclu  que  la  courte  allusion 
de  Tobie,  xiv,  10,  ne  peut  être  comprise  si  l'on  ne  suppose 
la  légende  d'Ahikar  déjà  connue  et  sans  doute  déjà  rédigée 
par  écrit;  cf.  GescJùclUe  d.  J/id.  Volkes  im  Zeitalter  Jesu 
Chrisli,  3"  éd.,  1898,  t.  m,  p.  177  sq.  J.  Rendel  Harris, 
The  stori/  of  Ahikar,  p.  xlvm  sq.,  lxxii  sq.,  avait  égale- 
ment présenté  le  livre  de  Tobie  et  le  livre  d'Ahikar  comme 
deux  frères  écrits  tous  deux  en  hébreu,  le  livre  d'Ahikar 
étant  vraisemblablement  le  plus  ancien  des  deux. 

13.  M.  Paul  Marc  dépèce  Ahikar  en  deux  parties  :  1°  l'his- 


LE    PROBLÈME    LITTÉnAIRE  25 

toire  du  ministre,  qui  se  suffit  à  elle  seule  ;  2"  les  proverbes 
prêtés  à  Ahikar  parce  qu'on  savait  par  ailleurs  qu'il  avait 
été  un  sage.  L'écrit  actuel  serait  donc  un  écrit  secondaire 
résultant  de  deux  autres,  Die  Achikar-Sage,  eiii  Versuch 
ziir  Griippiningder  Quellen  (édité  àixnsXes  S  Indien  ziir  ver- 
gleicJienden  Litteraturgesch.  de  M.  Koch,  t.  n,  Berlin, 
1902,  p.  393-411). 

14.  i\I.  J.  Daschian  a  publié  aussi  —  malheureusement 
toute  en  Arménien  —  une  longue  monographie  sur  Ahi- 
kar et  sa  sagesse  :  Kurze  bibliograpli .  Untersuclniiigen  und 
Texte,  t.  H,  1901,  p.  1-152. 

15.  M.  P.  Vetter,  dans  la  Tlœolog.  Quartalsc/irift, 
1904-1905  *,  a  traduit  en  allemand  la  version  arménienne  ^ 
de  VHistoire  dWJiikar,  puis  étudié  le  livre  de  Tobie  qui 
aurait  été  composé  de  250  à  150  avant  noire  ère,  non  pas 
en  Palestine,  mais  par  des  Juifs  d'Assyrie  ou  de  Babvionie. 
Sa  langue  orioinale  était  l'hébreu,  aucune  des  recensions 
grecques  ne  représente  donc  adéquatement  l'original. 
L'ouvrage  n'est  p;)s  historique  au  sens  strict,  il  n'est  pas 
non  phis  complètement  fictif,  mais  le  rédacteur  a  vrai- 
semblablement disposé  d'une  histoire  familiale  qui  reposait 
surdos  faits  réels  et  qui  était  conservée  dans  la  tradition 
populaire  ;  il  l'a  rédigée  dans  un  but  didactique.  Enfin 
M.  Vetter  a  étudié  le  livre  d'Ahikar  et  l'a  comparé  au  livre 
de  Tobie;  il  aurait  été  écrit  en  hébreu  entre  100  avant 
notre  ère  et  100  ii  200  après  notre  ère.  C'est  l'œuvre  d'un 
Juif,  basée  sur  un  livre  païen  plus  ancien,  originaire  de 
Babylonie,  écrit  peut-être  en  araméen.  Le  livre  de  Tobie 
est  donc  plus  ancien  que  le  livre  d'Ahikar;  il  s'est  inspiré 
non  d'un  document  écrit  mais  d'une  tradition  populaire 
juive,  qui  avait  conservé  le   souvenir  d'un   Juif  élevé  à  un 

1.  Bas  Bach  Tohias  und  die  Achikar-Sage,  190'i,  p.  321  et  512; 
1905,  p.  321  et  497. 

2.  De  l'arménien  dérive  une  version  larlare  encore  iucdile,  loc.  cit., 
p.  325,  note  1. 


26 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


très  haut  rang  îi  la  cour  d'Assyrie  ;  il  ne  connaissait  pas 
Ahikar  comme  un  sage  et  un  moraliste,  mais  plutôt  comme 
un  homme  juste  et  bon,  et  c'est  à  ce  titre  qu'il  Ta  introduit 
dans  la  famille  de  Tobie. 

Toutes  les  rédactions  conservées  du  livre  d' Ahikar  pro- 
viennent d'un  original  hébreu,  sur  lequel  ont  été  traduits, 
indépendamment  l'un  de  l'autre,  le  syriaque  et  l'arabe. 
L'arménien  et  l'éthiopien  proviennent  de  l'arabe,  le  slave 
provient  d'une  version  grecque  faite  peut-être  sur  le  syria- 
que. —  L'original  hébreu  lui-même  a  été  composé  d'après 
un  livre  païen  écrit  très  vraisemblablement  en  araméen  et 
qui  provenait  de  la  Babylonie.  Le  Juif  qui  a  remanié  cet 
écrit  se  proposait  de  faire  ainsi  de  la  propagande  parmi  les 
Gentils,  c'est  pour  cela  qu'il  choisissait  un  sujet  païen  et 
qu'il  le  judaïsait  très  peu  pour  ne  pas  choquer  les  lec- 
teurs ^. 

M.  Vetter  établit  ces  résultats  surtout  par  une  étude 
interne  qui  a  paru  lui  découvrir  un  certain  nombre  d'hé- 
braïsmes  et  de  points  communs  avec  les  Targums  écrits 
au  commencement  de  notre  ère  2.  Il  conclut  à  l'unité  de 
l'ouvrage,  qui  condense  en  un  seul  tout  bien  logique  la 
masal  judaïque  sous  ses  trois  formes  :  proverbes  (pre- 
mières instructions  à  Nadan)  ;  devinettes  (Ahikar  en  Egypte)  ; 
similitudes,  allégories  ou  fables  (secondes  instructions  à 
Nadan). 

Cette   étude  de  M.  Vetter  est  fort  savante  et  fort  bien 


1.  M.  E.  Schûrer  écrit  de  ces  écrits  judaïques  sous  marque  pro- 
fane :  «  Ils  ont  tous  cela  de  commun  qu'ils  sont  mis  sous  le  nom  d'une 
autorité  païenne  comme  la  Sybille,  ou  sous  le  nom  d'hommes  célè- 
bres dans  l'histoire,  comme  Hécatée  et  Ai-istée.  Le  choix  du  pseudo- 
nyme montre  déjà  que  tous  ces  écrits  sont  ordonnés  jjour  les  lecteurs 
païens  et  doivent  faire  de  la  propagande  pour  les  Juifs  parmi  les 
Gentils.  »  Geschichle  des  jiid.  Volkes  iin  Zeitalter  Jesu  Ckristi, 
3e  éd.,  t.  III  (1898),  p.  420. 

2.  Cf.  infra,  Introd.,  V,  m. 


LE    PROBLEME    LJTTEP.AIUE 


27 


conduite,  mais  le  manuscrit  B  nous  montre  qu'il  a  vu  des 
néo-hébraïsmes  où  il  n'y  en  avait  sans  doute  pas  et  que  la 
critique  interne,  ici  encore,  ne  lui  a  fourni,  comme  à  bien 
d'autres,  que  des  résultats  provisoires. 

16.  Terminons  par  l'opinion  de  M.  F.  Vigouroux  *.  Le 
savant  et  judicieux  exégète  se  propose  surtout  de  défendre 
l'historicité  de  Tobie.  Il  semble  admettre  que  V Histoire 
(TAhikar  est  un  pur  conte  et  que  les  principaux  person- 
nages, Ahikar  et  Nadan,  sont  des  personnages  légendai- 
res, fictifs  et  connus  comme  tels  "-.  Ou  lui  objecte 
donc  que  le  livre  de  Tobie,  en  s'appuyant  sur  des  fables, 
semble  ainsi  avertir  ses  lecteurs  qu'il  a  peu  souci  de  l'his- 
toire. 

Voici  le  passage  du  Manuel  biblique^  où  M,  Vigouroux 
résume  sa  réponse  :  «  Une  difficulté  plus  grave  contre  le 
caractère  historique  du  livre  de  Tobie  provient  de  la  décou- 
verte d'une  sorte  de  conte  ou  de  roman  connu  sous  le  nom 
d'Histoire  du  sage  Aliicar...  On  veut  conclure  de  là  que 
Tobie  est  un  être  fictif  comme  Ahicar.  Mais  la  question  est 
de  savoir  si  le  livre  de  Tobie  a  emprunté  Ahicar  au  conte 
ou  si  le  conte  l'a  tiré  de  Tobie?  Dans  le  premier  cas,  il  lau- 
drait  admettre,  il  est  vrai,  que  l'écrivain  juif,  en  introdui- 
sant dans  son  livre  un  personnage  imaginaire,  a  voulu  nous 
faire  comprendre  que  son  récit  est  une  fiction  morale,  dans 
le  genre  de  la  parabole  de  Lazare  et  du  mauvais  riche; 
mais,  dans  le  second  cas,  si  celui  qui  a  inventé  le  conte  a 
pris  dans  Tobie  un  personnage  historique  auquel  il  a  attri- 

1.  Les  Livres  saints  et  la  critique  rationaliste,  5®  édition,  Paris, 
1901,  t.  IV,  p.  551  sq.  M.  Vigouroux  traduit  ea  cet  endroit  la  meilleure 
partie  d'Ahikar.  Cf.  Revue  du  Clergé  français,  1902,  t.  xxxii,  p.  516 - 
517. 

2.  M.  Vigoureux  aurait  déjù  pu  faire  remarquer  ici,  comme  il  le  fait 
à  la  fin,  que  rien  ne  prouve  qu'Ahikar  soit  un  personnage  purement 
fictif  et  que  son  histoire  soit  un  pur  conte. 

3.  12»  édition,  Paris,  1906,  t.  ii,  p.  173. 


28  HISTOinE    ET    SAGESSE    d'aHIKAH     l'aSSYRIEX 

biié  des  aventures  fabuleuses,  comme  on  en  a  attribué  à 
Cliarlemagne,  le  caractère  historique  du  livre  de  Tobie  n'a 
rien  à  en  souffrir.  Or  on  n'a  pas  prouvé  jusqu'à  présent 
que  la  légende  d'Ahicar  est  antérieure  à  la  composition  de 
Tobie,  et  tant  que  cette  preuve  n'aura  pas  été  faite,  on  a  le 
droit  de  maintenir  l'historicité  de  Tobie.  » 

Pour  nous,  les  questions  Tobie  et  Ahikar  peuvent  tou- 
jours être  séparées  :  il  suffit  de  faire  remarquer  qu'Ahikar 
ne  joue  pas  le  même  rôle  dans  les  diverses  versions  de 
Tobie  (il  ne  figure  même  aucunement  dans  les  deux  ver- 
sions hébraïques  publiées  par  M.  Gaster,  Proceedings  of 
the  Society  of  hihlical  arc]iœoloi>y,  t,  xviii  et  xix,  189G  et 
1897)  ■*.  On  peut  donc  le  regarder  comme  une  interpolation 
tardive.  Il  n'est  pas  absurde  d'admettre  par  exemple,  que 
la  vérit.ible  leçon  a  été  conservée  par  la  Vulgate  et  que  les 
cousins  de  Tobie  se  nommaient  Achior  et  Nabath.  Des  tra- 
ducteurs auraient  ensuite  cherché  une  généalogie  h  ces 
cousins,  les  auraient  identifiés  avec  Ahikar  et  Nadan  dont 
ils  connaissaient  l'histoire  par  ailleurs  et  auraient  été  jus- 
qu'à entrelacer  cette  histoire  dans  le  livre  de  Tobie  et 
jusqu'à  en  imiter  la  forme.  Aussi  la  comparaison  d'Ahikar 
et  de  To])ie  que  nous  allons  faire  portera  sur  la  version 
grecque  et  ses  dérivés  et  non  sur  le  texte  original  de  Tobie 
que  nous  avouons  ne  pas  connaître. 

On  peut  cependant  aller  plus  loin  :  si  l'on  veut  bien 
admettre  qu'Ahikar  figurait  dans  le  texte  original  de  Tobie, 
il  ne  peut  évidemment  s'agir  d'un  emprunt  au  conte  des 
Mille  et  une  nuits,  ni  même  à  la  version  syriaque  que  nous 
traduisons  ici,  car  tous  ces  écrits  sont  relativement  moder- 
nes. 11  ne  peut  donc  s'agir  que  du  prototype  inconnu  de  la 
vei'siou  syriaque  et  du  conte,  et  ce  prototype,  que  Démo- 
crite  aurait  utilisé  au  v"  siècle  avant  notre  ère,  a  toute  chance 


l.Nous  ne  croyons  pas   cependant   que  ces    versions    aient    grande 
importance  critique. 


LE    PROBLÈME    LlTTÉllAinE  29 

de  représenter  un  personnage  historique.  Loin  de  nuire  à 
l'historicité  de  Tobie,  il  vient  au  contraire  la  confirmer  en 
nous  fournissant  la  clef  historùjue  d'un  passage  jusqu'ici 
obscur. 

17.  Vient  de  paraître,  en  supplément  à  la  ZeilsclirifL  fiir 
die  altteslamentUche  Wissenschafl,  Giessen,  1908,  un  petit 
fascicule  qui  contient  :  lo,  pages  1-53,  Beitiuigeziir Erklâ- 
nin<^  und  Kritik  des  Buc/ies  Tobit,  von  John  nues  iNIuiler  ; 
2°,  pogrs  55-125,  Alter  und  Ilerkunfï  des  Achikai -Romans 
und  sein  Ver] ni  Uni. s  s  zu  Aesop,  von  Rudolf  Smend  ^. 

La  première  partie  (Tobie)  ne  rentre  pas  dans  notre 
sujet.  Rappelons  seulement  que  nous  avons  trouvé  à  Paris 
un  manuscrit  fragmentaire  {Suppl.  ^rec  009)  delà  troisième 
recension,  c'est-à-dire  de  la  famille  des  manuscrits  d^j,  lOu 
et  107  de  Holmes,  et  que  nous  avons  édité  Tobie,  vi.  G,  à 
XIII,  10,  et  Judith  en  entier,  d'après  ce  manuscrit,  dans  La 
Sainte  Bible  polyglotte,  t.  m,  Paris,  1902;  cf.  p.  vi. 

La  seconde  partie  (/Vchikar)  est  fort  intéressante.  En  un 
bon  nombre  de  points  nous  sommes  en  complet  accord  avec 
l'auteur  : 

P.  Gl.  Toutes  les  versions  dérivent  d'un  même  prototype 
qui  esta  chercher  chez  les  Syriens.  Les  textes  arabes  sont 
traduits  directement  du  syriaque,  mais  proviennent  de  textes 
syriaques  différents,  de  même  l'arménien.  Le  texte  ancien- 
slave,  par  l'intermédiaire  d'un  texte  grec,  se  ramène  aussi 
très  vraisemblablement  au  syriaque.  Les  manuscrits  syria- 
ques connus  sont  récents  et  présentent  d'assez  grande» 
différences  textuelles.  Les  textes  arabes  sont  les  plus  im- 
portants pour  la  reconstruction  du  syriaque. 

1.  Notre  travail  était  en  cours  d'impression,  lorsque  la  Zeit.  f, 
cl.  ail.  IViss.  a  annoncé  l'apparilion  prochaine  du  fascicule  additionnel 
qui  fait  l'objet  de  ce  paragraphe.  Nous  n'avons  pas  modifié  notie 
texte,  mais  nous  avons  ajouté  le  présent  paragraphe  à  noire  intro- 
duclioa  et  de  nombreux  renvois  dans  les  notes  placées  sous  notre 
traduction. 


30  HisïOinE  ET  SAGESSE  d'ai.hkar   l'assyrien 

p.  G5.  La  sagesse  (les  proverbes)  à'Ahikar  est  aussi  an- 
cienne que  son  histoire,  car  elle  lui  est  intimement  liée. 
Elle  fait  partie  intégrante  du  roman  et  son  ancienneté  est 
attestée  par  la  littérature  grecque,  comme  l'ancienneté  de 
l'histoire  est  attestée  par  le  livre  de  Tobie. 

P.  QQ.  Le  mot  Bocr::op-^voîç  de  Strnbon  est  à  changer  en 
Bipii-TTY^vif;  et  le  texte  de  Strabon  provient  sans  doute  de 
Poseidonios,  c'est-h-dire  du  milieu  du  ii"  siècle  avant  notre 
ère. 

Les  troisième  et  quatrième  parties  (p.  76-102)  surtout  sont 
intéressantes,  car  M.  R.  S.  rapproche  un  certain  nombre 
de  comparaisons  d'Ahikar  des  fables  correspondantes 
d'Esope  et  conclut  aussi  que  les  secondes  proviennent  des 
premières.  Il  fait  remarquer  que  la  vie  d'Esope  dépend 
certainement  de  V Histoire  cVAhikar  et  semble  servir  de 
préface  aux  fables,  or  le  compilateur  de  cette  vie  d'Esope, 
après  avoir  rapporté  quelques  maximes  d'Ahikar,  se  borne 
à  dire  que  celui-ci  adressa  encore  beaucoup  d'autres  paro- 
les à  Ennos  (Nadan)  et  ne  cite  aucune  des  comparaisons. 
Ceci  s'explique  très  bien  si  le  compilateur  grec  se  propo- 
sait de  mettre  les  comparaisons  parmi  les  fables  qui  sui- 
vaient la  vie  ;  il  ne  pouvait,  s'il  voulait  éviter  les  répéti- 
tions, les  traduire  déjà  dans  la  vie  d'Esope. 

11  est  même  vraisemblable  que  les  comparaisons  d'Ahikar 
avaient  été  mises  en  fables  grecques,  longtemps  avant  que 
l'histoire  d'Ahikar  ne  fut  introduite  dans  la  vie  d'Esope, 
car  Babrius,  qui  vivait  au  commencement  ou  à  la  fin  du 
II"  siècle  de  notre  ère,  nous  apprend  déjà  que  la  fable  est 
une  ancienne  invention  des  Syriens  qui  vivaient  à  Ninive  et 
à  Dahylone'^,  et  comme  d'ailleurs  le  recueil  de  Babrius  ren- 

1.  Ou  «  au  temps  (des  rois)  Ninus  et  Bélus  »,  mais  ces  inven- 
teurs des  fables  sont  toujours  des  Assyriens.  MûOoç  [aév,  w  Ttaï  paa().£wî 
'AXïiivùpoUjljypwv  7taXai(5v  ècTTtv  sypeu' àvÔpwTrwv  oï  Ttpt'v  7:ot'  rjcrav  èttI  Ni'vou 
ts  xal  \ir^o\i.  npÛTO;  SE,  çaatv,  zXitz  Tiaicrlv  'EXXrjVcov  Aïaw;ro;  ô  croyô;... 
Ed.  M.  Croiset,  p.  130-131. 


LE    PROBLÈME    LITTERAIRE  31 

ferme  des  fables  qui  proviennent  certainement  d'Ahikar,  il 
est  très  vraisemblable  qu'il  a  en  vue  Ahikar  l'Assyrien  et 
qu'il  lui  attribue  l'invention  de  la  fable. 

On  peut  même  remonter  plus  haut,  car  Babrius  semble 
se  borner  à  mettre  en  vers  des  fables  déjà  courantes  sous  le 
nom  d'Ésope.  Les  comparaisons  d'Ahikar  qu'il  meten  vers 
existaient  donc  déjà  auparavant  parmi  les  fables  ésopiques 
et  le  rédacteur  de  la  vie  d'Esope  n'a  pas  voulu  les  y  iiilro- 
duire  à  nouveau. 

M.  R.  S.  conclut  (p.  101)  que  Babrius  et  Clément  ont 
sans  doute  en  vue  le  même  ouvrage  qui  était  une  traduction 
grecque,  existant  déjà  au  i*""  siècle,  des  maximes  et  de  l'his- 
toire d'Ahikar.  A  cette  traduction  grecque  correspondait,  à 
la  même  époque,  une  traduction  juive  utilisée  par  l'auteur 
de  Tobie. 

P.  104.  Le  texte  syriaque  n'est  pas  une  composition  d'un 
chrétien  syrien,  mais  une  traduction  de  l'araméen  ^. 

P.  lOG.  Nombreux  sont  les  points  de  contact  avec  la  lit- 
térature gnomique  de  l'Ancien  Testament  et  en  particulier 
avec  l'Ecclésiastique,  au  point  qu'on  avait  conclu  delà  à  un 
original  hébreu.  Nous  dirons  que  ces  ressemblances  s'expli- 
quent facilement  si  l'auteur  d'Ahikar  est  juif  et  connaîtdonc 
les  livres  sapientiaux  et  s'il  a  servi  de  modèle  à  l'auteur  de 
l'Ecclésiastique.  D'ailleurs  M.  R.  S.  (p.  110)  dit  qu'on  est 
conduit  il  placer  Ahikar  avant  l'Ecclésiastique  etTobie. 

En  (juclques  points  secondaires  cependant,  nous  allons 
un  peu  plus  loin  que  M.  R.  S.  Par  exemple  il  ne  remonte 
pas  pins   haut  (|uc  la   rédaction   conforme   en    substance  ii 

i.  C'est  Irc's  vraiseniljlable,  mais  peu  facile  à  prouver,  caries  textes 
sont  mal  établis,  de  plus  l'époque  h  laquelle  ils  ont  été  écrits  ou  tra- 
duits est  Iiypolliéti((ue  ;  il  semble  donc  iiii()ossible  pour  l'instant,  de 
relever  daus  le  syriaque  des  traces  certaines  d'iiébiaïsmes,  coinuie 
a  voulu  le  faire  iM.  Veller,  ou  d'aramaïsnies  comme  le  fait  M.  R.  S., 
p.  104-105.  Toutes  les  locutions  soi-disant  araméenues  sont  aussi  des 
locutions  syriaques,  surtout  le  Ba(rjl  kolô. 


32  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

celles  qui  nous  restent  et  dont  toutes  celles-ci  dérivent.  11 
lui  est  donc  assez  difficile  de  concilier  Tobie  et  Ahikar  et 
d'expliquer  les  témoignages  de  Clément  d'Alexandrie  et  de 
Strabon.  Voici  sa  solution  : 

P.  G3.  Les  passages  du  livre  de  Tobie  relatifs  à  Ahikar 
semblent  être  des  interpolations.  Cependant  ces  interpola- 
tions sont  très  anciennes  et  ont  toute  chance  d'avoir  été 
introduites  avant  notre  ère  plutôt  que  durant  notre  ère.  La 
parenté  de  Tobie  et  d' Ahikar  a  été  imaginée  par  l'interpola- 
teur. 

P.  74.  Le  Démocrite  qui  —  d'après  Clément  d'Alexan- 
drie —  aurait  traduit  Ahikar  en  grec  serait  un  pseudo-Dé- 
mocrite.  Celui-ci  aurait  utilisé  une  traduction  grecque  d'A- 
hikar  et  sa  compilation  aurait  été  utilisée  par  Schahras- 
tani. 

Il  faut  se  rappeler  que  Démocrite  n'est  connu  que  par 
quelques  fragments  conservés  par  Stobée,  postéiieur  de 
beaucoup  à  Clément  d'Alexandrie,  Si  l'on  admet  sans  né- 
cessité aucune  que  Clément  d'Alexandrie  a  été  trompé  par 
un  pscudo-Démocrite,  nous  nous  demandons  quelles 
garanties  d'authenticité  offriront  les  fragments  découpés 
beaucoup  plus  tard  par  Stobée.  Nous  préférons  admettre 
que  Clément  et  Stobée  connaissaient  les  œuvres  authenti- 
ques de  Démocrite  perdues  depuis,  et  nous  ne  récusons  ni 
n'atténuons  leur  témoignage. 

M.  R.  S.  n'admet  pas  l'historicité  d'Ahikaret  ne  remonte 
pas  au  delà  du  roman.  Il  ne  peut  donc  admettre  la  dépen- 
dance d'Ahikar-Démocrite  alfirmée  par  Clément  d'Alexan- 
drie, d'où  la  nécessité  d'un  pseudo-Démocrite.  De  môme 
l'hypothèsed'interpolations  postérieures  et  tendancieuses  lui 
est  nécessaire  pour  rendre  compte  des  ressemblances  et 
des  différences  de  Tobie  et  du  roman.  On  trouverait  des  dif- 
ficultés analogues  pour  concilier  les  textes  relatifs  h  Char- 
lemagne,  si  l'on  n'admettait  pas  son  historicité,  si  l'on  ne 
voulait  pas  remonter  plus  haut  que  «  la  chanson  de  Roland  » 


LE    PROBLKMF,    LITTÉIIAIRE  33 

et  si  l'on  voulait,  à  l'aide  de  ce  seul  roman,  rendre  compte 
de  toute  la  tradition   carlovinoiennc. 

Pour  nous,  comme  nous  le  dirons  j)lus  loin,  l'hypothèse 
de  riiistoricité  d'Ahikar  nous  paraît  expliquer  lous  les  faits 
de  la  manière  la  plus  simple  et  la  plus  complète.  Son  his- 
t.>ire  peut  ainsi  se  chercher  d;ins  'l'obie,  ses  maximes  dans 
Démocritc  et  dans  l'Ecclésiastique,  sa  légende  dans  le  roman 
que  nous  allons  traduire,  ses  fables  d;ius  Esope  *. 

M.  R.  S  écrit,  p.  61,  que  le  manuscrit  syriaque ^(Sachau 
3.'iC)  contient  une  traduction  nouvelle  d'une  version  arabe 
qui  a  été  glosée  d'après  un  texte  syriaque. 

Même  dans  cette  hypothèse,  le  manuscrit  B  conserverait 
toute  son  importance,  puisqu'il  nous  représenterait  —  à 
travers  une  traduction  arabe  —  \\n  texte  syriaque  perdu. 
M-.iis  rien  ne  notis  autorise  encore,  croyons-nous,  à  regar- 
der ce  texte  syiiaque  B  comme  une  traduction  d'un  texte 
arabe. 

En  effet,  h)rsqu'un  texte  ecclésiastique  se  trouve  d'une 
part  en  syriaque  et  d'autre  part  en  arabe  et  carchouni,  on 
a  le  droit  de  supposer,  sans  aucune  démonstration,  que  le 
syriaque  est  l'original,  parce  que  c'est  la  loi  générale.  L'in- 
verse n'est  pas  impossible,  mais  demande  une  démonstration, 
parce  que  c'est  un  cas  tout  exceptionnel.  Or  M.  R.  S.  ns 
donne  aucune  preuve  de  son  affirmation.  En  deux  endroits, 
p.  G4  et  86,  il  note,  sans  en  tirer  d'ailleurs  aucune  conclu- 
sion, ([ue  le  manuscrit  Z?  et  l'arabe  portent  le  même  mot 
au  même  endroit,  mais  ces  deux  mots  sont  syriaques  et 
prouvent  donc,  puisque  l'arabe  les  a  conservés,  qu'il  pro- 
vient du  syriaque  (ou  de  B  ou  du  prototype  de  B  et  C).  En 

1.  Nous  ne  savons  pas  encore  si  les  fables  ésopiques  emprunlées  à 
Al.iikar  dérivent  du  roman  conservé  ou  d'une  rédaction  perdue  de 
l'iiisloire  ou  de  la  légende.  C'est  une  question  de  date.  Si  elles  ne 
sont  pas  antérieures  an  troisii-nie  siècle  avant  notre  ère,  il  est  plus 
simple  d  admettre  qu'elles  proviennent  du  roman  conservé  et  traduit 
ci-dessous. 


34 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR     L  ASSYIUEN 


particulier  le  mot  fa  ho  (p.  64)  se  trouve  ailleurs  et  dans  5 
et  dans  le  sijj-iaque  C,  comme  M.  R.  S.  l'a  rappelé  et  com- 
menté longuement  aux  pages  80-82. 

Pour  se  convaincre  que  B  représente,  malgré  ses  altéra- 
tions et  ses  lacunes,  un  texte  de  première  importance, 
source  —  au  moins  partielle  — de  l'arabe  et  de  l'arménien, 
il  suffit  d'en  relire  la  première  page  où  l'on  trouvera  le 
style  direct  (tandis  que  l'arabe  a  résumé  ce  commencement 
en  style  indirect)  et  les  deux  invocations  d'abord  aux  ido- 
les puis  au  vrai  Dieu  (tandis  que  le  syriaque  L  et  C  n'a  con- 
servé que  l'invocation  au  vrai  Dieu  et  que  l'arménien  n'a 
conservé  que  l'invocation  aux  idoles,  en  supprimant  la 
seconde  par  une  sorte  de  faute  d'homoiotéleutie,  pour  arri- 
ver plus  vite  aux  maximes).  Ou  remarquera  aussi  les  mots 
grecs  et  chaldéens  conservés  par  i?  (dès  le  commencement, 
I,  1,  ï~i-^z~zç,  où  l'arabe  porte  :  vizir).  C'est  encore  ce  ma- 
nuscrit B  qui  nous  a  conservé  le  nom  de  Sarhédom  dans  la 
plupart  des  passages  où  tous  les  autres  manuscrits  ont  intro- 
duit à  tort  Seiinachérib.  11  a  conservé  aussi  la  forme  Na- 
bousemak,  défigurée  partout   ailleurs. 

De  plus,  le  transcripteur  du  manuscrit  B  a  transcrit, 
sans  intelligence  aucune^  les  titres  de  la  plupart  des  cha- 
pitres sans  les  séparer  du  texte.  11  n'est  donc  certainement 
pas  un  traducteur.  11  est  même  vraisemblable  que  cette 
confusion  remonte  plus  haut.  Nous  tenons  donc,  avec 
M.  R.  S.,  qu'il  y  a  eu  plusieurs  rédactions  syriaques  du 
livre  d'Ahikar  comme  il  y  a  plusieurs  rédactions  grecques 
du  livre  de  Tobie,  mais  nous  ajoutons  que  B  n'est  pas  une 
traduction  d'un  texte  arabe  provenant  du  syriaque  et 
même  qu'il  représente,  plus  fidèlement  que  6",  L  ^,  ou  le  proto- 


1.  M.  R.  S.  écrit  (p.  104):  «  Le  manuscrit  édile  par  M.  Rendel  Har- 
ris  (6')  est  récent,  et  son  texte,  comme  le  montrent  les  autres  traduc- 
tions, est  sûrement  de  nature  secondaire.  En  bien  des  endroits  il  a 
été  retouclié  par  une  main  clirétienne.  » 


AI.IIKAn    DANS    DÉMOCniTE  35 

type  des  versions  syriaques  ou  même  l'original  araméen. 
Une  étude  de  tous  les  manuscrits  syriaques  permettrait 
peut-être  de  les  classer  et  de  fixer  définitivement  la  place 
que  doivent  occuper  B,  C,  L. 

II.  Ahikar  dans  Démocrite,  Ménandre  et  l'ancienne 
littérature  grecque. 

Dans  les  Stromates,  i,  15,  Clément  d'Alexandrie  veut 
montrer  que  la  philosophie  grecque  est  puisée  en  grande 
partie  dans  la  philosophie  des  barbares  :  «  Pythagore  eut 
pour  maître  Souchis,  le  premier  des  sages  égyptiens  ;  Pla- 
ton, Sechnuphis  d'Héliopolis  ;  et  Eudoxe  de  Cnide,  Chonu- 
phis  également  Egyptien... 

«  Les  ouvrages  moraux  composés  par  Démocrite  provien- 
nent des  Babyloniens,  car  on  raconte  qiiil  inséra  dans  ses 
propres  écrits  la  traduction  de  la  stèle  d'Acicar  en  écrivant 
en  tête  :  Voici  ce  que  dit  Démocrite.  —  Voici  ce  qu'il 
écrit  sur  son  compte  ^  :  Je  suis  de  tous  mes  contemporains 
celui  qui  a  parcouru  le  plus  de  pays,  qui  a  scruté  les  points 
les  plus  éloignés,  qui  a  vu  le  jdIus  de  températures  et  de 
contrées  diverses,  et  qui  a  entendu  le  plus  d'hommes  ins- 
truits. Personne  ne  m'a  surpassé  en  connaissances  géomé- 
triques ou  pour  résoudre  les  problèmes,  pas  même  ceux 
que  les  Egyptiens  nomment  Arpédonaptes.  J'ai  passé  qua- 
tre-vingts ans  avec  eux  tous  sur  la  terre  étrangère.  —  En 
effet  il  parcourut  la  Babylonic,  la  Perse  et  l'Egypte  et  se  fit 
le  disciple  des  mages  et  des  prêtres  ^.  » 

1.  Voici  ce  passage  capital  :  Ar,iJ,ô/p!To;  yàp  tov;  Ba6v;).<>)vto'j;  Xô-o-^; 
r)6iy.où;  TtETTOtTitat .  AsycTai  yàp  tT|V  'Ay.f/.ipoy  a-r^'/.Y^'j  Ép[xr|V£'j6£Ïc-av,  toï; 
îSt'oiç  «TUVTaÇat  a\tyyçiâ.\i.\j.0L(7i.  Kaaxtv  ÈTî'.cr.nriVaaGai  Ttap'  a'dTOvJ*  "ries  /.i";£t 
ArifiôxptToç,  YpâçovTo;.  Nal  (iï-,v  v.cà  Tiepl  a-jTO-j  r,  <7£|ivuvd(JLEvo';  çr,o-i  ttov  â^i 
TV)  Tto).-j[j.aOta.  Patr.  grseca,  t.  vin,  col,  772-773. 

2.  Les  lémoignages  des  anciens  auteurs  qui  constatent  les  voyages 
(le  Démocrite,  en  particulier  ou  Asie  et  en  Babylonie,  sont  recueillis 


36  HISTOIRE    ET   SAGESSE    d'aiIIKAII     l'aSSYRIEN 

Ce  passage  de  Clément  d'Alexandrie  est  encore  repro- 
duit textuellement  par  Eusèbe  [Prep.  ev.,  x,  4)  *  ;  il  prouve 
que  Clément,  mort  en  217,  connaissait,  ou  par  lui-même,  ou 
peut-être  par  tradition,  l'existence  des  sentences  d'Ahikar. 
Il  importe  encore  de  faire  remarquer  combien  Clément  est 
exactement  informé  lorsqu'il  écrit  que  Démocrite  a  traduit 
la  stèle  d'Acicar,  car  telle  était  en  effet  la  manière  d'écrire 
des  Babyloniens,  sur  véritables  stèles  de  pierre  ou  sur  des 
tablettes  de  briques  -. 

Le  texte  de  Clément  d'Alexandrie  avait  toujours  été  une 
énigme  pour  les  critiques  2,  quand,  par  un  heureux  échan- 
ge, ladécouverte  de  ï Histoire (T Ahikar  est  venue  l'expliquer, 
tandis  que  ce  passage,  de  son  côté,  nous  renseignait  sur 
l'antiquité  et  l'importance  des  maximes  d'Ahikar. 

Il  s'ensuit,  en  effet,  que  Démocrite  a  trouvé  ces  sentences 
en  Babylonie  et  les  a  introduites  en  Grèce.  Nous  sommes 
donc  reportés  au  temps  de  ce  philosophe  "*,  c'est-à-dire  au 
V*  siècle  avant  notre  ère. 

daus  l'édiliou  Didot  :  Fragments  des  philosophes,  t.  i,  Paris,  1875, 
p.  332  ;  ils  sont  rapportés  et  discutés  par  V.  len  Brink,  Democriti 
de  se  ipso  testimonia,  dans  Philologus,  t.  vu  (1852),  Gœltiugue, 
p.  354-359. 

1.  Kal  Av)[;.6y.piT0;  Zï  ïxi  TrpÔTEpov  toÙ;  BaêyXwvt'oy;  ).ôyoy;  r)6iy.où;  ttetto- 
ifjaÔat  )v£Y£Tai.  On  a  proposé  ici  et  plus  haut,  de  remplacer  f,6i/.oùc  par 
W.Q-jc,.  Migne,  Pair,  grseca,  t.  xxi,  col.  785. 

2.  Manéthon  raconte  aussi  (d'après  Eusèbe)  qu'il  a  réuni  les  niaté- 
l'iaux  de  son  histoire  ïv.  -rwv  èv  tïj  SriptaSix-fj  y/i  y.ii]i.i-iuiv  arr^'ku)'/,  «  des 
stèles  du  pays  de  Sardes  .»  Patr.  grxca,  t.  viii,  col.  773. 

3.  On  avait  rapproché  Acicarits  d'Acoris  ou  Acenchérés,  roi 
d'Egypte,  et  cela  à  tort  puisque  Ahikar  était  babylonien  ;  on  avait  aussi 
voulu  faire  de  c  la  stèle  d'Ahikar»  un  nom  commun  :  Bochard  invo- 
quait :  'Aiuoiid  ha  'aqrîiu.  columna  reriim  fondamentalium  ;  on 
proposait  aussi  :  'Amoud  hahaqar,  columna  exploratoris,  et  Mé- 
nage écrivait  :  Qui  qualisse  fuerit  Acicharus  dicere,  non  nostriim 
est,    sed   aruspicis.   Cité  daus  Patr.  Grœca,  t.  vin,  col.  772,  note  96. 

\.  Né  vers  400  ou  49G.  Eabricius,  Bil>l.  grœca,  Hambourg,  1791, 
t.    II,  p.  628-629. 


AHIKAR  DANS    DÉMOCRITE  37 

Comme  supplément  d'informations,  nous  pouvons  ajouter 
qu'il  existait  certainement  en  Babylonie  des  recueils  de 
maximes,  au  moins  dès  le  vu®  siècle  avant  notre  ère  *.  Dans 
ses  Textes  religieux  assyriens  et  babyloniens^  Paris,  1903, 
M.  l'abbé  François  Martin  a  traduit   les  textes  suivants  : 

P.  171,  ligne  C)Q  :  Le  bienfait  de  la  faveur  des  dieux, 
recherche  constamment. 

P.  171,  ligne  70  :  Il  marche  dans  le  chemin  du  bonheur 
celui  qui  ne  cherche  pas  la  discorde  (cf.  Ahikar,  m,  73,85). 

P.  173,  ligne  75  :  Dieu  est  l'auteur  de  l'infortune  comme 
de  la  prospérité. 

P.  183,  ligne  195  :  Toi  qui  ne  cherches  pas  la  volonté  de 
Dieu,  qu'est  ta  sincérité? 

P.  185,  ligne  224  :  Ils  abaissent  le  malheureux  qui  n'avait 
pas  commis  de  faute. 

P.  185, ligne  225  :  Ils  prennent  soin  du  méchant  qui  son 
crime... 

P.  185,  ligne  226  :  Ils  chassent  le  juste  qui  cherche  la 
volonté  de  Dieu. 

P.  185,  ligne  230  :  le  faible,  ils  l'écrasent,  ils  anéantis- 
sent l'homme  sans  force. 

La  tablette  cunéiforme  reproduite  à  la  planche  29  du  fas- 
cicule 13  des  Cuneiform  Te.its  froni  Babylonian  Tablets  in 
the  British  Muséum  était  un  recueil  de  préceptes  moraux. 
Il  n'en  reste  malheureusement  que  des  fragments,  mais  il 
semble  bien  que  leur  auteur  donnait,  dans  un  passage,  des 
conseils  identiques  à  ceux  d'Ahikar  sur  la  nécessité  d'é- 
viter les  querelles.  Cf.  m,  11,  14,  73,  83,  86.  Ainsi  on  lit 
encore,  d'après  la  traduction  que  nous  fournit  M.  François 
Martin  : 

Ligne  10  :  Au  lieu  de  la  querelle  (ou  :  de  la  lutte)...  ne 
te... 

1.  Ces  recueils  nous  ont  été  gracieusement  signalés  cl  Iraduils  par 
M.  l'abbé  François  Martin. 


38  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 

Ligne  11  :  Dans  la  querelle... 

Ligne  12  :  Et  toi  devant  [le  ju]ge  (?)  tu   seras... 

Ligne  13  :  Pour  ne  pas  te  rendre  justice,  il... 

Macmillan  a  retrouvé  un  autre  fragment  de  ce  recueil  de 
préceptes  moraux,  Some  cuneiform  Tablets,  Leipzig,  1906, 
p.  557  sq.  Ce  qui  en  reste  débute  ainsi  : 

Ligne  4  :  Ne  calomnie  pas,  parle  avec  amabilité.  Cf.  m, 
48,  57. 

Ligne  5  :  Ne  dis  pas  de  mal,  prononce  des  choses  bon- 
nes. Cf.  m,  47. 

Ligne  6  :  Celui  qui  calomnie,  qui  dit  du  mal  (ligne  7),  sa 
tête  attendra  les...  du  dieu  Chamash  ^. 

Ligne  8-:  N'élargis  pas  ta  bouche,  garde  tes  lèvres.  Cf. 
m,  3,  5,  41,  71. 

Ligne  9  :  Au  moment  de  ta  colère,  ne  parle  pas  du  tout  ^. 
Cf.  m,  43. 

Ligne  10  :  Si  tu  parles  soudainement,  ensuite  tu  te  repen  - 
tiras  (?),   (ligne  11)  et  dans    la   conclusion    de  tes   paroles 
tu   contristeras  ton  cœur.  Cf.  m,  2. 
'    Ligne  25  :  Avec  l'ami  et  le  compagnon  ne  parle  pas... 

Ligne  26  :  Des  choses  basses  ne  dis  pas,  des  choses 
bonnes  [dis].  Cf.  m,  71,  72. 

Le  reste  de  la  tablette  contient,  en  partie,  des  conseils 
de  religion  et  de  piété. 

Tous  ces  textes  proviennent  de  la  bibliothèque  d'Assur- 
banipal  (roi  de  668  à  626),  fils  de  Sarhédom,  et  remontent 
donc  au  moins  au  commencement  du  vu®  siècle,  c'est-à-dire 
à  l'époque  où  se  place  Ahikar. 

Mais  nous  pouvons  encore  aller  plus  loin.  Non  seulement 
il  est  possible  que  Démocrite  ait  trouvé  des  sentences 
morales  en  Babylonie,  mais  il  semble  même  qu'il  y  a  effec- 

1.  Cette  ligne  indique  le  châtiment  qvii  attend  le  calomniateur.  Le 
tena  précis  en  est  incertain. 

2.  Ou  peut-être  :  «  ne  jjarle  même  pas  seul.  > 


AHIKAR  DANS    DEMOCRITE 


39 


tivement  trouvé  celles  d'Ahikar,  comme  le  dit  Clément 
d'Alexandrie,  car  les  quelques  maximes  conservées  sous 
son  nom  ont  plusieurs  points  communs  avec   celles-ci. 

Nous  reconnaissons  que  les  points  de  contact  ne  sont  ni 
aussi  nombreux  ni  aussi  frappants  que  nous  pourrions  le 
désirer,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  nous  reste  très  peu 
de  maximes  de  Démocrite  et  que  les  quelques-unes  qui 
nous  restent  ne  forment  pas  un  ouvrage,  mais  des  bribes 
insérées  par  Stobée,  près  de  huit  cents  ans  après  la  mort 
de  Démocrite,  au  milieu  des  sentences  de  bien  d'autres 
philosophes.  Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  qu'Ahikar  ne 
nous  est  connu  qu'à  travers  plusieurs  traductions  et  que  le 
plus  ancien  manuscrit  semble  être  du  xiii®  siècle  (ms.  L). 
En  somme,  pour  comparer  entre  eux  Démocrite  et  Ahikar, 
auteurs  du  v®  et  du  vii®  siècle  avant  notre  ère,  nous  en  som- 
mes réduits  à  glaner  dans  les  ouvrages  de  Stobée,  qui 
écrivait  entre  450  et  500  de  notre  ère,  et  à  comparer  les 
fragments  trouvés  à  des  rédactions  modernes  de  la  version 
syriaque  qui  peut  elle-même  ne  pas  procéder  directement 
de  l'écrit  oriffinald' Ahikar.  Dans  des  conditions  aussi  défavo- 
râbles,  les  simples  analogies  que  nous  allons  relever  devien- 
nent de  précieuses  indications  et  corroborent  de  manière 
assez  frappante  l'assertion  de  Clément  d'Alexandrie  '^  : 

Ahikar  DÉMOcr»iTE 

m,  49.    Ne  laisse   pas  ton  C'est  œuvre   de  prudence 

1.  Nous  avous  Irauscrit  et  li-iuluit  les  textes  de  Démocrite  sur  l'é- 
dition Didot.  Fragments  des  philosophes,  t.  i,  Paris,  1875.  Nous  les 
avions  relevés  auparavant  sur  l'ancienne  édition  de  Stobée:  Sententix 
delectXy  Aureli.'c  AUobrogum  (Genève),  1609,  in-fol.  Cette  édition, 
d'après  Micliaud  (Biographie  universelle,  article  Stobée),  est  la  seule 
qui  contienne  à  la  fois  les  Eclogse  et  le  Florilegium,  elle  est  identique 
à  l'édition  de  l-iyon,  1608,  le  titre  seul  est  changé.  Nous  donnons 
seulement  la  traduction  en  ajoutant  les  renvois  ;  1»  à  l'ancienne  édition 
et  2»  k  l'édition  Didot. 


40 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAFI     l'aSSYRIEN 


prochain  te  marcher  sur  le 
pied,  de  crainte  qu'il  ne  te 
marche  sur  la  tête. 

52.  Ne  blesse  pas  VJioni- 
me puissant...  73.  Ne  l'élève 
pas  dans  ton  j  ugement  contre 
les  hommes  illustres  et  qui 
l'emportent  en  grandeur  et 
en  puissance...  77.  Ne  des- 
cends pas  an  jardin  desy«- 
ges  3. 

41.  N'allonge  pas  tes  paro- 
les... des  paioles  de  sottise 
et  de  folie. 

59.  Mon  fils,  enseigne  à 
ton  enfant  la  faim  et  la  soif, 
pour  qu'il  dirige  sa  maison 
selon  ce  qu'il  a  vu. 


de    se   protéger  contre  l'in- 
justice à  venir  ^. 

Il    convient   de  céder  à  la 
loi,  au  chef  et  au  plus  sage  '^. 


47.  Juge  Vin  jugement  droit 
dans  ta  jeunesse,  afin  que  tu 
sois  honoré  dans  ta  vieillesse. 

69.  Le  vêtement  de  laine 
que  tu  portes  est  préférable 


11  faut  éviter  de  parler  des 
mauvaises  actions  "*. 

Il  convient  de  ne  pas  dé- 
penser beaucoup  (pour  éle- 
ver les  enfants)  afin  que  cette 
éducation  protège,  comme  le 
ferait  un  mur,  leurs  biens  et 
leurs  corps  ^...  La  modéra- 
tion du  père  est  la  meilleure 
éducation  des  enfants  ^. 

La  splendeur  de  la  justice 
confère  la  confiance  de  l'es- 
prit et  l'assurance  "^ . 

Sage  est  celui  qui  ne  s'af- 
flige pas  des  biens   qu'il  n'a 


1.  Slobée,  Senuo  m,  p.  40;    Fragments  des  philosophes,  p.  3Û2. 
u.  201. 

2.  V,  p.  65  ;  Fragments,  p.  352,  n.  189. 

3.  Cf.  82-83. 

4.  V,  p.  65  ;  Fragments,  p.  3'i6,  n.   97. 

5.  Lxxxxi,  p.  475  ;  Fragments^  p.  379,  n.  5. 

6.  V,  p.  66  ;  Fragments,  p.  345,  n.  72. 

7.  VII,  p.  88  ;  Fragments,  p.  347,  n.  111. 


AI.IIKAn    DANS    DÉMOCniTE  41 

au    J)vssus   et  à  la    soie    des  pas,  mais  se  réjouit  de  ceux 

autres.  qu'il  a  ^ 

85.  Mon   fils,  ne  demeure  Toute  dispute    est   insen- 

pas    près   des    gens    querel-  sée  -. 
leurs. 

83.    N'entre   pas   en  juge-  Il    meurt    avec    mauvaise 

ment  avec  un  homme  au  jour  renommée,  celui  qui  se  me- 

de  sa  puissance.  sure  avec  son  supérieur  ■*•. 

89.    Mon    fils,     celui    qui  Ceux   qui    ont    une    tour- 

brille  par  son  vêtement  brille  nure  décente,  ont  aussi  de  la 

aussi  par  son  langage.  décence  dans  leur  vie  *. 

26.  La  beautéde  la  femme  Peu  parler    est  un    orne- 

c'est  son  bon  sens,  et  sa  pa-  mont  pour  la  femme^  la  sim- 

rurc    c'est   la    parole    de    sa  plicilé    dans    la    parure    lui 

bouche.  sied  aussi  ^. 

08.  Un    passereau   que   tu  Le  bien  réalisé  vautmieux 

tiens  dans  ta  main  vaut  mieux  que    le    bien    futur    qui    est 

que  cent  qui  volent  dans  l'air,  incertain  ^. 

On  trouvera  dans  les  notes  de  notre  traduction  d'autres 
analogies  (cf.  m,  5,  11%  10,  32,49,  01,  05,  80,  xxxiii,  114, 
Append.,  I,  141,  147*);  celles-là  suffisent  pour  montrer  que 
Démocrife  a  cultivé  le  même  genre  qu'Ahikar  et  pour  con- 
firmer le  témoignage  apporté,  trois  cents  ans  avant  Sto- 
bée,  par  Clément   d'Alexandrie. 

Plus  nombreuses  encore  sont  les  analoffies  entre  les  sen- 
tences  d'Ahikar  et  celles  de  Ménandte.  Celles  ci  nous  sont 
conservées   sous  une  double  forme  :    1**  par  des  fragments 

1.  XVII,  p.  157  ;  Fragments,  p.  342,  n.  29. 

2.  XX,  p.  174  ;  Fragments,  p.  3'j9,  u.  147. 

3.  xxii.  p.  189;  Fragments,  p.  352,  n.  190. 

4.  xxxvii,  p.  220  ;  Fragments,  p.  343,  n.  45. 

5.  i.xxii,  p.  441  ;  Fragments,  p.  351,  u.  176. 

6.  cvi,  p.  586.  Tô  teXeiov  ojv  àyaOôv  to-j  (j.£).Xov:o;,  et  xal  à6r|Xoy,  xpèu- 
(Tov.  Nous  transcrivons  celle  maxime  parce  que  nous  ne  l'avons  pas 
encore  retrouvée  dans  l'édition  Didot. 


42 


HISTOIUE    ET    SAGESSE    D  AHIKAn    L  ASSYRIEN 


grecs  édités  en  particulier  chez  F.  Didot,  Paris,  1862, 
Aristophanis  Comœdix,  accédant  Menandri  et  Philemonis 
fragmenta.  Nous  n'aurons  à  renvoyer  qu'aux  sentences  en 
un  vers  (rvw[xai  [^.ovsjTr/ii),  p.  90-103  *.  Nous  indiquons  le 
numéro  de  la  sentence.  Cf.   infra,  Append.  I. 

2°  Par  un  petit  écrit  syriaque  conservé  dans  le  manus- 
crit du  British  Muséum  add.  1^658,  du  vu*  siècle,  fol.  163 
v-167  v.  Ce  fragment,  qui  commence  par  :  «  JMénandre 
a  dit,  »  a  été  publié  et  traduit  en  latin  par  J.  P.  N.  Land, 
Anecdota  si/riaca,  t.  i,  Leyde,  1862,  p.  156-164  ^.  Il  est  à 
remarquer  que  les  fragments  grecs  correspondent  surtout 
à  la  version  grecque  des  sentences  d'Ahikar  et  que  le 
fragment  syriaque  de  Ménandre  correspond  plutôt  à  la 
version  syriaque. 

En  voici  quelques  exemples  : 

Ahikar  Ménandre 

142'^.     Au     dehors,     nous  46.  Nous  sommes  tous   sa- 

sommes     tous     sages,     nous  ges    lorsque    nous    donnons 

donnons  des  conseils  aux  au  -  des    conseils,    lorsque    nous 

très,    nous    ne    savons    pas  péchons   nous-mêmes,    nous 

nous  conduire  nous-mêmes,  ne  le  reconnaissons  pas. 

142c.  Puisque  tu  es  hom-  8.  Puisque  tu  es  homme, 

me,    souviens-toi   que   tu   es  souviens-toi      du      commun 

sujet  aux  fautes  humaines.  destin, 

143^.  Puisque  tu  es  hom-  1.  Puisque  tu  es  homme,  il 

1.  Les  fragments  de  Ménandre  récemment  découverts  et  édités  par 
M.  Gustave  Lefebvre,  Le  Caire,  1907,  ne  comprennent  qu'environ 
douze  cents  vers  des  Comédies  et  n'ont  donc  aucun  rapport  avec  les 
maximes  d'Ahikar. 

2.  Il  est  attribué  par  Frankenberg  à  un  Juif  de  Palestine  vivant  sous 
la  domination  romaine.  Le  syriaque  serait  une  traduction  de  l'hé- 
breu :  Zeitschrift  filr  d.  alttest.  Wiss.,  t.  xv  (1895),  p.  226-277.  Ici, 
comme  en  bien  d'autres  endroits,  nous  ne  croyons  pas  que  la  criti- 
que interne  puisse  conduire  à  un  résultat  définitif. 


AHIKAR   DANS  MÉNANDRE                                              43 

me,  songe  aux  choses  humai-  te  faut   songer    aux   choses 

nés  ;    car    Dieu     punit     les  humaines.    14.    La    divinité 

injustes.  contluitles  méchants  à  la  pu- 
nition. 

143*^.    Supporte  les   mau-  13.  Un  homme    doit  sup- 

vais    succès  avec   un   esprit  porter     courageusement    ce 

généreux.  qui  lui  arrive. 

151*.    Ne  confie  jamais  à  355.  Ne  prends  jamais  les 

ta  femme  des  secrets  impor-  femmes     pour     confidentes, 

tants.  361.  Ne  communique  jamais 

à  (ta)  femme  quelque  chose 
d'utile. 

151^.  Toujours  ta  femme  129.  La  femme  devient  le 

épie  l'occasion  de   te  domi-  tyran  du  mari  qui  l'épou&e, 

ner.  130,  car  les  femmes  sont  ex- 
pertes à  trouver  des  ruses. 

Mô*^.    L'homme    mauvais,  19.  L'homme  mauvais  est 

quand  même  il  prospérerait,  malheureux,  quand  même  il 

n'en  est  [»as  moins  malheu-  prospérerait, 
reux. 

147.   Sache  rester  maître  80.  Tâche  surtout  de  tenir 

de  ta  langue.  toujours  ta  langue. 

157*.  Sois  hospitalier  pour  400.  Hospitalise  les  étran- 

les    étrangers    et    les    voya-  gers,  (car)  toi  aussi  tu  seras 

geurs,  afin,  lorsque  tu  voya-  peut-être     étranger     (si    tu 

géras,  qu'il  s'en  trouve  pour  voyages  dans  un  autre  pays). 
te  recevoir. 

157*^.  Celui-là  est  vraiment  357.     Bienheureux     celui 

bienheureux  qui  possède  un  qui  possède  un  excellent  ami . 
véritable  ami. 

157®.  Il  n'y  a  rien  de  si  459.  Dévoilant  tout^  le 
caché  que  le  temps  enfin  ne  temps  porte  (tout)  à  la  lu- 
porte  à  la  lumière.  mière. 

III,  74.  Mon  fils,  ne  t'élève  Land,  p.    157,    lign.    27- 


44  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR    l'aSSYIIIEN 

p:is  contre  celui  qui  est  plus  28.  Ne  dispute  pas  et  ne  lève 
•Àg-é  que  toi.  pas  la  main  contre   celui  qui 

est  plus  âgé  que  toi. 
III,  79.  Mon  fils,  ne  te  P.  158,  lign.  20-24.  Quand 
réjouis  pas  sur  ton  ennemi  un  homme  meurt,  ne  te  ré- 
quand  il  meurt.  —  App.  I,  jouis  pas  de  ce  qu'il  meurt... 
I'i5.  Souhaite  à  tes  ennemis  Si  c'est  Ion  ennemi,  ne  prie 
d'être  malades  et  pauvres...      pas  pour  qu'il    meure,   mais 

prie  pour  qu'il  devienne 
pauvre,., 
m,  73...  Ilàte-toi  de  fuir  Land,  p.  158,  lign.  28-31. 
l'endroit  où  il  y  a  dispute...  Ne  passe  pas  par  l'endroitoù 
Si  tu  te  trouves  en  ce  lieu  et  il  v  a  dispute,  de  crainte,  si 
(jue  tu  y  demeures,  ou  bien  tuy passes, qu'ilnet'enarrive 
lu  seras  tué,  ou  bien  ils  mal  :  si  tu  prends  parti,  tu 
t'appelleront  comme  témoin,  seras  battu  et  tes  vêtements 
Cf.  85-86.  seront  souillés  et,  si  tu  t'ar- 

rêtes pour  regarder,  tu  seras 
appelé   en   justice    pour  té- 
moigner. 
m,    64.     Un    bon    renom          Land,  p.  163,  lign.  1.5-16. 
l'emporte  sur  la  richesse  du     La  vie  et  les   biens  peuvent 
monde...  être   aimés,    mais    la   bonne 

renommée  est  préférable, 
m,  79^^.  Mon   fils,  lorsque  Land,    p.    156,   Hgn.   7-8. 

tu  verras  un  homme  plus  âgé  Honore  celui  qui  est  plus 
que  toi,  lève-loi  devant  lui.        âgé  que  toi. 

m,  9.  Mon  fils,   ne  pèche  Land,  p.  160,  lign.  23-25. 

pas  avec  la  femme  de  ton  Prends  bien  garde,  de  même 
prochain,  de  crainte  que  que  tu  ne  veux  pas  que  ta 
d'autres  ne  pèchent  avec  ta  femme  pèche  avec  un  autre, 
femme.  de  ne  pas  pécher  toi-même 

avec  la  femme  d'autrui. 
m,    52...    Ne    blesse    pas         Land,  p.  162,  lign.  11.  Ne 


AHIKAI5     DANS    MKXANDUE  45 

rhommc  puissant...    Cf.  715,     combats    pas    avec  celui  qui 
83.  est  plus  fort  que  toi. 

III,  87.  Si  tu  veux  être  Laïul,  p.  160,  lign.  25. 
sage,  refuse  la    main  au  vol.     Si   tu  ne  veux   pas  périr,  ne 

cherche  pas  à  voler. 

m,  55.  Celui  dont  la  main  Land,    p.    103,    lign.    30. 

est  pleine  est  appelé  sage  et     L'opulence    est    proche     de 
honorable.  riionncur. 

m,  08.  Un  ret)ard  vivant  Land,  p.  102,  lign.  35. Un 
vaut  mieux  qu'un  lion  mort,     jour  sous  le  soleil  l'cmpnrto 

sur  cent  années  passées  dans 
l'enfer. 

III,  41.  N'allonge  pas  les  Land,  p.  101,  lign.  27-28. 
paroles  devant  ton  seigneur,  Il  n'est  rien  de  plus  beau 
des  paroles  de  sottise  et  de  que  le  silence.  La  tacitur- 
folie,  (et)  tu  ne  seras  pas  blà-  nité  est  toujours  belle.  Si  le 
mable  à  ses  yeux.  fol  lui-même  se  tait,  il  pas- 

sera pour  sage. 

m,  37.  Ne  réduis  pas  tes  Land,  p.  101,  Hgn.  19. 
enfants  h  la  misère.  Protèifc    ton   fils    coutre    la 

III,  13.   Verse  ton  vin  sur     misère, 
les  tombeaux   des  justes    et         Land,  p.  162,  lign.  5.  Nft 
ne  le  bois  pas  avec  les    im-     mange      pas    avec    l'homme 
pics  (ms.  C).  malhonnête. 

III,  11.  Incline  la  tète  et  Land,  100,  lign.  27.  Ne 
regarde  en  bas...  Ne  sois  pas  magnifie  pas  ta  démarche  de 
impudent  et  ([uerelleur.  crainte    qu'il   ne  t'en  arrive 

du  mal. 

Append.  II,  180.  Ce  qui  te  Land,   p.    100,    lign.    20. 

paraît  mauvais,  tu  ne  dois  pas     Tout  ce  qui  t'est  odieux,  ne 
le  faire  à  Ion  prochain.  le  fais  pas  à  ton  prochain. 

Ces  ressemblances  ne  paraîtront  pas  fortuites  si  l'on  veut 
bien  constater  qu'on  n'en  trouvera  aucune  avec  les  senten- 
ces d'autres  moralistes,  par  exemple  avec  celles  de  Philé- 


46  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'asSYRIEX 

mon  qui  suivent  celles  de  Ménandre  dans  l'édition  Didot 
(p.  107-132)  et  que,  pour  Ménandre  lui-même,  les  parallé- 
lismes  sont  limités  aux  sentences  en  un  vers  (p.  90-100), 
c.ir  on  n'en  trouve  pas  dans  les  autres  fragments  du  même 
auteur  (p.  1-89). 

Si  les  parallélismes  s'étaient  trouvés  limités  à  la  version 
gtec(jue  d  Ahîkar  et  aux  sentences  grecques  en  un  vers  de 
Ménandre,  on  admettrait  volontiers  que  l'auteur  de  la  ver- 
sion grecque  a  remplacé  les  maximes  d'Ahikar  par  celles  de 
Ménandre  qu'il  trouvait  plus  belles,  mais  la  concordance 
de  cert  fines  maximes  des  deux  versions  syriaques  d'Ahikar 
et  de  Ménandre  montie  que  la  cause  doit  être  recherchée 
plus  hiiut.  Le  plus  simple  est  d'admettre  que  Ménandre  a 
utilisé  les  écrits  de  Démocrite  c'est-à-dire,  à  travers  lui, 
ceux  d'Ahikar,  et  que  l'auteur  de  la  version  grecque  d'Ahi- 
kar a  pu  de  son  côté  prendre  Ménandre  pour  modèle. 

Vers  la  fin  du  second  siècle  de  notre  ère,  Diogène  Laerce 
nous  apprend,  v,  30,  que  Théophraste  (né  en  371  avant 
notre  ère,  mort  en  264)  a  composé  un  ouvrage  intitulé  'Axî- 
yapîr.  Faute  d'autres  détails,  ce  témoignage  a  peu  d'im- 
poi  tance  pour  notre  thèse,  il  montre  seulement  que  ce  nom 
d'Ahikar  devait  être  assez  familier  aux  anciens  auteurs 
grecs. 

Plus  important  est  le  témoignage  de  Strabon  (né  vers  60 
iiv.int  notre  ère)  *.  Dans  la  description  de  la  Judée,  il  cher- 
che à  qui  il  pourrait  comparer  Moïse  et  énumère  donc  les 
sages  des  divers  pays.  Il  écrit  : 

«  Les  devins  (sages)  étaient  honorés,  au  point  qu'on  les 
jugeait  dignes  de  la  royauté  comme  s'ils  nous  apportaient, 
et  dutant  leur  vie  et  après  leur  mort,  les  ordres  et  les  aver- 

I.  XVI,  II,  39,  éd.  Meinckc,  Leipzig  (Teubner),,  1898,  p.  1063; 
Od.  Didot,  Paris,  1853,  p.  6'»8-649. 


AI.IIKAR    DANS    STRABON  47 

tissements  divins;  comme  Tirc-sias...  Orphée  et  Musée... 
chez  les  Bosporéniens  Achaïcaros,  chez  les  Hindous  les 
frymnosophisles,  chez  les  Perses  les  Mages,  chez  les  Assy- 
riens les  Chaldéens.  Tel  était  aussi  Moïse  et  ceux  qui  le 
suivirent  ^.  » 

I.c  mot  «  Bosporéniens  »  est  assez  inattendu,  aussi 
M.  Théodore  Reinach  ^  a  proposé  de  le  remplacer  par 
«  Borsippéniens  »  '^,  ce  qui  nous  reporte  à  Borsippa  'eu 
Bahylonie.  De  plus  ce  nom  a  l'avantage  de  figurer  dans 
Strahon  en  un  autre  endroit*  et  d'y  désigner  piécisément 
un  groupe  de  sages  (de  Chaldéens),  ce  qui  conviendrait  très 
hien  à  l'idée  que  nous  nous  faisons  d'Ahikar  : 

«  Dans  Babylone,  une  demeure  particulière  est  réservée 
aux  philosophes  du  pays  qui  s'adonnent  surtout  à  l'astro- 
nomie et  cjui  sont  appelés  Chaldéens. 

«  ...  Il  y  a  plusieurs  écoles  parmi  les  Chaldéens  astrono- 
mes, car  les  uns  sont  nommés  Orchéniens  et  les  autres 
Borsippéniens  ^.    » 

Si  donc  on  admet  cette  correction  :  «  Borsippéniens  » 
au     lieu    de      «  Bosporéniens  »,    il   s'ensuit   que,     d'après 


1.  Oî  |j.ivTci;  £xi[j.à)VTO,  wCTTc  xal  pa(T(),£t'a;  à^ioCaSai,  w;  Ta  Tiapà  twv  Oîûv 
T|[j.ïv  iy.sïpovts;  7iapaY7£X[;.aTa  y.yX  âTravopOwjxara  xal  Z,ûyi~zç  v.al  àTroOavôvTS?, 
xaÔdtTicp  xal  ô  Teipeataî...  xali  'Opçeùç  xal  ô  Mo-Jffaïoî...  uapà  ôs  -roï;  I5o<t- 
7topr|VO[;'Ay_ai'xapo?,  Tiapà  lï  toi;  'IvSotç  o£  yj|jivoaoçta-Tai,  Ttapà  Sh  toÏç  IIsp- 
(latî  ûl  Mâyoï...  Tiapà  Sk  totç  'Aaa-jpîot;  ot  Xa/.oaîot...  Toto-jxoç  6s  tt;  r,'/  xal 
ô  Mwjt,;  xal  oî  c(aSe|à[A£vot  àxEÏvov. 

2.  Revue  des  études  juives^  t.  xxxvni,  1899,  p.  1-13. 

O.  M.  llalévy  {Revue  sémitique,  1900,  page  44)  propose  —  .sous 
toute  réserve  d'ailleurs  —  de  lire  «  Boslronien  »  et  de  revenir  ainsi 
à  Boslra,  en  Syrie,  mais  ce  nom  semble  inconnu  à  Sirabon,  11  se  trouve 
dans  Etienne  de  Byzance  aussi  bien  que  Borsippa. 

4.  XVII,  I,  6  ;  éd.  Didot,Paris,  1853,  p.  629  ;  éd.  Mcinckc,  p.  1030. 

5.  'Aço'jp'.T-o  5'iv  T?,  BaêuXwvi'a  xaTOtxta  toïç  âTttywpîoii;  çtXoaôçot;  toï;  XaX- 

ôas'oiî  Trpo<TaYop£uo[j.£votç,  ol  nspl  àffTpovoixi'av  eîcrl  tô  Tt^éov £(Tti  ce  xal  twv 

Xa/,5a;(ov  toIv  àffTpovo(j.tx(i)v  yîvv)  7t),£iw  xal  Y*P   'Op^ï^vot  tiv£;  TtpoaayopE-j- 
o/Ta'.  xal  Bop^tTiTirjVoi  xal  aXXoi  ttXecouç. 


48 


HISTOIRE    ET   SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


Sirabon,  Ahikar  était  célèbre  parmi  les  sages  de  lu  Baby- 
lonie;  c'est  un  précieux  témoignage,  tiré  sans  doute  de 
Poseidonios  (ii"  siècle  avant  notre  ère),  qui  vient  té- 
moigner   de    la   renommée  d'Ahikar. 

Si  Ton  n'admet  pas  cette  correction,  il  ne  s'ensuit  pas 
qiie  l'on  doive  renoncer  à  voir  notre  Ahikar  dans  le  texte 
de  Strabon,  car  ses  «  Bosporéniens  »  ne  sont  pas  les  rive- 
rains du  Bosphore  de  Thrace,  mais  des  peuplades  qui  habi- 
taient à  l'est  de  la  Crimée  et  de  la  mer  Noire,  partie  en 
Europe  et  partie  en  Asie'^.  Nous  sommes  donc  ramenés  au 
nord  de  l'Arménie  et  il  est  fort  possible  que  la  renommée 
d'Ahikar  soit  parvenue  par  cette  voie  jusqu'à  Poseidonios 
et  Strabon  ^. 

Origène  mentionne  Achiacar,  ma  s  il  est  difficile  de 
décider  s'il  le  mentionne  d'après  le  seul  livre  de  Tobie,  ou 
d'après  la  présente  histoire  (cf.  éd.  de  Cambridge,  p.  xliv). 

On  peut  enfin  se  demander  si  ce  nom  sous  la  forme  AcI- 
car,  n'est  pas  parvenu  de  bonne  heure  en  Occident,  car 
sur  l'ancienne  mosaïque  de  Monnus,  à  Trêves,  se  trouve 
un  homme  assis,  tenant  un  rouleau  écrit,  où  M.  Stude- 
mund  a  lu  le  nom  [Acjicar(us),  Archâol.  lahrb.,  t.  v 
(1890),  p.  4  sq.  ;  cf.  Pauly  et  Wissowa,  Encycl.  der  class. 
AUerlnniwiss.^  t.  i,  Stuttgart,  1894. 

1.  Sirabon,  XI,  ii,  10,   éd.  Didot,  p.  424. 

2.  Flavius  Josèphe  [De  bello  judaico,  II,  xvi,  4,  éd.  Didot,  Paris 
1865),  fait  dire  à  Agrippa:  Te  ôsï  )iy£iv  'IIvî^xo-j;  tî  xat  KôX/_o-j;  xal 
TÔ  Tôiv  Taûpwv  tpyXov,  Boo-Tcopavoûç  te  xal  zx  Trspiotxa  to-j  IIôvto-j  /.al  7Î\; 
MatwTtôo;  b'Gvr,.  Les  Bosporéniens  sont  doue,  pour  lui  aussi,  encadrés 
parmi  les  peuples  qui  vivent  vers  l'est  de  la  mer  Noire,  vers  le  Cau- 
case, aux  confins  de  l'Europe  et  de  l'Asie. 


AHIKAI?    ET    L  ANCIEN    TESTAMENT  49 

IH.  Ahikar  et  l'Ancien   Testament. 

A).  LIVRE   DE  TOBIE. 

1"  DÉPEyDAXCE  HISTORIQUE.  —  La  Vulgate  mentionne  à 
peine  Ahikar  ^.  Après  avoir  raconté  le  retour  du  fils  de 
Tobio,  elle  ajoute,  xi,  20  :  «  Achior  2  (Ahikar)  et  Nabath, 
cousins  de  Tobie,  vinrent  trouver  Tobie  avec  joie  et  le 
(elicitèrent  de  tous  les  bienfaits  de  Dieu  à  son  égard  "^.  » 

Par  contre  les  textes  grecs  sont  plus  explicites.  On  sait 
qu'il  existe  plusieurs  rédactions  du  livre  de  Tobie.  Celle 
du  Codex  Sinaiticus  est  plus  développée  que  celle  du  Vati- 
canus  et  ces  manuscrits  sont  tous  deux  d'une  belle  anti- 
quité, car  on  les  fait  remonter  au  iv''  siècle.  Nous  avons 
reproduit  ces  deux  rédactions  dans  la  Sainte  Bible  pohj- 
glolte  de  M.  Vigouroux  et  en  avons  ajouté  une  troisième 
aux  variantes  d'après  le  manuscrit  de  Paris,  supplément 
grec^  «"  C)(){)^  complété  par  les  manuscrits  auxquels  Holmes 
a  donné  les  numéros  44,  iOi),  101,  car  —  au  moins  pour  le 
livre  de  Tobie  —  ces  quatre  manuscrits  représentent  la 
môme  rédaction. 

11  existe  aussi  trois  anciennes  versions  latines   du   livre 

1.  Saint  JcTÔrne  nous  apprend  qu'il  a  Iraduit  le  livre  de  Tobie  eu 
un  jour  sur  un  texte  chaldéen.  Un  interprèle  lui  traduisait  le  clialdéen 
en  hébreu  et  saint  Jérôme  dictait  aussitôt  la  traduction  latine  à  un 
scribe  :  U/iiiis  diei  lahorein  arripui,  et  quidquid  ille  mihi  hebraicis 
vei bis  expressil,  hoc  ego  accito  notaiio  sermonibus  latinis  cxposiii 
Préface. 

2.  ISous  avons  dit  {supra,  page  7,  note  '2)  que  le  syriaque  porte  aussi 
Achior  et  que  M.  Meissner  en  a  conclu  que  le  chaldéen  de  saint  Jé- 
rôme était  peut-être  le  syriaque. 

3.  Deux  versions  hébraïques  omettent  tout  ce  qui  concerne  Aliikar 
et  Nadan  (même  le  passage  conservé  par  la  Vulgate)  ;  cf.  D'  M.  Gas- 
ter,  Tivo  unknown  Ilebrew  versions  of  tlie  Tobit  legend,  dans  les  Pro- 
ceedings  of  the  Society  ofhiblicai  Archœology,  t.  xviii,  189(i,  p.  208- 
222,  259-271  ;  t.  xix,  1897,  p.  27-38. 


50  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKÀR    l'aSSYRIEN 

deTobie  ^,  qui  diffèrent  notablement  entre  elles.  Nous  allons 
reproduire  la  Vêtus  Itala  telle  qu'elle  a  été  éditée  par  Saba- 
tier  2,  et  traduire  les  textes  du  Vaticanus  et  du  Sinaiticus. 
On  trouvera  les  textes  de  ces  deux  manuscrits  dans  l'édi- 
tion de  Cambridge,  p.  xxviii-xxix,  ou  dans  la  Sainte  Bible 
polyglotte  de  M.  Vigouroux. 


PREMIER    PASSAGE,    I,   21-22. 
SITUATIOX  D'AHIKAR    SA  PARENTÉ  AVEC  TOBIË 

SixAiTicus  Vaticaxus  Vetus  Itala 

Sacherdonos  ^,  Sacherdonos,  son  Et  regnavit  post 

sonfils  (fils  de  Sen-  fils,  régna  h  sa  pla-  eum  (post   Senna- 

nachérib),     régna  ce     et    il      établit  cherim)   Archedo- 

après  lui  et  il  établit  Achiacharos,      fils  nassar,  filius  ejus, 

Acheicharos  "*,   fils  d"Anaël,filsde  mon  pro  illo.  Et  consti- 

d'Anaëljfilsdemon  frère,    sur  tous  les  tuit      Achicarum  , 

frère  ^,  sur  tous  les  comptes     de     son  filium  fratris   mei 


1.  A  savoii-  :  1°  celle  qui  a  été  publiée  par  P.  Sabatier,  Bihliorum 
sacrorinn  lalinse  versiones  antiqux,'à  in-fol.,  Reims,  t.  i,  1743  ;  20  06116 
qu'a  éditée  Bianchini,  Vindicix  canonicarum  Scripturarum,  in-fol., 
Rome,  1740;  3"  celle  dont  Maï  a  publié  des  fragments,  Spicilegium 
romanum^  iu-8,  Rome,  t.  ix,  1843. 

2.  Voir  la  note  pi-écédento. 

3.  Asarhaddon  (681-668),  fils  de  Sennachérib  (705-681).  La  forme 
SapysSciv  que  l'on  trouve  ailleurs  est  la  meilleure,  fille  est  la  ti-ans- 
criplion  exacte  de  l'assyrien  Aêur-ah-iddin.  On  a  ajouté  ici  la  lermi- 
uaison  grecque  oç. 

4.  Ou  trouve  les  variantes  'Ayîiâyapoç,  'Ayti/apo?,  'A/£t'-/.apo;,  'A- 
ytiv.ip,  'A/i'xapo;,  'Aytayàp  (suppl.  grec  609).  Toutes  ces  formes  déri- 
vent de  Achikar  (Ahikar,  Alù-iaqar)par  1  adjonction  delà  terminaison 
grecque  oç  et  par  quelques  modifications  internes.  Cf.  supra,  p.  7. 

5.  Le  ms.  suppl.  609  porte  :  'Aycaxàp  xbv  yibv  'Avxavi),  tov  àS.  [ao-j. 
L'hébreu  de  Munster  porte  «  Akikar, fils  d'Hauanéel  »,  et  l'hébreu  de 


AIIIKAH    ET    L  ANCIEN    TESTAMENT  51 

comptes     de      son  royaume     et      sur    Annanihel,    super 
royaume   et  il   eut  toute  l'administra-   omnem  curam  re- 
pouvoir  sur   toute  tion.                              gni  ;  et  ipse  habe- 
l'administration.  bat  potestatem  su- 
per omnem  regio- 
nem. 
Alors  Acheicha-  Et   Achiacharos      Tune  petiit  Achi- 
ros  intercéda  pour  intercédapour  moi    cariis    regem    pro 
moi  et  j'allai  à  Ni-  et  j'allai  à  Ninive.    me  ,     erat      enim 
nive,     car    Achei-  Or        Achiacharos    consobrinusmeus; 
cliaros  était  grand  était    échanson    et   et  descendi  in  Ni- 
échanson  et  garde  garde      du     sceau    nive      in      domum 
du  sceau    royal   et  royal  et  intendant    meam,    et    reddita 
intendantet  maître  etmaîtredes  comp-   est  niihi  uxor  mea 
des     comptes     de  tes,  et    Sacherdo-    Anna  et  filius  meus 
Sennachérim,    roi  nos      l'établit      en    Thobias, 
des   Assyriens,    et  second   lieu   (dans 
Sacherdonos  l'éta-  cet  emploi)  ^,  et  il 
blit  en  second  lieu  était  mon  neveu, 
dans  le  même  em- 
ploi. Oril  était  mon 
neveu     et    de    ma 
parenté. 

Fagius  «  Aaron,  lils  d'Hananéel  ».  D'ailleurs  ce  texte  hébreu  édile 
par  Fagius  remplace  l'Élymaïde  par  l'Alamanîyâ  (Allcmague)  et  ne 
peut  donc  servir  d'autorité  pour  la  forme  des  uoms  propres.  Cf. 
Polyglotte  de  Wallon. 

1.  Ou  traduit  plus  souvent  :  «  et  Sacherdonos  lui  donna  la  seconde 
place  du  royaume.  »  Quelques  manuscrits  grecs  portent  explicitement 
cette  leçon  (Ss-jTspo;  xoû  Pa^rdétoç)  ;  S  et  F  prêtent  un  peu  h  ambiguïté 
(è/t  ôîUTÉpa;).  Nous  traduisons  comme  s'il  y  avait  i/.  ovjzipo-j  ou   xô  csû 

T£OOV. 


52  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIIvAH     l'aSSYRIEN 

DEUXIÈME    PASSAGE,   II,     10, 
AJOUTÉ  AU  RÉCIT  DE  LA  CÉCITÉ  DE  TOBIE 
SlXAlTICL'S  VaTICAXUS  VetuS   ItaLA 

Et  Achéiacharos         Or  Achiachnros  Achicarusautem 

me     nourrit     pen-  me  nourrit  jusqu'à  pascebat  me  annis 

dantdeux  ans  avant  ce    que    je     partis  cluobus,priusquam 

qu'il  allât  en  Ely-  pour  l'Elymaïcle.  iret  in  Limaïdam. 
m  aide. 

TROISIÈME     PASSAGE,   XI,     17-18. 

APRÈS  LE  RETOUR  DU  JEUNE  TOBIE  ET  LA   GUÉRISON 
DE  SON  PÈRE  AVEUGLE 

En  ce  jour-là,  il         Et  il  y  eut  joie  In   illa  die   crat 

y  eut  joie  pour  tous  pour  tous  ses  frè-  gaudium    magnum 

les  Juifs  qui  étaient  res     à    Ninive.    Et  omnibusJudrcisqii 

àNinive.  Et  Achei-  Acbiacharos     vint  erant  in  Ninive.  l^lt 

car  et  Nabad  ^  ses  avec   Nasbas  ^  son  venit  Acbicariiset 

neveux  vinrent  se  neveu.  Nabal      avunculus 

réjouir  avec  Tobie.  illius  gaudentes  ad 

Thobin. 

1.  Le  Sinaiticus,  plus  bas,  porte  toujours  Nadab. 

2.  Lo  Vaticanus,  plus  bas,  porte  toujours  Adam  corrigé  à  tort  en 
Aman  par  l'éditeur.  Cette  correction,  sans  valeur  critique  ni  impor- 
tance, n'en  a  pas  moins  fait  son  chemin,  et  quelques  auteurs  (eu  parti- 
culier M.  RenanetM.Th.  Reinach)  ont  cherché  des  rapports  entre  celte 
histoire  et  celle  d'Aman  et  Mardochée,  cf.  Renan,  Origines  du  chris- 
tianisme, t.  VI,  1879,  p.  556.  La  véritable  forme  est  Adam,  qui  se 
ramène  très  facilement  à  l'original  Nadan,  car  il  suffit  de  remplacer 
e7iotr|(T£v  a5a[j.  par  ETrotr^ce  vaS«|j..  D'ailleurs  p,  jj-,  v  ont  presque  la  môme 
forme  dans  les  mss.  grecs  et  se  permutent  fréquemment.  Nous  pou- 
vons donc  affirmer  que  Nadab  du  Sinaiticus  et  Adam  du  Vaticanus 
représentent  la  forme  originale  Nadan.  M.  E.  Schûrer  admet  qu'il  y 
a  des  rapports  entre  l'histoire  d'Ahikar  et  celle  de  Mardochée, mais  il 
regarde  Adam  et  Aman  comme  des  fautes  introduites  comme  consé- 
quence de  cette  ressemblance,  cf.  Theolog.  Literaturzeitung,  1897, 
n.  12,  p.  326. 


AHIKAR    ET    L  ANCIEN   TESTAMENT 


53 


QUATRIÈME    PASSAGE,    XIV,    10. 
DAi\S  LE  DISCOURS  DE   TODIE  AVANT  SA  MORT 


SiNAITICUS 


Vaticaxus 


Vêtus  Itala 


Vois,  enfant,  ce         Enfant,    vois  ce         EccefiliusNabad, 

que  Nadab  a  fait  à  qu'a    fait    Adam  à    quid  fecit  Achicaro 

Acheicaros  qui  l'a-  Achiacharos,     qui     qui    eum    nutrivit, 

vait  nourri  ;  ne  l'a-  l'avait  nourri, com-    qucm  vivum  dedu- 

vait-il  pas  fait  des-  me  il    l'a    conduit    xit  in  terrain  deor- 

cendre  vivant  dans  de  la  lumière  dans     sum  ?  Sed  reddidit 

la  terre  ?  Et  Dieu  les      ténèbres      et    Devis  malitiam  il- 

l'a  traité   selon   sa  comment  il  l'a  ré-    lius     ante    faciem 

méchanceté  devant  tritué.  Et  (Dieu)  a    ipsius  ;  et  Achicar 

lui  !    Et  Achicaros  sauvé  Achiacharos    exiit     ad      lucem, 

est  revenu  à  la  lu-  et  il  lui  a  rendu  ce    Nabad  autemintra- 

mière  etNadab  est  qu'il  méritait,  etlui    vit      in     tenebras 

entré  dans  les  té-  (Adam)  est  descen-    œternas,  quia  quae- 

nèbres   éternelles,  du   dans  les  ténè-     sivit   Nabad  Achi- 

parce  qu'il  a  cher-  bres.    Manassé  (li-    carum  occidere. 

ché  à  tuer  Achei-  re  :    Ahikar)  a  fait 

caros.   Parce   qu'il  l'aumône  et  il  a  été 

m'avait*   fait  l'au-  sauvé  du   piège  de 

mône,   il   est  sorti  la    mort   qu'il    lui 

du   piège    mortel  -  avait      tendu.      Et 

que  lui  avait  tendu  Adam    est    tombé 

Nadab,    et    Nadab  dans  le  piège  et  a 

est  tombé   dans  le  péri, 
piège    mortel  '^,  et 
il    l'a  perdu. 

Le  Codex  Sinailicus    renferme    encore  une    fois  le  nom 
d'Ahikar,   certainement  à  tort,    mais  ce  passage  a  son  im- 

1.  Lire  H-oi  au  lieu  de  [A£. 

2.  Litt.  :  «  piège  de  la  mort  ». 


54  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 

portance  pour  montrer  combien  facilement  se  permutaient 
les  noms  propres. 

CINQUIÈME    passage,     XIV,     15. 
FIN  DU  LIVRE  DE  TOBIE  1, 
SiXAITICUS  VatICANUS 

Avant  sa  mort  il         Avant  sa  mort  il 
vit    et    il    entendit     entendit  (raconter) 
(raconter)  la  prise    la  prise  de  Ninive, 
de  Ninive,  et  il  vit    qui    fut    emmenée 
les  prisonniers  qui     en     captivité     par 
furent  emmenés  en      Nabuchodonosor 
Médie  par  Achia-    etAssuérus,  et  il  se 
caros  2,  roi  de  Mé-    réjouit,    avant    de 
die,  etil  loua  Dieu     mourir,  sur  Ninive. 
de    tout    ce     qu'il 
avait   fait   aux   fils 
de    Ninive    et    de 
l'Assyrie.  Il  se  ré- 
jouit,avantde  mou- 
rir, sur  Ninive,  et 
il  loua  le  Seigneur 
Dieu  dans  les  siè- 
cles    des    siècles. 
Amen  3. 

1.  Celle  fin  manque  dans  les  éditions  hébraïques  de  Fagius  et  de 
Munster.  L'Itala  est  conforme  au  Sinaiticus. 

2.  Le  Sinaiticus  a  été  corrigé  plus  tard  par  un  scribe  qui  l'a  rendu 
conforme  au  Vaticanus  en  remplaçant  «  Aliikar  i  par  «  Nabuchodo- 
nosor et  Asouéros,  » 

3.  M.  Rendel  Harris  a  comparé  les  deux  textes  grecs  du  Vaticanus 
et  du  Sinaiticus.  Il  anoté  leurs  divergences,  au  sujet  surtout  d'Ahikar, 
et  a  cherché  à  les  expliquer.  Fprécise  les  noms  propres  tandis  que 
5  conserve  leur  véritable  forme.  F  introduit  à  tort  Manassé  au  lieu 
d'Ahikar.  S  conserve  (xiv,  4,  15)  la  locution  «  Assur  et  Ninive  »,  qui 


AHIKAn    ET    l'ancien    TESTAMENT  55 

La  version  syriaque  du  livre  de  Tobie  présente  la  même 
variété  d'orthographe  pour  les  noms  propres.  Après  Ahia- 
\iour,  I,  21,  22  ;  ii,  10,  on  trouve  '  Akikar,  xi,  18  ;  xiv,  10. 
De  même  Nadan  est  appelé  Laban,  xi,  48,  et  'Acab,  xiv,10. 

Nous  trouvons  ainsi  dans  Tobie  non  seulement  les  noms 
d'Ahikar  et  de  Nadan  (Nadam,  Nadab),  mais  leurs  fonctions 
à  la  cour,  leur  parenté  et  un  résumé  de  V Histoire  d'Ahikar: 
celui-ci  fut  descendu  vivant  sous  la  terre,  mais  Dieu  le  ra- 
mena à  la  lumière,  et  Nadan,  qui  avait  voulu  le  tuer,  fut 
victime  du  piège  qu'il  lui  avait  tendu.  Par  contre,  daus  \ His- 
toire d'Ahikar  nous  ne  trouvons  aucune  mention  de  Tobie  : 
la  rédaction  syriaque  du  manuscrit  de  Berlin,  tout  comme 
la  version  arménienne,  nous  apprend  qu'Ahikar  était  d'abord 
idolâtre  et  elle  est  d'accord  en  cela  avec  le  livre  de  Tobie, 
mais  elle  ne  fait  aucune  mention  de  sa  parenté. 

Il  paraît  donc  impossible  de  supposer  que  VHistoii-e 
d'Ahikar  a  été  composée  pour  expliquer  des  passages  obs- 
curs du  livre  de  Tobie,  sinon  son  auteur  aurait  cherché  à 
établir  plus  de  points  de  contact  entre  les  deux  livres.  Mais 
il  semble  bien  que  l'aute  ur  des  rédactions  grecques  du 
livre  de  Tobie  connaissait  V Histoire  d'Ahikar,  puisqu'il  y 


se  trouve  aussi  dans  Ahikar,  tandis  qtie  V  la  corrompt  en  :  «  Ninive 
[qu'emmenèrent  en  captivité  Nabuchodonosor]  et  Assuérus.  »  Assur 
est  devenu  Assuérus  et  les  mots  intermédiaires  ont  été  interpolés. 
Il  s'ensuit  que  S  l'emporte  en  général  sur  V,  il  représente  mieux  un 
original  sémite,  ou  il  a  été  corrigé  sur  un  original  sémite.  Cet  écrit 
original  était  d'ailleurs  araméen  et  non  hébreu,  car  les  formes  'AOùp 
et 'AOoupet'a,  propres  à  S,  sont  araméennes  et  non  hébraïques.  —  Ce- 
pendant V  a  aussi  grande  importance,  en  particulier  il  nous  a  con- 
servé (iv,  4-19)  le  discours  de  Tobie  que  5  a  omis.  Il  est  certain  que  ce 
discours  figurait  dans  l'original, car  .Çlui-mèmc,  après  l'avoir  omis,  con- 
serve la  finale  :  «  et  maintenant  enfant,  souviens-toi  de  ces  préceptes, 
et  qu'ils  ne  quittent  jamais  ton  cœur.  »  De  plus,  une  citation  de  saint 
Polycarpe  et  une  du  pseudo-Clément  se  rapportent,  dit  M.  Rendel  Ilar- 
ris,  à  F  et  non  à  S.  Cf.  The  double  text  of  Tobit,  dans  The  americoji 
journal  of  Theology,  t.  m,  1899,  p.  541-554. 


56  HISTOIRIv    ET    SAGESSE    d'aHIKAH     l'aSSYRIEN 

revient  en  cinq  endroits  différents  et  nous  en  fournit  en 
somme  un  résumé  *. 

2°  DÉPENDANCE  LITTERAIRE.  —  La  Vulgate  introduit  tou- 
jours Tobie  à  la  troisième  personne  comme  la  version  arabe 
le  fait  pour  Aliikar.  Elle  transforme  «  les  discours  » 
de  Tobie  surtout  en  une  «  histoire  »  de  Tobie.  C'est  donc 
au  texte  grec  que  nous  aurons  recours  pour  faire  la  pré- 
sente comparaison. 

Tobie  et  Ahikar  sont  des  livres  ((  de  paroles  »,  c'est-à- 
dire  «de  maximes  et  de  préceptes  »,  plus  encore  que  d'his- 
toire. 

C'est  le  titre  des  manuscrits  grecs  :  «  Livre  des  paroles 
de  Tobie.  »  i,  1. 

De  plus,  Tobie  parle  à  la  première  personne  jusqu'à  l'en- 
droit, III,  7,  où  l'incident  de  Sara,  fille  de  Raguel,  fait 
abandonner  le  discours  direct  pour  prendre  le  style  histo- 
rique : 

i,  3.  «Moi,  Tobie,  je  marchai  dnns  les  voies  de  la  vérité  et 
dans  la  justice  tous  les  jours  de  ma  vie...,  i,  4,  et  lorsque 
j'étais  dans  mon  pays,  dans  la  terre  d'Israël,  durant  ma 
jeunesse,  toute  la  tribu  de  Nephtali  mon  père  s'éloigna  du 
temple  de  Jérusalem...,  i,  5,  tous  mes  frères  et  la  maison 
de  Nephtali  mon  père  sacrifièrent  au  veau  que  le  roi  .léro- 
boam  éleva  à  Dan  sur  les  frontières  de  la  Galilée,  et  moi 
•seul  j'allais  souvent  à  Jérusalem  aux  jours  de  fêtes...,  i,  8, 
comme  l'ordonnait  Debbora,  mère  de  mon  père,  car  j'avais 
perdu  mon  père...  i,  20.  Tout  ce  que  j'avais  (me)  fut 
enlevé  et  il  ne  me  resta  qu'Anne  ma  femme,  et  Tobie 
mon  fils...  m,  1.  Affligé,  je  pleurai  et  je  priai  avec  larmes 
en  disant  :  Tu  es  juste,  Seigneur.  » 


1.  Par  conséquent  nous  ne  pouvons  admettre  que  l'Ahikar  des 
textes  grecs  de  Tobie  et  celui  de  la  légende  pourraient  ne  pas  être 
identiques,  comme  semble  ledire  l'encyclopédie  juive,  JewishEncyclo- 
pedia,  éd.  Isidor  Singer,  New- York,  1901,  1. 1,  p.  290. 


AHIKAK    ET    l'aNCIKX    TESTAMENT  57 

Enfin  Tol)îe  adresse  aussi  par  deux  fois  des  recomman- 
dations à  son  fils  : 

«  Il  dit  :  IV,  3.  Mon  fils,  si  je  meurs,  ensevelis-moi  et 
(après  ma  mort)  ne  méprise  pas  ta  mère,  révère-la  tous  les 
jours  de  ta  vie,  fais  ce  qui  lui  plaît  et  ne  la  contriste  pas.  . 
IV,  5.  Tous  les  jours,  mon  fils,  souviens-toi  du  Seigneur 
notre  Dieu...  iv,  12.  Garde-toi,  mon  fils,  de  toute  impureté 
et  prends  vite  une  femme  de  la  race  de  tes  pères  ;  ne  prends 
pas  une  femme  étrangère  qui  n'est  pas  de  la  tribu  de  Ion 
père...  donne  de  ton  pain  h  celui  qui  a  faim...  xiv,  3.  Il 
appela  son  fils  et  ses  enfants  et  il  lui  dit  :  Mon  fils,  prends 
tes  enfants,  voilà  que  j'ai  vieilli  et  que  je  suis  sur  le  point 
de  quitter  la  vie...  xiv,  8.  Et  maintenant,  mon  fils,  quitte 
Ninive,  car  ce  qu'a  dit  le  prophète  Jonas  va  arriver  ;  pour 
toi,  garde  la  loi  et  les  préceptes,  sois  miséricordieux  et 
juste,  afin  qu'il  t'en  arrive  du  bien...  xiv,  11.  Et  mainte- 
nant, mes  enfants,  voyez  la  puissance  de  l'aumône  et  que 
la  justice  sauve...  » 

De  même  la  version  arménienne  du  livre  d'Ahikar  a  pour 
titre  :  «  Les  maximes  et  la  sao-esse  d'Ahikar,  »  et  le  manus- 
crit  syriaque  C  porte  :  «  Proverbes,  c'est-à-dire  histoire, 
du  sage  Ahikar.  » 

Ahikar,  comme  Tobie,  raconte  lui-même  son  histoire  : 
«  i,  l.  Il  dit  :  Lorsque  je  vivais  à  l'époque  de  Sennachérib, 
roi  de  Ninive,  lorsque  moi,  Ahikar,  j'étais  trésorier  et 
scribe,  et  que  j'étais  jeune,  les  devins,  les  sages  et  les 
mages  me  dirent  :  Tu  n'auras  pas  d'enfant,  etc.  ))  CL 
infra . 

Cette  fois  le  style  direct  est  conservé  jusqu'à  la  fin  et,  à 
ce  point  de  vue,  Ahikar  a  plus  d'unité  que  le  livre  de  Tobie. 
L'auteur  adresse  encore,  comme  Tobie,  deux  séries  d'exhor- 
tations à  son  fils  adoptif  Nadau,  la  première  pour  l'instruire 
et  la  seconde  pour  lui  faire  comprendre  la  grandeur  de  sa 
faute  et  de  son  ingratitude  : 

m,  1.  «  0  mon  fils  Xadan,  écoute    mes  paroles,  suis  me» 


58  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aI.îIKAR    l'aS SYRIEN 

sentences,  et  souviens-toi  de  mon  discours,  comme  l'a  dit 
le  Seigneur,  etc.  »  Cf.  infra. 

XXXIII,  96.  -x  Mon  fils,  celui  qui  n'entend  pas  avec  les 
oreilles,  on  le  fait  entendre  par  derrière  le  dos,  etc.  ».  Cf. 
infra . 

Ajoutons  que  Tobie  et  Ahikar  adressent  chacun  deux 
prières  à  Dieu,  bien  que  pour  des  motifs  différents  :  Tobie, 
III,  2-6;  XIII  ;  Ahikar,  i,  4;  xv,  3-5. 

Nous  trouvons  donc  dans  les  deux  livres  même  forme  et 
mêmes  procédés  littéraires. 

3"  DÉPENDAycES  TEXTUELLES.  —  Elles  sont  peu  nombreu- 
ses. On  peut  seulement  citer  : 

Ahikar  Tobie 

III,  1.  0  mon  fils  Nadan  iv,  2.  Ecoute,  mon  fils, les 
écoute  mes  paroles,  suis  mes  paroles  de  ma  bouche  et  fais- 
conseils  et  souviens-toi  de  en  un  fondement  dans  ton 
mes  discours.  cœur  (Vulgate). 

9.  Mon  fils,  ne  pèche  pas  13.    Garde-toi,    mon    fils, 

avec  la  femme    de  ton   pro-  de  toute  fornication  '^. 
chain. 

App.  II,  198.  Mon  fils,  ce  16.  Ce  que  tu  ne  voudrais 

(jui  te  paraît  mauvais,  tu  ne  pas  qu'un  autre  te  fasse, vois 

dois  pas   le  faire  à  ton  voi-  à  ne    jamais    le    faire    à  un 

sin.  autre. 

m,  13.  Mon  fils,  verse  ton  18.  Mets  ton  pain   et  ton 

vin    sur     les    tombeaux    des  vin  sur  la  sépulture  du  juste 

justes  et  ne  le  bois  pas  avec  et  ne  veuille  pas  en  manger 

les  impies  (ms.  C).  et  en  boire  avec  les  pécheurs. 

16.    Joins-toi   aux    sages,  19.  Demande  toujours  con- 

aux  hommes  pieux.  seil  au  sage  ^. 

1.  Eusuite  Ahikar  (m,  11)  recommande  l'humilité  et  Tobie  (iv,  14) 
défend  l'orgueil.  L'idée  est  la  môme,  mais  il  n'y  a  pas  de  ressem- 
blances lexlucllcs. 

2.  Les  deux  histoires  se  passent  en  Assyrie.    Fréquentes  meutionu 


AHIKAR    ET    l'ancien    TESTAMENT  59 

Nous  lisons  dans  Tobie,  xiv,  10  :  «  Parce  quil  (Aliikar) 
rn  avait  fait  V aumône  {ïXtr^'^j.zcù^r) ,  il  est  sorti  du  piège  mor- 
tel. »  De  son  côté,  Ahikardit,  xxxiii,  97  :  «  Mon  fils,  je  t'ai 
fait  asseoir  sur  un  trône  glorieux,  et  toi  tu  m'as  précipité 
de  mon  trône.  Ma  justice  ma  sauvé,  »  et,  xxxiii,  138  :  «  De 
même  que  Dieu  m'a  maintenu  en  vie  à  cause  do  ma  justice, 
il  te  perdra  à  cause  de  tes  œuvres.  »  Il  y  a  identité  ici  entre 
Tobie  et  Ahikar,  la  diflerence  apparente  «aumône  »  et  «  jus- 
tice »  ne  tient  qu'à  deux  traductions  différentes  du  même 
mot  hébreu  sedaqah,  qui  signifie  à  l'a  fois  «  aumône  »  et 
«  justice  »  ^  Ici  c'est  Tobie  qui  nous  fait  comprendre  Alii- 
kar :  car  le  sens  «  aumône  »  s'impose  dans  Tobie  puisque 
«  Aliikar  l'a  nourri  deux  ans  »  (Tobie,  ii,  10,  grec);  d'ail- 
leurs le  livre  d'Ahikar  ne  nous  indiquait  pas  bien  claire- 
ment qu'elle  était  cette  «  justice  »  particulière  à  Aliikar  qui 
l'avait  sauvé  et  maintenu  en  vie.  Il  faut  donc  traduire  :  «Mes 
aumônes  m'ont  sauvé  »  et  «  Dieu  m'a  maintenu  en  vie  h 
cause  de  mes  aumônes  »  -. 

On  peut  enfin  rapprocher  l'importance  attachée  par  Alii- 
kar à  ses  funérailles,  ix,  6,  et  xiv,  du  soin  que  prend 
Tobie  d'enterrer  les  morts,  i,  20;  ii,  3-9  ;  iv,  3,  5;  xiv,  12. 


de  Ninive  dans  les  deux  (Tobie  :  i,  11  ;    xiv,  2,  6,  14  ;   Aliikar  :   i,  1  ; 
XII,  6  ;  XYi,  2  ;  xxx,  17  ;  xxxi,  etc.). 

1.  Aussi  il  arrive  qu'on  traduit  ce  mot  simultanément  par  les  deux 
mois    «  aumône    et   justice  »,    cf.   Tobie  xii,    9   :    ot  Troioûvreç  èXey](xo- 

(Tuva;  y.al  SixatofT-jvaç  ;  xiv,  11  :  îSete  tî  £A£Yi[j.octijvT|  Tioieî  y.al  Siy.atoff-jvr)  p-j£- 
xat  ;  II,  14  :  Ttoy  eîaiv  aï  ï\vr^\i.oa\j\a.i  aou  xal  at  Sc/.ato(TÛvac  (tovj.  Cf.  Prov. 
X,  2  ;  XI,  4,  où  la  Vulgate  traduit  par  justifia,  tandis  que  le  contexte, 
où  il  n  est  question  que  de  richesses,  montre  qu'il  faut  traduire  par 
<  aumônes  ». 

2.  L'inverse  n'est  cependant  pas  impossible.  Les  passages  d'Ahikar 
devraient  dans  ce  cas  se  traduire  par  «justice  »  et  l'écrit  original  de 
Tobie  visant  ces  passages  aurait  aussi  porté  sedaqah  =  justice,  mais 
le  traducleurgrecdeTobie — influencépar  le  commencement  du  livre 
—  aurait  égalé  en  xiv,  10,  sedaqah  à  èXeTjtioffûvrj.  En  toute  hypothèse 
il  y  a  identité. 


60  HISTOIUE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 


B)   ECCLESIASTIQUE 

Ahikar  s'est  inspiré  des  Proverbes  et  un  peu  des  Psau- 
mes, comme  on  le  verra  dans  les  notes  ;  il  cite  d'ailleurs  en 
quatre  endroits  des  paroles  plus  anciennes  qu'il  utilise,  m, 
1  ;  IV,  3,  XXXIII,  96,  note,  et  140.  Par  contre,  son  livre  sem- 
ble être  l'une  des  sources  de  FEcclésiastique.  Voici  quel- 
ques passages  parallèles.  D'autres  sont  indiqués  dans  les 
notes  de  notre  traduction. 

Ai.iiKAU  Ecclésiastique 

III,  79^^.  Lorsque  tu  verras  iv,    7.    Humilie     ton    âme 

un  homme  plus  âgé  que  toi,  devant  un  vieillard, 
lève-toi  devant  lui. 

83.  N'entre  pas  en  juge-  iv,   32.  Ne  résiste  pas  en 

ment  avec  un  homme  au  jour  face  du  puissant  et  ne  fais  pas 

de  sa  (puissance)  et  ne  rosis-  effort    contre     le    choc    du 

te    pas     au    fleuve    lorsqu'il  fleuve, 
vient  inonder. 

5.  Ne  te  hùte  pas  de  don-  iv,  34.  Ne  sois  pas  prompt 

ner  une  réponse.  de  ta  langue  (à  parler). 

'^           III,   87.    Si    tu    veux   être  v,  17.  Au  voleur   s'attache 

sage,    refuse   ta    bouche    au  la   confusion,  à   celui  qui   a 

mensonge  et  ta  main  au  vol,  deux   langues    la   plus   mau- 

et  tu  seras  sage.  vaise  renommée. 

17.  Si  tu  aimes  un  cama-  vi,  7.  Si  tu  as  un  ami,   ac- 

rade,  éprouve-le  d'abord   et  quiers-le  en   l'éprouvant,  et 

ensuite   prends-le  pour  ami.  ne  te  fie  pas  facilement  à  lui. 

App.  I,  157'^.  Celui-ci  est  vi,  14.    Un   ami  fidèle  est 

certainement      bienheureux  une    forte   protection,   celui 

qui     possède     un    véritable  qui  l'a  trouvé,  a  trouvé    un 

ami.  trésor. 

111,  1.   O  mon   fils  Nadan,  vi,  2^.  O  mon  fils,  écoute, 

écoute  mes  paroles,  suis  mes  reçois  le  conseil  de  l'iiitelli- 


AI.IIKAR    ET    l'ancien    TESTAMENT  61 

conseils    et  souviens-toi    de  gence  et  ne  rejeltc  pas   mon 

nies  discours.  conseil, 

.'?.').   Arrache     ton    fils    au  vu,  25.  Si  tu  as   des    fils, 

mal...  instruis-le,  et  frappe-  instruis-les  et  courbe-les  dès 

le  tant  qu'il  est  jeune.  leur  enfance. 

52.  Ne  blesse  pas  l'homme  viii,  1.  N'entre  pas  en  liti- 

puissant,  de  crainte  qu'il  ne  ge  avec  l'homme  puissant,  de 

résiste  et   ne    (te)   cause  du  crainte  de  tomber  dans  ses 

mal.  mains. 

79   (Ar).   Mon    fils^  ne   te  viii,  8.    Ne  te  réjouis  pas 

réjouis  pas  de  la  mort  de  ton  sur  ton  ennemi  mort,  sachant 

ennemi,  car  bientôt  tu  seras  que  tous  nous  mourrons, 
son  voisin.  Cf.   25. 

92*^.  Que  tes   yeux  ne  re-  ix,    8.    Détourne  ta    face 

gardent  pas     la    femme   qui  d'une    femme    parée,    et   ne 

est  belle,  et  ne  regarde  pas  considère    pas    une    beauté 

la    beauté     qui      n'est     pas  étrangère  ^. 
tienne. 

92^.  Car  beaucoupont  péri  ix,  9.  Beaucoup  ont  péri  à 

à  cause  de  la   beauté  d'une  cause    de    la    beauté     d'une 

femme,    et   son  amour   (est)  femme,  et  ainsi  la  concupis- 

comme  un  feu  qui  brûle.  cence  ^  comme  un  feu  s'em- 
brase. 

70.  Net'éloigne  pasde  ton  ix,   14.    Ne    quitte  pas  un 

premier  ami,  de  crainte  qu'il  ancien  ami,  car  un  nouveau 

n'y  eu  ait  aucun  autre   pour  ne  lui  sera  pas  semblable, 
le  remplacer. 

89.  Celui    qui    brille   par  xix,   20-27.    A   la  vue   on 

son  vêtement  brille  aussi  par  connaît  un  homme...   Le  vè- 

son  langage,  et  celui  qui  est  temenl  du  corps...  et  la  dé- 

1.  Le  texte  liébreu  de  l'Ecclésiasticfuc  est  idcntiijuo  au  syriaque 
et  porte  aussi  :  «  ne  regarde  pas  la  beauté  qui  n'est  pas  tienne  »  (dl 
ta  bit  êl  ifi  là  loq). 

2.  L'hébreu  porte  «  son  amour  j   {âhabiha)  aussi  bien  qu'Aliikar. 


62 


inSTOIHE    ET    SAGESSE    DAHIKAR    L  ASSYIUEN 


méprisable  dans  son  vêtement 
l'est  aussi  dans  sa  parole. 

70.  Cache  la  parole  dans 
ton  cœur  et  ne  révèle  pas  le 
secret  de  ton  camarade,  car, 
si  tu  le  révèles,  tu  as  repous- 
sé (son)  amitié  loin  de  toi. 


XXXIII,  100  (Ag).  Un  hom- 
me voulut  un  jour  lancer 
une  pierre  contre  le  ciel, elle 
retomba  sur   lui  et  l'écrasa. 

III,  66.  Pour  l'homme  qui 
n'a  pas  de  repos  durant  la 
vie,  la  mort  est  préférable  à 
la  vie. 

6.  Une  bonne  mémoire  et 
un  bon  renom  demeurent  à 
jamais. 

65.  Un  bon  renom  sub- 
siste toujours. 

9.  Ne  pèche  pas  avec  la 
femme  de  ton  prochain. 


marche  d'un  homme  le  font 
connaître  ^. 

2:xii,  26-27...  on  peut  re- 
trouver un  ami,  excepté 
quand  il  s'agit  d'invectives., 
de  révélation  de  secret...  en 
toutes  ces  choses  un  ami 
t'échappera. 

XXVII,  17.  Celui  qui  dévoile 
les  secrets  d'un  ami  perd  sa 
confiance,  et  il  ne  trouvera 
pas  d'ami  selon  son  cœur. 

XXVII,  28.  Si  quelqu'un 
jette  une  pierre  en  haut, c'est 
sur  sa  lête  qu'elle  retom- 
bera. 

xxx^  17.  Mieux  vaut  la 
mort  qu'une  vie  amère,  et  le 
repos  éternel  qu'une  lan- 
gueur persévérante.  Cf.  xli, 
3-4. 

xli,  16.  La  bonne  renom- 
mée demeurera  pour  tou- 
jours -'. 


XLI,  27.  Ne  regarde  pas  la 
femme    d'un  autre    homme. 


1.  L'accord  de  l'Ecclésiastique  avec  Ahikar  est  ici  assez  remar- 
quable, car  celte  pensée  est  un  peu  paradoxale  et  n'a  pas  de  par;il- 
lèle  dans  le  reste  de  la  Bible. 

2.  Prov.,  xxii,  1,  porte  :  «Un  bon  renom  vaut  mieux  que  de  grandes 
richesses;»  cette  pensée  se  retrouve  dans  Ahikar,  m,  64,  et  Ecclésias- 
tique, XLI,  15,  mais  la  durée  de  la  bonne  renommée  est  propre  à 
Ahikar,  m,  6,  64,  65,  et  à  Ecclésiatique,  xli,  15-16. 


AHIKAR    ET    l'aNCIEN    TESTAMENT  63 

3.  Si  tu  entends  une  paro-  xlii,  1.  Ne  répète  pas  l«s 
le  ne  la  révèle  à  personne.        paroles  que  tu  as  entendues. 

c)  AHIKAR  ET  DANIEL 

On  trouve  aussi  quelques  passages  parallèles,  mais  ils  ne 
sont  ni  assez  nombreux  ni  assez  caractéristiques  pour  sup- 
poser un  emprunt  direct.  Ces  quelques  parallélismes  s'ex- 
pliquent ici  par  le  fait  que  les  deux  auteurs  écrivaient  dans 
un  milieu  babylonien  : 

«  Les  devins,  les  mages  et  les  sages  »  font  une  prédiction 
à  Ahikar,  i,  1  ;  le  roi  Sarhédom  réunit  tous  les  principaux  : 
«les sages,  les  mages  et  les  savants  de  son  royaume,  »  xvii,  1. 
De  même,  dans  Daniel,  le  roi  Nabuchodonosor  réunit 
«  les  augures,  les  mages,  les  devins  et  les  Chaldéens  »,  ii, 
2  ;  IV,  4  ;  V,  7. 

Ahikar  salue  le  roi  par  la  formule  :  «  0  mou  Seigneur  le 
roi,  vis  toujours  dans  les  générations  des  générations,  »  n, 
4;  XXXII,    4;   ou:  «  Seigneur   roi,   vis    à  jamais!    »  ix.   G; 

XXIV,    1. 

De  même  dans  Daniel  :  «  Roi,  vis  à  jamais  !  »  ii,  4  ; 
111,9;  v,  10;  VI,  6,  21. 

Ahikar  revêt Nadan  «  de  pourpre  et  d'écarlate  »,  ii,  1,  et 
Sarhédom,  pour  récompenser  Nabousemak,  lui  promet 
cent  habits  de  pourpre,  xix,  2. 

De  même,  Nabuchodonosor,  pour  récompenser  Daniel, 
lui  promet  «  des  habits  de  pourpre  »,  v,  1(3. 

Nadan,  ne  pouvant  expliquer  l'énigme,  s'écrie  :  «  Les 
dieux  ne  pourraient  pas  faire  de  telles  choses,  comment  les 
hommes  le  pourraient-ils  I  » 

Les  Chaldéens, dans  des  circonstances  analogues,  disent 
au  roi  :  «  Ce  que  tu  demandes,  ô  roi,  est  difficile,  et  on  ne 
trouvera  personne  qui  le  fasse  en  présence  du  roi,  excepté 
les  dieux,  qui  n'ont  pas  de  rapport  avec  les  hommes,  »  Dan., 
Il,  11. 


04  niSTOIRi;    ET    SACIÎSSE    D  AI.IIKAH     L  ASSYIIIEN 

Ahikar  dit  :  «  Mes  cheveux  descendaient  sur  mes  épaules, 
ma  barbe  arrivait  jusqu'à  ma  poitrine,  mon  corps  était 
souillé  de  poussière  et  nies  ongles  étiiient  aussi  longs  que 
ceux  de  l'aisle,  »  xxi,  1. 

De  môme,  Nabuchodonosor,  chassé  d'entre  les  hommes, 
«  mangea  de  l'herbe  comme  un  bœuf,  et  son  corps  fut 
mouillé  de  la  rosée  du  ciel,  ses  cheveux  crurent  comme 
(les  plumes)  des  aigles  ^  et  ses  ongles  comme  (ceux)  des 
oiseaux,  »  Dan.,  iv,  .^0. 

IV.  Ahikar  et  le  Nouveau  Testament. 

M.  James  le  premier  [Apocj-ypha  anecdota,  Cambridge, 
1893  ;  t.  II,  p.  158,  note  1^  a  signalé  la  grande  ressemblance 
qui  existe  entre  la  conduite  de  Nadan  et  celle  du  mauvais 
serviteur,  Matth.,  xxiv,  48-51  ;  Luc,  xii,  45-46. 

«  Nadan,  mon  fils,  dissipa  mon  bien  et  n'épargna  pas 
mes  meilleurs  serviteurs  qu'il  frappa  devant  moi.  ni  mes 
bêtes  de  somme  et  mes  mules  qu'il  tua,  iv,  2...  il  réunit 
des  femmes  débauchées  et  il  les  fit  asseoir  pour  manger  et 
boire  au  milieu  des  chants  et  de  l'allégresse.  Il  tua,  dépouil- 
la et  frappa  mes  serviteurs  et  mes  servantes  ;  il  ne  respecta 
même  pas  ma  femme,  xiv,  2-3.  »  Plus  tard,  lorsque  Ahikar, 
que  l'on  croyait  mort,  fut  rentré  en  faveur  auprès  du  roi 
de  manière  bien  inespérée,  il  se  fit  livrer  Nadan,  puis  «  je 
lui  mis,  dit-il,  des  liens  de  fer  aux  pieds  et  aux  mains..., 
et  je  commençai  à  le  flageller  de  verges,  xxxii,  10...  je 
le  mis  sous  le  portique  à  la  porte  de  mon  vestibule,  je  lui 
donnai  du  pain  et  de  l'eau   avec  mesure  »,   ibid.  6"  (note). 

1.  Lilt.  :  «  Ses  cheveux  crurent  comme  (ceux)  des  aigles,  »  ce  qui 
ne  se  comprend  guère.  Si  un  lexte  dépend  de  l'autre,  c'est  certaine- 
ment Daniel  qui  dépend  d'Ahikar  et  qui  —  pour  s^e  conformer  aux 
habitudes  du  parallélisme  poétique  des  Hébreux  —  a  donné  une  tour- 
nure plus  poétique  à  :  «  mes  cheveux  descendaient  sur  mes  épaules, 
et  mes  ongles  étaient  aussi  longs  que  ceux  de  l'aigle,  s 


Al.UKAU    ET    LE    NOUVEAU    TESTAMENT  GS 

D'après  la  rédaction  F,  qui  précise  ainsi  le  sens  de  6\Nadaa 
est  enfermé  dans  le  caveau  obscur  où  Ahikar  avait  dû  se 
cacher.  Enfin,  après  les  remontrances  d'Ahikar,le  corps  de 
Nadan  «  gonfla  et  devint  comme  une  outre  pleine  et  ses- 
enlrailles  sortirent  de  ses  lombes,  xxxiv,  1  ^.  » 

Comparons  maintenant  à  cette  histoire  de  Nadan  les  deux 
rédactions  de  la  parabole  du  mauvais  serviteur, 

IMatth.,  xxiv,  48-51.  Luc,  xii,  45,  4G. 

ISIais  si  ce  méchant  servi-  Mais  si  ce  serviteur  dit  en 

leur    dit"  dans     son    cœur  :     son  cœur  :  Mon  maître   tar- 
Mou    maître    tarde  (à  venir),     de  à  venir,  et  ([uil  se  mette 
et  qu'il  se  mette  à  battre  ses     à  battre  les  serviteurs  et  les 
compagnons  de  service  et  à     servantes,  à  manocr,  à  boire 
manger   et  à  boire  avec  des     et  à  s'enivrer,   le   maître    de 
ivrognes,    le    maître    de     ce     ce  serviteur  viendra  le  jour 
serviteur    viendra     le     jour     qu'il    ne    l'attend    pas    et    à 
qu'il    ne    l'attend    pas   et   à     l'heure  qu'il  ne  sait  pas,  et  il 
l'heure  (|u'il  ne  sait  pas,    et     le   séparera   [lilt.   :  il  le  par- 
il  le  séparera  (Z«7^  :  il  le  par-     tagera   en    deux  2)     et  il   lui 
tagera   en   deux  -)    et    il    lui     donnera  sa  portion  avec  les 
donnera  sa  portion  avec  les     infidèles, 
hypocrites  ;   c'est   là   qu'il  y 
auia  des  pleurs  et  des  grin- 
cements de  dents. 

Les  ressemblances  entre  l'histoire  de  Nadan  et  cette  para- 
bole du  mauvais  serviteur  sont  assez  frappantes  pour  que 
M.  James  ait  regardé  la  seconde  comme  une  dépendance 
de  la  première  et  pour  que  M.  Rendel  Marris  ait  pu  écrire, 
afin  de  faire  image,  qu'Ahikar  était  l'un  des  livres  de  la 
bibliothèque  de   Notre-Seigncur  Jésus-Christ,   et   qu'il  lui 

1.  Le  syriaque,  l'ariuéuien,  l'aiabe  cl  le  uéo-eyriaque  porlont  ton» 
que  Na'ian  <(  gonfla  et  creva  ». 
2.  SiyoTojj./i'jît. 

5. 


66  HISTOIIIR    ET    SACKSSK    d'aiUKAR    l'aSSYRIEN 

avait  emprunté  le  type  du  mauvais  serviteur.  M.  Velter, 
avec  raison,  croit  cette  ressemblance  fortuite,  sinon  on 
trouverait  d'autres  points  communs,  ce  qui  n'a  pas  lieu  ^ 
Les  paraboles  du  Nouveau  Testament  et  celles  d'Ahikar 
n'ont  pas  d'autre  point  de  contact  et  sont  séparées  par 
plusieurs  siècles  de  maèal  juive. 

y.  Ahikar  et  le  Talmud. 

1°  I,  4  (note),  III,  84,  supposent  l'habitude  de  mettre 
de  la  poussière  sur  les  yeux  des  morts.  Un  passade  du  Tal- 
mud relatif  à  Alexandre  le  Grand  paraît  supposer  la  même 
coutume.  Nous  le  citons  aux  variantes,  m,  84  2. 

2°  XVI  ;   XXX,    6-9,    29-30.    On     demande    h    Ahikar    de. 
construire  un  palais  en  l'air  et  de  coudre  une  meule. 

Le  Talmud  de  Babylone  renferme  des  histoires  analogues 
(traité  BeclwrotJiy  8)  :  «  Les  sages  d'Athènes  demandèrent  <à 
Rabbi  Josua  ben  Chanania  ^  :  Bâtis-nous  une  maison  dans 
l'air  du  monde.  Il  répondit  :  Il  y  en  a  un  qui  se  tient  entre 
le  ciel  et  la  terre  et  qui  crie  :  Donnez-moi  des  briques  et 
du  mortier.  Ils  dirent  :  Qui  peut  lui  en  fournir  si  haut?  Il 
répondit:  Qui  peut  donc  bâtir  une  maison  entre  ciel  et 
terre?...  Ils  lui  dirent  encore  :  Nous  avons  une  meule  bri- 
sée, peux-tu  nous  la  recoudre?  Il  en  prit  un  morceau,  le 
leur  jeta  et  dit:  Faites-moi  des  aiguilles  avec  cela  et  je 
vous    la   coudrai.   Comme  ils   dirent   :    Qui  peut  faire    des 

1.  On  trouvera  quelques  reuvois  au  Nouveau  Testament;  xxxin,  ll'i, 
et  II  Pierre,  ii,  22  (porc  qui  retourne  au  bourbier),  avec  xxxiii,  135, 
et  Luc,  XIII,  6-9  (Gguier  qui  ne  porte  pas  de  fruits)  présentent  seuls 
quelfjue  intérêt. 

2.  Nous  n'avons  pas  trouvé  ce  passage  dans  le  Talmud  de  Jérusa- 
lem, qui  contient  seulement,  sur  Alexandre,  le  voyage  chez  le  roi  de 
Cassi;i  pour  voir  comment  il  juge  ;  trad.  de  Moïse  Schwab,  P;irîs, 
I871-lfi90,  t.  X,  p.  94. 

3.  Cité  par  M.  Vetter. 


AHIKAR    DANS    LES    LITTÉRATUKES    ORIENTALES  G7 

aiguilles  fivec  une  meule,  il  leur  répondit  :  Qui  peut  coudre 
une  mcnic  ?  » 

Ces  passages  ont  toute  chance  d'avoir  été  inspirés  par 
Ahikar  ou  par  l'un  de  ses  dérivés  ^. 

3*^  jM.  Gaster  cite  une  douzaine  de  traits  -  empruntés 
à  la  littérature  juive  et  plus  ou  moins  parallèles  à  V Histoire 
(CAJiihar.  Le  plus  rra[)pant,  qui  est  d'Eliézer  le  Grand,  est 
le  suivant  :  «  Mon  fils,  ne  révèle  pas  ton  secret  à  ta  femme, 
sois  fidèle  et  dévoué  en  tout,  ne  révèle  pas  ton  secret  ta  ton 
ami  quand  tu  es  en  dispute  avec  lui  ni  même  quand  tu  es  en 
paix  avec  lui.  »  Cf.  App.  I,  151;  App.  II,  178.  Les  ressem- 
blances sont  donc  trop  faibles,  comme  le  conclut  M.  Gaster 
lui-même,  pour  que  l'on  songe  à  établir  une  dépendance 
direcle  entre  les  écrits. 


VI.  Ahikar  dans  les  littératures  orientales. 

1"  Dans  les  ApopJitcgmes  des  Pères  égyptiens  (iv^  au  vi* 
siècle)  nous  avons  relevé  quelques  passages  parallèles  à 
Ahikar,  m.iis  leur  nombre  n'est  pas  assez  grand  pour  que 
l'on  puisse  conclure  à  une  dépendance  directe,  cf.  m,  2G 
(ei85)  ;  III,  84;  App.  II,  198. 

2°M.  J.  V>'ASQ\\\m\[àAXis  Kurze  Bihliogr.  Unters.,  1901,  l.ii, 
p.  123  sq.),  cité  par  M.  Velter,  a  relevé  les  passages  paral- 
lèles à  Ahikar  qui  se  trouvent  dans  les  anciens  historiens 
arméniens.  Le  plus  frappant  se  trouve  dans  V Apologie  d'Ez- 
nik,j,  15  (ve  siècle)  :  «  Vraiment  ce  n'est  pas  en  vain  que 
la  parole  du  sage  a  été  dite  :  Celui  quf  n'écoute  pas  avec 

1.  Ils  ne  fleurent  pas  daus  le  'J'alnuid  de  Jérusalem  el  apparlieiincnl 
donc  moins  à  la  littérature  juive  qu'à  la  littérature  babylonienne.  Le 
Talmud  de  Jérusalem  ne  mentionne  pas  Sarl.iédom  ni  le  Tobie 
biblique.  Sennachérib  lui-même  n'y  figure  que  deux  fois  et  cela 
fort  iucidenimenl,  trad.  Moïse  Schwab,  t.  v,  p.  139  ;  t.  vi,  p.  42. 

2.  Journal  of  ihe  Royal  Asialic  Society,  1900,  p.  ;n8-319. 


68  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAH     l'aSSYIUEN 

son  oreille,  on  le  fera  écouter  avec  son  dos.  »  Cf.  Ahikar, 
xxxiii,  96  :  «  Mon  fils,  il  est  dit  dans  les  Proverbes  :  Celui 
qui  n'entend  pas  avec  les  oreilles,  on  le  fait  entendre  par 
derrière  son  dos  ^.  »  M.  Vetter  croit  que  les  coïncidences 
entre  les  anciens  auteurs  arméniens  et  Ahikar  sont  fortuites 
ou  doivent  s'expliquer  par  une  source  commune,  car  la  ver- 
sion arménienne  de  Vllistoire  d'Ahikar  est  assez  récente 
comme  nous  le  dirons  plus  bas.  Il  n'est  cependant  pas  im- 
possible qu'il  ait  existé  auparavant  une  compilation  quel- 
conque des  Proverbes  d'Ahikar  traduite  en  Arménien,  mais 
son  existence  n'est  pas  encore  démontrée. 

3"  M.  Rendel  Harris,  éd.  de  Cambridge,  p.  lxxii  h  lxxix, 
a  signalé  aussi  les  ressemblances  qui  existent  entre  Ahikar 
et  le  chapitre  du  Coran  (sourate  xxxi)  consacré  à  Loqman, 
Nous  traiterons  plus  bas  des  identifications  partielles  qui 
ont  été  faites  d'Ahikar,  Esope  et  Loqman  (cf.  chap.  YI  : 
Ahikar  et  les  fabulistes).  Signalons  seulement  ici  les 
ressemblances  textuelles  : 

«  11.  Nous  donnâmes  la  sagesse  à  Loqman  et  nous  lui  dî- 
mes :  Rends  gràcesàDieu.  Celui  qui  chéritlareconnaissance 
en  a  le  mérite  pour  lui.  L'ingrat  l'est  en  pure  perte.  Le 
Très-Haut  est  riche,  et  sa  louange  est  en  lui-même. 

«  12.  Loqman  exhortant  son  fils  lui  dit  :  0  mon  fils  !  ne 
donne  point  d'égal  à  Dieu.  L'idolâtrie  est  le  plus  grand  des 
crimes. 

«  13.  Nous  avons  prescrit  à  l'homme  des  devoirs  sacrés 
envers  les  auteurs  de  ses  jours... 

«  15.  O  mon  fils  !  ce  qui  n'aurait  que  le  poids  d'un  grain 
de  moutarde,  fût-il  caché  dans  l'antre  d'un  rocher,  au  ciel 
ou  sur  la  terre,  sera  produit  par  les  mains  de  Dieu,  parce 
que  rien  n'échappe  à  sa  pénétration. 

1.  M.  Rcndcl  Harris,  p.  lxxxi,  cite  aussi  une  parole  de  Lazare   de 
Pliarbe,  vc  siècle,  apparentée  à  xxxiii,  114. 


ahikah   dans  les  littératures  orientales  69 

((  IG.  O  mon  fils  !  fais  la  prière.  Commande  la  justice. 
Empêche  l'iniquité,  souffre  patiemment  les  maux  qui  t'arri- 
vent.  Ils  sont  une  suite  des  décrets  éternels. 

«  17.  Ne  détourne  point  orgueilleusement  tes  regards  des 
hommes.  Ne  marche  point  avec  faste  sur  la  terre,  Dieu  hait 
le  superbe  et  le  glorieux. 

«  18.  Sois  modeste  dans  ta  conduite.  Abaisse  le  son  de 
ta  voix  ;  la  plus  désagréable  de  toutes  est  celle  de  l'âne...  » 

Les  ressemblances  avec  Ahikar  sont  assez  nombreuses  : 

1.  Loqman  aussi  est  un  sage  (11). 

2.  La  phrase  sur  la  reconnaissance  et  l'ingratitude  (11) 
peut  avoir  été  inspirée  par  l'histoire  de  Nadan. 

3.  Loqman  aussi  donne  des  conseils  moraux  à  son  fils  et 
il  débute  aussi  par  les  mots  :  O  mon  fils^  12,  15,  16. 

4.  Les  maximes  12  à  15  peuvent  être  propres  à  Mahomet, 
qui  voulait,  sous  le  nom  de  Loqman,  recommander  le  mo- 
nothéisme et  la  Providence,  cependant  le  culte  de  Dieu  et 
le  respect  des  parents  sont  aussi  recommandés  par  Ahikar 
(app.  I,  143,  et  c.  111,37). 

5.  Les  recommandations  pour  la  justice  et  contre  l'ini- 
quité (16)  se  trouvent  aussi  en  partie  dans  Ahikar,  m,  47, 
78. 

6.  L'iiumilité  (17j  est  recommandée  par  Ahikar,  m,  48. 

7.  Le  verset  18  se  retrouve  dans  Ahikar,  m,  lira  N'élève 
pas  la  voix  avec  jactance  et  tumulte,  car  s'il  suffisait  d'une 
voix  puissante  pour  construire  une  maison,  l'âne  en  bâti- 
rait deux  en  un  jour.  » 

Il  ne  doit  pas  paraître  étonnant  que  Mahomet  ait  pu  con- 
naître les  maximes  d'Ahikar,  car  le  Coran,  dit  M.  Rendel 
Marris  (p.  lxxh),  est  plein  de  Haggada  juive  et  de  légendes 
chrétiennes  *.  Les  concordances  textuelles  sont  rares  parce 

l.Coci  s'explique  par  l'iiinuence  des  puissaules  tribus  juives  qui  en- 
louraienl  la  Mecque.  Une  légende,  conservée  dans  les  littératures  orien- 
tales vent  qu'un  moine  chrétien,  Bithira,  ait  instruit  Mahomet  (R.  Got- 
iheil,  A  Christian  Baliira  Legend^  dans  Zeits.  /'.  Assyv.  t.  xiii,1899.  Ce- 


70 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


que  Mahomet  ne  connaissait  sans  doute  et  la  Bible  et  les 
légendes  juives  ou  chrétiennes  que  par  tradition  orale 
etj  de  plus,  lorsqu'il  les  citait  de  mémoire,  il  lesaccommo- 
daità  son  imag^ination  et  aux  exigences  du  moment  où  il 
écrivait. 


La  légende  Loqman-Ahikar  se  développa  après  le  Coran, 
car  dans  un  recueil  de  sentences  qui  remonterait  à  Honein 
ibn  Ishak,  mort  en  873  (cf.  infra,  chap.  VI,  v),  nous 
trouvons  une  biographie  de  Loqman  et  surtout  un  long 
recueil  de  maximes  adressées  à  son  fils.  Nous  en  citons 
quelques-unes  d'après  la  traduction  de  Guillaume  de 
Tignonville,  Las  dictz  moi-aulx  des  Philosophes,  Paris,  1531, 
fol.   Lxxxi  sq. 

L'auteur  attribue  d'abord  à  Loqman,  né  en  Ethiopie,  une 
partie  des  faits  qui  se  trouvent  aussi  dans  la  vie  d'Ésope, 
comme  le  pari  de  boire  la  mer  ;  il  continue  :  «  Ycelui  juif, 
qui  était  maître  de  Loqman  ^,  lui  donna  plusieurs  trésors 
lesquels  il  distribua  en  aumônes  et  prêta  aux  pauvres 
souffreteux  sans  usures  et,  pour  ce,  Dieu  lui  multiplia  ses 
biens  grandement.  Et  aussi  dit-on  qu'il  laissa  toutes  ses 
richesses  et  se  fit  reclus  en  un  temple  et  demeura  solitaire - 


lui-ci  d'ailleurs  se  réclamait  des  Juifs  et  des  chrétiens,  par  exemple, 
sourate  lxi  :  «  Pourquoi  m'affligez-vous  ?  disait  Moïse  aux  Israélites. 
Je  suis  l'interprète  du  ciel  auprès  de  vous,  vous  ne  l'ignorez  pas...  Je 
suis  l'apôtre  de  Dieu,  répétait  aux  Juifs  Jésus,  fils  de  Marie.  Je  viens 
confirmer  la  vérité  du  Pentateuque  qui  ma  précédé,  et  vous  annon- 
cer Theureuse  venue  du  prophète  qui  me  suivra.  Ahmed  est  son  nom. 
Jésus  prouva  sa  mission  par  des  miracles,  et  les  Hébreux  s'écrièrent  : 
C'est  un  imposteur...  ô  croyants  !  soyez  les  ministres  de  Dieu,  comme 
le  disait  Jésus,  fils  de  Marie,  aux  apôtres,  quand  il  leur  demanda  : 
Qui  m'aidera  ù  étendre  la  religion  divine  ?  —  Nous  serons  tes  minis- 
tres, répoudirent-ils.  » 

1.  Nous  ne  modifions  l'orthographe  du  traducteur  que  dans  les  cas, 
assez  nombreux,  où  la  clarté  le  demande. 


AHIKAU    DANS    LES    LITTÉuATUKES    ORIENTALES  71 

ment  jusqucs  à  sa  mort  et  prêcha  moult  de  belles  choses  à 
son  lîls  en  disant  : 

«Fils,  aie  abstinence  et  restreins  ta  volonté...  Fils,  parle 
toujours  de  Dieu  ^  et  Dieu  mettra  en  ta  bouche  de  bonnes 
paroles.  —  Fils,  mets  toujours  tes  œuvres  devant  tes  yeux 
et  celles  d'autrui  derrière.  —  Fils,  quand  tu  verras  aulcun 
pécher,  ne  lui  reproche  mye  ses  fautes  mais  pense  aux  tien- 
nes, desquelles  tu  auras  seulement  à  rendre  compte  -.  — 
Fils,  suffis-toi  de  peu  de  chose  et  ne  convoite  pas  les  biens 
d'autrui  ^.  —  Fils,...  converse  avec  les  sages  et  ainsi  tu 
pourras  acquérir  la  sagesse^.  — ...  et  il  dit  :  Garde  le 
silence,  car  je  me  suis  plus  souvent  repenti  d'avoir  parlé 
que  de  m  être  tu  •'•.  —  ...  fils,  crains  Dieu  et  te  garde  de 
vaine  gloire.  —  ...  et  sache,  fils,  que  si  un  fol  parle,  il  se 
fera  moquer  de  lui  par  son  mal  gracieux  parler  ^... 

«  Fils,  ne  veuille  mye  perdre  tes  propres  choses  pour 
garderies  estranges,  cartes  propres  choses  sont  les  biens 
que  ton  àme  emportera  avec  elle  et  les  autres  richesses 
qui  demeureront  après  ta  mort  seront  à  autruy.  —  Fils, 
honore  la  sagesse,  ne  la  refuse  pas  à  ceux  qui  la  désireront 
connaître  et  ne  la  montre  pas  à  ceux  qui  la  méprisent  ^.  — 
Fils,  fais  ta  société  de  ceux  que  Dieu  aime.  —  Fils,  honore 
Dieu  et  le  prie  qu'il  te  veuille  garder  d'avoir  mauvaise  fem- 
me et  qu'il  la  veuille  enseigner,  car  il  n'y  a  pas  d'autre 
remède  **.  — Fils,  montre  à  autrui  les  biens  que  tu  as  appris. 
Ne   fais  pas  ta  société  des   mauvais,  de   crainte  que    tu   ne 

1.  Cf.  Ahikar,  app.  I,  l'i3  ;  app.  lY,  266. 

2.  Cf.  app.  I,  142  b. 
•S.  Cf.  app.  I,  148. 

4.  Cf.  iir,  16. 

5.  Cf.  m,  71  ;  app.  IV,  269. 

6.  Il  y  a  ici  uue  page  sur  les  marques  caractcrisliques  de  l'iaseusc, 
et  une  aulre  page  sur  celles  du  sage,  opposées  aux  précédentes. 

7.  Cf.  app.  I,  147  a. 

8.  Cf.  app.  III,  251. 


72 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AI.llKAIt     L  ASSYIUEN 


■deviennes  l'un  d'eux  ^...  —  Fils,  habite  continuellement 
avec  les  sages... 

«  Et  il  dit  :  Fils,  ne  te  veuilles  mye  asseoir  au  plus  haut 
iieu,  car  mieux  vaut  qu'on  te  fasse  lever  de  plus  bas  pour 
toi  asseoir  plus  haut,  que  de  recevoir  si  grande  vilenie 
comme  toi  ôter  d'un  haut  lieu  pour  toi  mettre  plus  bas  ^... 
Et  il  dit  :  S  il  te  convient  envoyer  quelque  messager  eu 
légation,  tâche  d'y  envoyer  un  sage  ^  et,  si  tu  ne  le  peux 
pas,  vas-y  toi-même.  —  Et  il  dit  :  Ne  crois  point  celui  qui 
ment  à  toi  pour  autrui,  car  il  mentira  légèrement  et  pareil- 
lement à  autrui  de  toi.  —  C'est  plus  légère  chose  de  chan- 
ger les  montagnes  d'une  place  en  une  autre,  que  de  montrer 
'et  de  faire  entendre  quelque  chose  à  celui  qui  n'a  point 
d'entendement  ^.  —  Il  dit  :  Ne  fais  pas  ce  que  tu  aurais 
honte  de  voir  faire  à  autrui  ^,  et  toutefois  aie  plus  de  ver- 
gogne de  Dieu  que  des  hommes.  —  Il  dit  que,  entre  Us 
autres  mœurs  et  conditions,  les  plus  mauvaises  sont:  soup- 
çonner son  ami,  découvrir  ses  choses  secrètes,  avoir  con- 
fiance en  chacun,  trop  parler  des  choses  inutiles  et  s'exposer 
en  la  compagnie  des  mauvais  pour  convoitise  de  leurs  biens 
temporels...  » 

Aucun  autre  sage  cité  dans  ce  recueil  n'adresse  ses  ma- 
ximes à  son  fds.  Cette  forme  provient,  croyons-nous,  du 
Coran,  qui  l'aurait  emprunté  lui-même  à  la  légende  écrite 
ou  orale  d'Ahikar. 

4o  Au  x°  siècle,  Bar  Bahloul  a  connu  V Histoire  d'Ahikar. 
T^ous  avons  déjà  montré,  à  propos  du  mot  ôrhé,  qu'il  cite 
-ce  livre  sous  le  nom  de  Proverbes  araméens^  cf.  Jour- 
nal asiatique,  Xe  série,  t.  ix  (1907),  p.  149  {infra,  xxv,  4). 

1.  Cf.  III,  16. 

2.  Cf.  app.  IV,  276. 

3.  Cf.  111,51. 

4.  Cf.  III,  80. 

5.  Cf.  app.  II,  198,  et  app.  IV,  284. 


AHIKAR    DAXS     LES     MTTÉHATURES    ORIENTALES  73 

De  plus,  dans  son  lexique  syro-arabe  (éd.  Rub.  Duval), 
sous  le  mot  Ahikar,  il  écrit  :  «  C'était  un  homme  célèbre, 
qui  fut  vizir  au  temps  des  rois,  il  était  sage  et  d'esprit 
très  pénétrant,  son  histoire  est  mentionnée  dans  le  livre 
des  rois  (?)  des  fils  d'Israël.  » 

50  Un  recueil  de  contes  que  nous  analysons  plus  loin 
(i-h,  VI,  note),  intitulé  Syntipas^ ,  qui  a  synthétisé,  d'après 
leur  traduction  syrienne,  un  certain  nombre  de  fables,  a 
aussi  utilisé  Ahikar.  Citons  ici  le  conte  117  intitulé  Galruk  : 
Un  roi  qui  aime  le  fils  de  son  vizir  le  voit  un  jour  jouer 
avec  un  page  ;  comme  il  est  ivre,  il  s'irrite  au  point  d'or- 
donner de  le  décapiter.  Le  vizir  obtient  du  bouircau  qu'il 
profite  de  l'ivresse  du  roi  pour  lui  porter  la  tète  d'un  crimi- 
nel à  la  place  de  celle  de  son  fils  ;  car,  s'il  le  tue,  le  roi, 
revenu  à  la  raison,  le  mettra  à  mort.  Quand  le  roi  s'éveille, 
il  déplore  son  crime  et,  pendant  de  longs  mois,  se  livre 
au  désespoir.  Le  vizir  croit  enfin  le  moment  venu  de  lui 
dire  la  vérité  et  de  lui  amener  son  fils.  Le  roi  est  consolé, 
reprend  l'exercice  du  pouvoir  et  comble  le  vizir  de  lar- 
gesses. 

Il  y  a  un  parallélisme  évident  avec  l'histoire  d'Ahikar, 
cher  au  roi,  condamné  à  être  décapité  et  rentrant  en  grâ- 
ces après  qu'on  a  décapité  un  criminel  à  sa  place. 

Il  est  possible  que  l'on  trouve  d'autres  citations  d'Ahikar 
ou  du  moins  des  parallélismes  frappants.  Citons  en  ce  genre, 
pour  terminer,   le    passage    en   vieux   français     relevé    par 


1.  Une  rédaction  grecque  (|ui  dérive  du  syriaque  a  été  publiée  eu 
particulier  par  Eberliard,  Fabulx liomanenses  grxce  conscriptx,  Leip- 
zig, 1872,  éd.  Teubncr.  Voir  aussi  Mischle  Sindbad,  Secundus,  Syn- 
tipas,  ediri,  einendirt  und  erklârt...  par  P.  Cassel,  3e  édit.,  Berlin, 
1891.  Le  résumé  complet  du  Syntipas  et  toute  la  bibliograpliie  ont 
été  publiés  par  M.  Victor  Cliauvin,  llil/liograp/iie  des  oin'iages  arabes, 
Liège,  1907.  t.  vni, 


74  HISTOIHE    ET    SAGESSE    d'ahIRAU    l'aSSYRIEN 

M.  Rendel  Harris  (p.  lxxx),   dans  les  Poésies  de  Marie  de 
France  ^. 

Ahikar,  XXX,  137.  Marie   de  France 

[néo-syriaque] 

Mon   fils,   on  a  con-  Un  Prestre  vult  jadis  apprendre, 

duit  le   loup  à    l'école  Un  Leu,  et  faire  letre  entendre, 

pour  l'y  instruire.  A,  ditliPrestres  ;  A,  distliLeux; 

Le     maître    lui    dit  Qi   mult  es    fel  et  engingneux. 

alors  :  Dis  A.  B,   dist  11  Prestres,   di  od  mei  ; 

Alors  le  loup  répon-  B,  dist  11    Leus,    la  lettre  vei. 

dit    et    dit    :     Agneau.  C,  dit  li  Prestres,  di  avant; 

Ensuite  le  maître  lui  C,  dist  li  Lox,  a-t-il  dune  tant? 

dit  :    Dis    B.  Li   Prestres  feit  :  0  di  par  toi  ; 

Alors   le    loup    dit  :  Li  Loz  respunt  jeo  ne  sai  quoi. 

Brebis.  Di  ke  t'en  samble  et  si  espel  ; 

11    dit    ce    qui    était  Respunt  li  Lox:  Aignel,  Aignel. 

dans  ses  pensées.  Li  Prestres  dist  :  Que  verte  tuche  ; 

Tel  en  penssé,  tel   en  la  bûche. 


CHAPITRE  IV 
Les  versions  de  l'Histoire  d'Ahikar. 

/.  Traducteurs  et  copistes. 

1°  Traducteurs.  —  Le  texte  original  est  perdu  ;  seule, 
l'étude  des  versions  nous  permettra  de  faire  quelques  hypo- 
thèses sur  ce  qu'il  pouvait  être  :  son  contenu,  sa  forme,  sa 
langue. 

Ces  versions  renferment  toutes  des  remaniements  dus 
à  leurs  auteurs.    Voici    en    effet  ce   qu'écrivait    J.    Agoub 

1.  Editées  par  B.  de  Roquefort,  Paris,  1820,  t.  ii,  p.  345-346.  Cette 
pièce  est  intitulée  :  «  D'un  prestre  qui  mist  un  Leu  (loup)   à  lettre.  » 


LES    V-TIRSIONS     DE    l'hISTOIHE     d'ai.IIKAR  75 

lorsqu'il  faisait  sa  traduction  (?)  française  sur  deux  manus- 
crits arabes  : 

«  Ces  maximes,  qui  ne  seraient  pas  indignes,  pour  la 
plupart,  des  beaux  temps  de  la  philosophie  grecque,  appar- 
tiennent toutes  au  texte  arabe,  je  n'ai  fait  que  les  disposer 
dans  un  ordre  plus  méthodique.  F  ai  dû  aussi  en  supprimer 
quelques-unes,  soit  parce  qu'elles  n'offraient  que  des  pré- 
ceptes d'une  morale  banale,  soit  que,  traduites  en  Irançais, 
elles  eussent  pu  paraître  bizarres  àdes  lecteurs  européens.  » 
Mélanges  de  litt.  orientale  et  française,  Paris,  1835,  p.  75. 

L'auteur  nous  apprend  d'abord  qu'il  n'interpole  pas  et  — 
puisqu'il  juge  bon  de  nous  en  avertir  —  c'est  qu'il  croit, 
avec  raison,  que  les  traducteurs  sont  fort  capables  d'inter- 
poler leurs  ouvrages.  Il  se  borne  à  changer  l'ordre  et  h  faire 
des  suppressions.  Ainsi  ont  travaillé  tous  les  traducteurs, 
comme  on  le  constatera  sur  les  tableaux  de  concordance  : 
ils  ont  changé  l'ordre,  ils  ont  supprimé  et  parfois  même  ils 
ont  ajouté. 

D'autres  ne  retranchent  ni  n'ajoutent,  mais  condensent 
ou  paraphrasent  —  ce  qui  est  plus  facile  que  de  viser  à 
faire  une  traduction  fidèle.  Ainsi  La  Fontaine,  dans  sa 
traduction,  condense  le  texte  grec,  lequel  n'est  déjà  (ju'un 
résumé  trop  condensé  du  texte  original.  Ces  traducteurs 
ressemblent  un  peu  aux  chimistes  (.\y\'\  traitent  des  quin- 
taux de  matière  pour  en  extraire  quelques  grammes  d'un 
corps  plus  rare.  I^]n  voici  un  exemple  : 

Traduction  du  grec.  Traduction  de  La  Fontaine  ^ . 

Esope,  emmenant  Ennos,  Esope    le    reçut    (Ennus) 

ne  lui  causa  aucun  désagré-  comme  son   enfant,  et,  pour 

nient,  mais,  se  conduisant  à  toute    punition,    lui    recom- 

nouveau    envers  lui    comme  manda    d'honorer   les  dieux 

envers    un   fils,     il    lui    mit  et  son  prince ,  se  rendre  ter- 

1.  Fables  de  La  Fontaine,  éd.  Parmanlior,  Paris,  1825,  p.  i.xxxui. 


76  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAH     l'aSSYRIEN 

encore  dans  l'esprit  ces  au-  rible  à  ses  ennemis,  facile  et 
très  paroles  :  Mon  fils,  avant  commode  aux  autres,  bien 
toutes  choses,  honore  la  di-  traiter  sa  femme, 
vinité,  respecte  le  roi.  ■ — 
Rends-toi  redoutable  à  tes 
ennemis  pour  qu'ils  ne  te 
méprisent  pas.  Sois  facile  et 
indulgent  pour  tes  amis, 
afin  qu'ils  t'alTectionnent  de 
plus  en  plus.  Souhaite  à  tes 
ennemis  d'être  malades  et 
pauvres,  afin  qu'ils  ne  soient 
pas  en  état  de  te  molester. 
Souhaite  que  tout  réussisse 
à  tes  amis.  —  Agis  toujours 
bien  avec  ta  femme,  de  crainte 
qu'elle  ne  cherche  h  faire 
l'essai  d'un  autre  homme. 
Car  les  femmes  sont  natu- 
rellement volages  et  légères, 
elles  pensent  moins  au  mal 
quand  on  les  traite  avec 
écfard. 


Lorsque  nous  aborderons  la  comparaison  des  versions, 
les  différences  qu'elles  présentent  ne  surprendront  plus  le 
lecteur  qui  se  sera  pénétré  des  procédés  d'Agoub  et  de 
La  Fontaine.  Il  aura  le  plaisir  de  constater  que  ces  pro- 
cédés ont  été  suivis  de  tout  temps. 

2°  Copistes.  —  Mais  il  y  a  plus  :  ce  ne  sont  pas  seulement 
les  traducteurs  qui  en  ont  pris  parfois  à  leur  aise  vis-à-vis 
de  l'original,  certains  copistes  eux-mêmes,  par  paresse  ou 
par  inadvertance,  ont  aussi  omis  des  maximes  ou  des  épiso- 
des, tandis    (|ue    d'autres,    plus    zélés,    en    ont  ajouté,   de 


LES    VEHSIOXS    DE    1,'lIISTOlllE     d'ahIKAR  77 

sorte  qu'il  y  a  des  lacunes   d'un  manuscrit  à  un  autre  ma- 
nuscrit d'une  même  version. 

Par  exemple,  l'édition  du  texte  arabe  publiée  par 
Mme  Agnès  Smith  Lewis,  éd.  de  Cambridge,  p.  1-30, 
est  basée  sur  un  manuscrit  carchouni  de  Cambridge,  mais 
on  constatera  que  l'éditeur  ajoute  au  texte  de  ce  manuscrit 
dix  passages,  dont  trois  sont  empruntés  à  l'édition  de 
Salliani,  p.  3,  4,  8,  et  sept  à  un  manuscrit  du  Brilisli  Mu- 
séum, p.  4,  5,  7,  8,  20,  28. 

De  même,  dans  la  traduction  du  texte  slave,  éd.  de  Cam- 
bridge, p.  9-12,  les  maximes  97  à  123  manquent  d;ms  les 
anciens  manuscrits  et  ne  se  trouvent  que  dans  deux  manus- 
crits sud-slaves  du  xv"  siècle  ^  Nous  avons  toute  chance 
ici  d'être  en  présence  d'une  addition,  car  ces  maximes, 
qui  manquent  dans  les  anciens  manuscrits  slaves,  man- 
quent aussi  dans  les  autres  versions. 

Enfin  les  nombreuses  notes  critiques  que  M.  F.  C.  Conv- 
beare  a  ajoutées  à  la  traduction  de  la  version  arménienne, 
nous  apprennent  encore  que  les  manuscrits  de  celte  \cr- 
sion  présentent  de  nombreuses  omissions,  additions, 
transpositions  et  répétitions.  Vers  la  fin,  p.  36-46,  un 
manuscrit,  qui  ressemble  davantage  au  syriaque,  diOcre 
assez  des  autres  pour  que  M.  F.  C.  Conybeare  ait  dû 
ajouter  sa  traduction  au  bas  des  pages. 

Nous  pouvons  donc  conclure  que  Vllistoire  d' Ahikar  a 
été  très  maltraitée  par  les  traducteurs  et  les  scribes.  Sa 
reconstitution,  pour  être  fidèle,  exigerait  d'abord  une  édi- 
tion soignée  de  chaque  version  basée  sur  le  plus  grand 
nombre  possible  de  manuscrits  et  ensuite  une  comparaison 
des  versions  ainsi  établies. 


1.  On  remarquera  aiis.si  que  ces  maximes, incouimes  des  autres  ver- 
sions et  que  nous  traduisons  plus  loin  (app.  III,  237-260),  commencent 
toutes  par  «  mon  fils  Anadan  o,  tandis  que  les  autres  maximes  slaves. 
portent  seulement  <  mon  fils  »,  comme  le  syriaque  et  l'arabe. 


/8  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aI.IIKAR     l'aSSYRIEN 

//.  La  version  syriaque. 

Manuscrits.  — Cette  version  est  contenue  dans  de  nom- 
breux manuscrits  dont  un  seul  a  été  édité  ;  tous  semblent 
de  provenance  nestorieîjne  :  Vflis/oire  cVAhikar  s'est  pro- 
pagée surtout  vers  la  Perse  et  l'Arménie  et  peu  vers  l'Occi- 
dent. 

I.  (/.)  Une  seule  feuille  d'un  manuscrit  nestorien  du  xii^ 
au  X!H''  siècle,  add.  7'200,  loi.  114,  conservée  au  British 
Miiscuin.  C'est  cette  feuille  qui  a  permis  ii  Hoffmann  d'iden- 
tifier le  Haikar  des  contes  ar;ibes  avec  l'Ahikar  du  livre  de 
Tobie.  Elle  a  été  publiée  et  traduite  en  anglais  dans  l'édi- 
tion de  Cambridge,  texte  p.  33  à  36,  traduction  p.  56-58  *. 

II.  (C)  Cambridge,  add.  2020.  Manuscrit  syriaque  nesto- 
rien sur  papier,  terminé  le  mardi  18  octobre  1697.  II  com- 
prend : 

1"  L'histoire  de  Rabban  Hormizd,  anachorète  persan, 
iol.  1^',  éditée  et  traduite  en  anglais  par  W.  Budge,  Lon- 
dres, 1902. 

2o  Sur  la  résurrection  des  morts^  fol.  42^. 

3°  Histoire  de  Jean  Bar  Malké,  fol.  52^,  éditée  par  le 
R.  P.  Bedjan,  Acta  marttjj-um  et  sanctoi'uni,  t.  i,  p.  344. 

4°  Martyre  de  l'évêque  Miles,  du  prêtre  Aborsam  et  du 
diacre  Sinai,  fol.  61,  édité  par  le  R.  P.  Bedjan,  loc.  cit., 
t.  H,  p.  260. 

5**  Les  Proverbes,  c'est-à-dire  l'histoire  d'Ahikar  le  Sage, 
fol.  QQ,  texte  édité  et  traduit  en  anglais  dans  l'édition  de 
Cambridge,  texte,  p.   37-72,  traduction,  p.  58-86. 


1.  Le  texte  est  le  même,  à  peu  de  cliose  près,  que  celui  du  ras.  C  ; 
c'est  donc  une  même  tr.iduction,  mais  il  y  a  des  omissions  et  surtout 
des  iuterveisioHs  dans  les  maximes.  Voici  leur  concordance  avec  notre 
édition  :  1,  2,  3,  4,  5  (=  48),  6  (=  84),  7  (=  8),  8  (=  85-86),  9  (=  11  b), 
10  {=  12),  11  (=  15),  12  {=  16),  13  (-  19),  14  (=  22),  15  (=  23),  16 
)=  24),  17  (=  25a),  18  (=  25b),  19  (=  26),  20  (=  28),  21  (=  79). 


I,A    VERSION    SYRIAQUE  79 

0°  Extrait  des  maximes  de  Salomon,  fol.  78,  Eccli.  xviii, 
30  31  ;  XIX,  10  ;  xv,  IG. 

7°  Proverbes  (fables)  du  sage  losipos  (Esope).  Cf.  infra, 
chan.  VI  :  Ahikar  et  les  fabulistes. 

8"  Histoire  de  Mar  lareth  d'Alexandrie. 

9"  Martyre  de  saint  Georges,  d'Antonin  et  de  la  reine 
Ak'xandra,  au  temps  du  roi  impieDadiana,  fol.  97,  édile  par 
le  R.  P.  Bedjan,  loc.  cit..,  t.  i,  p.  277. 

iO"  Autre  extrait  des  Proverbes  (fables)  de  losipos,  fol. 
lO.  Cf.   T. 

11"  Histoire  de  Jean  de  Dailam,  en  vers  de  douze  f-ylla- 
bes,  fo!.  109. 

12°  Histoire  des  liuit  enfants  d'Éphèse,  fol.  121,  éditée 
en  particulier  par  le  R.  P.  Bedjan,  loc.  cit.,  t.  i,  p.  301. 

13.  Histoire  de  Chrislophore,  fol.  131. 

14°  Histoire  de  Daniel,  disciple  de  Mar  Eugène,  fol.  141^, 
éditée  parle  R.  P.  Bedjan,  loc.  cit.,  t.  m,  p.  481. 

15"  Histoire  de  la  bienheureuse  vierge  Marie,  fol.  153^; 
éditée  et  traduite  en  anglais  par  W.  Budge,  Londres,  1899. 
Cf.  A  catalogue  ofthe  Sijriac  manuscripts  pj-eserved  in  the 
Ubrarij  of  the  University  of  Cambridge,  by  llic  lafc  W. 
Wright,  Cambridge,  1901,  p.   583-589. 

Cette  analyse  un  peu  longue  a  l'avantage  de  montrer  au 
milieu  de  quels  récits  est  encadrée  V Histoire  d' Ahikar.  Les 
manuscrits  suivants  n'ont  encore  été  utilisés  pour  aucune 
édition. 

III.  (/>)  Le  manuscrit  de  Berlin,  Sachau  556',  décrit  et 
résumé  en  allemand  par  INI.  Sachau  sous  le  no  iS'i  dans 
son  catalogue  des  manuscrits  syriaques  de  Berlin,  p.  437- 
442.  C'est  un  manuscrit  récent  écrit  en  1883  ou  1884  à 
Tell  Kèf.  II  a  été  utilisé  par  M.B.  Mcissner  et  par  M.  Lidz- 
barski,  mais  jamais  édité  ni  collationné.  M.  Lidzbarski  le 
déclare  même  très  corrompu.  La  Bibliothèque  de  Berlin 
nous  a  rendu  le  service,  il  y  a  plusieurs  années,  de  nous 
prêter  ce  manuscrit  en  même  temps  que  le  n"  IGl  (Sachau 


80  HISTOinE    ET    SAGESSE     û'AUIKAn     l'asSYRIEN 

315)  ^.  Nous  l'avons  alors  transcrit  et  nous  en  publions  ici 
la  première  traduction. 

Ce  manuscrit  ajoute  de  nombreux  titres;  quelques-utis 
sont  en  évidence,  mais  la  plupart  ont  été  fondus  par  les  scri- 
bes avec  riiistoirc  et  la  rendent  par  endroits  inintelligible, 
si  on  ne  remarque  pas  l'existence  du  titre.  On  trouve  par 
exemple  en  scriplio  continua  (c.  xn-xiii)  : 

«  Et  le  bruit  se  répandit  dans  l'Assyrie  et  à  Ninive  que 
Ahikar  était  tué.  Ahikar  le  scribe  fut  caché.  Alors  Nabou- 
scmak,  avec  ma  femme  Esfagni,  alla  me  faire  dans  la  terre 
une  cachette  de  trois  coudées  de  large.  » 

Les  mots  «  Ahikar  le  scribe  fut  caché  »  nous  ont  fourni 
le  titre  du  c.  xiii.  Nous  avons  divisé  les  chapitres  en 
paragraphes  pour  faciliter  les  renvois. 

La  rédaction  du  manuscrit  B  ~  est  souvent  plus  allongée 
que  celle  de  C  ;  quelquefois  c'est  une  interpolation,  mais 
d'autres  fois  c'est  la  rédaction  originale,  car  elle  se  retrouve 
dans  d'autres  versions,  tandis  que,  dans  ces  passages,  C  n'est 
qu'un  abrégé.  Nous  avons  donc  complété  ces  deux  manus- 


1.  Nous  avions  dcinaudé  ce  dernier  ms.  pour  y  relover  un  fragment 
relatif  au  monastère  de  Qennesré,  fondé  par  Jean  Bar  Aphthonia. 
Nous  avons  analysé  ce  fragment  dans  Vie  de  Jean  Bar  Aphlhonia, 
l'aris,  1902,  p.  lo-14,  et  nous  l'avons  fait  connaître  au  congrès  des 
orientalistes  d'Alger  (avril  1905),  cf.  Compte  rendu  du  XIV^  congrès 
international  des  orientalistes^  t.  ii  :  Note  sur  le  monastère  de  Qen- 
nesré. Par  contre,  depuis  1901,  nous  n'avions  fait  aucun  usage  de 
notre  transcription  d'Al.iikar. 

2.  La  rédaction  de  ce  ms.  renferme  quelques  mots  grecs  que  nous 
avons  mis  entre  parenthèses  dans  notre  traduction.  Ces  mots  peuvent 
ne  pas  appartenir  à  la  rédaction  primitive,  i\  moins  qu'ils  n'aient  été 
usités  alors.  On  trouve  aussi  des  formes  araméennes  comme  i,  2, 
ôpadnô  (cf.  Dan.,  ii,  i,  3;  m,  10;  xi,  45),  lorsque  les  autres  mss.  sy- 
riaques portent  le  mot  syriaque  hiron  et  l'arabe  qasr  ;  ii,  1,  niilolô  ; 
II,  3,  fannéq  ;  xxx,  26,  hical,  au  sens,  non  de  temple,  mais  de  palais 
comme  en  assyrien,  cf.  Daniel,  iv,  4  ;  vi,  18,  Ce  mol  est  étudié  par 
Rendcl  llarris,  p.  lxxxiii. 


LA    VERSION    SYRIAQUE  81 

crits  l'un  par  l'autre  ^,  en  attendant  que  l'étude  des  manus- 
crits suivants  non  encore  utilisés  permette  d'arriver  à  une 
édition  définitive. 

IV.  Le  manuscrit  105  (Sachau  102)  de  Berlin  renferme, 
fol.  8G-92,  un  fragment  en  syriaque  sur  Ahikar.  Ce  fragment 
est  du  XV®  siècle.  Cf.  Verzeichniss  der  syrischeii  Hand- 
schriflen  (der  kœnigl.  Bibl.  zii  Berlin),  Berlin,  1899, 
p.  518-519. 

V.  Or.  2313,  au  Brit.  Muséum,  manuscrit  nestorien  sur 
papier,  écrit  du  xvi"  au  xvii''  siècle,  tronqué  au  commence- 
ment et  à  la  fin.  Bien  des  pièces  aussi  sont  incomplètes. 
Après  d'autres  histoires,  on  trouve,  fol.  172  à  180,  un 
fragment  de  l'Histoire  d' Ahikar  écrit  en  syriaque.  Cf.  Des- 
criptive list  of  sijriac  and  karshuni  mss.  in  the  Dritish 
Muséum  acquired  since  1873,  by  G.  Margoliouth,  Londres, 
1899,  p.  8.  M.  E.  W.  Brooks  nous  a  appris  que  ce  frag- 
ment commence  au  moment  où  Ahikar  révèle  son  nom  au 
roi    d'Egypte    et    se    termine    avec    la    comparaison    117 

(c.    XXXIIl). 

VI.  Au  couvent  des  Chaldéens  de  Noire-Dame  des  Semen- 
ces, à  neuf  heures  au  nord  de  Mossoul,  dans  la  montagne 
de  Beit  'Edri  se  trouve  un  manuscrit  syriaque  de  VHis- 
toire  d' Ahikar,  le  scribe  du  roi  d'Assyrie  Sennacliérib,  et 
de  son  neveu  Nadan;  cod.  100,  écrit  en  1883.  Cf.  Jour- 
nal asiatique,  X"  série,  t.  viii  (juillet-août,  190G),  p.  (32. 

VII-IX.  Trois  manuscrits  syriaques  de  V Histoire  d' Ahikar 
sont  conservés  à  Oiirmiah.  M.  Rendel  Harris  a  reçu,  trop 
tard  pour  l'utiliser,  la  collation  de  deux  d'entre  eux.  Il  dit 
(p.  163)  que  les  variantes  sont  moins  nombreuses  dans  le 
cours  de  l'histoire  que  dans  les  maximes,  dont  l'ordre  est 
aussi  modifié. 

1.  Ils  sont  de  même  famille,  parce  que  les  maximes  y  sont  disposées 
exactement  dans  le  même  ordre,  mais  tous  deux  ont  des  lacunes  et 
des  modiGcations  propres.  Chacun  d'eux  no  représente  donc  qu'im- 
parfaitement l'original. 

6 


82  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

Importance  de  cette  versiox.  —  On  s'accorde  à  recon- 
naître que  la  version  syriaque  provient  directement  de  l'o- 
riofinal  araméen  ou  de  sa  traduction  en  hébreu  moderne. 
De  plus,  elle  semble  la  source  immédiate  ou  médiate  de 
toutes  les  versions  qui  nous  restent.   Voir  p.  29. 

Nous  ajoutons  ici  la  concordance  des  maximes  et  des 
comparaisons  de  la  version  syriaque  avec  celles  des  autres 
versions  :  arabe,  éthiopien,  arménien,  slave  et  néo-svria- 
que  (ou  édition  Salhani).  Dans  la  colonne  du  syriaque,  les 
nombres  entre  parenthèses  sont  ceux  de  l'édition  de  Cam- 
bridge ;  ils  sont  écrits  à  la  suite  de  ceux  de  la  présente 
édition  ^.  Dans  les  autres  colonnes,  les  nombres  renvoient 
à  l'édition  de  Cambridge,  hors  iV^"  ou  Salh  qui  renvoient 
à  l'édition  de  M.  Lidzbarski  ^  (traduction  du  Néo-Syriaque^ 
complétée  à  l'aide  de  l'édition    Salhani). 


SYRIAQUE 

ARABE 

ETH. 

ARM  . 

SL. 

SALH. 

1        (1) 

1 

1 

2 

1 

1 

Arm.  à  la  fin 

2  (2) 

3  (3) 

4  (4) 
5 

2 

3,  5 
6 

1" 

1' 

1" 

2 

3» 
3* 

2 
3 

4 

6 

5 

7 

6 

8  (5) 

9  (6) 
10     (7) 

9 

10 
11" 

2 
39 

3 
45» 

4,15 
6' 

7 
8 

Cf.  19,  72. 

11     (8) 

11" 
11"= 

4 

45" 

6" 

9 

12     (9) 

12 

5 

4 

7* 

10 

1.  Nous  avons  numéroté  toutes  les  maximes  (m,  xxiiii,  et  app.)  à 
la  suite  les  unes  des  autres. 

2.  Editeur  du  ms.  Sachau  339  (néo-syriaque)  ;  cf.  Verzeichniss 
der  syrischen  Ilandschriften,  Bei-lin,  1899,  p.  815.  —  Ces  tableaux 
ont  déjà  été  publiés  par  M.  P.  Yelter  (cf.  supra,  III,  i,  15).  Pour 
donner  ubc  vue  d'ensemble  du  fond  commun  des  diverses  versions, 
nous  les  reproduisons  en  les  complétant  par  endroits. 


LA    VERSION    SYRIAQUE  83 


SYRIAQVE 


13,  14     (10)        13  7                           11 

15  (11)  5  7"          12' 

16  (12)  14  6                           13          Cf.  18. 

17  59  (?)      75  (?)      14 

18  10'(?)      13  (?)  Cf.  16, 

19  (13)  16  6              9                           15' 

20  15" 
21 

22  (14)  17  7            10»           10            16 

23  (15)  18  10"           12            17          Cf.  Arm.  27. 

24  (16)  19'  10"           13"          18» 

25  (17)  58  11,97     11,  14       18" 

26  (18)  8  13 

27  (19)  Cf.  5,  72. 

28  (20)  19" 58" 

29  (21)  21  9            12            17            20' 

30  20" 

31  22  8  21 

32  (22)  23  10            14          18,19       22 

33  (23)  24  11            14                           23 
34,35     (24)       25 

36  (25)  17  23 

37  (26)  26  10,  78      24,  25 

38  (27)  27  19            27 

39  (28)  28,  29  20,  21 

40'  (29)  31*                        22'           29 

40"  (30)  22" 

41 

42'  (31)  31"                       23           31                        ^^   g,    ^^^ 

42"  (32) 

43  (33)  41  45 

44  (34)  33  42 

45  (35)  85  92 

46  (36)  30  43 

47  (37)  44'  46                         cf.  56 

48  (38)  35'  2            26=                                       Grec,  11. 

49  (39)  35"  47 

50  (40)  36  64?         49 

51  (41)  37  65           50 
52 


'84  HISTOIIIE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 


SYRIAQVE 

ARABE 

ÉTH. 

ARM. 

SL. 

SALH. 

53  (42) 

39 

66 

Cf.47  et  Arm. 

54  (43) 

67 

52,  91. 

15 

-55  (44) 

68 

112 

56 

69' 

54' 

-57  (45) 

69" 

54" 

58  (46) 

69= 

55 

59  (47) 

66 

Cf.  42. 

60 

Hébreu,  p.  19 

61 

70 

62  (48) 

44 

51 

59 

63 

Cf.  71. 

64  65  ^'^^'^ 

46 

7,47 

12 

73' 
50 

62 
63 

^6  67  \^'''^ 

48' 

64 

'    ((50") 

48" 

25 

34 

<68,  69  (51) 

49  à  52 

52 

65 

70  (52) 

53 

71  (53) 

45 

13 

72 

Cf.  63. 

12     (54) 

56 

24' 

73»  (55) 

54" 

3 

57 

73 

24" 

Cf.  85,  86. 

73" 

74,  75  (56) 

91 

25 

76  (57) 

56 

77 

123 

77  (58) 

78  (59) 

60 

77 

79'  (60) 

58' 

79 

26' 

79''  (61) 

38,  55 

80" 

80 

26" 

80  (62) 

59 

14 

83 

82 

27 

81  (63) 

82  (64) 

20 

80' 

84 

19 

83  (65) 

38,62 

28,81' 

37 

30' 

84  (66) 

81" 

86 

85 

SQ 

87  (67) 

60 

15 

38 

42,  43 

28 

88  (68) 

63 

82 

30" 

89  (69) 

64 

•90  (70) 

65 

91  (71) 

66 

31 

^2  (72) 

Cf.  5,  19. 

LA    VERSION    SYr.IAQUE  85i 


STRIAQUE  ARABE         KTH.              ARM.  SL.               SALH. 

93  (73)  61*  96           29 

94  (74)  84 

95  (75)  26,27  35 


COMPARAISONS      SYRIAQUES 


96 

(1) 

2 

97 

j(2-) 

1,25- 

((2") 

3 

98 

(3) 

4 

99 

(4) 

5 

100 

(5) 

7 

101 

(6) 

6 

102 

1(7^) 

(8,: 
(  9 

103, 

104  (8) 

105 

(9) 

106 

(10) 

12 

107 

(11) 

11 

108 

(12) 

13 

109 

(13) 

110 

(14) 

14 

111 

(15) 

15 

112 

(16) 

18 

113 

(17) 

16 

114 

(18) 

17 

115 

116 

117 

(19) 

118 

(20») 

19 

119 

(20") 

20 

120 

(20 ') 

21 

121 

(21) 

122 

123 

124 

(22) 

125 

(23) 

126 

(24) 

22 

127 

(25) 

1 

1 

2,3,5. 

1,1213 

2 

Cf.  23,  30-32 

7 

8 

9 

2 

10 

3 

3 

18 

4 

4 

12" 

Cf.  8, 

12= 

12*not. 

6 

Cf.  7\ 

17 

5 

15 

6 

120 
11 


19 
24 


6 

14» 
14c 

14" 


Cf.  115. 


Cf.  108. 
Cf.  129' 


Cf.  126'. 
Cf.  126" 

Cf.  2\  30-32: 


12» 
13 


86 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEX 


128 

(26) 

23 

20 

10 

10 

129' 

(27) 

24 

21 

129" 

(28) 

Cf.  116. 

130 

(29) 

11 

131' 

(30) 

25 

lia 

Cf.  2%  23. 

131" 

(31) 

26 

11" 

132 

(32) 

28 

12 

133 

(33) 

29 

4 

13 

134 

l34) 

22 

14 

14 

135 

(35) 

31 

25 

9 

136 

32 

137 

(36^ 

33 

16 

15 

15 

(36") 

34 

23 

16 

138 

(37) 

Cf.arm.7,26'' 

139 

(38) 

35 

18 

140 

(39) 

36 

19 

16 

141 

(40) 

17 

142 

(41) 

38 

26 

III.  La  version  néo-syriaque. 

Le  manuscrit  syriaque  de  Berlin  290  (Sachau  55.^)  ren- 
ferme un  texte  arabe  de  V Histoire  d'Ahikar  et,  en  face,  sa 
traduction  en  néo-syriaque  ou  torani  (dialecte  du  Tour 
Abdin). 

M.  Mark  Lidzbarski  a  édité  ces  deux  textes  sur  pages 
parallèles  :  Die  neuaramdisclien  Handschriften  der  kœnig- 
lichen  Bibliothek  zu  Berlin,  1'"^  partie,  Weiniar,  1894,  et  a 
traduit  le  néo-syriaque  en  allemand,  ibidem,  Weimar, 
4895,  p.  1-41,  2"  partie.  Enfin  il  a  ajouté  un  glossaire  litho- 
graphie, ibidem,  3"  partie,  Weimar,  1895.  Cf.  p.  18-19. 

Cette  version  présente  de  nombreuses  lacunes  :  M.  Lidz- 
barski eu  a  comblé  un  certain  nombre  (toutes  les  maximes 
et,  en  plus,  les  comparaisons  qui  correspondent  aux  numé- 
ros 98,  106,  114,  116,  119,  122,  123,  129,  135,  136,  139, 
142),  à  l'aide  du  texte  arabe  édité  par  Salhani.  L'arabe  sur 


LBS    VERSIONS    ARABES  87 

lequel  a  été  traduit  le  néo-syriaque  est  donc  d'importance 
secondaire  à  cause  de  toutes  ces  lacunes,  mais  il  porte  le 
discours  direct  comme  le  syriaque  et  se  sépare  nettement 
de  tous  les  autres  textes  arabes.  11  est,  sans  doute  pos- 
sible, un  abrégé  arabe  de  la  version  syriaque.  Nous 
donnerons  à  l'occasion  ses  principales  différences. 

IV.  Les  versions  arabes. 

11  existe  en  arabe  au  moins  deux  versions  et  un  rema- 
niement : 

1.  L'une  de  ces  versions,  base  du  néo-syriaque,  éditée 
par  M.  Lidzbarski,  vient  d'être  mentionnée.  Elle  provient 
certainement  du  syriaque. 

2.  La  seconde  est  conservée  dans  de  nombreux  manus- 
crits arabes  ou  carchounis  (arabes,  écrits  en  caractères 
syriaques")  : 

1°  Cambridge,  add.  2886,  ms.  carchouni,  écrit  en  1783. 
Il  contient  des  miracles  de  la  sainte  Vierge  (traduits  du 
grec  par  Macaire,  patriarche  d'Antioche),  et  des  histoires 
de  saints  (saint  Georges,  Jean  Bar  Malké,  Suzanne,  Job).  On 
y  trouve,  loi.  81  à  106,  l'histoire  de  Hikar,  vizir  de  San- 
chérib,  et  de  son  neveu  Nadan.  C'est  ce  texte  qui  a  servi 
de  base  à  l'édition  de  la  version  arabe  de  Cambridge  que 
nous  désignons  par  la  lettre  A  ou  par  Ar.  Cf.  A  catalogue 
of  the  syriac  manuscripts  preserved  in  the  lihrarxj  of  the 
University  of  Cambridge,  Cambridge,   1901,  p.  732-739. 

2"  Londres,  add.  7209,  manuscrit  carchouni,  qui  ren- 
ferme V Histoire  d' Ahikar,  fol.  182^  au  fol.  213^.  Ce  manus- 
crit a  été  utilisé  dans  l'édition  de  Cambridge,  pour  complé- 
ter en  quelques  endroits  le  précédent. 

3"  Gotha,  n.  2052,  manuscrit  carchouni,  utilisé  par  Cor- 
nill,  qui  lui  a  emprunté  les  maximes  parallèles  aux  frag- 
ments éthiopiens  et  les  a  imprimées  en  caractères  syria- 
ques (cf.  infra,  version  éthiopienne). 


88 


HISTOinE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


4**  Un  manuscrit  carchouni  (de  Beyrouth  ?),  édité  par 
Salhani  [Contes  arabes,  Beyrouth,  1890). 

5"  Paris,  Av.  3037,  traduit  jjar  Caussin  de  Perceval. 

Les  manuscrits  suivants  ne  semblent  pas  avoir  été  uti- 
lisés : 

6°  V^atican,  manuscrit  carchouni,  n.  22,  d'Alep  (cité  dans 
l'édition  de  Cambridge,  p.  xxiii). 

7''-9°  Trois  manuscrits  arabes  de  Copenhague  et  du 
Vatican,  ibid. 

10°  Or.  2326,  au  Brit.  Muséum,  ms.  sur  papier  du  xvi°  siè- 
cle, contient,  fol.  65  à  105,  un  fragment  de  l'histoire  de 
Haikar^  écrit  en  carchouni.  Cf.  Descriptive  list  of  Syriac 
and  Kars]ni?ii  jnss.  in  tJie  British  Muséum  acquired  since 
1813,  by  G.  Margoliouth,  Londres,  1899,  p.  12. 

11°  Manuscrit  carchouni  1^6  de  l'archevêché  chaldéen 
de  Diarbékir  (xv!!**  siècle).  Cf.  Journal  asiatique,  X*^  série, 
t.  x(1907),  p.  421. 

12°  Paris,  Ar.  3056,  fol.  32-46.  Nous  en  avons  colla- 
tionné  la  première  page,  les  trois  premières  maximes  et  les 
deux  dernières  lignes,  et  l'avons  trouvé  conforme  au  texte 
de  l'édition  de  Cambridoe. 

3.  Le  texte  traduit  dans  les  éditions  des  Mille  et  une 
nuits  est  un  remaniement.  On  y  trouve  deux  textes  bien  dif- 
férents :  d'abord  la  traduction  d'Agoub  faite,  dit-il,  sur 
deux  manuscrits  —  ces  deux  manuscrits  devaient  ressembler 
beaucoup  à  ceux  de  la  seconde  version  —  en  second  lieu  la 
traduction  publiée  par  Chavis  et  Cazotte,  que  nous  citons 
sous  la  lettre  F.  La  traduction  de  Caussin  de  Perceval, 
sans  être  littérale,  est  plus  fidèle  que  celle  d'Agoub.  Nous 
la  citons  d'après  l'édition  Pourrat  (supra,  p.  15,  note  1) 
des  Mille  et  une  nuits. 

La  version  arabe  provient  d'un  texte  syriaque,  car  il  en 
est  presque  toujours  ainsi  :  tout  texte  ecclésiastique  syria- 
que est  traduit  en  carchouni  ;  de  plus,  dans  l'édition  Sal- 
hani, traduite  par  M.  Lidzbarski,  l'ordre  des  maximes  est 


LES    VERSIONS    ARABES  89 

presque  identique  à  l'ordre  du  syriaque  (voir  ci-dessus  la 
concordance  de  la  version  syriaque  avec  les  autres  ver- 
sions). Dans  l'édition  de  Cambridge  elle-même,  la  concor- 
dance est  encore  frappante  {ibidem,  colonne  de  l'arabe). 

M.  Vetter  tient  que  l'arabe  édité  à  Cambridge  est  un 
remaniement  d'un  texte  arabe  perdu  qui  aurait  été  traduit 
directement  sur  l'hébreu.  Car,  dit-il,  la  version  arménien- 
ne donne  au  bourreau  l'épi thète  de  «  nayih  »  qui  est  un 
mot  arabe  et  doit  donc  s'être  trouvé  dans  la  version  arabe 
sur  laquelle  on  a  traduit  l'arménien.  Cette  version  arabe 
n'est  pas  l'actuelle  qui  porte  saijyaf  au  lieu  de  naijib. 
C'est  une  version  perdue,  et  cette  version  perdue  ne  venait 
pas  du  syriaque,  qui  ne  porte  pas  de  mot  ressemblant  à 
nayib.  Elle  provenait  de  l'hébreu  original,  qui  portait  sans 
doute  nesib,  lequel  mot  pouvait  se  traduire  par  naifib. 
Les  raisonnements  de  ce  genre  reposent  sur  une  base 
bien  fragile,  car  ils  supposent  que  le  traducteur  se  croit 
tenu  de  rendre  fidèlement  un  mot  par  un  mot  corres- 
pondant. Or  ceci  a  lieu  assez  rarement  chez  les  Arabes 
et  même  ailleurs.  Un  traducteur  pouvait  très  bien  intro- 
duire ncujib  dans  sa  traduction  sans  avoir  un  mot  abso- 
lument correspondant  sous  les  yeux. 

Nous  n'ajoutons  pas  la  concordance  de  l'arabe  avec  les 
autres  versions,  parce  que  l'ordre  est  à  peu  près  le  même 
que  dans  le  syriaque  et  que  les  maximes  et  allégories  sont 
moins  nombreuses.  La  table  donnée  ci-dessus  pour  le  sy- 
riaque suffit  donc  pour  la  version  arabe. 

y.  La.  version  éthiopienne. 

On  n'a  pas  trouvé  de  version  éthiopienne  de  Vllistoire 
d'Ahikar,  mais  de  nombreux  manuscrits  renferment  une 
collection  d'apophthcgmes,  le  Lii'ie  des  nasses  philusophcs^ 
parmi  lesquels  se  trouvent  quinze  maximes  de  «  Haikar  ». 

L'ouvrage  a  été  étudié  par  M.   C.  IL  Cornill,  Das  Uuch 


90  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

der  weisen  Philosophen  nacli  dem  JEthlopischen  untersuclit 
und  ziir  Erlangung  des  Doctorgrades  bei  der  phil.  Fac.  zu 
Leipzig  eingereicht,  Leipzig,  1875,  in-8,  58  pages.  Dill- 
raann  en  donne  un  court  extrait  dans  sa  Chrestomathie, 
p.  40-45  ;  il  provient  de  Tarabe,  comme  nous  l'apprend  le 
traducteur  :  u  Ce  livre  a  été  traduit  de  l'arabe  en  langue 
gheez  par  Mikaël,  fils  de  l'évêque  Abba  Mikaël,  avec  le 
secours  du  Saint-Esprit.  »  Cette  collection  arabe-éthio- 
pienne comprend  des  maximes  de  Socrate,  Diogène,  Platon, 
A  ristote,  Pythagore,  Galien,  Hippocrate,  Alexandre,  Démo- 
crite,  Ptolémée,  Héraclius,  Thémistius,  Simonide,  Hermès, 
Buzurgimihr,  Arestûlà,  Soles,  Kersis,  Kasri,  Cicéron, 
Sextus,  saint  Grégoire,  saint  Basile,  David,  Salomon, 
Haikar.  M.  Cornill  croit  qu'elle  a  été  compilée  par  un  moine. 
Elle  montre  du  moins  que  les  maximes  de  Heykar  ont  eu 
cours  chez  les  Arabes  indépendamment  de  son  histoire. 
M.  Cornill  traduit  les  quinze  maximes  d'Ahikar  (p.  19-21), 
et  donne  la  version  éthiopienne  d'après  deux  manuscrits 
(l'un  de  Francfort  et  l'autre  de  Tubingue)^,  avec  le  texte 
carchouni  du  manuscrit  de  Gotha  (p.  40-44). 

M.  Moritz  Steinschneider  -  a  rattaché  la  version  éthio- 
pienne du  Livre  des  sages  philosophes  à  une  compilation 
arabe  faite  par  le  médecin  chrétien  Abou  Zaïd  Honein  ibn 
Ishaq  :il-Ibadi  2,  dont  il  reste  au  moins  une  traduction  espa- 
gnole, complétée  par  Abul-wafa  ibn  Fatik  et  traduite  sous 
cette  dernière  forme  en  espagnol,  en  latin  et  en  français. 
Voici  la  filiation  proposée  par  M.  Moritz  Steinschneider: 

1.  Autres  manuscrits  du  Mashafa  Falasfâ  Tahibân  (Livre  des 
sages  philosophes)  à  Paris,  coll.  d'Abbndie,  n.  '26,  75,  SI,  122,  et  à 
Vienne,  n.  XVI  et  XIX. 

2.  Die  Hebraeischen  Uehersetzungen  des  Mitlelalters,  Berlin,  1893. 

3.  Cette  collection  fut  sans  doute  traduite  directement  sur  le  grec, 
en  majetire  partie  du  moins,  car  Honein  (mort  en  873)  est  surtout  cé- 
lèbre par  SCS  traductions  de  livres  grecs  en  syriaque  et  en  arabe.  Cf. 
R.  Duval,  La  littérature  syriaque,  3e  éd.,  Paris,  1907,  p.  386. 


LA    VERSION    ÉTHIOPIENNE  91 

Honein  ibn  Ishak  (f  873)  a  compilé  un  recueil  de  senten- 
ces et  d'anecdotes.  Il  y  a  en  effet  à  l'Escurial  deux  manus- 
crits intitulés  -.El  lihro  de  los  buenos  proçerbios  q/ieclLceron 
los  pinlosophos  et  sabios  antigiios...  e  translado  este  libro 
Joanicio  fijo  de  Isaac  (Honein  ibn  Ishaq)  de  griego  en 
AraviiTo  etlransladamo  lu  nos  de  arafwo  en  latin. 

L'éthiopien  a  utilisé  l'arabe  de  Honein  ;  il  y  a  deux  recen- 
sions de  cet  éthiopien,  l'une  étudiée  par  C.  H.  Cornill  et 
l'autre  conservée  dans  le  ms,  éth.  de  Paris,  n.  159  (Catal. 
Zotenberg,  p.  259). 

Abul-Wafa  Mubaschir  ibn  Fatik,  vers  1053,  a  complété 
le  recueil  précédent  par  des  notices  sur  les  auteurs.  On 
trouve  cette  rédaction  traduite  dans  de  nombreux  manus- 
crits latins.  Renzi  a  édité  cette  traduction  latine  dans  sa 
Collectio  Salernitana,  Naples,  1854,  t.  m,  69-150,  d'après 
le  mauvais  manuscrit  6069  de  Paris,  où  cette  collection  est 
attribuée  à  tort  au  fameux  médecin  Jean  Procida.  Elle  a 
môme  été  traduite  en  français  par  Guil.  de  Tignonville  ^. 

La  version  française,  intitulée  Les  dictz  nioraidx  des 
Philosophes  translatez  de  latin  ^  en  françoys  par  noble  hom- 
me messire  Guillaume  de  Tignonville  chevalier,  conseiller 
et  chambellan  du  Roi,  Paris,  1531  ^,  ne  renferme  plus  au- 
cune n)aximc  d'Ahikar  ^,   mais    contient  par  contre  un  long 

1.  Écrit  aussi  Tignoville  et  Thignoville.  Il  vivait  dans  la  seconde 
moitié  du  xive  siècle  et  au  commencement  du  xvc. 

2.  D'après  Gildemeister,  cette  traduction  latine  ani-ail  été  faite  sur 
une  ancienne  version  espagnole  intitulée  Bocados  d'oro  (paroles  d'or) 
et  éditée  en  dernier  lieu  par  la  société  littéraire  de  Stuttgart  (par 
Knunst,  en  1880).  Cf.  Sleinsclineider,  loc.  cit. 

3.  L'ouvrage  a  été  imprimé  d'abord  à  Bruges,  sans  date  ;  puis  à 
Paris  en  1486,  1531,  1560,  etc. 

4.  Elle  contient  des  maximes  d'Alexandre  et  des  philosophes  :  Aris- 
totc,  Assaron,  Bath,  Diogènc,  Galien,  Hermès,  llippocrate,  Logman, 
Magdarge,  Omer,  Oneze,  Platon,  Pythagore,  Ptolémée,  Sédéchias, 
Socrate,  Thésillc,  Hippocrate,  Zabion,  Zalon,  Zaqualquin.  Presque 
tous  ces  noms  figurent  dans  le  recueil  étudié  par  M.  Cornill. 


92 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AIIIKAU    L  ASSYRIEN 


chapitre  intitulé  :  Ci-après  s^ensuys'ent  les  diclz  rnoraulx 
de  Logman  philosophe ,  différents  de  ceux  d'Ahikar  conte- 
nus dans  l'autre  recueil.  Il  nous  faut  donc  admettre,  si  nous 
acceptons  la  filiation  proposée  par  M.  Steinschneider,  que 
si  Honein  a  inséré  des  maximes  d'Ahikar  (sans  doute  d'a- 
près la  version  syriaque)  dans  sa  compilation,  celles-ci  ont 
été  remplacées  dans  la  rédaction  d'Abul-Wata  par  des  ma- 
ximes différentes  attribuées  à  Loqman  (cf.  supra,  ch.  III, 
VI,  3°). 

Voici  la   concordance  des   maximes  conservées    dans    la 
version  éthiopienne. 


1* 

1 

(1) 

1 

fui 

1 

1" 

2 

(2) 

2 

.,. 

2 

2 

18 

(38) 

35= 

26^ 

3 

73» 

(55) 

54" 

57 

73 

4 

11 

(8") 

11" 

45" 

6" 

5 

12 

(9) 

12 

4 

j^ 

6 

19 

(13) 

16 

9 

7 

22 

(14) 

17 

10' 

10 

8 

31 

22 

9 

29 

(21) 

21 

12 

17 

10 

32 

(22) 

23 

14 

18,  19 

11 

33 

(23) 

24 

14 

12 

64 

(49") 

7,47 

50 

63 

13 

71 

(53) 

45 

72 

14 

80 

(62) 

59 

83 

82 

15 

87 

(67) 

60 

38 

42,43 

Grec  11. 


VI.  La  version  arménienne. 

Cette  version  a  été  éditée  et  traduite  par  M.  F.  Cony- 
beare  d'après  huit  manuscrits  d'Edjmlatzin,  d'Oxford,  de 
Paris  et  de  Venise  (éd.  de  Cambridge,  p.  xxiv-xxvi,  24- 
55,    125-162).    C'est   la  seule  qui    ait  un  apparat   critique 


LA    VERSION    ARMÉNIENNE  93 

suffisant  cl  qui  n'exige  pas  une  nouvelle  édition  *.  M.  V'cllcr 
en  a  donné  une  traduction  allemande  et  a  voulu  étaldir 
qu'elle  provient  d'une  version  arabe,  caries  noms  propres 
ont  la  forme  arabe  :  Khikar,  Abousmaq.De  plus,  l'arménien 
appelle  Abousmaq  le  «  nayip  »  du  roi,  qui  n'est  autre 
que  l'arabe  «  nayib  »,  le  «  gouverneur  ».  Cette  traduciion 
n'aurait  donc  été  faite  qu'au  moment  où  l'on  introduisait 
l'arabe  dans  l'arménien,  c'est-à-dire  après  le  x*'  siècle  2.  En 
fait,  les  manuscrits  arméniens  utilisés  sont  assez  récents 
(du  xv^  au  XIX*  siècle),  cependant  M.  J.  Daschian  a  relevé 
dans  l'ancienne  littérature  arménienne  (v'^-vii'^  siècle)  un 
certain  nombre  de  passages  parallèles  à  Aliikar.  Ces  pas- 
sages, d'après  M.  Vetter,  proviendraient  non  d'Aliikar  mais 
de  sources  parallèles.  Il  n'est  pas  impossible  pourtant 
qu'il  y  ait  eu  plusieurs  versions  arméniennes.  Du  moins,  la 
version  actuelle  peut  n'être  qu'un  remaniement,  fait  sous 
une  influence  arabe,  d'une  version  plus  ancienne.  Cette 
hypothèse  permettrait  de  regarder  les  formes  arabes  comme 
des  corrections  ou  des  interpolations  et  d'admettre  la  pos- 
sibilité d'une  ancienne  version  arménienne  faite  sur  le 
syriaque  ^. 

1.  Celte  version  abrège  «l'histoire».  Après  avoir  mentionné,  comme 
le  manuscrit  syriaque  B,  le  recours  d'Aliikar  aux  idoles,  elle  omet, 
par  une  sorte  d'homoiotéleutie,  le  recours  au  vrai  Dieu.  Plus  loin 
(c.  V  à  VIII),  elle  omet  les  lettres  prétendues  d'Ahikar  au.v  rois 
d'Egypte  et  de  Perse  (un  seul  manuscrit  arménien  contient  la  lettre  au 
roi  d'Egypte;  il  omet  d'ailleurs,  comme  tous  les  autres  manuscrits  ai* 
méniens,  la  lettre  au  roi  de  Perse).  Ses  particularités,  par  rapport  au 
syriaque  B,  sont  donc  plutôt  des  fautes  que  des  qualités. 

2.  C'est  aussi  l'avis  de  M,  F.  C.  Conybeare  (éd.  de  Cambridge, 
p.  lxx.m).  Le  plus  ancien  manuscrit  est  à  peu  près  de  l'an  1500.  Ce- 
pendant les  différences  des  manuscrits  montrent  que  la  version  est 
plus  ancienne,  ses  caractères  linguistiques  la  reporteraient  au  xn** 
ou  au  xme  siècle. 

\\.  Dans  la  première  partie  de  son  étude  (1904,  p.  330)  M.  Veltcr 
admettait   d'ailleurs   que    l'arménien  venait  du    syriaque  ;  de  i^lus  un 


94  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR    l'aSSYUIEX 

Un  bon  nombre  des  maximes  arméniennes  ne  figurent  ni 
dans  le  syriaque  actuel,  ni  dans  Tarabe.  Nous  les  tradui- 
rons plus  loin  (appendice  II,  n.  158-209).  Nous  ajoutons 
donc  ici  la  table  de  concordance  de  la  version  arménienne 
avec  les  autres  versions  pour  fixer  l'ordre  relatif  des  maxi- 
mes et  l'endroit  où  Ton  trouvera  leur  équivalent  ou  leur 
traduction  ^. 


ARM. 

STR.  '^ 

AR. 

SL. 

KTH. 

1» 

(2)  2 

2 

2 

1" 

1" 

(4)  4 

6 

S'' 

1  = 

(3)  3 

3,  5 

3' 

2 

(5.  19,  72)  8,  27,  92   9 

4,15 

3 

(7)  10 

10 

4 

(9)  12 

12 

/' 

5 

5 

(11)  15 

7- 

6 

(12)  16,  18 

14 

7 

(10)  13,14 

13 

8 

11(?) 

8 

9 

(13)  19 

16 

6 

10^ 

(14)  22 

17 

10 

7 

10" 

(15)  23 

18 

12 

10° 

13> 

10" 

a 6)  24 

19^ 

1  S'- 

11 

(17)  25 

58 

il,  14 

Cf.  61,  97. 

12 

(21)  29 

21 

17 

9 

13 

(18)  26 

8 

manuscrit  arménien  (Oxford,  canon,  oriental  13Ï)  se  rapproche  du 
syriaque  plus  que  les  autres  et  nous  oblige  de  choisir  entre  l'hypo- 
thèse d'une  version  faite  sur  l'arabe  et  influencée  ensuite  par  le 
syriaque  et  celle  d'une  version  faite  sur  le  syriaque  et  influencée 
ensuite  par  l'arabe.   Nous  préférons  la  seconde. 

1.  Par  exemple  16  =  158  signifle  que  la  seizième  maxime  armé- 
nienne a  été  traduite  par  nous  sous  le  n.  158  (cf.  app.  II). 

2.  Nous  mettons  encore  entre  parenthèses  les  numéros  de  l'édi- 
tion de  Cambridge  et  donnons  ensuite  les  numéros  de  la  présente 
édition  (m,  xxxiii  et  app.).  Les  numéros  des  autres  colonnes  se  rap- 
portent à  l'édition  de  Cambridge  (et  à  la  numérotation  de  M.  P. 
Vetler). 


LA    VERSION    AUMÉNIENNE  95 


ARM. 

SÏR, 

AR. 

SL. 

ET  H. 

14 

(22,  23) 

32, 

33 

23,24 

18,  19 

10,  11 

1 

15 

(42,  44) 

53, 

55 

41 

Cl". 

66. 

16  =  158 

21 

Cf. 

grec  13. 

17 

(25)  36 

23 

18 

(26)  37 

26 

25,  25 

Cf. 

78. 

19 

(27)  38 

27 

27 

20,  21 

(28)  39 

28,29 

22» 

(29)  40" 

31" 

29 

22'' 

(30)  40" 

23 

(31)  42" 

31" 

31 

Cf. 

SI.  30. 

24  =  159 

34(?) 

33 

25 

(50")  67 

48" 

34 

Cf. 

27 

26 

(75)  95 

35 

27=  160 

Cf. 

26. 

28 

(61)  79" 

38,  55 

37 

29  =  161 

30  =  162 

38(?) 

31  =163 

39 

32  =  164 

40 

33  =  165 

34  =  166 

35  =  167 

36=  168 

57 

41 

37  =  169 

38 

(67)  87 

60 

42,43, 
119 

15 

39 

(6)  9 

40=  170 

41 

(33)  43 

45 

42 

(34)  44 

33 

43 

(36) 

30 

44« 

(37,  56) 

4:7, 

74-75 

46 

44" 

80 

45^ 

(80  11" 

11" 

6» 

45" 

(8")  11" 

11" 

6" 

4 

46  =  171 

47 

(39)  49 

35" 

48  =  172 

49  =  173 

50 

(49")  65 

7.  47 

63 

12 

96 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


51 

(48)  62 

44 

59 

52 

(51)  68,  69 

49 

65 

53  =  174 

50 

54  =  175 

44  (?) 

67  (?; 

55  =  170 

4,  54" 

22,  67, 72 

56 

72 

54 

57 

(55)  73",  85,  86 

54" 

73 

58  =  177 

74 

59  =  178 

53  (?) 

75 

GO  =  179 

(59)  78 

77 

61  =  180 

25 

62  =  181 

63  =  182 

64 

[40  (?)]  50 

36 

49 

65 

(41)  51 

37 

50 

66  =  183 

67 

(43)  54 

52,91 

68 

(44)  55 

112 

69*  =  184 

40 

54' 

69" 

(45)  57 

54" 

69= 

(46)  58 

55 

70  =  185 

61 

71  =  186 

56 

72  =  187 

73"  =  188' 

58 

73"  =  188" 

61 

73=  =  188= 

{'y  h   64 

46 

62 

74  =  189 

68 

75  =  190 

69 

76  -  191 

77  =  192 

56 

123 

78  =  193 

79  =-  194 

76 

80"  =  195" 

(64)  82 

20 

84 

80"  =  195" 

(61)  79" 

80 

81" 

(65)  83 

62 

81" 

(66)  84 

86 

«2 

(68)  88 

63 

83 

(62)  80 

59 

82 

«4 

(74)  94 

Cf.  11,97. 


Cf.  15. 


Cf.  grec  9. 


Cf.  18. 


14 


LA    VERSIOX    AliMKMENNE  97 

ARM.  SYK.  AU.  SI..  KTII. 

85  (35)  45  92 

86  i_[  -186 
à  90  ^~/à  200 

91  (56)  7i-75 

92  /_^  201 

à  96  ^~/à  205 

9"  =  206  Cf.  11,  61. 

98    i_[  207 
à  100\~)à  209 

COMPARAISONS     ARMÉMKNXES 


Cf.  3,  5. 
Cf.  2,  5. 
Cf.  2,  3. 
Cf.  26» 


1 

96   (1) 

1 

2 

97^  131-132 

1,3' 

1,  12 

(2%  30-32) 

25-28 

13 

•> 
i 

133  (33) 

29 

5 

6 

117  (19) 

; 

138  (37) 

8 

98   (3) 

4 

9 

99   (4) 

5 

2 

-10 

100   (5) 

7 

3 

-11 

110  (14) 

14 

12' 

126  (24) 

22 

-12" 

102»  (7") 

8,  10 

12' 

102"  (7") 

9 

13 

127  (25) 

li" 

118  (20*) 

19 

14" 

120  (20=) 

21 

14' 

119  (20") 

20 

15 

106  (10) 

12 

6 

16 

137'  (36») 

33 

15 

17 

105   (9) 

5 

18 

101   (6) 

6 

4 

19 

113  (17) 

16 

20 

128  (26) 

23 

10 

21 

129'  (27) 

24 

•)•> 

134  (3'i) 

14 

98 


HISTOinE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


AR.  SL. 


23 

137* 

(36-) 

34 

16 

24 

(18) 

17 

25 

135 

(35) 

31 

9 

Les  deux  derniers  paragraphes  arméniens  (26-27)  sont  traduits 
aux  variantes  sous  le  r.  I'i2. 

VII.  La  version  slave. 

La  traduction  allemande  de  cette  version  [Der  weise  Akij- 
rios)  publiée  par  V.  lagic  dans  la  Byzantinische  Zeit- 
schriff,  t.  I  (1892),  p.  107-126,  a  été  traduite  en  anglais 
dans  l'édition  de  Cambridge  (p.  xxvi  et  1-23). 

M.  V.  lagic  écrit  que  la  diffusion  de  l'histoire  d'Aliikar 
dans  les  littératures  slave,  serbe,  roumaine,  fait  conclure  à 
un  original  grec.  Il  n'en  apporte  d'ailleurs  aucune  preuve 
directe.  La  (orme  grecque  Akyrios  n'est  pas  un  argument 
en  faveur  de  l'origine  grecque  du  slave,  car  elle  semble  due 
à  M.  lagic,  puisqu'il  nous  avertit  que  tous  les  manuscrits 
slaves  portent  Akir  (le  serbe  seul  porte  Akijrie  d'où  le  tra- 
ducteur a  fait  Akyrios).  Or  Akii-  peut  dériver  directement 
d'Ahikar  avec  suppression  de  l'aspiration  h  '^.  De  plus, 
lorsque  le  syriaque  porte  par  quatre  fois  :  «  la  plaine  des 
Ailles  (Nesrin)  »  (cli.  v,  vi,  viii),  le  slave  porte  autant  de 
fois  (p.  12,  lig.  26;  p.  13,  lig.  1,  20,  22)  :  «  la  plaine  d'E- 
gypte, y>  ce  qui  n'offre  aucun  sens  puisqu'il  s'agit  d'une 
plaine  de  Babylonie.  Nous  pensons  donc  que  le  traducteur 
slave  a  lu  mesrin  (Egypte)  au  lieu  de  nesrin  (aigles),  ce 
qui  supposerait  encore  un  original  sémite.  De  même  la 
forme  slave   «  Nalon  «   du  nom  du   roi   de  Perse   ne    nous 

raît  pouvoir  s'expliquer  que  par  une  mauvaise  lecture  du 
syriaque  'Elam    (noun  pour  aïn).  Cf.  supra,  p.  13,  note  2. 

La  version  slave  a  donc  toute   chance  de  provenir  aussi 

1.  Ou  même  du  Hikar  arabe. 


LA    VERSION    SLAVE  99 

du  syriaque.  Si  elle  provient  d'un  texte  grec  non  retrouvé, 
celui-ci  du  moins  se  rattache  au  syriaque,  comme  le  grec 
du  Syntipas  et  une  partie  de  la  biographie  d'Ésope  "*. 

Comme  le  slave  renferme  lui  aussi  un  bon  nombre  de 
maximes  qui  lui  sont  propres  et  que  nous  traduisons  plus 
loin  (iipp.  ni,  n.  210-261).  nous  ajoutons  encore  la  table  de 
concordance  des  maximes  de  la  version  slave  avec  celles 
des  autres  versions  et  les  renvois  aux  numéros  de  l'appen- 
dice où  nous  traduisons  celles  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
les  précédentes  versions. 


1 

(1)   1 

2 

(2)   2  ■ 

3» 

(3)   3 

3» 

(4)   4 

4 

(5)   8 

5  =  210 

6^ 

(8')  11=' 

(? 

(8^)  11" 

7" 

(9)  12 

■-h 

(11)  15 

8 

11  (?) 

9 

[13  (?)]  19 

.0 

(14)  22 

[1 

(17)  25 

[2 

(15)  23 

13» 

13"  (16)     24 

1''  Cf.  11. 


1 

1 

2 

1* 

1" 

3,  5 

1= 

6 

1" 

9 

2 

Cf.  15,  72 

11^ 
11" 

45» 
45" 

4 

Cf.  47. 

12 

4 
5 
8 

5 

16 

10» 

6 

17 

10» 

7 

58 

11,  97 

Cf.  14. 

18 

10" 
10= 

19' 

10' 

15 

16  =  211 

17  (21)     29  21  12 


Cf. 


1.  M.  lagic  nous  apprend  encore  que  dans  une  recension  roumaine 
(Gasler,  Chrestomathie  roumaine,  l.  ir,  p.  133)  le  roi  se  nomme  Siua- 
grid  et  le  vizir  Arkiri  (cf.  infra,  ix,  une  autre  reccnsion  roumaine). 
De  plus,  des  sentences  tirées  de  Al.iikar  avaient  été  publiées  par 
le  professeur  Suchomlinov  dans  lo  tome  iv  des  Isveslija  académi- 
ques, Saiut-Pétersbourg,  1855,  p.  151-153. 


100  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 


I 


SL. 

SYR. 

AR. 

ARM.    KTH. 

18,19 

(22,  23)  32, 

33 

23,  24 

14   10,  11 

20  =  212 

21 

16 

22 

4,  54* 

55 

Cf.  67,  72. 

23 

(25)  36 

17 

24,  25 

(25)  37 

26 

18,78 

26  =  213 

27 

(27)  38 

27 

19 

28  =  214 

29 

(29)  40» 

31* 

22' 

30 

[30  (?)]  40" 

22" 

31 

(31)  42» 

31" 

23 

Cf.  30. 

32 

32 

33 

34  (?) 

24 

34 

(50")  67 

48" 

25 

35 

(75)  95 

26,27 

36  =  215 

37 

(65)  83 

38,55 

28 

38 

30(?) 

39 

31 

40 

32 

41 

57 

36 

42 

(67)  87 

60 

38    15 

Cf.  43.  119. 

43 

Cf.  42. 

44  =  216 

45 

41 

46 

(37,  56)  47, 

,  74,  75 

44» 

47 

(8>)  11» 

11' 

45' 

Cf.  6 

48  =  217 

49 

('iO)  50 

36 

64(?) 

50 

(41)  51 

37 

65 

51 

(i2,  47)  53, 

.  59 

39 

15,66 

52 

('i3)  54 

67 

Cf.  9i. 

53  =  218 

54» 

72 

40 

69» 

54' 

(45)  57 

69" 

55 

(46)  58 

69= 

56 

71 

57  =  219 
58 

LA    VERSION    SLAVE  101 


SL. 

SYR. 

AK. 

ARM. 

ET  H. 

59 

(48) 

62 

44 

51 

60  =  220 

73" 

61 

62 

(49") 

64 

46 

73= 

63 

(49') 

65 

7,47 

50 

12 

64 

(50') 

66 

48» 

65 

(51) 

68, 

69 

49 

52 

66  =  221 

Cf.  22,  72. 

67 

44  ( 

?) 

54(?) 

68 

74(?) 

Cf.  grec  9. 

69 

75 

70  =  222 

71  =  223 

72 

(53) 

63, 

71 

45 

13 

Cf.  22,  72 

73 

(55) 

73% 

85,  86 

54" 

57 

3 

74 

58 

75 

53 

(?) 

59 

76 

79 

77 

(59) 

78 

60 

78  =  224 

79 

(60) 

79' 

58^ 

80  =  195" 

(61) 

79' 

80" 

81  =  225 

82 

(62) 

80 

59 

83 

14 

83  =  226 

84 

(64) 

82 

20 

80» 

85  =  227 

86 

(66) 

84 

81" 

87  )_\   228 

à  90  \~iii  231 

91 

Cf.  52. 

92 

(35) 

45 

85 

93  /_j  232 

à  95  \     /à  234 

96 

(73) 

93 

61- 

97  )  t  235 

àllli~jà  249 

112  =  250 

(4'0 

55 

68 

113  )  \  251 

à  118\~)à  256 

102  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 


SL.  SYR.  AR.  ARM.         ETH. 

119  =  257  Cf.  42,  43. 

120  )(  258 
à  122i""ià  260 

123  56  77 

124  =  261  Cf.  1. 


COMPARAISONS      SLAVES 


1  97431-132  (2»30-32)     1,3',    2,3,5  Cf.  12,  13. 

25-28 

2  99  (4)  5            9 

3  100  (5)  7          iO 

4  101  (6)  6          18 

5  '  105  (9)                                    17 

6  106  (10)  12          15 
7 

8  109  (13) 

9  135  (35)  31          25 

10  128  (26)  23          20 

11  130  (29) 
12 
13 

14  134  (34)  22 

15  137»  (36*)  33         16 

16  137"  (36")  34          23 
17 

18  139  (38)  35 

19  140  (39)  36 

La  fin  du  slave  (20)  est  traduite  aux  variantes  sous  le  n.  140. 


Cf.  1. 
Cf.   1. 


VIII.  La  version  grecque. 

Une  partie  de  l'histoire  d'Ahikar  et  quelques-unes  de  ses 
maximes  sont  résumées  en  grec  dans  la  vie  «  d'Esope  le 
fabuliste  ». 

Il  en  existe  au  moins    deux  recensions.  La  plus  connue 


LA    VERSION    GRECQUE 


103 


est  celle  qui  figure  dans  la  rédaction  de  la  vie  d'Ésope 
composée  par  Maxime  Planude,  éditée  déjà  au  xv''  siècle, 
sans  date  ni  indication  de  lieu,  par  Bonus  Acciirsus 
Pisanus,  rééditée  souvent,  et  récemment  encore  par 
A.  Eberhard,  Fabula;  Romanenses  grxce  conscriptve  (éd. 
Teubner,  Leipzig,  1872),  souvent  traduite,  en  particulier 
par  La  Fontaine. 

Maxime  (ou  Manuel)  Planude,  moine  de  Constantinople, 
né  à  Nicomédie  vers  1260  et  mort  vers  1310,  était  un  grand 
traducteur  ^  et  un  collectionneur  de  bons  mots  et  d'épi- 
grammes  -. 

Il  semble  être  certainement  l'auteur  de  la  recension  qui 
porte  son  nom,  car  elle  lui  est  attribuée  par  les  manuscrits, 
et  elle  n'a  pas  encore  été  signalée  dans  des  manuscrits 
antérieurs  au  xv'' siècle.  Le  manuscrit  de  Paris,  suppl.  grec 
6'JO,  du  xu''  siècle,  renferme  une  vie  d'Esope,  mais  elle  est 
l'œuvre  d'Aphtonius,  auteur  du  iii'^  siècle  ^,  et  ne  renferme 
point  le  passage  emprunté  à  Aliikar.  Le  manuscrit  grec  de 
Paris, «.  2894, du  x  m"  siècle,  contient  bien  un  folio  delà  vie 
de  Planude,  mais  ce  folio  relié  en  tête  n'appartient  pas  à  ce 
manuscrit  et  semble  aussi  lui  être  postérieur  de  deux 
siècles. 

On  peut  seulement  se  demander  si  Planude  a  utilisé  di- 
rectement des  sources  orientales  ou  s'il  s'est  borné  à  rema- 
nier une  vie  d'Esope  déjà  compilée  en  grec. 

La  seconde  recension  grecque  de  la  vie  d'Esope,  plus 
développée   que  celle  de  Planude,  vient  donner  une  assez 

1.  Il  traduisit  du  latin  en  grec  les  sentences  de  Cafon  [De  moribus 
ad  filiuiii,  cf.  Phsedri  fabulse,  Strasbourg,  1810,  p.  cvi,  197-216), 
les  métamorphoses  d'Ovide,  quelques  écrits  de  Boèce  etc.  Cf. 
K.  Kruiiibaclier,  dans  Byzanlinische  Litleratur,  2*  éd.,  Munich, 
1897,  p.  5'i3-546,    99-100. 

2.  Anlhologia  Plnnudea.  Cf.  K.    Krumbacher,  loc.  cit.^  p.  727-728. 

3.  Celte  vie  a  été  rééditée  aussi  par  A.  Eberhard,  loc.  cit.,  p.  306- 
308. 


104 


HISTOIRE    ET    SAGESSE     D  AHIKAR     L  ASSYRIEN 


grande  probahilité  h  la  seconde  hypothèse.  Cette  seconde 
rédaction  a  déjà  été  traduite  en  latin  par  Rynucius  "*  Thet- 
talus,  au  XV''  siècle  ^,  et  a  été  éditée  par  Ant.  Westermann, 
Vita  JEsopi  e.v  Vratislaviensi  et  partim  Monacensiet  Vindo- 
bonensi  codicibus,  Brunswig  et  Londres,  1845.  Nous  la 
désignerons  par  la  lettre    W. 

Souvent  Platuide  et  W  se  correspondent  phrase  par 
phrase  avec  des  mots  différents,  comme  le  font  deux  traduc- 
tions différentes  d'un  même  texte,  d'autres  fois  Planude 
abrège  et  remplace  le  discours  direct  par  le  discours  indi- 
rect. 

Par  exemple  où  II' porte  :  «  Le  roi  dit  à  Esope  :  Prends 
cette  lettre  du  roi  d'Egypte  et  lis-la,  »  Planude  écrit  :  «  Le 
ro'x  donna  à  lite  à  Esope  la   lettre   du    roi  d'Egypte.   » 

De  même,  W  :  «  J'ai  fait  venir  des  chevaux  de  Grèce 
pour  les  accoupler  avec  les  chevaux  d'ici,  mais  lorsque 
les  cavales  entendent  hennir  les  chevaux  de  Babylone,  elles 
-avortent.  » 

Planude  :  «  J'ai  ici  des  cavales  qui  conçoivent  dès  qu'elles 
entendent  hennir  les  chevaux  de  Babylone.  » 

W  :  «  Tu  as  mal  agi,  Esope,  car  (le  chat)  est  l'idole  de 
la  déesse  de  Bybastc,  que  les  Égyptiens  vénèrent  surtout.  » 


1.  Ou  lliiiuciiis  (d'où  Rimicius),  ou  Rinuccio  d'Arezzo. 

2.  Vita  .Usopi  fabulatoris  clarissimi^  e  ^rseco  latina  per  Rynucium 
fada,  ad  Reverendissiinuin  Patrem  Dominum  Aiitoniuin  tituli  sancti 
Chrysogoni  Presbyterum  Cardinalem  ;  et  primo  prohœmiam.  —  \J édi- 
tion de  cette  version  latine  (xv^  siècle)  est  donc  antérieure  aux  plus 
•anciens  manuscrits  des  versions  slave  et  arménienne  d'Ahikar.  — 
Rynucius  ne  prend  pas  parti  pour  ou  contre  les  incidents  fabuleux  de 
l'histoire  d'Esope.  Il  prend  le  lecteur  pour  juge  :  In  hac  vita  {.-E- 
sopi)  duo  tempora  prœcipue  notanda  sunt.  Primuni  tempus  est  :  que 
servitutevi  servivit  ;  alterum  vero  est  :  quo  se  in  libertatem  vindicavit. 
In  utraque  quxdam  scrihuntur  qux  fahularum  habent  effigiem. 
Verum  enini  sive  sint  ficta  s/t'C  vera  :  hoc  ego  legentium  arbitrio 
relinquo. 


hA    VEnSION    GRECQUE  105 

Planude  :  «  Ne  sais-tu  pas,  Ésope,  que  le  chat  est  vénéré 
chez  nous  comme  un  dieu  ?  » 

W  :  «  Nectanébo  lui  envoya  par  lettre  les  questions  sui- 
vantes :  Nectanébo,  roi  des  Egyptiens,  à  Lycurguc  roi  des 
Babyloniens,  salut  1  — Comme  je  veux  bâtir  une  tour  qui 
ne  touche  ni  la  terre  ni  le  ciel,  envoie-moi  ceux  qui  bâti- 
ront la  tour  et  celui  qui  répondra  à  tout  ce  que  je  deman- 
derai, et  tu  recevras,  de  tout  l'empire  (|ui  dépend  de  moi, 
les  tributs  de  dix  ans.  INIais,  si  tu  recules,  envoie-moi  les 
tributs  de  dix  ans  de  toute  la  terre  qui  dépend  de  toi.  » 

Planude  :  «  Nectanébo  envoya  aussitôt  une  lettre  à  Ly- 
céros,  lui  demandant  de  lui  adresser  des  architectes  pour 
lui  bâtir  une  tour  qui  ne  loucherait  ni  le  ciel  ni  la  terre,  et 
quelqu'un  pour  répondre  à  ce  qu'il  lui  demanderait  ;  s'il  le 
faisait,  il  percevrait  des  tributs,  sinon  il  les  paierait.  » 

De  même  les  trente-cinq  maximes  de  II'  sont  réduites  à 
quinze  chez  Planude. 

Les  deux  écrits  dépendent  certainement  l'un  de  l'autre, 
car,  par  exemple,  toutes  les  maximes  données  par  Planude 
figurent,  dans  le  même  ordre,  chez  IF.  La  question  est  donc 
de  savoir  si  IF  interpole  ou  si  Planude  abrège.  La  seconde 
hypothèse  nous  par;iît  la  plus  vraisemblable.  Nous  crovons 
donc  que  Planude  n'a  pas  composé  la  vie  d'Esope  publiée 
sous  son  nom.  Il  a  résumé  un  texte  grec  préexistant,  peut- 
être  ÏF^,  qui  nous  restitue  ainsi  un  état  intermédiaire  en- 
tre les  versions  orientales  et  Planude. 

Nous  traduisons  aux  variantes  la  version  de  Planude 
(édition  Eberhard),  qui  est   la    plus  répandue,    mais  nous 


1.  II  a  pu  y  avoir  plusieurs  rédactions  grecques  en  plus  des  deux 
qui  sont  éditées.  M.  A.  Westermann  indique  dans  sa  préface  des 
litres  de  manuscrits  grecs  aujourd'hui  perdus  qui  semblent  corres- 
pondre à  des  rédactions  ditférentes,  et  publie  les  maximes  conservées 
dans  un  manuscrit  de  Vienne  qui  ne  concordent  entièrement  ni 
avec  celles  qu'il  édile  plus  loiu  ni  avec  celles  de  Planude. 


106  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

ajoutons  en  note  les  maximes  propres  à   W,  d'après  la  tra- 
duction de  Rynucius  ^. 

11  resterait  à  montrer  comment  on  a  pu  assez  facilement 
assimiler  Esope  à  Ahikar  et  attribuer  au  premier  la  bio- 
graphie du  second  ;  nous  tâcherons  de  le  faire  au  chapitre  : 
«  Ahikar  et  les  fabulistes.  » 


IX.  La  version  roumaine. 

Cette  version  a  été  popularisée  et  mise  en  relief  par 
M.  Gaster.  Dans  son  histoire  de  la  littérature  roumaine 
populaire  (Bucharest,  1883),  il  avait  déjà  consacré  un  cha- 
pitre (p.  104-114)  aux  versions  roumaines  de  V Histoire  d'A- 
hikar  et  noté  leur  ressemblance  avec  les  versions  slaves,  le 
conte  des  Mille  et  une  nuits  et  l'histoire  d'Ésope  ^.  Dans  le 
Journalofthe  Royal  Asiatic  Society ,  1900.  p.  301-319,  sous 
le  litre  de  Contributions  to  the  History  of  Ahikar  and  Na- 
dan,  il  traduit  en  anglais  un  manuscrit  roumain  ^.  En  voici 
le  début  : 

«  Histoire  d'Arkirie,  le  très  sage,  qui  instruisit  son  neveu 
Nadan  dans  la  sagesse  et  la  science,  pour  qu'il  eût  prudence, 
philosophie  et  saine  connaissance. 

«  Dans  les  jours  du  roi  San;igriptu,  vivait  dans  le  pays  de 
Rodu    (Daru),  un  homme  nommé  Arkirie.    Ce  grand    sage 

1.  Nous  avons  transcrit  Rynucius  sur  l'édition  déjà  citée  de  «  Bonus 
Accursus  Pisanus  »,  dédiée  à  Jean-François  Torrès.  Sur  cette  édition 
du  grec  et  de  la  traduction  laline,  voir  Fabrieius,  Bibl.  grœca,  éd. 
Harles,  t.  i,  p.  631  (cette  édition  aurait  été  donnée  à  Milan  vers  1489)  ; 
S.  F.  G.  Hoffmann,  Lexicon  bibliographicum ,  Leipzig,  1832,  t.  i  ; 
Brunet,  Manuel  du  libraire. 

2.  D'après  M.  lagic  {supra.,  vu),  M.  Gaster  aurait  publié  le  texte 
de  la  version  roumaine  dans  Chrestomathie  roumaine,  t.  ii,  p.  133. 

3.  Ecrit  en  1777,  et  signalé  par  lui  sous  le  no  90  dans  son  histoire 
de  la  littérature  roumaine  [Grundriss  der  lîonianischen  Philologie,  éd. 
Groeber),  t.  ii,  3,  p.  387. 


LA    VERSION    ROUMAINE  107 

Arkirie  adopta  un  neveu,  le  fils  de  sa  sœur,  nommé  Anadan 
(parce  qu'il  n'avait  pas  d'enfants).  Il  le  nourrit  avec  du  pain 
blanc,  du  miel  et  du  bon  vin  et  lui  enseigna  la  philosophie  ; 
et  il  lui  dit.  » 

Le  roumain  porte  trente- six  maximes,  M.  Gaster  donne 
les  concordances  suivantes  de  douze  de  ces  maximes  avec 
le  slave. 

2  (=25)  ;  5  (=33)  ;  G  (=41)  ;8(  =  97)  ;  10  (=  119)  ; 
il  (  =:  119  )  ;  14  (  =  49)  ;  15  (  =53  )  ;  16  (  =  61  )  ;  17 
(=68)  ;21(=  74);  31  (=78). 

Nous  traduirons  toutes  les  autres,  pour  lesquelles  M.  Gas- 
ter n'indique  pas  de  concordance,  dans  l'appendice  IV,  mai  s 
nous  verrons  que  presque  toutes  ont  des  maximes  parallèles 
dans  les  antres  versions  et  se  rattachent  donc  bien  à  la 
même  source.  Après  les  maximes  on  lit  : 

«  Quand  il  l'eut  instruit  dans  toute  la  philosophie,  la  sa- 
gesse et  la  science,  Arkirie  conduisit  son  neveu  au  roi  Sa- 
nagriptu.  En  le  présentant  k  la  cour,  Arkirie  dit  :  «  Hono- 
«  rable  roi,  je  vous  présente  mon  neveu  Anadan  pour  qu'il 
«  serve  Votre  Majesté,  car  je  deviens  vieux  et  ne  pourrai  plus 
«la  servir  longtemps.  »  Et  le  roi  Sanagriptu  lui  répondit  : 
«  .le  le  ferai  très  volontiers,  Arkirie.  »  Et  Arkirie  dit  au  roi  : 
«  Votre  gracieuse  volonté  pourrait-elle  être  de  faire  mon 
«  neveu  grand  Logothète  ?  »  Et  il  fut  nojnmé  à    ce  poste...  » 

Il  n'y  a  plus  de  noms  de  rois  ni  de  noms  géographiques  ; 
on  trouve  une  seule  lettre,  écrite  parNadan  :  «  Moi  Anadan, 
au  nom  de  l'illustre  roi  Sanagriptu,  rassemble  les  troupes 
et  viens  en  hâte.»  Le  roi  est  étonné,  lorsqu'il  apprend  qu'A- 
hiikar  rassemble  des  troupes.  Anadan  lui  dit  que  son 
oncle  se  révolte.  Il  n'est  pas  question  non  plus  do  l'adoption 
du  frère  de  Nadan.  Le  roi  demande  comment  il  doit  punir 
Ahikar  et  c'est  Nadan  qui  propose  de  lui  faire  couper  la 
tête  et  de  la  faire  porter  à  cent  pieds  de  son  corps  ■*.  L'cxé- 

1.  Il  en  est  de  inèine  dau3  le  slave  (p.  14). 


108  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEX 

cuteur  n'est  pas  nommé,  ni  l'esclave  immolé  en  place 
d'Ahikar. 

Arkiric  vécut  neuf  ans  caché. 

«  Anadan  demanda  au  roi  la  maison  et  les  propriétés 
qui  appartenaient  à  son  oncle  Arkirie,  et  le  roi  les  lui  don- 
na. Il  alla  à  la  maison  de  son  oncle  et  il  commença  à  frap- 
per les  serviteurs  et  les  esclaves,  et  il  fit  de  grandes  fêtes 
et  des  danses  sur  le  tombeau  de  son  oncle  et  beaucoup 
d'autres  choses  semblables.  Arkirie  entendait  tout  cela  et 
en  souffrait.  » 

Pharaon  écrit  ensuite  au  roi  d'Assyrie,  mais  le  voyage  en 
Egypte  est  très  abrégé.  La  version  roumaine  mentionne 
seulement  la  construction  du  château  dans  les  airs  (xxx,  6- 
10  )  et  la  confection  des  câbles  de  sable  (xxx,  22-27),  puis 
Ahikar  retourne  en  Assyrie  et  demande  que  Nadan  lui  soit 
livré  :  !«  Il  le  frappe  et  Nadan  lui  demande  de  garder  ses 
pourceaux.  Arkirie  répond  par  la  parabole  du  loup  auquel 
on  voulait  faire  dire  A,  B,  C,  D  (xxxiii,  137).  2»  Il  le  frappe 
de  nouveau  et  Nadan  lui  demande  à  être  pâtre.  Arkirie  cite 
la  parabole  du  loup  qui  suivait  le  troupeau  et  prétendait 
que  la  poussière  était  bonne  à  ses  yeux  (xxxiii,  137  ^  ).  3^  11 
le  frappe  encore,  Nadan  dit  :  Je  soiguerai  tes  chevaux. 
Arkirie  lui  cite  la  parabole  de  l'âne  qui  avait  cassé  sa  lon- 
ge et  qui  était  tombé  sur  le  loup  (xxxiii,  105  ),  «  et  Arki- 
rie continua  à  le  frapper  jusqu'à  ce  qu'il  mourût.  »  Sic  exit. 

La  version  roumaine  présente  donc  aussi  le  même  fond 
que  les  versions  orientales  mais    elle   abrège  davantage  ^. 

1.  Il  en  existe  un  grand  nombre  de  manuscrits  qui  diffèrent  les 
uns  des  autres,  dit  M.  Gaster,  mais  qui  sont  tous  modernes.  Le 
même  savant  fait  remarquer  que  les  éditeurs  contemporains  pren- 
nent, vis-à-vis  des  maximes  d'Ahikar,  les  mêmes  libertés  que  les 
6cril)es  qui  transcrivaient  les  manuscrits.  Il  cite  Negrutsi,  qui  publiait 
eu  1852  une  collection  de  proverbes  roumains  et  qui  y  incorporait 
mot  à  mot  presque;  toutes  les  maximes  d  Arkyrie,  et  Anton  Paun  qui 
introduisait    arbitrairement    par    contre    des    proverbes     populaires 


LA    VERSION    HÉunAÏQUE    DR    JOSEPH    MARSEI.  109 

Sa  ressemblance  avec  ces  versions  est  assez,  grande  pour 
qu'elle  puisse  servir  à  démontrer  que  le  texte  d'où  elle  pro- 
cède (slave  ou  grec  1  )  provient  directement  d'une  version 
orientale. 

X.  La  version  hébraïque  de  Joseph  Massel  '-. 

Cette  version  a  été  faite  sur  la  traduction  anglaise  de 
E.  J.  Dillon  basée  sur  les  manuscrits  syriaques  L  et  C 
(Londres  et  Cambridge).  L'ordre  des  sentences  est  celui 
de  L.  La  version  arabe  a  aussi  été  mise  à  contribution  (cf. 
supra,  p.  19,  n.  7).  D'après  MM.  E.  J,  Dillon  et  Joseph 
Massel,  l'original  des  versionsd'Ahikar  est  un  écrit  hébreu  ; 
c'est  la  thèse  de  M.  Vetter,  mais  il  se  trouve  que  les  hé- 
braïsmes  signalés  par  M.  Vetter  dans  la  version  syriaque, 
comme  preuve  de  sa  filiation  néo-hébraïque,  ne  se  retrou- 
vent pas  dans  la  traduction  hébraïque  de  M.  J.  Massel 
(cf.  infra  chap.  V,  m).  On  peut  donc  en  conclure  qne  ces 
hébraïsmes  ne  s'imposent  pas.  C'est  le  principal  résultat 
que  l'on  tirera  de  la  lecture  de  ce  petit  livre  ;  on  trouvera 
en  notes  des  renvois  à  un  certain  nombre  de  passao-es  du 
Talmud. 


rouiiuiins  dans    sa    seconde   édition    d'Arkyrie    (sa    première    édition 
est  de  1842). 

1.  Il  ne  s'agit  ici  ni  du  slave  traduit  par  M.Iagic,  ni  du  grec  inséré 
dans  la  vie  d'Ésope,  car  le  roumain  ne  provient  directement  ui  de 
l'un  ni  de  l'autre. 

2.  Kivjath  sepher  (collection  de  textes  hébreux  anciens  et  nouveaux 
publiés  par  N.  S.  Libovvitz),  n.  1  :  The  siory  of  Ahihar,  translatcd 
into  Ilebrew  by  Joseph  Massel,  wilh  introductions  and  notes  by 
lector  M.  Fridmann  and  explanatory  notes  by  N.  S.  Libowilz,  New- 
York,  1904,  44  pages. 


110  insTOinE  ET  SAGESSE  d'aiiikar  l'assyriex 

CHAPITRE  V 

Le   texte   original  de  VHistoire  d'Ahikar. 

I.  Langue  du  premier  écrit. 

Ce  premier  écrit,  auquel  Clément  d'Alexandrie  et  Stra- 
bon  font  sans  doute  allusion,  qui  a  été  utilisé  lors  de  la 
rédaction  orecque  du  livre  de  Tobie,  qui  aurait  été  mis  à 
contribution  par  Déniocrite  (né  vers  460  ou  496  avant 
noire  ère)  ^  et  peut  être  par  Ménandre  (  342-290  avant 
notre  ère  )  ^  ,  sans  doute  par  l'intermédiaire  de  Démocrite, 
aurait  donc  été  composé  en  Assyrie  antérieurement  au  v® 
siècle  avant  notre  ère  ■^  .  La  langue  originale  ne  pouvait 
être  que   l'araméen.  M.  Renan  l'a  écrit  avec  raison  '^  : 

«  On  ne  peut  douter  que  1  immense  majorité  de  la  popu- 
lation de  l'Assyrie  ne  parlât  habitullement  Taraméen,  Cette 
langue,  en  effet,  représente  partout  la  conquête  assyrienne. 
L'araméen  était  employé  par  les  hauts  fonctionnaires  de 
la  cour  d'Assyrie  envoyés  par  Sanhérib  pour  parlementer 
avec  Ézéchias  ^...  Lorsque  la  domination  des  Perses  eut 
remplacé  celle  des  Assyriens,  l'araméen  garda  toute  son 
importance.  » 

Comme  spécimen  de  cette  langue  (peut-être  un  peu  hé- 
braïsée)  on  peut  citer  les  fragments  iv,  8-vi,  18,  et  vu,  12- 
VII,  26,  du  livre  d'Esdras,  presque  contemporain   d'Ahikar. 

1.  Fabricius,  Bibl,  grœca,  éd.  Harles,  Ilamboui-g,  1790,  t.  ii, 
p.  628-629. 

2.  Fabricius,  ibid.,  p.  455. 

3.  Puisque  Démocrite  vivait  au  ve  siècle. 

4.  iJisloire  générale  et  système  comparé  des  langues  sémitiques, 
Paris,  1863,  p.  215-216. 

5.  II  Rois,  xviii,  26  ;  Isaïe,  xxxvi,  11. 


CONTENU  DU  PREMIER  ÉCRIT  111 

Une  rédaction  de  l'écrit  araméen  original  a  pu  être  tra- 
duite directement  en  syriaque  au  commencement  de  notre 
ère,  c'est-à-dire  six  à  sept  cents  ans  après  la  composition 
du  premier  écrit. 

II.  Contenu  du  premier  écrit. 

Il  a  pu  comprendre  à  la  fois  :  io  V Histoire  (VAhikar  qui  en 
est  la  partie  la  plus  frappante  et  dont  l'existence  est  attes- 
tée par  le  livre  de  Tobie,  et  2^  les  proverbes  ou  la  Sas^csse, 
composés  sur  le  modèle  des  Proverbes  de  Salomon  et  dont 
l'existence,  antérieure  à  Démocrite,  est  attestée  par  Clé- 
ment d'Alexandrie. 

Ainsi  Ahikar,  qui  a  pris  modèle  sur  les  Proverbes,  a  été 
imité  par  Jésus,  fils  de  Sirach,  dans  l'Ecclésiastique,  et  les 
ressemblances  textuelles  des  deux  livres  proviennent,  non 
pas,  comme  l'a  écrit  M.  Vetter,  de  ce  qu'un  auteur  juif,  ré- 
dacteur d'Aliikar,  a  utilisé  le  texte  hébreu  de  l'Ecclésias- 
tique, mais  de  ce  que  Jésus,  fils  de  Sirach,  qui  rédigeait 
l'Ecclésiastique,  connaissait  par  ailleurs  les  maximes  d'A- 
hikar.  Il  les  connaissait  sans  doute  d'après  le  texte  araméen 
original,  bien  qu'une  version  hébraïque,  non  rencontrée 
jusqu'ici,  ait  pu  en  être  laite. 

Les  maximes  et  les  comparaisons  du  premier  écrit,  por- 
tées par  Démocrite  à  la  connaissnnce  des  Grecs,  ont  servi 
aussi  de  modèle  aux  moralistes  et  aux  fabulistes  grecs  i. 

o 

1.  Ou  ne  peut  faire  que  des  hypothèses  sur  la  furme  du  premier 
écrit.  M.  Rendel  Harris  (p.  lxxxiv-lxxxvi)  suppose  que  les  maximes 
étaient  en  vers  et  même  rangées  par  ordre  alphabétique,  comme  les 
sentences  en  un  vers  de  Ménandre  ;  cette  hypothèse  plaît  beaucoup 
aussi  à  M.  Vetter.  Il  est  certain  que  l'auteur  d'Ahikar,  qui  avait  les 
ProTerbes  pour  modèle,  pouvait  songer  à  écrire  en  vers,  mais  il  est 
possible  aussi  que  le  premier  recueil  ait  été  en  prose,  comme  Jes 
premiers  recueils  des  fables  d'Esope,  et  que  Jésus  fils  de  Sirach  l'ait 
mis  en  vers,  de  même  que  Socrate  dans  sa  prison  et  plus  tard  Ba- 
brius  ont  mis  en  vers  les  fables  d'Ésope. 


112  HISTOIRE    ET    SAGESSE    DAHIKAIl    l'aSSYRIEN 

III.  Les  prétendus  néo-hébraïsmes 
de  la  version  syriaque. 

jNI.  Vettcr,  pour  démontrer  ([ue  la  version  syrinque  pro- 
vient d'un  écrit  néo-hébreu  ^  ,  rédigé  de  100  avant  Jésus- 
Christ  à  100  ou  200  après  Jésus-Christ,  a  dû  y  chercher 
des  traces  de  cet  écrit  -. 

lo  XXXIII,  110.  Un  homme  sèmedix  mesures  de  blé  et  ne 
récolte  que  dix  mesures,  il  se  lâche  contre  ce  champ.  —  Le 
ms.  C,  pour  le  mot  blé,  porte  se'ortti.  M.  Yetter  suppose  que 
cela  provient  d'un  texte  hébreu  qui  portait  se'oi-d,  lequel 
mot  signifie  à  la  fois  blé  (se'orâ  )  et  tempête  (se 'ara),  d'où 
le  jeu  de  mot  hébreu  :  «  J'ai  semé  du  blé  et  la  tempête  est 
venue,  »  ou  encore  :  «  Aussitôt  semé  aussitôt  enlevé.  »  Des 
reconstructions  de  ce  genre  seraient  h  peine  permises  s'il 
était  certain  que  le  syriaque  provient  d'un  texte  hébreu, 
elles  ne  peuvent  donc  pas  conduire  à  la  découverte  de  ce 
texte.  De  plus,  le  ms.  B  porte  ici  hélé  et  non  se'orlâ.  11  ne 
se  prête  donc  plus  au  jeu  de  mots  supposé.  Ce  jeu  de  mots 
n'a  pas  d'ailleurs  été  soupçonné  par  le  traducteur  hébreu 
Joseph  Massel  '^. 

2°  xxxiii,  106.  Un  piège  à  oiseau  se  trouvait  (.s'a/<^/ )  sur 
unfumier...  Il  dit  :  Je  prie  (/;ze.sa/rt)Dieu,  —  Dans  la  langue 
du  Targum,  dit  M.  Vetter,  le  péal  de  ^ald  est  la  propre  ex- 

1.  Ou  conipj-end  peu  qu'un  rédacteur  juif  ait  fait  dire  à  IS'adan 
(xxxin,  134'')  :  o  Je  paîtrai...  tes  porcs.  » 

2.  Ij' Histoire  d'Ahikar^  rédigée  en  araméen,  par  un  auteur  qui  con- 
naissait l'Ancien  Testament,  devait  évidemment  contenir  des  liébraïs- 
mes.  Nous  tenons  seulement  qu'on  ne  peut  lui  attribuer  aucun  néo- 
hébraïsnie  qui  nous  contraigne  h  placer  sa  composition  à  une  basse 
époque.  D'ailleurs  l'évolution  de  la  langue  hébraïque  est  mal  connue 
faute  de  points  de  comparaison.  —  M.  Gaster  estime  aussi  qu'il  est 
prématuré  de  rechercher  un  texte  hébreu  original.  Journal  of  the 
Boyal  Asiatic  Society\  1900,  p.  315. 

3.  The  story  of  Ahikar,  New-York,  190i,  p.  36. 


LES    NÉO-HÉaRAÏSMES     DE    LA    VEliSION    SYRIAQUE  113 

pression  pour  la  place  du  piège  et  au  pacl  la  même  racine 
signifie  prier,  J.  Lévy,  Chald.  Wôrterbuch  iiber  die  Tar- 
gumini^  t.  II  (1868),  p.  324,  325.  Cela  prouverait  tout  au 
plus  qu'on  trouve  la  même  chose  dans  la  langue  du  Tar- 
gum  et  en  syriaque,  où  selci  comporte  aussi  ces  deux  sens, 
rnnis  il  y  a  plus,  le  ms.  B,  qui  ressemble  ici  à  l'arabe  et  à 
l'arménien  plus  que  le  ms.  C,  porte  :  «Un  piège  à  oiseau 
était  caché  {jyielteniar)  sur  un  fumier.  »  Il  ne  permet  donc 
pas  d'imaginer  un  jeu  de  mot  (  hébreu  ou  syriaque  )  sur  la 
racine  selô.  Le  traducteur  hébreu  n'emploie  d'ailleurs  ici 
aucun  mot  dérivé  de  s^elô  ^  . 

3o  III,  84.  M.  Vetter  propose  de  voir  ici  un  jeu  de  mots 
roulant  sur  'aïn,  «œil»  ou  «  source  »,  et  'oser,  «richesse», 
ou  'afar^  «  poussière  ».  Le  texte  original  aurait  porté  : 
«  L'œil  de  l'homme  est  comme  l'œil  de  l'eau,  il  ne  se  rassa- 
sie pas  de  richesses  ( 'o.s'e/')  avant  d'être  plein  dépoussière 
Ça  far).  »  Cette  reconstruction,  pour  ingénieuse  qu'elle 
soit,  est  purement  hypothétique  et  n'aurait  quelque  valeur 
que  s'il  était  certain  par  ailleurs  que  le  texte  original 
était  hébreu,  mais  elle  ne  peut  servir  a  le  démontrer.  De 
plus,  le  mot  «  richesses  »  manque  dans  B,  dans  le  slave  et 
dans  tous  les  mss,  arméniens  (hors  un)  ;  il  a  donc  chance 
de  n'avoir  même  pas  appartenu  à  la  rédaction  primitive  ; 
toute    cette  maxime  manque  même  en   arabe. 

4"  Les  tournures  hébraïques  que  relèvent  M.  Vetter, 
p.  349,  et  M.  Rendel  Ilarris  (éd.  de  Cambridge,  p.  lxxxiii) 
comme  :  «  en  trouvant,  j'ai  trouvé  »,  «  rappelant,  j'ai  rap- 
pelé »,  se  renconlrcnt  dans  la  Bible  et  en  général  dans 
toutes  les  littératures  sémitiques.  Elles  peuvent  donc  pro- 
venir de  l'écrit  araméen  original,  car  son  auteur  connais- 
sait et  utilisait  la  Bible  ;  il  n'est  pas  nécessaire,  pour  les  ex- 

1.  Joseph  Masscl,  The  story  of  Ahikar,  Ne\Y-Yoik,  lOO'i,  p.  36.  Il 
rend  «  se  trouvait  î  par  iUlak  mazura/i,  et  «  je  prie  Dieu  >  par 
êtfalal  leêl. 


114  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'asSYRIEN 

pliquer,  d'imaginer  un  écrit  néo-hébreii  du  commencement 
de  notre  ère,  intermédiaire  entre  l'écrit  original  et  les  ver- 
sions qui  nous  sont  conservées. 

5"  XXXIII,  105.  Un  lion  (ou  :  un  loup  )  rencontre  un  âne 
errant  et  lui  dit  :  Salut,  mar  kijrios.  L'autre,  se  doutant 
bien  que  le  lion,  malgré  tant  de  politesse,  le  mangera, 
maudit  le  maître  qui  ne  l'a  pas  attaché  ce  matin-là. 

M.  Vetter  a  trouvé  une  explication  fort  ingénieuse  de  la 
répétition  :  mar  kyrios,  «  monsieur,  seigneur  •».  11  fait  re- 
marquer qu'on  trouve  deux  fois  dans  le  Talmud  la  locu- 
tion Afr?  qît'i  :  une  première  fois  (traité  Erubin,  53'^)  on 
donne  des  exemples  de  la  manière  comique  dont  les  Gali- 
léens  prononçaient  l'hébreu.  En  particulier,  on  cile 
l'exemple  d'une  femme  qui  devait  dire  :  «  mon  seigneur  » 
et  qui  prononça  comme  si  elle  disait  y.upis  y^sipiî,  «  mon 
seigneur  serviteur  ».  J.  Lévy,  Neuhehr.  Wôrterbuch,  1879, 
t.  II,  p.  324.  Une  seconde  fois  (traité  ChuUin  139  ^  ),  le 
roi  Hérode  est  appelé  aussi  par  dérision  par  une  co- 
lombe kîj'î  qîrî  (-/.jp'.s  ycipis,  seigneur  serviteur)  parce  que 
les  ascendants  d'Hérode  étaient,  sous  les  Macchabées,  des 
serviteurs  et  des  valets.  Le  lion  aurait  donc  appelé  également 
l'âne,  par  sarcasme,  7.;jpte  yziçut,  «  mon  seigneur  valet  », 
comme  on  le  trouve  dans  le  Targum,  et  le  syriaque, 
comprenant  mal  ce  jeu  de  mots,  l'aurait  rendu  par  mar 
kyrios.  Cette  explication  n'est  qu'ingénieuse,  car  ces  mots, 
soi-disant  néo-hébreux,  ne  sont  que  des  mots  grecs.  Par 
suite,  au  lieu  d'expliquer  le  syriaque  mar  kyrios  par  le 
néo-hébreu  kîrî  qirî,  qui  s'explique  lui-même  par  le 
grec  /.jpis  XîtptS)  il  est  beaucoup  plus  simple  d'expliquer 
immédiatement  le  syriaque  par  le  grec  mar  xùpioç  : 
mar  étant  un  titre  qui  se  met  en  syriaque  devant  le  nom  de 
tous  les  personnages  que  l'on  veut  honorer,  l'auteur  syrien 
l'a  encore  mis  devant  le  grec  xjpto;,  qu'il  utilisait  sans 
le  regarder  comme  identique  à  mar.  C'est  ce  qu'a  compris 
B   qui    remplace   mar    -/.jpioç    par    «    mon    frère   et    mon 


LES    NÉO-HÉBRAÏSMES    DE    LA    VERSION    SYRIAQUE  115 

ami  ».  Le  slave  et  l'arménien  n'ont  rien  conservé  non  plus 
qui  ressemble  à  niar  xjpioig.  Cette  locution  est  propre 
à  f  et  peut  donc  être  un  remaniement  moderne. 

J'ajoute  que  prêter  ici  un  sarcasme  au  lion  est  aller  con- 
tre l'idée  de  la  fable  qui  demande  un  lion  très  poli  pour 
nous  montrer  un  àne  qui  n'est  pas  dupe  de  toutes  ces  poli- 
tesses. C'est  là  le  cadre  des  fables  xiv  et  clvii  d'Esope, 
«  L'oiseau  et  le  chat,  »  reprises  par  Babrius  (n.  cvii).  Voici 
cette  dernière  qui  est  très  courte  : 

Un  oiseau  tomba  malade.  Un  chat  le  trouva  et  dit  :  Com- 
ment vas-tu  ?  De  quoi  as-tu  besoin  ?  Je  t'apporterai  tout, 
seulement  guéris-toi.  — Et  l'autre  :  Si  tu  t'en  allais,  dit-il, 
ma  vie  serait  sauve. 

On  ne  conçoit  pas  que,  dans  cette  fable,  le  chat  adresse 
quelque  sarcasme  à  l'oiseau,  nous  ne  concevons  pas  non 
plus  que  l'on  place  un  sarcasme  dans  la  bouche  du  lion,  sur- 
tout pour  expliquer  une  locution  aussi  simple  que  marY.jpioq. 

Le  traducteur  hébreu  n'a  d'ailleurs  vu  ici  aucun  jeu  de 
mots  et  a  traduit  par  èalom  lok,  Adônaï  hasar  *. 

G"  Les  relations  entre  Ahikar  et  le  texte  hébreu  de  l'Ec- 
clésiastique et  les  ïargums  doivent  s'expliquer  en  suppo- 
sant, non  pas  que  le  premier  dépend  des  derniers,  mais  bien 
que  les  derniers  dépendent  du  premier,  car  nous  n'avons 
aucune  raison,  ni  a  priori  ni  textuelle,  pour  supposer  qu'A- 
Ijiikar  a  été  imaginé  vers  le  commencement  de  notre  ère.  Au 
contraire,  les  témoignages  des  auteurs  grecs  Strabon  et 
Clément  d'Alexandrie,  confirmés  par  les  parallélismes  rele- 
vés avec  les  restes  de  Démocrite  et  de  Ménandre,  nous  con- 
duisent il  placer  l  écrit  primitif  de  V Histoire  et  sagesse  dW.- 
hikar  vers  le  vi®  ou  le  vu"  siècle  avant  notre  ère,  taudis 
que  l'Ecclésiastique  date  certainement  de  deux  à  trois  siè- 
cles avant  notre  ère  et  que  les  Targums  sont  encore  beau- 
coup plus  récents. 

1,  Joseph  Massel,  The  story  of  Ahikar,  New- York,  1904,  p,  35. 


116  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAU    l'aSSTRIEX 


IV.  Transmission  du  texte  original. 

Nous  ne  trouvons  pas  trace  d'un  intermédiaire  néo-hé- 
"breu.  Iln'y  adonc  pas  de  motif  pour  faire  état  decet  intermé- 
<liaire,  dont  nous  ne  pouvons  pas  prouver  l'existence. 

Nous  savons  seulement  que  toutes  les  versions  conser- 
vées paraissent  se  ramener  à  une  version  syriaque  pri- 
mitive, qui  n'est  pas  identique  aux  manuscrits  modernes 
B,  C,  mais  qui  avait  des  traits  de  l'un  et  de  l'autre  : 
l'arménien  provient  d'une  source  apparentée  à  B  plutôt 
qu'à  C  ;  l'arabe  provient  plutôt  de  C  mais  a  des  traits 
propres  à  B.  Le  slave  et  le  roumain  eux-mêmes  proviennent 
d'une  source  orientale  ou  immédiatement  ou  par  l'intermé- 
diaire d'un  texte  grec  non  retrouvé.  L'éthiopien  provient 
de  l'arabe  ^. 

Ces  versions,  par  leurs  points  communs,  nous  donnent 
uue  connaissance  suffisante  de  la  version  syriaque  qui  a  dû 
être  leur  prototype.  Mais  ce  prototype  syriaque,  qui  est  déjà 
non  pas  connu  mais  reconstitué,  ne  nous  fait  pas  connaître 
avec  la  netteté  désirable  l'original  araméen  dont  il  dérive 
immédiatement  ou  médiatement. 

Toute  question  sur  l'authenticité  et  l'hi-storicité  de  VBis' 
toire  (TAhikar  doit  donc  être  envisagée  à  ces  deux  points  de 
vue. 

1°  Historicité  des  versions  conservées 

La  comparaison  des  versions,  surtout  dans  les  maximes, 
nous  a  montré  qu'elles  ont  certainement  un  fond  commun, 
ïl  faut  se  garder  d'attacher  trop  d'importance  à  quelques 
mots  ou  à  quelques  détails,  car  les  manuscrits  sont  tous  ré- 

1.  Voir  (cb.  iv)  les  paragraphes  consacrés  aux  diverscH  vorsîoDS. 


TRANSMISSION    DU    TEXTE    ORIGINAL  117 

cents  ;  le  plus  ancien  est  du  xii^  au  xin"'  siècle,  mais  ne 
comprend  qu'une  feuille  (L),  les  manuscrits  syriaques  B 
et  6"  ont  été  écrits  en  1883  et  1697.  Voici  cependant  quel- 
ques observations  générales  : 

Le  voyage  en  Egypte  est  certainement  fabuleux. 

La  mention  du  roi  de  Perse,  v,  5,  et  des  Parthes,  xi,  2^ 
3,  4  ;  xii,  4,  5,  est  aussi  un  anachronisme.  Il  ne  pouvait 
guère  en  être  question  —  des  seconds  surtout  —  que 
près  de  deux  siècles  après  Sarhédom. 

L'onomastique,  où  Nabù  et  Bel  jouent  un  grand  rôle,  est 
plutôt  babylonienne  qu'assyrienne.  D'ailleurs  les  mentions 
des  soixante  femmes  pour  lesquelles  Ahikar  construit  soi- 
xante palais,  1,  2,  et  des  mille  jeunes  suivantes  de  Zéfagnie^ 
X,  1,  ont  toute  l'allure  d'un  conte. 

Le  ton  de  l'ouvrage  est  surtout  païen,  les  idoles  y  sont 
mentionnées  i,  3  ;  m,  90  ;  le  vrai  Dieu  Test  fort  peu. 

Les  versions  conservées  nous  représentent  donc  un  faux 
littéraire  composé  sous  le  nom  d'Ahikar  en  Babylonie  plu- 
sieurs   siècles    après    Sarhédom. 

Les  critiques  supposent  en  général  que  l'auteur  était 
païen  et  que  son  ouvrage  a  été  légèrement  rapproché  du 
monothéisme  par  un  Juif  qui  aurait  ainsi  constitué  le  pro- 
totype de  nos  versions.  D'autres  pensent  qu'un  auteur 
juif  a  intentionnellement  donné  un  caractère  polythéiste  à 
sa  rédaction  d'une  légende  populaire,  pour  eu  faire  un 
moyen  de  prosélytisme  chez  les  Gentils.  Ce  sont  des 
hypothèses.  En  fait  le  syriaque,  qui  semble  le  prototype 
de  nos  versions,  ne  peut  remonter  au  delà  du  commence- 
ment de  notre  ère,  et  les  manuscrits  utilisés  ne  remontent 
pas  plus  haut  que  le  xvc  siècle  (  hors  un  feuillet  syria- 
(jue  ).  Nous  avons  donc  peut-être  assez  de  champ  pour 
expliquer  bien  des  invraisemblances  et  bien  des  ana- 
chronismes.  En  d'autres  termes,  les  versions  conservées 
constituent  un  (aux  littéraire,  mais  ce  caractère  de  faux 
a   pu   être  donné   à  l'éciit  original    par    le   traducteur   (?) 


118  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 

S}'Tien  des  premiers  siècles  ou  par  les  transcripleurs  "^ 
qui  se  sont  succédé  depuis  les  premiers  siècles  jusqu'au 
xve  où  commencent  nos  manuscrits.il  nous  est  heureu- 
sement possible  de  remonter  plus  haut. 

2°  Historicité    de    l'écrit  araméen   original 

Cet  écrit  n'est  pas  connu  et  ne  peut  qu'être  entrevu  a 
travers  les  mauvaises  versions  qui  en  dérivent,  mais  il  a  du 
moins  le  grand  avantage  de  percer  sous  sa  forme  histo- 
rique dans  les  manuscrits  grecs  de  Tobie  du  iv"  siècle  (et  de 
remonter  sans  doute  à  l'original  même  de  Tobie  )  et,  sous 
sa  forme  gnomique,  dans  Clément  d'Alexandrie,  Strabon  et 
Démocrite.  Il  contenait  les  maximes  d'un  sage  nommé 
Ahikar  et  sans  doute  le  récit  de  la  puissance  et  de  la  dis- 
grâce subite  du  même  personnage.  Le  voyage  en  Egypte, 
dont  on  ne  trouve  trace  ni  dans  Tobie  ni  dans  les  anciens 
auteurs  grecs,  a  été  ajouté  plus  tard  pour  motiver  la  ren- 
trée en  grâce. 

Nous  ne  sommes  pas  d'avis,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
de  séparer  les  maximes  de  l'histoire  qui  leur  sert  de  cadre, 
car  on  serait  ainsi  conduit  à  supprimer  la  seconde  série  de 
maximes  qui  présuppose  la  trahison  de  Nadan,  et  peut-être 
à  changer  la  forme  des  premières,  c'est-à-dire  à  volatiliser 
les  maximes  elles-mêmes  et  à  les  réduire  à  rien  ~. 

Quel  est  le  premier  rédacteur?  Ahikar  lui-même?  — 
Nous  n'en  savons  rien,  mais  nous  ne  voyons  pas  d'inconvé- 
nient à  admettre  que  ce  peut  être  lui  :  car,  puisque  sa 
famille  avait  abandonné  le  Dieu  d'Israël,  il  était  pnïen,  il 
était  peut-être  même,  comme  semble  l'indiquer  le  texte  de 

1.  Par  exemple  dans  la  substilutiou  de  Seunachérib  à  Sarhé- 
dom. 

2.  Cette  raison  seule  nous  empêche  d'admettre  que  l'ouvrage  ne 
comprenait  d'abord  que  des  maximes. 


AHIKAR  ET  LES  FABULISTES  119 

Strabon,  l'un  des  sages  chaldeens  deBorsippa,  et  celanous 
expliquerait  la  forme  païenne  du  récit  conservé  par  les  ver- 
sions ;  cela  nous  expliquerait  aussi  l'onomastique  toute  ba- 
bylonienne. 

Pour  notre  part,  il  nous  plairait  de  supposer  que  l'écrit 
araméen,  original  immédiat  ou  médiat  de  la  version  syriaque, 
était  une  rédaction  babylonienne  populaire  basée  à  la  fois 
sur  rhistoire  et  sur  la  légende  d'Ahikar.  Nous  la  placerions 
au  v''  siècle  ou  au  commencement  du  iv®  avant  notre  ère, 
puisqu'elle  mentionnait  sans  doute  les  Perses  et  les  Parthes 
sans  faire  allusion  aux  Grecs.  Cette  rédaction  aurait  été 
précédée  par  un  recueil  de  maximes  (connu  de  Démocrite) 
et  par  une  histoire  transmise  et  embellie  par  la  légende. 
Ces  maximes  et  cette  histoire  peuvent  avoir  été  synthéti- 
sées, sinon  par  Ahikar  lui-même,  du  moins  dès  le  vi®  siècle. 


CHAPITRE  VI 
Ahikar  et  les  fabulistes. 

Ahikar  se  rattache  très  étroitement  aux  anciens  fabulistes 
car  les  fables  étaient  alors  des  «  moralités  »,  c'est-à-dire 
des  exemples  choisis  parmi  les  animaux  ou  les  êtres  inani- 
més pour  mettre  en  évidence  une  idée  morale  ou  une  vertu. 
Le  principal  était  donc  l'idée  morale  ou  la  vertu  qu'il  s'a- 
gissait d'inculquer;  la  fable  proprement  dite  n'était  ajoutée 
que  pour  donner  du  relief  "".  Dans  cet  ordre  d'idées,  toutes 

1.  Tout  autre  est  l'idéal  des  Arabes  qui  aiment  la  fable  pour  elle- 
même.  Aussi  ces  parleurs  infatigables  allongent-ils  leurs  fables  en 
les  cliargeaut  d'incidents  :  la  pensée  morale  constitutive  des  apolo- 
gues juifs  et  grecs  n'y  joue  plus  aucun  rôle.  Ils  ont  même  imaginé 
quelques  cadres  élastiques  pour  syntiictiser  im  nombre  indéfini  de 
fables.  Telles  sont  les  Mille  et  une  nuits  et  la  collection  du  Syntipas. 
On  connaît  la  trame  des  Mille  et  une  nuits.  Certains  traits  du  Synti- 


120 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAIl    L  ASSYRIEN 


les  maximes  d'Ahikar,  qui  sont  les  moralités,  devaient  pas- 
ser pour  contenir  l'essentiel  des  meilleurs  recueils  de  fables. 
Il  n'en  a  pas  toujours  été  de  même  :  La  Fontaine,  dit-on, 
adaptait  la  morale  tant  bien  que  mal  à  ses  fables  —  sou- 
vent plus  mal  que  bien  —  et  certains  éditeurs  de  Babrius 
supprimaient  même  les  moralités  ;  aussi  nous  oublions  fa- 
cilement que  le  moraliste  est  le  point  d'appui,  le  support 
du  fabuliste. 

Mais  nous  pouvons  encore  aller  plus  loin  et  montrer  que 
bien  des  passages  d'Ahikar  sont  de  véritables  fables  ;  il  suf- 
firait d'en  modifier  un  peu  la  forme  pour  en  tirer  du  Ba- 
brius, du  Loqman,  de  l'Ésope  ^. 

pas  sont  aussi  empruntés  à  Ahikar  :  il  y  avait  un  roi  nommé  Cyrus 
(jid  avait  sept  femmes  et  n  avait  pas  d'enfant,  il  pria  la  divinité  de 
lui  donner  un  fils  (Ahikar,  i,  2,  3).  Il  fut  exaucé  et  eut  un  fils  qu^il 
nourrit,  qu'il  éduqua  royalement  et  qui  crût  en  taille  comme  un  bel 
arbre  (Ahikar,  ii,  1,  2).  //  le  fit  instruire  par  Vhomme  le  plus  sage 
de  son  royaume  (Ahikar,  ii,  2,  8  ;  m),  nommé  Sindbad.  Celui-ci, 
tirant  un  jour  l'horoscope  du  prince,  vit  qu'il  serait  en  danger  de 
mort  durant  sept  jours.  En  effet,  une  femme  du  roi  accusa  à  tort  le 
jeune  prince  d  avoir  voulu  la  séduire  et  le  roi  ordonna  de  le  mettre 
à  mort.  Mais  ses  sept  vizirs  obtinrent  de  jour  en  jour  la  remise  de 
l'exécution  en  lui  racontant  des  fables  pour  lui  conseiller  la  patience 
et  le  pardon.  Chaque  jour  aussi,  la  femme  qui  avait  accusé  le  jeune 
prince  racontait  d'autres  histoires  pour  montrer  au  roi  qu'il  devait 
le  mettre  à  mort.  —  Ce  cadre  est  très  élastique,  il  a  suffi  à  d'autres 
rédactions  de  mettre  quarante  vizirs  au  lieu  de  sept  pour  augmenter 
en  proportion  le  nombre  des  fables  du  recueil.  —  Au  bout  de 
sept  jours,  le  prince  et  Sindbad  paraissent  devant  le  roi  et  se  justi- 
fient. La  fin  donne  encore  place  à  quelques  anecdotes.  L'une  de  ces 
fables  {supra,  page  73,  5°)  a  sans  doute  été  inspirée  par  VHistoire 
d'Ahikar,  cf.  Victor  Chauvin,  Bibliographie  des  ouvrages  arabes  ou 
relatifs  aux  Arabes,  Liège,  1907,  t.  vin. 

1.  Surtout  dans  la  seconde  série  de  sentences  (ou  :  les  comparai- 
sons), xxxiii,  96-142;  J.  Agoub  a  déjà  écrit  que  cette  seconde  série 
«  pourrait  fournir  le  sujet  de  plusieurs  fables,  >  Mélanges  de  litt. 
orient,  et  française,  Varis,  1835,  p.  75. —  IS'ous  n'avonspasmodifié  ce 
chapitre  depuis  la  récente  publication  de  M.  Rudolf  Smeud,  cf.  supra. 


AHIKAK  ET  LES  FABULISTES  121 

AHIKAR  (126)  BABRIUS  (l,  34) 

Mon  fils,  tu  m'as  été  com-  Des  bûcherons  fendaient 
me  un  arbre  qui  dit  à  ceux  un  pin  et  lui  enfonçaient  des 
qui  le  coupent  :  «  Si  vous  coins  pour  qu'il  se  fendit 
n'aviez  pas  (une  partie)  de  et  que  leur  travail  devînt  en- 
moi  dans  vos  mains,  vous  suite  plus  facile.  Celui-ci  dit 
ne  seriez  pas  tombés  sur  en  gémissant  :  «  Comment 
moi.  »  meplaindrais-je  de  la  hache, 

qui  n'appartient  pas  à  ma  li- 
gnée, autant  que  de  ces  coins 
très  méchants  dont  je  suis 
le  père  et  qui,  s'ajoutant 
l'un  à  l'autre,  me  déchirent  !» 

AHIKAR    (127)  LOQMAN     (xXIIl) 

Mon  fils,  tu  m'as  été  com-  Les  fouines,  ayant    appris 

me  les  petits  de  l'hirondelle  que  les  poules  étaient  mala- 
qui  tombèrent  de  leur  nid.  Jes,  se  revêtirent  de  peaux 
Un  chat  les  attrapa  et  leur  Je  paons  et  vinrent  les  visi- 
dit  :  «  Si  ce  n'était  pas  moi,  ter  en  leur  disant  :  «  Que  la 
il  vous  arriverait  un  grand  vie  soit  sur  vous,  ô  poules, 
mal.  »  Ils  prirent  la  parole  et  comment  vous  trouvez-vous 
lui  dirent  :  «  C'est  pour  cela  et  comment  va  votre  santé  ?  » 
que  tu  nous  as  mis  dans  ta  Celles-ci  leur  répondirent  : 
gueule!  »  «  Notre  santé    sera  parfaite 

le  jour  où  nous  ne  vous  ver- 
rons point.  » 

Cette   fable  se  rapporte   à 
celui  qui  montre  une   amitié 

p.  29-35.  Nous  prouvous  suitout  qu'Ahikar  (,'sl  l'un  des  pères  de  la 
fable  (ce  qu'où  n'avait  pas  fait  auparavant)  cl  qu'il  avait  été  visé  par 
Mahomet  sous  le  nom  de  Loqman.  M.  11.  S.  prouve  que  des  fables 
ésopiques  proviennent  d'Aliikar  ;  on  trouvera  ses  renvois  sous  noire 
traduclion. 


122  HISTOIRE    ET    SAGESSE    c'ahIKAR    l'aSSYRIEN 

feinte  et  qui  porte  la  haine 
dans  son  cœur. 

Cf.  Ésope,  XIV  {Le  chat  et 
les  ois  eau  jc). 

Une  autre  fable,  après  avoir  commencé  de  la  même  ma- 
nière dans  Ahikar  et  Loqman,  finit  tout  autrement  dans  ce 
dernier  : 

AHIKAR   (135)  LOQMAN   (xXIl) 

Mon  fils,  tu  m'as  été  com-         Le  buisson  dit  un  jour  au 

me  un  palmier  qui   se   trou-  jardinier  :  «  Si  j'avais   quel- 

vait  le  long  du  chemin  et  on  qu'un  qui  prît  soin  de  moi  et 

n'y  cueillait    pas    de    fruit,  qui,   me  plantant  au   milieu 

Son    maître  vint    et    voulut  du  jardin,   m'arrosât  et    me 

l'arracher  ;    ce    palmier    lui  cultivât,  on  regarderait  avec 

dit  :  «  Laisse-moi  une  année  admiration  mes  fleurs  et  mes 

et  je  te  donnerai  du  cartha-  fruits   et  je  serais   un   objet 

me  ^.  »  d'envie  pour    les    rois    eux- 

[  L'arabe    porte,      comme  mêmes.  » 
Loqman  :  «  Mets-moi  à  une         Le  jardinier     le    prit,    le 

autre  place  et,  si  je  ne  porte  planta    dans      la     meilleure 

pas  de  fruit,  coupe-moi.  »]  terre  au  milieu  du  jardin  et, 

Son  maître  lui  dit  :   a  Mal-  chaque    jour,      il     l'arrosait 

heureux,  tu  n'as  pas  réussi  à  deux  fois;  alors  les  épines  du 

produire  ton  fruit,  comment  buisson  se  Ibrtifièrent   et  se 

réussirais-tu    à   en  produire  multiplièrent,  ses    branches 

un  autre  !  »  et  ses  racines    s'allongèrent, 

elles  couvrirent  et  étouffè- 
rent tous  les  arbres  qui 
étaient  autour  de  lui... 

1.  Sic  B.  Le  lïianusrrit  C  porte  :  «comme  un  palmier  qui  était  près 
du  fleuve  et  jetait  tout  son  fruit  dans  le  fleuve.  »  Il  ressemble  donc 
à  Loqman  plus  que  le  manuscrit  B^  car  il  supporte  aussi  le  sens  : 
€  si  l'on  me  changeait  de  place  tout  en  irait  bien  mieux.  » 


AHIKAR  ET  LES  FABULISTES 


123 


Une  autre  fable  de  Loqman  peut  servir  de  commentaire 
à  une  pensée  assez  obscure  d'Ahikar: 

AHIKAR  (129)  LOQMAN    (xXXVIll) 

Tu  m'as  été,  ô  mon  fils.  Un  homme  vit  un  jour 
comme  un  serpent  monté  sur  deux  serpents  qui  se  querel- 
un  buisson  et  qui  flottait  laient  et  se  battaient  avec  tu- 
sur  le  fleuve.  Un  lion  (un  reur.  Un  autre  serpent,  qui 
loup,  C)  le  vit  et  dit:  «  Le  survint,  rétablit  entre  euxla 
mauvais  est  monté  sur  le  paix  et  la  bonne  intelligence, 
mauvais  et  un    plus  mauvais         L'homme    lui    dit    alors  : 

«  Certes,  si  tu  n'étais  pas 
encore  plus  méchant  qu'eux, 
tu  ne  les  aurais  pas  abordés 
et  ne  les  aurais  pas  conci- 
liés. » 

Cette  fiible  signifie  que  les 
méchants  et  les  scélérats  ne 
peuvent  être  abordés  et 
réunis  entre  eux  que  par  un 
plus  méchant  qu'eux-mêmes. 


qu'eux  deux  les  emporte.  » 


AHIKAH 


98) 


Tu  as  été  pour   moi,   mon 


LA    FONTAINE  (v,    16) 

On   conte  qu'un    serpent, 


fils,  comme  un  scorpion  qui     voisin  d'un  horloger 
frappe    une    roche.    Celle-ci         Entra  dans  sa  boutique,  et, 
lui  dit:  «  Tu    as    frappé    un     cherchant  à  manger 
cœur  insensible.  »  N'y    rencontra    pour    tout 

11  a  Irappé  une  aiguille  et     potage 
on    lui    dit  :    «Tu  as   frappé         Qu'une   lime   d'acier    qu'il 
un     aiguillon   plus   redouta-     se  mit  à  ronger, 
ble  que  le  tien.»  Cette  lime  lui  dit,   sans  se 

mettre  en  colère  : 

—  Puuvre    ignorant,    eh  ! 

que  prétends-tu  faire  ? 


124  HISTOinK    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYPIEN 

Tu  te  prends  à  plus  dur 
que  toi. 

Cf.  Loqman,  xxviii,  qui 
traduit,  plus  fidèlement  que 
La  Fontaine,  la  fable  xlix 
d'Esope  [La  belette). 

Ces  exemples  pourraient  être  multipliés.  Par  exemple  : 
le  chien  qui  va  se  réchauffer  chez  des  boulangers  puis  cher- 
che à  les  mordre  et  est  tué  par  eux,  Ahikar,  113,  semble 
bien  être  proche  parent  du  serpent  qui  est  réchaviffé  par  un 
villageois,  puis  cherche  à  le  piquer  et  est  tué  par  lui,  Esope, 
cxxx  ;  La  Fontaine,  VI,  xni. 

La  taupe  qui  monte  à  la  surface  de  la  terre  pour  accuser 
Dieu  et  qui  est  enlevée  par  un  aigle,  Ahikar,  134,  ressemble 
au  coq  qui  monte  sur  un  fumier  pour  chanter  victoire  et 
qui  est  emporté  par  l'aigle,  Esope,  cxix  ;  La  Fontaine,  VII, 
XIII  ;  Babrius,  v.  Le  dialogue  du  piège  et  du  passereau, 
Ahikar,  107,  ressemble  à  celui  du  loup  et  du  petit  chaperon 
rouge  etc. 

D'autres  ressemblances,  assez  nombreuses,  peuvent  être 
relevées  entre  les  maximes  d'Ahikar  et  les  morales  de  di- 
verses fables  : 

AI.I1KAR  (52)  ÉSOPE      (cVIIl)  ;     LOQMAN    (x) 

Ne    blesse    pas    Thomme         Les  lièvres  et  les  renards. 

puissant,  de  crainte  qu'il  ne  Cette    fable    montre    «  que 

te  résiste  et  ne  (te)  cause  du  l'homme  ne  doit  point  atta- 

mal    sans    que    tu    le    pré-  quer  celui  qui  est  plus    fort 

voies  ■•.  et  plus  puissant  que  lui.   » 

Al.IIKAll    (8O)  LOQMAN    (xXIIl)  ;  KSOPE  (cciv). 

Mon  fils...  lorsque  le  cor-  Le  nègre.  Cette  fable 
beau   sera   blanc    comme  la     montre    «    que    le    méchant 

1.  Cf.  III,  83. 


AI.IIKAn   ET    LES    FABULISTES 


125 


neige,  lorsque  l'amer  devien-  peut  corrompre  le  bon,  mais 
dra  doux  comme  le  miel,  que  nul  ne  peut  améliorer 
alors      l'insensé      deviendra     le  méchant  ». 


AI.IIKAR  (fis) 

Une  chèvre    proche    vaut 


^        '  LOQMAN  (XXXIX)2;  KSOPk(cCXIx) 

BAIÎRIUS     (l,  69)    ;  PHÈDRE    (r,     4) 
LA    FONTAINE    (vi,     1?) 

Le  chien  qui  abandonne  la 
mieux  qu'un  taureau  qui  est  proie  pour  l'ombre.  Cette 
loin,  et  un  passereau  que  tu  fable  s'adresse  à  ceux  qui 
tiens  dans  ta  main  l'emporte  laissent  un  petitbien  présent 
sur    cent     qui    volent    dans     et  sûr,  pour  un  plus  grand 

dont  l'espérance  est  éloignée 

et  incertaine, 

LOQMAN   (xi)  ;   ÉSOPE  (cVl) 

Le  lièvre  et  la  lionne.  Qu'un 
seul  enfant  d'un  bon  naturel 
est  préférable  à  un  grand 
nombre  d'enfants  vicieux. 

LOQMAN    (XLl)  ^  ;       ÉSOPE    (xxil) 
BABRIUS    (l,  35) 

Les  deux  chiens.  Cette 
fable  signifie  que  beau- 
nion,  et,  si  l'on  ne  t'inter-  coup  de  gens  viennent  sou- 
rogc  pas,  ne  donne  aucune  vent  sans  être  iuvités,  mais 
réponse.  qu'on    les    chasse    et    qu'ils 

s'en   retournent  avec  le  mé- 
pris et  la  honte. 

AI.IIKAR    ('i9)  ESOPE  (lv)  ;     cf.     BABRIUS  (il,    'S) 

Mon  fils,  ne  laisse  pas  ton         L'homme  mordu   par    un 

l.Cf.  m.  50,  60. 

2.  XLi  (page  33)  dans  l'édition  Cherbonncau. 

3.  XXXIX  (page  32)  dans  l'édition  Cherbonneau. 


l'air. 

AHIKAll   (l66) 

INIon  fils,  ne  te  réjouis  pas 
du  nombre  de  tes  enfants  et 
ne  te  trouble  pas  s'il  t'en 
manque. 

AI.IIKAR    (l8l) 

Mon  fils,  si  l'on  ne  t'a  pas 
appelé,  ne  va  à  aucune    réu- 


126  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

prochain  te  marcher  sur  le  chien.  Cette  faille  signifie 
pied,  de  crainte  qu'il  ne  te  que  ceux  des  hommes  qui 
marche  sur  la  poitrine.  sont  alléchés   par  un   (petit) 

méfait  sont  excités  à  com- 
mettre de  plus  grandes  in- 
justices. 

On  s'est  déjà  préoccupé  plusieurs  fois  de  rendre  compte 
de  ces  ressemblances  et,  si  l'on  ne  peut  pas  affirmer  qu'Eso- 
pe est  un  personnage  oriental  importé  en  Grèce  ''j  il  est 
du  moins  certain  que  l'histoire  d'Ahikar  fut  mise  à  contri- 
bution pour  compléter  celle  d'Esope  et  que  Loqman  n'est 
qu'une  combinaison  d'Esope  et  d'Ahikar. 

1°  Esope.  — Son  nom  est  attesté  par  de  très  anciens  té- 
moignages :  Platon  par  exemple  nous  apprend  que  Socrate, 
dans  sa  prison,  mettait  en  vers  des  fables  d'Ésope  dès  la 
fin  du  v°  siècle  avant  notre  ère  ^.  Mais  on  s'est  demandé, 
depuis  le  xvm"  siècle,  si  Esope  n'aurait  pas  une  origine 
orientale  et  ne  serait  donc  pas  une  personnification  grecque 
d'un  auteur  oriental  antérieur  au  v*'  siècle  avant  notre 
ère.  D'après  Fabricius  ^,  Heumann  aurait  écrit,  dans 
les  Acta  philosophoriim,  t.  i,  part.  6",  p.  944sq.  qu'Esope 
n'était  autre  qu'Asaph  ^,  ami  de  Salomon  et  poète  ;  ses 
maximes  auraient  été  appelées  chez  les  orientaux  Carmina 
Asapliim^  ce    que  les   Grecs  auraient    traduit    par  AÔyouç 

1.  A  noter  que  les  biographes  dE'sope  (dès  Hérodote  et  Plutar- 
que)  le  font  vivre  à  la  cour  de  Grésus  où  il  aurait  connu  Selon, 
OEuvres  de  La  Fontaine,  éd.  Lefèvre,  Paris,  1838,  page  37.  Ou  prèle 
aussi  à  Ésope  une  série  de  trente-quatre  maximes,  rangées  par  ordre 
alphabétique,  qui  n'ont  d'ailleurs  rien  de  communavec  celles  d'Ahikar: 
"AaTtopo;  «ypô?,  àjj.Épt[ivoç  oîxovôjjloç.  'Apyw  iJ-aystpa)  Travra  âx^cti  (k'x^îara) 
etc,  cf.  Rheinisches  Muséum  fur  Philol.,  t.  v.  (1837), p.  331-332. 

2.  D'après  Maurice  Croiset,  Babrius,  Fables,  p.  7-8. 

3.  Bibl.  grxca,  éd.  Harles,  Hambourg,  1790,  t.  i,  p.  620-621. 

4.  Les  deux  noms  Esope  et  Aeaph  s'écrivent  en  hébreu  esactomont 
de  la  même  manière. 


AUIKAR  ET  LES  FABULISTES  127 

Aldwâîiouç,  quitte  à  imaginer  plus  tard  qu'elles  provenaient 
d'un  homme  nommé   Esope. 

Un  autre  auteur  '^,  sans  doute  pour  retrouver  une  autre 
partie  des  trois  mille  paraboles  et  des  cinq  mille  vers  com- 
posés par  Salomon  ^,  supposait  que  ce  roi  était  l'auteur  des 
fables  attribuées  à  Esope.  Il  les  aurait  récitées  à  table  et 
Asaph  les  aurait  mises  par  écrit,  d'où  leur  attribution  à 
Esope  après  qu'un  voyageur  grec  (par  exemple  Démocrite) 
les  eut  introduites  en  Grèce. 

Harlcs,  qui  résume  l'opinion  de  Heumann  (p.  620, 
pote  A),  ne  trouve  pas  sa  démonstration  suffisamment  ri- 
goureuse, mais  M.  Rendel  Harris  nous  proposera  du  moins 
tout  à  l'heure  d'identifier  Asaph  avec  Loqman. 

Pour  en  finir  avec  Esope,  il  faut  distinguer  soigneuse- 
ment entre  les  traits  fixés  par  les  anciens  auteurs  grecs  et 
ceux  qu'a  ajoutés  Planude  '.  Les  derniers  ne  peuvent  être 
attribués  à  Ésope,  comme  l'ontdéjà  écritBachet  deMéziriac  * 
et,  après  bien  d'a/utres,  Fabricius  ^  ;  or  c'est  parmi  ceux-ci 
que  figurent  les  traits  communs  à  Esope  et  à  Ahikar.  Il 
est  donc  reconnu  par  tous  qu'ils  n'appartiennent  pas  à 
Esope  et  personne  n'en  conteste  plus  la  propriété  à  Ahikar. 

Ajoutons  qu'une  fausse  étymologiedu  nom  d'Esope  allait 

1.  Cf.  Fabricius,  ihid. 

2.  I  Rois,  IV,  30-33.  Cf.  Eccli.,  xlvii,  16-18. 

3.  En  réalité,  Planudc  semble  n'avoir  fait  que  remanier  (surtout 
qu'abréger)  une  rédaction  antérieure,  cf.  supra,  ch.  IV,  viii. 

4.  Les  fables  d'Ésope,  traduites  du  grec  par  M.  Pierre  Millol,  ensem- 
ble la  vie  d'Ésope  composée  par  M.  de  Méziriac,  Bourg-eu-Bresse, 
lG'i6  :  «  Certes  je  rejette  comme  faux  et  controuvé  à  plaisir  tout  ce 
que  Planude  rapporte  des  voyages  qu'Esope  fit  en  Babylonie  et  en 
Egypte...  qui  ouït  jamais  parler  de  Lycerus...  Il  n'y  a  pas  uou  plus 
d'apparence  de  croire  qu'Esope  soit  allé  en  Egypte  du  temps  du  roi 
Neclauébo,  comme  dit  l'ianudc,  attendu  que  ce  roi  ne  commença 
point  à  régner  que  deux  cents  ans  après  la  mort  d'Esope,  >  p,  298» 
301. 

5.  Bibl.  grseca,  t.  i,  p.  619. 


128  HISTOIIIE    ET    SAGESSE    d'aHIKAIî     l'asSYRIEN 

conduire  les  Orientaux  à  modifier  sa  personnalité.  Chez  les 
anciens  auteurs  grecs,  Esope  est  un  esclave,  mais  personne 
ne  dit  qu'il  ait  été  nègre  et  difforme.  D'après  Eustathius  *, 
le  nom  d'Esope  se  dérivait  alors  du  verbe  JEtho,  JEso,  qui 
signifie  «  luire  »  aussi  bien  que  «  brûler  »,  et  du  nom  ops, 
écrit  avec  un  o  long,  qui  signifie  «  œil  »,  de  sorte  que  le 
nom  du  fabuliste  signifiait  :  «  (l'homme)  aux  yeux  bril- 
lants )).  Mais  plus  tard,  du  moins  en  Orient,  on  supposa 
qu'  «  .iEsope  »  était  le  mot  «/Ethiopien»  et  qu'on  lui  avait 
donné  ce  nom  parce  qu'il  était  un  esclave  nègre,  aux  gros- 
ses lèvres,  bossu  et  difforme,  issu  de  ce  pays  2.  C'est  sous 
cette  forme  que  sa  personnalité  allait  être  transportée  à 
Loqraan. 

2°  Loqman.  —  Ce  sage  apparaît  pour  la  première  fois  dans 
le  Coran  (vji^  siècle),  à  la  sourate  xxxi  citée  plus  haut.  Depuis 
lors  tous  les  commentateurs  de  cette  sourate  ont  dû  s'occu- 
per de  lui.  Les  uns  ^  font  de  Loqman  le  neveu  ou  le  cousin 
germiùn  de  Job  "*.  D'autres  en  font  le  fils  de  Bàour  ou  Bêar, 
fils  de  Nachor,  fils  de  Thareh,  et  par  conséquent  petit  neveu 
d'Abraham.  Dans  les  deux  cas,  il  serait  prophète  par  droit 
de  succession. 

Remarquons  ici  que   Balaam  étant  aussi  fils  de  Bôor  ^,  il 

1.  Cité  par  Bachet  de  Méziriac. 

2.  «  Je  ne  sais  d'où  Planude  a  tiré  ce  qu'il  assure  pour  véritable 
qu'Ésope  était  le  plus  difforme  et  le  plus  contrefait  de  tous  les 
hommes  de  son  temps  et  qu'il  ressemblait  tout  à  fait  au  Thersite 
d'Homère,  car  je  ne  trouve  aucun  auteur  ancien  qui  le  dépeigne  de 
la  sorte,  »  Bachet  de  Méziriac,  p.  275.  Nous  croyons  que  tous  ces 
traits  découlent  d'une  mauvaise  étyraologie  du  nom  d'Esope,  avec 
peut-être  le  désir  d'opposer  davantage  encore  la  laideur  physique  à 
la  beauté  intellectuelle  et  morale. 

3.  Cf.  d'Herbelot,  Bibl.  orient.,  au  mot  Loqman,  et  surtout  René 
Basset,  Loqman  Berbère...,  Paris,  1890. 

4.  Comme  Al.iikar,  c'est  aussi  un  èÇâSeXço;,  fait  remarquer  M.  Ren- 
del  llarris. 

5.  Nombres,  xxii,  5  ;  xxiv,  3. 


AHIKAR    ET    LES    FABULISTES  129 

est  tout  naturel  que  certains  auteurs  aient  identifié  Loqman 
avec  Balaam  *. 

D'autres  auteurs  le  font  vivre  au  temps  de  David  et  en 
font  non  un  prophète  mais  un  sage.  Tous  s'accordent  à 
dire  qu'il  était  de  servile  condition,  natif  d'Ethiopie  ou  de 
Nubie  et  l'un  des  esclaves  noirs  qu'on  tire  de  ces  pays-là. 
Il  se  trouva  vendu  parmi  les  Israélites,  sous  les  règnes  de 
David  et  de  Salomon.  Les  anges  lui  dirent  que  Dieu  voulait 
faire  de  lui  un  monarque.  Il  répondit  qu'il  préférait  garder 
sa  condition.  Cette  réponse  parut  si  admirable  à  Dieu  qu'il 
lui  donna  aussitôt  le  don  de  sagesse  et  le  rendit  capa- 
ble d'instruire  tous  les  hommes  par  un  très  grand  nombre 
de  maximes,  de  sentences  et  de  paraboles,  que  l'on  fait 
monter  jusqu'à  dix  mille. 

Un  auteur  musulman  écrit  que  le  sépulcre  de  Loqman  se 
voyait  encore  de  son  temps  à  Ramlah  ou  Ramah,  petite 
ville  qui  n'est  pas  éloignée  de  Jérusalem,  qu'il  était  Abyssin 
de  nation,  juif  de  religion,  et  qu'il  fut  enterré  avec  les 
soixante-dix  prophètes  que  les  Juifs  firent  mourir  de  faim 
et  qui  perdirent  tous  la  vie  en  un  seul  jour  auprès  de  Jéru- 
salem. Ce  même  auteur  le  fait  vivre  trois  cents  ans,  pour 
qu'il  ait  pu  être  aussi  contemporain  de  David,  et  suppose 
qu'un  autre  Loqman  vivait  au  temps  du  prophète  Houd  ou 
Héber.  Mais  d'autres  prétendent  que  le  même  Loqman  était 


1.  Par  exemple  Petrus  Alphonsus,  vers  1110,  écrit  dans  sa  Disci- 
plina clericalis  (P.  L.,  t.  clvii)  :  «  Et  Balaam,  qui  est  appelé  en  arabe 
Lucaman  (Roth  écrit  Lucnin),  dit  à  son  fils.  »  Cité  par  K.  L,  Roth, 
dans  Philologus,  Gœttingue,  8«  année,  1853,  p.  130-141,  et  par  Rendel 
Harris,  p.  lxxv.  Cependant  il  paraît  certain  que  Mahomet  n'a  pas 
identifié  Loqman  avec  Balaam,  s'il  est  vrai,  comme  îe  disent  les 
commentateurs,  que  les  versets  174  et  175  du  chap.  vu  (sourate 
Elaraf)  doivent  être  rapportés  à  ce  dernier,  car  il  y  est  dit  que  le 
diable  l'a  fait  tomber  dans  ses  pièges,  qu'il  n'a  pas  été  élevé  à  la 
Sagesse  et  qu'il  n'écoutait  que  ses  passions.  Il  est  donc  bien  différent 
de  Loqman. 

9 


130  HISTOIRE     ET    SAGESSE    d'ahIKAR     l'aSSYRIEN 

contemporain  d'Abraham  et  de  David  et  le  font  vivre  jus- 
qu'à mille  années  ^. 

Quelques  orientalistes  ont  ajouté  foi  à  ces  commentai- 
res :  dllcrbelot  écrivait  :  «  L'on  pourrait  dire  avec  beau- 
coup de  vraisemblance  que  Loqman  est  le  même  que  celui 
que  les  Grecs,  qui  ont  ignoré  son  nom,  nous  ont  fait  con- 
naître sous  celui  de  sa  nation,  en  l'appelant  Esope,  qui 
signifie  la  même  chose  en  g-rec  que  le  mot  d'Ethiopien.  En 
effet,  on  trouve  dans  les  Paraboles,  Proverbes,  ou  Apolo- 
gues de  Loqman  en  arabe  des  choses  que  nous  lisons  dans 
les  fables  d'Esope,  en  sorte  qu'il  serait  assez  malaisé  de 
décider  si  les  Arabes  les  ont  empruntées  des  Grecs,  ou  si 
les  Grecs  les  ont  prises  des  Arabes.  Il  est  cependant  cer- 
tain que  cette  manière  d'instruire  par  les  fables  est  plus 
conforme  au  génie  des  Orientaux  qu'à  celui  des  Occiden- 
taux '-.  » 

M.  J.-J.  Marcel,  éditeur  et  traducteur  des  fables  de 
Loqman,  était  encore  plus  affirmatif:  «  ...ces  fables  qui  seu- 
les peut-être,  avec  celles  de  Bidpai,  ont  droit  de  porter  le 
titre  d'originales,  les  fables  d'Esope,  un  grand  nombre  de 
celles  de  Phèdre  et  même  de  notre  La  Fontaine  n'en  étant 
presque  que  des  traductions  et  des  copies  ^.  » 

Par  contre,  le  monde  grec  semble  avoir  toujours  regardé 
Loqman  comme  un  personnage  inventé  par  Mahomet. 
Cela  résulte  au  moins  d'un  rituel  de  l'Eglise  grecque  pour 
l'abjuration  des  musulmans  *  ;  on  y  lit  : 

1.  D'Herbelol,  Bill,  orient.;  Loqman  aurait  eu  un  fils  nommé 
Annm  et,  selon  d'autres,  Matlian.  Puisqu'il  est  censé  instruire  son 
fils,  il  fallait  lui  en  trouver  un  qui  fût  le  parallèle  de  Nadan,  nommé 
Enos  dans  le  grec.  Anam  =  Enos  ;  Matlian  =  Nathan  (qui,  dans 
l'arménien,  remplace  Nadan). 

2.  Bibliothèque  orientale. 

3.  Loqman  (Fables  de),  trad.  par  J.-J.  Marcel,  2^  éd.,  Paris,  an  XI 
(1803),  p.  10. 

4.  Cr.  Revue  de  l  histoire  des  religions,  t.  tni,  n.  2  (1906),  p.  150, 
159. 


AHIKAR    ET     LES    FABULISTES  131 

r.pcç  TOJTOiç  3s  y.al  xoùç  [xuOsuojxsvouç  û::'  aùxou  ^poçi^-caç  y.ai 
axoaTÔXouç,  cl-'  ouv  tov  Xoù3  xai  Ti^aÀST  -i^  ^«Xs^  xat  tov  Swai-rc 
y.a'.  TOV  'Eop-^"ç  xai  xcv  AouaXxtçiX  xai  xbv  Aox[xav. 

«  J\iiialhématise  en  outre  les  pj-ophètes  et  apôtres  fabu- 
leux intentés  par  lui,  à  savoir  Khoucl  (sourate  ii,  105,  129, 
134  ;  VII,  63;  XI,  52,  Cl)  et  Tzalet  ou  Salekh  (sour.  vu,  71  ; 
XI,  64,  69;  XXVII,  46),  et  Sôaip  (sour.  vu,  83,88,  90;  xi,  85, 
97  ;  XXIX,  35)  et  Edrês  (sour.  xix,  57  ;  xxi,  85,  identifié 
souvent  avec  Ilénocli,  cf.  Gen.,  v,  24,  et  sour.  xix,  58),  et 
Doualikifil  (sour.  xxi,  85  ;  xxxviii,  48,  identifié  à  Élie,  Za- 
charie.  Josué,  Isaïe,  Ézéchiel,  etc.)  et  Loqinan  (sour.  xxxi, 
11-12).  » 

Ce  manuel  d'abjuration  remonte  sans  doute  au  ix^  siè- 
cle 1  et  nous  fait  connaître,  au  sujet  de  Loqman  en  particu- 
lier, l'opinion  officielle  de  l'Église  grecque  à  celte  épo- 
que. 

Les  opinions  des  commentateurs  musulmans  sont  en 
effet  de  peu  d'importance,  puisque  leur  rôle  consistait  sou- 
vent à  trouver  un  sens  aux  passages  qui  en  avaient  peu. 
Leurs  divergences  montrent  que  Loqman  leur  était  totale- 
ment inconnu  en  dehors  du  Coran,  et  qu'ils  lui  ont  cher- 
ché, chacun  à  sa  manière,  une  généalogie  dans  l'Ancien 
Testament  '^. 

1.  Revue  de  l'histoire  des  religions,  t.  lui,  p.  147. 

2.  Personne,  croyons-nous,  ne  nous  contredira,  car  d'IIerbelot 
lui-même,  après  avoir  paru  dire  que  les  Grecs  ont  emprunté  aux 
Arabes  les  apologues  d'Esope,  ajoute  à  la  fin  de  sou  article  :  «  Les 
Arabes  qui  ont  copié  et  traduit  nos  fables  d'Esope  en  leur  langue 
sous  lonom  de  Locmaii...  il  est  fort  vraisemblable  qu'ils  (les  Arabes) 
n'ont  donné  à  Esope  le  nom  de  Lociiuui  qu'à  cause  qu'il  y  a  uu  cha- 
pitre de  l'alcorau  qui  porte  son  nom,  dans  lequel  Dieu  dit  qu'il  lui 
a  donné  la  sagesse.  »  De  même  diins  la  Biographie  générale  de  Mi- 
chaud,  article  Lokman  :  «  Rien  dans  ses  fables  ne  porte  le  caractère 
d'une  invention  arabe  et  le  style  dans  lequel  elles  sont  écrites  ne  per- 
met même  pas  de  les  faire  remonter  au  icr  siècle  de  l'hégire;  si  elles 
ont  été  mises  sous  le  nom   de  Lokman,  c'est  donc   uniquement  parce 


132  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    l'aSSYRIEN 

Le  seul  problème  ici  est  de  chercher  qui  Mahomet  avait 
en  vue.  Pour  lui  les  noms  ont  peu  d'importance,  il  les 
modilie  ou  même  les  imagine  à  son  gré  ou  selon  les  besoins 
de  son  vers  ;  reste  donc  le  texte,  or  ce  texte  (traduit  plus 
haut,  chap.  III,  vi,  3")  n'est  en  aucune  manière  apparenté  à 
Ésope  et  à  ses  fables,  mais  il  est  apparenté  de  très  près, 
comme  nous  l'avons  montré,  aux  maximes  d'Ahikar.  C'est 
donc  Ahikar  seul  qui  semble  avoir  fourni  à  Mahomet  le  type 
de  Loqman  ;  ensuite  les  commentateurs  l'ont  rattaché  à 
l'Ancien  Testament  et  au  sag»'  grec  Esope,  entendu  au  sens 
d'Éthiopien,  c'est-à-dire  esclave  noir,  lippu  et  contrefait  ; 
enfin,  comme  conséquence,  ils  ont  attribué  à  Loqman  un 
choix  de  fables  ésopiques  qui  leur  sont  sans  doute  arrivées 
à  travers  une  traduction  syriaque  ^ 


que  Lokman  était  renommé  pour  sa  sagesse.  »  11  est  fort  probable  que 
les  fables  de  Loqman  ne  proviennent  pas  directement  du  grec  mais 
bien  d'une  traduction  syriaque,  car  les  fables  d'Esope  ont  été  tra- 
duites en  syriaque  sous  le  nom  de  Josippos  (Josephos  =  Joseph, 
c'est  en  effet  le  nom  employé  en  syriaque  pour  désigner  par  exem- 
ple l'historien  Josèphe).  La  traduction  syriaque  a  été  éditée  (en 
caractères  hébreux)  par  B.  Goldberg  dans  Chofes  matmonim  sive 
Anecdola  rabhinica,  Berlin,  1845,  sans  qu'il  ait  reconnu  quelle  prove- 
nait du  grec,  puis  par  Landsberger,  Fahulse  aliquot  aramese,  Berlin, 
1846.  Elle  a  été  étudiée  par  K.  L.  Roth,  dans  Philologus,  Gœttingue, 
viiie  année  (1853),  p.  130-141,  Die  ^J^sopische  Fabel  in  Asien  (il  attri- 
bue le  recueil  des  fables  de  Loqman  à  un  chrétien  syrien  ou  égyptien), 
et  par  Samson  Hochfeld,  Beitrage  zur  syrischen  Fabelliteratur^ 
Halle,  1893.  Le  syriaque  provient  du  grec,  mais  c  est  la  traduction 
syriaque  des  fables  d'Ésope  qui  a  fourni  les  matériaux  du  Syntipas. 
1.  M.  Rendel  Harris  (p.  lxxvilxxviii)  se  demande  si  Loqman  ne 
pourrait  pas  être  une  personnifîcalion  d'Asaph,  Beaucoup  de  musul- 
mans en  font  un  prophète  et  le  placent  au  temps  de  David,  or  la 
chronique  d'Eusèbe,  source  de  toutes  les  chronographies  anciennes 
orientales,  porte  sous  la  huitième  année  de  David  :  «  Prophétisaient 
Gad,  Nathan  et  Asaph.  »  Ces  recherches  n'auraient  d'intérêt  que  si 
Loqman  était  le  représentant  d'une  ancienne  tradition,  mais  nous 
croyons   pour  l'instant   que  son  nom  a   été  inventé  par  Mahomet  qui 


BUT  DU  PRÉSENT  TRAVAIL  133 

Pour  conclure  ce  chapitre,  nous  avons  trouvé  deux  sages 
presque  contemporains,  du  vi"  et  vii^  siècle  avant  notre  ère, 
Ésope  chez  les  Grecs  et  Ahikar  en  Babylonie.  On  a  tenté 
de  les  reluire  à  un  :  les  Grecs  en  introduisant  la  biogra- 
phie d'Ahikar  dans  celle  d  Esope,  les  modernes  en  ratta- 
chant Esope  à  Asaph,  c'est  à-dire  aux  sages  orientaux.  Ces 
tentatives  n'ont  rien  de  concluant.  Du  moins  il  est  certain 
que  l'histoire  d'Ahikar  a  servi  à  constituer  l'histoire  d'E- 
sope, que  ses  fables  ont  été  introduites  parmi  les  fables 
ésopiques,  et  enfin  qu'un  troisième  sage,  Loqman,  n'était 
à  l'origine  (dans  le  Coran)  qu'un  pseudonyme  d'Ahikar, 
auquel  on  a  prêté  par  la  suite  les  traits  et  quelques  fables 
d'Esope  éthiopien. 


CHAPITRE    VII 
But  du  présent  travail. 

Il  ne  pouvait  être  question  de  traduire  sur  la  meilleure 
édition  connue.  Car  la  version  syriaque,  qui  représente  le 
mieux  l'original  et  qui  est  sans  doute  la  source  immédiate 
ou  médiate  des  autres  versions  conservées,  n'est  pas  édi- 
tée. M.  Rendel  Harris  s'est  borné  à  en  reproduire  un 
manuscrit,  avec  un  feuillet  d'un  second  manuscrit  ;  notre 
traduction,  si  elle  avait  été  faite  sur  ce  texte,  aurait  été 
aussi  incomplète  que  la  sienne. 

Nous  avons  donc  traduitle  manuscrit  syriaque  de  Berlin, 
Sa«hau  336,  qui  ne  l'avait  pas  encore  été  ;  les  titres  des  cha- 
pitres figurent,  sauf  avis  contraire,  dans  le  manuscrit  ;  nous 

a  mis    sous   son    patronage   ses  réminiscences   d'Ahikar  et   ses  idée» 
personnelles.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  le  chercher  plus  haut. 


134  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR    l'aSSYRIEN 

avons  ajouté  la  numérotation  des  chapitres  et  des  versets 
pour  faciliter  les  renvois.  Nous  signalons  aux  variantes  tou- 
tes les  différences  du  manuscrit  syriaque  de  Cambridge 
édité  par  M.  R.  liarris.  Nous  donnons  donc  une  connais- 
sance de  la  version  syriaque  plus  exacte  qu'on  ne  l'avait 
encore  fait,  puisque  nous  traduisons  deux  manuscrits  sy- 
riaques il  un  dans  le  texte  et  l'autre  dans  les  cariantes 
numérotées  en   chiffres  arabes)  au  lieu  d'un  seul. 

Mais  nous  ne  nous  sommes  pas  borné  à  donner  une  tra- 
duction annotée  ^,  plus  complète  qu'on  n'avait  pu  le  faire, 
de  la  version  syriacjue  ;  nous  avons  pris  la  peine  de  relever, 
rarement  dans  les  variantes  proprement  dites,  mais  le  plus 
souvent  dans  une  seconde  série  de  variantes  numérotées  en 
lettres  et  placées  sous  les  précédentes,  les  principales 
différences  des  autres  versions  :  arabe  ^,  arménien,  grec  ^, 
néo-syriaque,  slave.  Il  est  possible  parfois  que  la  bonne 
leçon  se  trouve  dans  l'une  de  ces  versions  et  non  dans  nos 
manuscrits  syriaques,  qui  sont  modernes  et  qui  diffèrent 
chacun  plus  ou  moins  de  leur  prototype.  En  tout  cas,  les 
différences  des  versions  montreront  aux  lecteurs  comment  se 
transmet  et  s'altère  un  texte  qui  n'est  pas  protégé,  comme 
la  Bible,  par  le  respect  des  scribes  et  des  lecteurs. 

Au  bas  des  pages  se  trouvent  les  quelques  notes  philolo- 
giques et  exégétiques  (renvois  à  l'Ecriture  et  aux  écrits 
parallèles)  que  comporte  ce  travail. 

Enfin  nous  avons  ajouté,  en  appendice,  les  maximes 
et  les  comparaisons  qui  sont  propres  aux  versions  grecque, 

1.  La  Iraducliou  syriaque  donnée  dans  l'édition  du  Cambridge  con- 
tient fort  peu  de  notes. 

2.  Nous  faisons  connaître  quatre  rédactions  de  la  version  arabe  •' 
A  ou  Ar  édition  de  Cambridge,  Ag  traduction  Agoub,  F  tra- 
duction des  Mille  et  une  /luils,  NS  néo-syriaque. 

3.  Nous  traduisons  toute  la  rédaction  de  Maxime  Planude  et  ajou- 
tons, App.  I,  les  maximes  propres  à  la  rédaction  utilisée  par  Rynu- 
cius  et  éditée  par  Weslermann. 


BUT    DU    PRÉSENT    TRAVAIL  135 

arménienne,  slave  et  roumaine  ^,  afin  de  donner  au  lecteur, 
par  notre  seule  édition,  une  connaissance  suffisamment 
complète  de  toutes  les  versions. 

D'ailleurs,  dans  l'introduction,  nous  avons  retracé, de  ma- 
nière aussi  complète  cjue  nous  l'avons  pu,  l'histoire  du  li- 
vre et  de  ses  versions  ainsi  que  des  divers  travaux  qui  lui 
ont  été  consacrés,  et  nous  avons  mis  en  relief,  de  notre 
mieux,  ses  relations  avec  divers  livres  de  la  Bible  (  Tobie, 
l'Ecclésiastique,  Daniel)  et  avec  quelques  ouvrages  d'autres 
littératures  (  Esope,  Démocrite,  Ménandre,  Loqman,  le 
Coran  ). 

Nous  avons  aussi  proposé  nos  hypothèses  sur  le  contenu, 
la  forme  et  la  date  de  l'écrit  prototype  de  la  version  syriaque 
—  rédaction  araméenne,  babylonienne,  populaire,  basée 
sur  l'histoire  et  la  légende  d'Ahikar  écrite  au  ve  siècle 
ou  au  commencementdu  ivc  siècle  avant  notre  ère —  ce  n'est 
qu'une  opinion  ;  chacun  de  nos  lecteurs  pourra  la  contrôler 
à  l'aide  des  documents  que  nous  allons  lui  mettre  sous  les 
yeux. 

François  Nau. 

Paris,  15  février  1908. 


1.  Pour  ne  pas  faire,  autant  que  possible,  double  emploi,  nous  avons 
signalé  d;tns  le  corps  de  l'édition  les  additions  ou  omissions  de 
l'arabe  et  du  néo-syriaque,  qui  sont  les  textes  les  plus  apparentés  au 
syriaque  et  dont  le  futur  éditeur  de  la  version  syriaque  devra  tenir 
compte.  Nous  avons  donc  ajouté  seulement  les  maximes  armé- 
niennes qui  n'ont  leurs  parallèles  ni  dans  le  syriaque  ni  dans 
l'arabe  et  les  maximes  slaves  qui  n'ont  leurs  parallèles  ni  dans  le 
syriaque  ni  dans  l'arabe  ni  dans  l'arménien.  Enfin  nous  avons  tra- 
duit toutes  les  maximes  roumaines  que  M.  Gasler  regardait  comme 
nouvelles. 


BIBLIOGRAPHIE 


I.  EDITIONS 

a)  Version  syriaque. 

F.  C.  GoNYBEARE,  J.  Rendel  Harris  and  Agnes  Smith  Lewis, 
T/ie  Story  ofAhikar  from  the  syrlac^  arable^  armenian,  et/iiopiCy 
greek  and  slavonic  versions,  Londres,  Cambridge  et  Glasgow^ 
1898.  Pour  abréger,  nous  désignerons  cette  édition  par:  Ed.  de 
Cambridge.  Le  ms.  syriaque  C  et  le  feuillet  conservé  dans  le 
manuscrit  syriaque  L  ont  été  édités  par  J.  Rendel  Harris. 

b)  Version  néo- syriaque-arabe. 

M.  LiDZBARSKi,  Die  neuaramaiscJien  Handschriften  der  Kônigli- 
clienBibl.  zu  Berlin,  I,  Weiraar,  1894.  Le  texte  néo-syriaque 
et  le  texte  arabe  correspondant  figurent  en  face  l'un  de  l'au- 
tre et  sont  publiés  d'après  le  ms.  de  Berlin  :  Sachau  339. 

c)  Version  arabe. 

Salham,   Contes  arabes,  Beyrouth,  1890. 

Agnes  Smith  Lewis, dans  \'Ed.  de  Cambridge,  p.  1-80,  d'après 
le  ms.2886  de  Cambridge  avec  des  compléments  tirés  de  l'édi- 
tion de  Salhani  et  d'un  ms.  du  British  Muséum,  à  Londres. 

d)  Version  arménienne. 

F.  G.  CoNYBEARE,  dans  Y  Ed.  de  Cambridge,  p.  125-162,  d'après 
huit  manuscrits. 

Trois  éditions  avaient  été  données  auparavant  à  Constantinople 
dans  un  recueil  de  contes  :  1°  Le  livre  de  l'histoire  de  la  cité 
d'airain...  et  t histoire  de  Khikar...,  Constantinople,  1708, 
édité  par  Sergis.  —  2°  Le  livre  de  V histoire  de  la  cité  d'airain  et 


138  HISTOIRE    ET    SAGESSE    D^AHIKAn    l'aSSYRIEN 

les  maximes  instructives  et  utiles  du  saint  homme  Khikar  avec 
d'autres  maximes  utiles^  Constantinople,  1731,  édité  par  Asto- 
natsatour.  —  3°  Même  ouvrage,  Constantinople,  1862,  édité 
par  R,  J.  Qurqdshean. 

e)  Version  éthiopienne. 

C.  H.  CoRNiLL,  Das  Buchder  weisenPhilosopliennach  dem  /Ethio- 
pisclicn  untersucJit  und  zur  Erlangung  des  Doctorgrades  bei  der 
Phil.  Fac.  zu  Leipzig  eingereic/tt,  Leipzig,  1875,  d'après  deux 
manuscrits,  l'un  de  Tubingue  et  l'autre  de  Francfort.  M.  G. 
H.  Gornill  ajoute  le  texte  arabe  correspondant,  d'après  un  ma- 
nuscrit de  Gotha. 

/■)  Version  grecque. 

Publiée  avec  la  vie  d'Esope.  Relevons,  parmi  les  anciennes  édi- 
tions de  la  vie  d'Esope  attribuée  à  Maxime  Planude  : 

Edition  princeps  du  texte  grec  avec  la  traduction  latine  de  Rynu- 
cius,  Vita  yEsopi  fabulatoris,  Milan,  1476,  in-4.  Presque  toutes 
les  éditions  postérieures,  jusqu'à  1550,  proviennent  de  celle-ci. 

JEsopi  Fahulse  et  Vita  graece  cum  Aldi  Manucii  interpretatione, 
Louvain,  1503,  in-4. 

Vita  et  Fah élise  JEsopi...,  Venise  (imprimerie  Aide  Manuce),  1505. 

MsopiPhrygis  vitaet  Fabulse...  Râle,  1518;  autres  éditions.  Râle, 
1524,  1530;  Lyon,  1535;  Paris,  1546  (éd.  Robert  Estienne)  ; 
Paris,  1549  ;  Anvers,  1505, 1567,  1574  ;  Leipzig,  1741  ;  Venise, 
1747. 

Nous  avons  utilisé  l'ancienne  édition  (sans  date  ni  lieu  d'ori- 
gine) donnée  par  «  Ronus  Accursus  Pisanus  »,  Ribl.  nationale 
de  Paris,  Réserve,  Inv.  Yb,  426,  et  surtout: 

A.  Eberhard,  Fahulx  Romanenses  graece  conscriptse^  Leipzig, 
1872,  éd.  Teubner. 

La  partie  de  la  vie  d'Esope  qui  concerne  Ahikar  a  été  reproduite 
d'après  cette  dernière  édition  dans  Ed.  de  Cambridge^  p.  119- 
124. 

Antonius  Westbrmann,  Vita  jEsopi,  ex  Vratislaviensi,  acpartim 
Monacensi  et  Vindobonensi  codicibus  nunc  primum  cdidit, 
Brunswig  et  Londres,  1845.  Cette  vie  diffère  de  la  précédente. 


BIBLIOGRAPHIE  139 

g)  Version  slave. 

SucHOMLiNOV  a  publié  des  sentences  tirées  d'Ahikar  dans  le 
t.  IV  des  Isvestija  académiques  de  Saint-Pétersbourg,  1855, 
p.  151-153. 

//)  Version  roumaine. 

Gaster.  Chrestoinathie  roumaine,  t.ii,  p.  133;  The  journal  of 
the  Royal  Asiatic  Society,  1900. 


II.   TRADUCTIONS  MODERNES 
a)  de  la  Version  syriaque. 

E.  J.  DiLLON,  Contemporary  Revicw,TaâY?,  1898,  traduction  an- 
glaise du  manuscrit  C. 

J.  Rendel  Harris,  The  Legend  of  Ahikar,  Ed.  de  Cambridge, 
p.  56-84  ;  traduction  anglaise  du  feuillet  du  manuscrit  L  et  du 
manuscrit  C. 

F.  ViGOUROUX,  Les  Livres  saints  et  la  critique  rationaliste, 
5^  édit.,  Paris,  1901,  traduit  toute  la  partie  historique  d'après 
le  manuscrit  C. 

b)  de  la  Version  néo-syriaque-arabe. 

Mark  Lidzbarski,  Die  neuarainàisclien  Handschpiften  der  Kon, 
Bihl.  zu  Berlin,  II*  paiHie,  Weimar,  1895  (p.  1-41).  Autre  ti- 
rage de  la  même  traduction  sous  le  litre  :  Geschichtcn  und 
Lieder  aus  den  ncuaramàischen  Handschriften  der  Kôn.  Bibl. 
zu  Berlin,  yVeimaii\  1896.  Dans  cette  traduction,  M.  L.  a  com- 
plété le  néo-syriaque  par  un  certain  nombre  de  passages  tra- 
duits sur  l'édition  Salhani. 

c)  de  la  Version  arabe. 

Mille  et  une  nuits,  l^'  éd.,  Ghavis  et  Cazolte  dans  le  Cabinet  des 
Fées,  Genève  et  Paris,  1788,  t.  xxxix,  p.  166-  361.  —  2«  éd., 
Caussin  de  Perceval,   Paris,   1806,  t,  vin,  p.  167.  —  3®  éd., 


140 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


Gaultier,  Paris,  1822,  t.  vu,  p.  313.  Des  traductions  anglai- 
ses et  allemandes  se  trouvent  dans  les  éditions  de  Hanley, 
Habicht,  Burton,  Henning,  cf.  supra,  p.  15-16. 

J.  Agoub,  Le  sage  Heykar,  conte  arabe,  Paris,  1824.  Cette 
traduction  a  été  reproduite  dans  Mélanges  de  littérature  oricn' 
taie  et  française,  Paris,  1835,  p.  (31-119,  et  c'est  encore  elle, 
divisée  en  nuits,  qui  figurait  dans  l'édition  Gauttier  des  Mille 
et  une  nuits  (cf.  supra). 

Agnès  Sraith  Lewis,  T/ie  story  of  Haiqar  and  Nadan,  Ed.  de 
Cambridge,  p.  87-118. 

d)  de  la  Version  arménienne. 

F.  C.  Conybeare,    T/ie  Maxims  and  Wisdom  of  Kkikar,  Ed.  de 

Cambridge,  p.  24-55. 
P.  Vetter,  Das  BucJi  Tobias  und  die Ac/iikar-Sage,  dànslai  T/ieo- 

log.  Quartalschrift  de  Tubingue,  1904. 

e)  de  la  Version  éthiopienne. 

C.  H.  GoRNiLL,   loc.  cit.  (a  édité  et  traduit). 

J.  Rendel  Harris,  Ethiopie  fragments  of  the  sayings  of  A/iikar, 
Ed.  de  Cambridge,  p.  85-86. 

f)  de  la  Version  grecque. 

Dans  toutes  les  traductions  de  la  vie  d'Esope  attribuée  à  Pla- 
nude,  par  exemple  en  tête  des  fables  de  La  Fontaine,  éd.  Par- 
mantier,  Paris,  1825,  t.  i.  p.  lxxxii-lxxxvi  ;  éd.  Hachette, 
Paris,  1883,  t.  i,  p.  46-51. 

g)  de  la  Version  slave. 

V.   Jagic,   Deriveise  Akyrios,  dans   Byzantinische   Zeitsclirift^i.  i 

(1892),  p.  107-126. 
Agnès   Smith    Lewis,    The  story  of  the  wise    Akyrios,   Ed.   de 

Cambridge,  p.  1-23.  Cette  traduction  a  été  faite  sur  celle  de 

V.  Jagic. 


BIBLIOGRAPHIE  141 


h)  de  la  Version  roumaine. 

M.  Gaster,  Journal  oft/ie  royal  Asiatic   Society,    1900,  p.    301- 
319. 


III.  TRAVAUX  DIVERS 

S.  AssEMANi,  Bibliotheca  orientalis,  t.  ii,  p.  208  ;  t.  m,  p.    286. 
G.  Hoffmann,  Ausziige  aus  syrischen  Aktcn  persischer  Mdrtyrer, 

Leipzig,  1880,  p.  182-183. 
G.  BiCKELL,  dans  Athenxum,  t.  ii,  1890,  p.  170. 
E.    KuHN,  dans  Byzantinische  Zeitschrift,  1892,  p.  127-130. 
M.  Steinschneider,  Die  Hebràischen  Uebersetz.  des  Mittelalters, 

Berlin,  1893. 
Bruno  Meissner,  dans  Zeitschrift  der  Deutschen  Morgenl.  Gcsell» 

schaft,  t.  XLVIH  (1894),  p.  171-197. 
Mark  Lidzbarski,  ibid.,  t.  xlviii,  1894,  p.  671-675. 
E.  ScHÙRER,  Geschichte  des  j'iid.  Volhes  imZeitalter  Jesu-Christi, 

3'  éd.,  1898,  t.  m,  p.    177  sq.  —  Theolog.   Litteraturzeitung, 

1897,  n.  12  (p.  326). 
E.  GosQUiN,  dans  la  Revue  biblique,  t.  viii  (1899),  p.   50-82  et 

510-531. 
Th.  Reinach,   Uti  conte   babylonien  dans  la  littérature  juive  :  le 

roman  d'Akhikhar,  dans  Xd^  Revue  des   études  juives,  t.  xxxviii 

(1899),  p.  1-13. 
Mark  Lidzbarski,  Deutsche  Litteraturzeitung,  1899. 
E.  SachaUj  Verzeichniss  der  syrischen  Handschriften,  Berlin,  1899. 
J.  Halevy,    Tobie   et  Akhiakar,    dans  la  Revue  sémitique,  1900, 

p.  23-77. 
J.  Daschian,  dans  Kurze  bibliograph.  Untersuchungen  und  Texte, 

t.  II,  1901,  p.  1-152  (en  arménien). 
M.  Plath,  Zum  Buch  Tobit,  Gotha,  1901. 
Paul  Marc,   Die  Achikar-Sage,   ein  Versuch  zur  Gruppirung  der 

Quellen,  Berlin,  1902. 
R.  Gottheil,  a  Christian  Bahira  Legend,  New- York,  1903. 
J.  Siéger,  Das  Buch  Tobias,  dans  Der  Katholik,  t.  xxix,  1904. 
P.  YETTEHy  Das  Buch  Tobiasund  die  Achikar-Sage, dans  la  Theol, 


142  HISTOIRE    ET    SAGESSE    DAIIIKAR    l'aSSYRIEN 

Qaartalsc/irift  de    Tubingue,    1904,     p.     321     et    51^;   1905, 

p.  321  et  497. 
Hagex,  Lexicon  biblicum,  Paris,  1905,  au  mot  Archiacharus. 
F.  ViGOUROUx,  Les  Livressaints  et  la  critique  rationaliste,  5®  éd., 

t.  IV,  Paris,  1901. 

—  La  sainte  Bible  polyglotte,  trois  textes  grecs  pour  Tobie  ; 
grec  et  hébreu  pour  V Ecclésiastique. 

—  Manuel  biblique,  12'=  éd.,  Paris,  1906, 

R.  DuvAL,  La  littérature  syriaque,  3*  éd.,  Paris,  1907. 

F.  Nau,  Le  mot  orfié  dans  Ahihar  et  Bar  Bahlul,  dans  le  Journal 

asiatique,  X^  série,  t.  ix  (1907),  p.  149. 
Victor    Chauvin,     Bibliographie    des    ouvrages    arabes,    t.    vill, 

Liège,  1907. 
Rudolf  Smend,  Aller  und  Herkunft  des  Acliikar-romans    und  sein 

Verhàltnis  zu  Msop,  Giessen,  1908. 


BIBLîOCnAPHIE  -  143 


SIGLES   ET   ABREVIATIONS 


A  et  Ar  =r  texte   arabe  de  rédition  de    Cambridge,   Cf.  Introd., 

ch.  IV,  IV,  2. 
Jg- =r  traduction  Agoub.  Cf.  Introd.,  ch.  III,   i,  2. 
Arm.    =   traduction  de   l'arménien  d'après  P.   Vetter  ou   l'éd. 

de  Carabrigde.  Cf.  Introd.,  ch.  IV,  iv. 
B  =z  ms.  de   Berlin,  Sachau  336.  Cf.  Introd.,  ch.  IV,  ii,  4. 
C=  ms.  de  Cambridge,  add.   2020.  Cf.  Introd.,   ch.  IV,  ii,  2. 
Ed.    de  Cambridge    Cf.  Introd.,  ch.  III,  i,  8, 
F  =  traduction  des  Mille  et  une  nuits,  éd.  Chavis  et  Cazotte.  Cf. 

Introd,,  ch.  III,  i,  1, 
G  =  version  grecque  d'Ahikar  insérée  dans  la  vie  d'Esope.  Cf. 

Introd.,  ch,  IV,  viii. 
H=:  version  hébraïque   de  Joseph  Massel.  Cf.  Introd.,  ch.  IV, 

X. 

L  =  ms.  de  Londres,  add.  7200.  Cf.  Introd.,  ch.  IV,  ii,  1. 

Lidzbarski  r=.  édition  et  traduction  du  néo-syriaque.  Cf.  Introd., 

ch.   IV,  III. 
B.  A/e/ssrter=  article  de  la  Zeitsclirift  der  Deutschen  Morgenlssn" 
dischen  Gesellsc/iaft,  t.  XLViii  (1894).  Cf.  Introd.,  ch.  Ill,  i,  5. 

iViS  =  version  néo-syriaque.  Cf.  Introd.,  ch.  IV,  m. 

Rendel  Harris  =  introduction  à  l'édition  de  Cambridge.  Cf. 
Introd,,  ch.  III,  i,  8. 

B.  S.  =  Rudolf  Smend,  Aller  und  Herkunft...  Cf,  Introd., 
p.  29-35  —  M,  Rudolf  Smend  cite  les  fables  d'Esope  (en  chif- 
fres romains)  d'après  l'édition  de  C.  Halni,  et  les  fables  de 
Babrius  d'après  l'édition  de  Crusius,  CL  Aller  und  Herkunft..., 
p.  77  et  78. 

Nous  citons  les  fables  d'Ésope  (en  chiffres  romains)  d'après 
l'édition  Tauchnitz,  Leipzig,  1829  ;  les  fables  de  Babrius,  d'a- 
près l'édition  Maurice  Croiset,  Paris,  1890  ;  les  fables  de  Phè- 
dre, d'après  l'édition  de  la  Société  bipontine,  Argentorati,  1810, 


144 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR    L  ASSYRIEN 


et  les  fables  de  Loqman,  d'après  l'édition  Gherbonneau,  Paris, 

1847,  et  la  traduction  J.-J.  Marcel, 2«  édit.,  Paris,  an  XI  (1803). 

Sal/i  =z  Salhani,  Contes  arabes,  Beyrouth,  1890. 

SI  =  version  slave.  Cf.  Introd.,  ch.  IV,  vu. 

W  =  édition  A.   Westermann,   Vita  jEsopi,  1845.   Cf.  Introd.^ 

ch.  IV,  VIII, 
Z  D  M  G  =  Zeitschrift  der  deutschen  morgenlaendischen  Gesell- 

schaft. 

[  ]  Nous  mettons  entre  crochets  dans  la  traduction  les  passa- 
ges ou  les  mots  empruntés  au  manuscrit  C,  pour  compléter  ou 
rectifier  le  manuscrit  B. 

(  )  Nous  mettons  entre  parenthèses  nos  propres  explications 
ou  additions. 


HISTOIRE  ET  SAGESSE  D'AHIKAR 


INTRODUCTION 

An  nom  du  Dieu  vivant,  le  serviteur  coupable  commen- 
ce à  écrire  une  histoiie  ninivite  :  Ahikar  l'Assyrien'*. 
—  Jacques  d'Edesse  la  composa  en  langue  syriaque  d'après 
la  tradition  de  Mar  Ephrem  l'ancien  —  il  mourut  en  pays 
chaldéen,    l'an  1252  des  Grecs  *. 

1  C  a  pour  litre  :  a  Avec  l'aide  divine,  je  commence  à  écrire  les 
Proverbes,  c'est-à-dire  l'histoire  du  sage  Ahikar,  le  scribe  de 
Sennachérib,  roi  d'Assur  et  de  Ninive.  » 


a  Titre.  A  :  «  Haiqar  et  Nadan.  Au  nom  de  Dieu  le  Créateur,  le 
Vivant.  la  Source  de  la  raison,  nous  commençons  —  avec  l'aide 
du  Très-Haut  et  sous  sa  direction  puissante  —  à  écrire  l'histoire 
de  Haiqâr  le  sage,  vizir  du  roi  Sennachérib,  et  de  Nadan,  fils  de 
la  sœur  de  Haiqâr  le  sage.  »  — Arin  :  «  Les  maximes  et  la  sagesse 
de  Khikar.  »  —  I^th  :  ((  Instructions  de  Haikar  le  sage.  » 

Introd.  Le  serviteur  coupable...  Le  scribe  rédige  son  en-tête  en 
vers  de  sept  syllabes.  B.  Meissner  a  Iranscrit  l'cn-têle  du  manus- 
crit 555.  Cf.  Zeitschrift  der  Deulsch.  Morgenl.  Ges.,  t.  xlviii,  p.  176. 

D'après  la  tradition,  lilléralcmcnt  :  «  d'après  l'audition  intellec- 
tuelle. » 

L'an  1252.  Un  lecteur  trouvant  cette  date  peu  satisfaisante  a  sur- 
monté de  trois  points  le  premier  cliiffre  et  le  troisième  pour  indiquer 
ainsi  qu'on  doit  les  intervertir.  Cela  donne  l'an  5212  (du  monde),  ou 
296  avant  notre  ère. 

L'an  Î2Ô2  des  Grecs,  ou  941.  Celte  date  ne  convient  donc  qu'à  un 
scribe,  peut-être  à  l'auteur  de  ces  quelques  vers  (Jacques  d'Edesse 
est  mort  en  708). 

10 


146  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  I^  1 

CHAPITRE  I 
Ahikar  demande  un  fils. 

4.  *  Il  dit  :  Lorsque  je  viv;iis  à  l'époque  de  Sennachérib, 
roi  de  Ninive  ^  ;  lorsque  moi,  Ahikar,  j'étais  trésorier 
(IziTCOTTOç)  et  scribe  ■•,  et  que  j'étais  jeune,  les  devins,  les 
mages  et  les  sages  me  dirent  :  «  Tu  n'auras  pas  d'enfant.  » 

1  C  :  «  La  vingtième  année  de  Sennachérib,  fils  de  Sarhédom, 
roi  d'Assur  et  de  Ninive,  moi,  Ahikar,  j'étais  scribe  du  roi.  »  — 
NS  :  «j'avais  acquis  beaucoup  de  bien.  » 


^  A  :  <L  Dans  les  jours  du  roi  Sennachérib,  fils  de  Sarhé- 
don,  roi  d'Assur  et  de  Ninive,  il  y  avait  un  vizir,  un  homme  sage 
nommé   Haykar,  et  il   était  vizir  du   roi  Sennachérib.  » 

b  G  :  «  (Ésope)  quitta  ensuite  l'île  (de  Samos)  et  parcourut 
la  terre,  prenant  part  partout  aux  discussions  des  philosophes. 
Il  arriva  aussi  à  Babylone  et,  après  y  avoir  montré  sa  sagesse, 
devint  en  grand  crédit  auprès  du  roi  Lycéros.  A  cette  époque» 
les  rois  qui  étaient  en  paix  s'écrivaient  par  plaisir  des  problè- 
mes captieux  et  se  les  envoyaient.  Ceux  qui  les  résolvaient  rece- 
vaient, à  cette  occasion,  des  tributs  de  ceux  qui  les  avaient  en- 
voyés, sinon  ils  payaient  les  mêmes  tributs.  Esope  résolvait 
avec  intelligence  les  problèmes  qui  étaient  adressés  à  Lycéros  et 
couvrait  ainsi  le  roi  de  gloire.  Il  envoyait  aussi  de  son  côté  d'au- 
tres problèmes  par  l'intermédiaire  de  Lycéros  et,  comme  ils 
n'étaient  pas  résolus,  le  roi  en  tirait  de  nombreux  tributs.  » 
Le  rédacteur  grec  prépare  ainsi  le  lecteur  à  l'ambassade  du  roi 
d'Egypte, —  /i^ transforme  ce  paragraphe  delà  manière  suivante  : 
«  Dans  les  temps  dont  je  viens  de  vous  parler,  sire,  Sinka- 
rib  régnait  à  Nenevah  et  à  Thor,  royaume  d'Assyrie.  Ce  prince, 
parvenu  fort  jeune  au  trône,  n'était  pas  né  sans  vertus;  mais  le 
goût  des  plaisirs  lui  faisait  négliger  ses  affaires  ;  elles  étaient  un 
fardeau  pour  lui,  et  le  ministre  qui  l'en  soulageait  pouvait  se  pro- 


I,  2-3  AHIKAR    DEMANDE    UN    FILS  147 

2.  J'acquis  une  grande  richesse,  j'étais  comblé  d'un 
bon  superflu,  j'épousai  soixante  femmes  et  je  leur  bâtis 
soixante  palais,  vastes,  merveilleux  et  admirables,  ainsi 
que  de  nombreuses  maisons,  et  j'arrivai  h  l'âge  de  soixante 
ans,  et  il  ne  m'était  pas  né  d'enfant  ^. 

3.  Cependant  moi,  Ahikar,  j'allai  offrir  des  sacrifices 
et  des  présents  aux  dieux;  je  brûlai  pour  eux  l'encens  et 
les  aromates  et  je  leur  dis  :  «  0  dieux,  donnez-moi  un  fils 
dans  lequel  je  me  complaise  jusqu'au  jour  où  je  mourrai  et 
où  il  me  succédera  ^  ;  il  fermera  mes  veux  et  m'ensevelira.  Et 


1  Les  mss.  C,  L  cités  plus  bas,  d'accord  avec  l'arménien  et  le 
slave,  portent  :  «  me  jette  de  la  poussière  sur  les  yeux.  »  —  Armé- 
nien :  (C  Je  demande  seulement  qu'il  puisse  de  ses  mains  répan- 
dre de  la  poussière  sur  moi.  »  —  Slave  :  «  Donne-moi  un  fds  qui 
puisse  répandre  de  la  poussière  sur  mes  yeux  après  mon  décès.  » 
Cet  usage  explique  plus  loin  (ch.  m)  la  pensée  84. 

mettre  de  le  subjuguer.  Heureusement  pour  le  jeune  monarque, 
il  avait  eu  la  précaution  de  conserver  pour  son  premier  vizir 
celui  qui  avait  gouverné  l'Assyrie  sous  le  règne  de  son  père, 
avec  autant  d'éclat  que  de  sagesse  :  Hicar  était  son  nom.  C'était 
l'homme  le  plus  instruit  de  son  temps  dans  toutes  les  sciences 
connues  ;  sa  prudence,  sa  fermeté,  ses  ressources  et  la  haute 
réputation  dont  il  jouissait  faisaient  le  bonheur  des  peuples  et 
le  salut  de  TEtat.  »  —  NS  porte  simplement  :  «  C'était  dans 
les  jours  de  Sennachérib,  fds  de  Sarchadum  roi  d'Assyrie  et  de 
Ninive,  alors  moi,  Chikàr,  j'étais  son  ministre  et  son  secrétaire.  » 
^  A:  «  Il  avait  une  grande  fortune  et  beaucoup  de  biens,  et  il 
était  un  philosophe  sage  et  avisé  par  ses  connaissances  comme  par 


2.  J'étais   comblé  d'un  hun  super/lu,  c'csl-à-dire  :  «  j'avais  acquis 
beaucoup  de  biens.  » 

Palais— Apadné  ;  et.  Daniel,  xi,  45.  6',  L  portent  :    Biron  —  et  l'a- 
rabe, Qasr.  Cf.  Cantique,  vi,  7  :  Sexagi/ita  surit  reginœ. 

3.  Je  brûlai,  lilf.  :  «  je  faisais  fumer.  » 

//  me  succédera,  litt.  :  «  il  héritera  de  moi.  » 


148  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  I,  3 

depuis  le  jour  de  ma  mort  jusqu'à  sa  mort,  s'il  prenait  cha- 
que jour  une  mesure  (y.ipoç)  de  mon  argent  et  la  répandait 
sans  cesser,  mon  bien  ne  finirait  pas,  »  Les  idoles  ne  lui 
répondirent  rien  ^,  aussi  il  les  laissa  et  fut  rempli  de  peine 
et  d'une  orande  souffrance  ^. 


1  Dans  C,  L,  Ahikar  est  monothéisle  dès  le  commencement  et 
ne  s'adresse  donc  pas  aux  idoles.  (7,p.  37-38  :  «  ...  et  je  n'avais 
pas  de  fils.  Alors  moi,  Ahikar,  je  bâtis  un  grand  autel  tout  en 
bois,  j'y  allumai  du  feu,  y  plaçai  une  bonne  nourriture  et  je  dis  : 
O  Dieu  mon  seigneur,  lorsque  je  mourrai  et  que  je  ne  laisserai 
pas  de  fils, les  hommes  ne  diront-ils  pas  :  Voilà  certes  qu'Ahikar 
était  juste,  bon  et  pieux,  il  est  mort  et  il  ne  laisse  pas  de  fils  pour 


Bes  pensées  et  sa  conduite.  Il  avait  épousé  soixante  femmes  et 
construit  un  palais  pour  chacune  d'elles.  Et  après  cela,  il  n'avait 
pas  d'enfant  de   toutes  ses  femmes,  pour  en  faire  son  héritier.  » 

«  A  :  «  11  en  était  très  affecté  et  un  jour  il  assembla  les  astrolo- 
gues, les  savants  et  les  devins,  il  leur  exposa  sa  situation  et  leur 
dit  la  cause  de  sa  tristesse.  Ils  lui  dirent  :  Va  sacrifier  aux  dieux 
et  les  supplier  pour  qu'ils  veuillent  bien  te  donner  un  fils.  » 

F:  «  Zéfagnie,  sa  première  épouse,  qui  n'avait  jamais  per- 
du les  droits  qu'elle  s'était  acquis  sur  son  cœur,  l'exhortait  en 
vain  à  la  résignation  :  Un  enfant,  lui  disait-elle,  n'est  pas  tou- 
jours un  bienfait  du  ciel.  Vous  savez  que  j'eus  une  sœur  que  le 
sien  a  fait  mourir  de  chagrin.  Soumettez-vous,  mon  cher  Hicar, 
à  un  décret  qui  vous  délivre  peut-être  de  bien  des  amertumes, en 
paraissant  vous  accabler.  —  Hicar  avait  beaucoup  de  déférence 
pour  son  épouse,  elle  était  tante  de  Sinkarib  et  ne  s'était  jamais 
enorgueillie  du  hasard  de  la  naissance  ;  elle  avait  toujours  eu 
une  excellente  conduite,  elle  avait  des  droits  à  son  estime  et  à  sa 
tendresse.  Honteux  de  la  démarche  qu'il  allait  faire,  il  lui  cacha 
qu'il  avait  mandé  des  astrologues,  pour  les  consulter  sur  les 
moyens  qu'il  pourrait  employer  pour  avoir  un  enfant.  » 

Plus  loin,  /''mentionne  le  dieu  Bilelsanam  et  ajoute  :  «  Hicar 
était  né  dans  le  pays  d'Aram,  il  en  avait  rapporté  la  connais- 


1,4-5  AI.IIKAR    DEMANDE    UN    FILS  149 

4.  Il  changea  alors  son  discours,  pria  Dieu  ^,  crut  (en  lui), 
le  supplia  dans  l'ardeur  de  son  cœur  et  dit  :  «  O  Dieu  du 
ciel  et  de  la  terre,  Créateur  de  toutes  les  créatures,  je  te 
demande  de  me  donner  un  fils  dans  lequel  je  me  complaise, 
qui  (me)  console  au  moment  de  ma  mort,  me  ferme  les  yeux 
et  m'ensevelisse  '',  « 

5.  Une  voix  vint  et  lui  dit  :  «  Puisque  tu  t'es  confié 
dans  les  dieux,  que  tu  as  mis  ton  espoir  en  eux  et  que  tu 
leur  as  offert  des  présents,  tu  mourras  sans  fils  et  sans  fil- 
les ;  cependant,  je  te  le  dis,  voici  que  tu  as  Nadan,  fils  de  ta 
sœur,  prends-le,  enseigne-lui  toute  ta  science  et  il  aura 
ton  héritage.  » 


l'ensevelirni  même  de  fille  ;  ses  richesses,  comme  celles  d'un 
homme  maudit,  n'ont  pas  d'héritier.  Je  te  demande,  ô  Dieu,  d'a- 
voir un  fils  qui  jette  de  la  poussière  sur  mes  yeux  au  moment  de 
la  mort.  Et  j'entendis  cette  parole  :  0  Ahikar,  sage  scribe,  je 
t'ai  donné  tout  ce  que  tu  m'as  demandé,  si  je  t'ai  laissé  sans  en- 
fants, cela  te  suffit,  ne  t'en  afflige  pas,  mais  voilà  Nadan,  le  fds  de 
ta  sœur...  »  Z,  p.  33  :  ((  Je  n'avais  de  fils  d'aucune  d'elles,  alors 


sance  du  vrai  Dieu.  Cependant,  entraîné  par  son  désir,  il  va 
trouver  le  prêtre  de  Bilelsanam.    » 

a  NS  :  «  Il  pria  le  Dieu  du  ciel  (analogue  à  Bilelsanam 
ou  Belsira).  »  La  prière  d'Ahikar  manque  dans  NS. 

b  L'arménien,  dont  le  commencement  ressemble  beaucoup 
au  syriaque,  mentionne  les  dieux  Belsim,  simil  et  i^amin,  il 
soude  ensemble  les  deux  prières  d'Ahikar  et  omet  ainsi  sa  con- 
version au  vrai  Dieu.  Ce  sont  donc  les  dieux  qui  lui  conseillent 
d'adopter  Nadan.  L'arménien  abrège  encore  la  suite  pour  arri- 
ver en  hâte  aux  préceptes  (c.  ni),  qui  figurent  seuls  d'ailleurs 
dans  son  titre  (  Maximes  et  sagesse  de  Khikar  ). 

G  :  «  Ésope  n'ayant  pas  d'enfant,  adopta  l'un  des  nobles, 
nommé  Ennos,  et  le  présenta  au  roi  comme  son  propre  fils.  »  Le 
grec  passe  d'ici  à  la  faute  d'Ennos  (Nadan).  Cf.  iv. 


150  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  H,  1-3 

CHAPITRE  II 
(Ahikar  adopte  Nadan  et  le  choisit  pour  son  successeur.) 

1.  Je  pris  donc  Nadan,  le  fils  de  ma  sœur,  je  l'élevai,  le 
dirigeai  et  le  donnai  à  huit  nourrices  pour  le  nourrir.  Je  le 
comblai  d'huile  et  de  miel  *,  je  le  revêtis  de  pourpre  et  d'é- 
carlate,je  le  fis  dormir  sur  des  lits  moelleux  et  des    tapis. 

2.  Nadan,  fils  de  ma  sœur,  profita  et  grandit  comme  un 
noble  cèdre.  Je  lui  enseignai  l'écriture,  la  sagesse  et  la 
philosophie  (çiAo-soîa). 

3.  Lorsque  le  roi  Sarhédom  revint  de  ses  fêtes  et  de  ses 
voyages,   il  m'appela  un  jour,  moi  Ahikar,   son    scribe  et 

je  me  bâtis  un  autel  bien  parfumé,  je  fis  un  vœu  et  je  dis  :  O  Sei- 
gneur Dieu,  donne-moi  un  fils  mâle  qui,  lorsque  je  mourrai, 
jette  de  la  poussière  sur  mes  yeux.  J'entendis  alors  cette  parole  : 
0  Ahikar,  ne  t'afflige  pas  trop,  tu  n'as  pas  d'enfant,  mais  voilà 
Nadan,  le  fils  de  ta  sœur.  » 


=*  «  D'huile  et  de  miel,  «     NS  ajoute  «  et  de  crème  ;  »  —  «  de 
pourpre  et  d'écarlate,  »  NS  ((  de  soie  et  de  pourpre.  » 


II.  1.  Je  le  comblai,  litl.  :  «  je  l'engraissai.  » 

Des  lits...  des  tapis^zamlé,  ntilotô  \  ces  deux  mots,  qui  proviennent 
évidemment  d'une  même  racine,  sont  rapprochés  par  Payne  Smith 
de  l'araméen  dàniîltû  (Thésaurus  syriacus^  col.  229,  sous  amiltâ) 
et  du  grec  ^J:r|')M^r^  ou  (Tzpôi\).<x-:a.)  (it).r|0-ta. 

3.  Sarhédom.  Toutes  les  versions  et  B  lui-même  portent  ici  Sen- 
nacliérib  par  analogie  avec  /,  1,  hien  qu'il  y  ait  une  vingtaine  d'an- 
nées entre  ces  deux  événements. 

Be  ses  fêtes,  en  araméen  fanneq,  litt,  :  «  de  ses  délices.  » 

.Son  scribe,  sofrô.  M.  R.  S.,  p.  104,  estime  qu'un  scribe  syrien 
n'aurait  pas  choisi  ce  nom  s'il  ne  l'avait  trouvé  dans  l'original  araméen 
utilisé  par  lui,  car  c'est  un  mot  araméen.  Cf.  Esdras,  iv,  8,  9,  17,  23. 


IIj  3-4  AHIKAR    ADOPTE    NADAN  151 

son  chiliarque  {yùdapyoç)  ®,  et  il  me  dit:  «O  ami  illustre,  cher, 
honoré,  sage  et  habile,  mon  chancelier  et  le  confident 
de  mes  secrets,  tu  es  avancé  en  âge,  tu  as  vieilli  et  ta 
mort  est  proche,  dis  qui  me  servira  après  ta  mort  et  ton 
enterrement  *.  » 

4.  Je  lui  dis  :  «  0  mon  seigneur  le  roi,  vis  toujours  dans 
les  générations  des  générations  !  J'ai  le  fils  de  ma  sœur  qui 
est  comme  mon  fils.  Voilà  que  je  lui  ai  enseigné  toute  ma 
sagesse,  et  il  est  sage  et  prudent.  » 

Mon    seigneur  me    commanda  (en    ces   termes)  ^  ;  «  Va, 

"1  C  porte  :  «  Mais  voilà  Nadan,  le  fils  de  ta  sœur,  il  te  sera  un 
fils  et,  à  mesure  qu'il  grandira,  tu  pourras  lui  enseigner. 
Quand  j'entendis  ces  paroles,  je  fus  encore  affligé  et  je  dis  :  0 
Dieu,  mon  Seigneur,  c'est  donc  que  tu  me  donneras  Nadan,  fils 
de  ma  sœur,  pour  me  jeter  de  la  poussière  sur  les  yeux,  lorsque 
je  mourrai?  —  Aucune  réponse  ne  me  fut  plus  donnée.  J'accom- 
plis ce  précepte,  je  pris  Nadan,  fils  de  ma  sœur,  pour  fils  ; 
comme  il  était  jeune,  je  lui  donnai  huit  nourrices  ;  j'élevai  mon 
fils  avec  du  miel,  je  le  fis  coucher  sur  des  tapis  de  choix  et  je  le 
vêtis  de  fin  lin  et  de  pourpre.  Mon  fils  grandit  et  poussa  comme 
un  chêne.  Et  quand  mon  fils  grandit,  je  lui  enseignai  les  lettres 
et  la  sagesse.  Etlorsque  le  roi  revintd'oii  il  était  allé,  il  m'appe- 
la et  me  dit  :  0  Ahikar,  sage  scribe  et  mon  confident,  quand  tu 
vieilliras  et  mourras,  qui  donc  après  toi  me  servira  comme  toi  ?» 

2  C  porte  :  «  Le  roi  me  dit  :  Amène-le  pour  que  je  le  voie  ; 
s'il  peut  te  remplacer,  je  te  laisserai  partir  en  paix  et  lu  passe- 
ras ta  vieillesse  avec  honneur  jusqu'au  jour  où  tu  mourras.  » 


a  fiC  Son  chiliarque  »,   NS:  «c  son  ministre  (vizir).  » 

3.  Mon  chancelier,  lilt.  :  c  l'écrivain  de   mon  secret.  » 

3.  Dis,  litt.  :  «  ordonne  >>. 

4.  Vis  toujours  etc.  Même  formule  dans  Daniel,  ii,  4  ;  m,  9  ;  v,  10; 
VI,  6,  21  ;  I  Rois,  i,  31  ;  Néhémic,  ii,  3.  C  porte  :  «  Vis  à  jamais  >  ;  cf. 
infra,  ix,  6  j  xxiv,  1. 


152  HiSTOIRE    ET    SAGESSE   d'aHIKAR  H^  4-7 

amène-le  pour  que  je  le  voie,  et,  s'il  me  plaît,  il  me  servira 
et  se  tiendra  en  ma  présence.  Pour  toi,  continue  ta  route, 
il  te  reposera  de  ton  travail  et  entourera  fa  vieillesse 
d'honneur  et  de  gloire.  » 

5.  Alors  moi,  Ahikar,  je  pris  Nadan,  le  fils  de  ma  sœur, 
je  l'amenai  devant  le  roi  Sarhédom  et  le  remis  entre  ses 
mains.  Quand  le  roi  l'eut  vu,  il  se  plut  et  se  réjouit  en 
lui  et  il  dit  :  «  Que  le  Seigneur  conserve  ton  fils  1  Comme 
tu  m'as  servi  ainsi  que  mon  père  Sennachérib,  et  comme 
tu  as  dirigé  nos  affaires  en  perfection,  ainsi  fera  Nadan, 
fils  de  ta  sœur  :  il  me  servira,  fera  mes  affaires,  je  l'hono- 
rerai et   l'exalterai   a   cause  de  toi  et  j'en  prendrai  soin.  » 

6.  Je  m'inclinai  devant  le  roi  et  je  lui  dis  :  «  Vis,  ô  mon 
seigneur  le  roi,  à  jamais  !  je  te  demande  de  prendre  soin 
de  lui  et  de  l'aider.  Qu'il  demeure  dans  ta  maison,  comme 
moi-même  je  t'ai  servi  et  j'ai  servi  ton  père.  » 

7.  Alors  il  lui  donna  la  main  et  jura  de  le  garder  près 
de  lui  avec  honneur  et  gloire.  Je  me  levai  et  je  dis:  «  Ainsi 
(soit-il),  ô  roi  ^  !  » 

1  C  porte  :  «Alors  je  conduisis  Nadan,  mon  fils,  et  le  présentai 
au  roi.  Quand  le  roi  mon  maître  le  vit,  il  dit  :  Le  jour  d'aujour- 
d'hui sera  béni  devant  Dieu.  Gomme  Ahikar  a  marché  devant 
Sarhédôra,  mon  père,  et  a  prospéré  devant  moi,  il  a  aussi  élevé 
son  fds   à  ma  porte  durant  sa   vie  et  lui-même   quittera  la  vie. 


4.  Entourera,  lilt.  :  «  gouvernera,  s 

5.  Sarhédom.  Toutes  les  versions  et  même  le  manuscrit  B  inter- 
vertissent ici  Sennachérib  et  Sarhédom  et  font  du  second  le  père  du 
premier.  Celle  faute  provient  de  ce  que  Sennachérib  est  mentionné  — 
à  bon  droit  cette  fois  — en  i,  1.  Le  scribe  n'a  pas  remarqué  que  les 
chapitres  i  et  ii  sont  séparés  par  un  intervalle  de  vin^t  ans. 

6.  J  ai  marché  devant  ton  père  (ms.  C.)  R.  S.,  p.  104,  fait  re- 
marquer que  la  locution  «  marcher  devant  »,  litt.  «  courir  devant  », 
est  araméenne  et  hébraïque.  Cf.  I  Sam.,  ii,  35;  viii,  11  ;  II  Sam.,  xv, 
1  ;  I  Rois,  I,  5. 


n^  8  AI.IIKAR    ADOPTE    XADAN  153 

8.  J'instruisis  mon  fils  Nadan  ^  et  je  lui  transmis  ma 
sagesse,  je  le  comblai  de  doctrine  et  de  sagesse  jusqu'à  ce 
qu'il  devînt  scribe  comme  moi.  Voici  comment  je  l'ins- 
truisais   et  comme   je  lui  parlais  ^,  moi,   Ahikar  le  sage  ^  : 

Alors  moi,  Ahikar,  j'adorai  le  roi  et  je  lui  dis  :  Vis,  ô  mon  sei- 
gneur le  roi,  à  jamais,  de  même  que  j'ai  marché  devant  ton  père 
et  devant  toi  jusque  maintenant,  ainsi,  toi  aussi,  seigneur,  sup- 
porte avec  patience  la  jeunesse  de  mon  fils  ici  (présent)  et  re- 
double de  bonté  envers  lui.  Alors,  quand  il  eut  entendu  cela,  le 
roi  me  donna  la  main  droite  et  moi,  xVhikar,  je  saluai  le  roi.  » 

^  Le  ras.  L  omet  la  plus  grande  partie  de  ce  qui  précède  : 
«  Alors  j'entendis  cette  parole  :  0  Ahikar,  ne  t'afflige  pas  beau 
coup,  tu  n'as  pas  de  fils,  mais  voilà  Nadan,  le  fils  de  ta  sœur  ; 
prends-le  pour  fils,  et  quand  il  grandira,  tu  pourras  tout  lui 
enseigner.  Alors,  quand  j'entendis  cela,  je  pris  Nadan,  fils  de 
ma  sœur,  et  il  fut  mon  fils  et  je  lui  parlai  ainsi  :  Ecoute  mon 
enseignement,  mon  fils  Nadan.  » 

2  C  porte  :  ((  Je  ne  cessai  pas  d'instruire  mon  fils  avant  de 
l'avoir  rassasié  d'instruction  comme  de  pain  et  d'eau  ;  je  lui  par- 
lai ainsi.  )> 


a  F  :  ((Nadan  est  revêtu  sur-le-champ  de  lécritoire  et  du  sceau, 
il  prend  les  ordres  du  roi  pour  les  expéditions  à  faire,  et  retour- 
ne au  palais  d'Hicar. 

((  Mon  cher  Nadan,  lui  dit  son  oncle,  vous  n'avez  plus  guèrcde 
temps  pour  prendre  les  conseils  de  votre  mère  et  les  miens, 
n'oubliez  jamais  ceux  que  nous  vous  avons  donnés  jusqu'ici  ; 
c'est  en  les  suivant  que  vous  avez  été  en  état  d'obtenir  la  faveur 
que  je  viens  de  faire  tomber  sur  vous.  Je  vous  préviens  qu'elle 
vous  expose  autant  qu'elle  vous  élève,  et  je  vous  prie  d'écouter 
encore  des  avis  qui  eussent  été  prématurés  avant  ce  jour,  mais 
qui  sont  pour  vous  maintenant  de  la  plus  haute  importance.  »  — 
NS  porte  seulement:  ((Alors  moi,  Ghikâr,je  baisai  la  main 
du  roi,  puis  je  pris  Nadan  et  l'instruisis  jour  et  nuit  jusqu'à  ce 
que  je  l'eusse  rassasié  de  science,  de  sagesse  et  de  connais- 
sance plus  que  de  pain  et  d'eau.  Alors  je  l'instruisis  et  lui  ensei- 
gnai les  Proverbes.  » 


154  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  III,  1-2 


CHAPITRE  III 

Segesse,  doctrine  et  proverbes  qu'Ahikar  enseigna 
à  Nadan,  fils  de  sa  sœur  ^. 

1.  O  mon  fils  Nadan,  écoute  mes  paroles,  suis  mes  con- 
seils et  souviens-toi  de  mes  discours,  comme  l'a  dit  le  Sei- 
gneur ^  ^. 

2.  Oui,  mon  fils  Nadan, si  tu  entends  mes  paroles,  enfer- 
me-les   dans   ton  cœur  et   ne   les  révèle  pas  à  autrui  ^.  de 

"i  C,  //portent:  a  Ecoute,  mon  fils  Nadan,  et  comprends-moi, 
souviens-toi  de  mes  paroles  comme  des  paroles  de  Dieu.  »  — 
/.porte  :«  Souviens-toi  de  mes  paroles  comme  de  cesdiscours...» 


•■•  Ici,    comme  plus  loin,  B  seul  ajoute  des  titres. 

b  «  Comme  l'a  dit  le  Seigneur  »  manque  dans  Salhani. 

c  Salhani  :  ((  ...  de  crainte  qu'elle  ne  devienne  un  charbon  qui 
brûle  ta  langue,  qu'elle  ne  prépare  de  la  douleur  à  ton  corps  et 
qu'elle  ne  t'amène  de  la  douleur.  »  —  A  •■  «  0  mon  fils,  si  tu 
entends  une  parole,  enferme-la...  » 


III.  1.  Cf.  Ecclésiastique,  vi,  24  ;  xvi,  24-25:  Jésus,  fils  de  Sirach, 
a  le  même  but  qu'Ahikar  :  «  Ecoute-moi,  mon  fils,  et  apprends  la  disci- 
pline de  l'esprit  et  à  mes  paroles  sois  attentif  en  ton  cœur.  Et  je  te 
dirai  avec  équité  la  discipline  ;  et  je  chercherai  à  t'expliquer  la  sa- 
gesse. »  —  Item,  Tobie,  iv,  2.  —  B  peut  avoir  conservé  la  bonne  le- 
çon :  Ahikar  ferait  allusion  aux  passjiges  parallèles  des  Proverbes  : 
c  Mon  fils,  prête  attention  à  mes  discours  et  incline  ton  oreille  à  mes 
paroles,  »  iv,  20  ;  cf.  i,  8  ;  iv,  10;  vi,  7  ;  vu,  1,2.  —  D'ailleursle  texte 
de  C  et  de  L  est  mauvais  en  cet  endroit  :  C  porte  âlah  corrigé  par 
l'éditeur  on  dlahâ  et  L  porte  lehên  corrigé  par  l'éditeur  en  holên, 

2.  Cf.  Prov.,  XXV,  9-10,  22. 


III,  2-3  SAGESSE,     DOCTRINE    ET    PROVERBES    d'ai.UKAR  155 

crainte  qu'une  fournaise  de  feu  ne  brûle  ta  langue  et  que 
tu  ne  causes  de  la  douleur  à  ton  corps  et  du  mal  à  ton  in- 
telligence, et  que  tu  n'aies  honte  devant  Dieu  et  (devant) 
les  hommes  *. 

3.  O  mon  fils  *,  si  tu  entends  ^  une  parole  ne  la  révèle  à 
personne  ^  et  ne  dis  rien  de  ce  que  tu  vois  ^. 


1  ((  Ne  les  révèle  pas  à  autrui.  »  C,  L,  H  portent  :  «  Mon  fils 
Nadan,  si  tu  entends  une  parole,  qu'elle  meure  dans  ton  cœur, 
et  ne  la  révèle  à  personne,  de  crainte  qu'elle  ne  devienne  un 
charbon  dans  ta  bouche  et  qu'elle  ne  te  brûle  et  que  tu  n'infliges 
une  souillure  à  ton  âme,  et  que  tu  ne  murmures  contre  Dieu.  » 

Z,  //  ajoutent  :  «  Et  que  tu  ne  sois  haï  sur  la  terre.  » 

2  C  :  «.  tout  ce  que  tu  entends,  tu  ne  le  diras  pas.  »  Cf.  Ecclé- 
siastique, XLII,  1. 

3  L  intervertit  :  «  Mon  fds,  tout  ce  que  tu  vois  tu  ne  le  diras  pas, 
et  tout  ce  que  tu  entends,  tu  ne  le  révéleras  pas  ».  L  place  en- 
suite les  sentences  4,  48,  84  et  8. 


a  Voici  les  premiers  conseils  dans  F  :  «  Vous  allez  être 
revêtu  d'une  grande  puissance  ;  employez-la  toute  pour  celui 
qui  vous  l'abandonne,  songez  qu'il  en  est  jaloux. 

«  Éloignez,  par  le  respect,  la  familiarité  de  votre  souverain 
et,  par  la  réserve,  celle  de  votre  inférieur.  Vous  n'avez  plus 
d'égaux,  vous  ne  sauriez  avoir  un  ami. 

((  Ne  soyez  point  dupe  de  la  cour  qui  va  vous  environner, L'ar- 
bre chargé  de  fruits  attire  les  oiseaux,  tous  viennent  sur  ses 
branches  jouer  et  folâtrer  :  est-il  dépouillé,  on  l'abandonne,  il 
est  le  jouet  des  vents,  la  poussière  le  couvre  et  chacun  le  fuit.  » 

b  Môme  pensée  dans  A,  qui  porte  un  peu  plus  loin  :  «  0  mon 
fils,  si  tu  as  entendu  quelque  chose,  ne  le  cache  pas.  ))  —  /'',  au 
lieu  de  3,  porte  :  a  Quand  vous  méditerez  une  entreprise,  fer- 
mez vos  lèvres.  Quand  vous  voudrez  vous  mettre  en  chemin 
pour  l'exécution,  doublez  vos  babouches  avec  de  la  laine.  » 

2-3.  Ag  :    «  Mon  fds  ne  raconte  jamais  ce  que  tu  as  vu  ni  ce 


156  HISTOIRE     ET    SAGESSE    d'aHIKAR  HI,  4-7 

4.  0  mon  fils,  ne  délie  pas  un  nœud  caché  et  ne  scelle 
pas  un  nœud  délié  ^. 

5.  0  mon  fils,  diri<^e  ton  sentier  et  ta  parole,  écoute  et  ne 
te  hâte  pas  de  donner  une  réponse  ^. 

6.  Mon  fils,  ne  désire  pas  la  beauté  du  dehors,  car  la 
beauté  disparaît  et  passe,  mais  une  bonne  mémoire  *^  et  un 
fcon  renom  demeurent  à  jamais, 

7.  ^  Mon  fils,  ne  prends  pas  une  femme  aux  paroles  querel- 
leuses, car  l'amertume  suit  les  paroles,  un  poison  mortel  est 
enveloppé  dans  sou  filet  et  t\i  seras  pris  dans  son  piège  ^. 

"^  C,  L,  H  omettent  5,  G,  7.  xVprès  4,  Z,  //placent  aussitôt  48. 
Cf.  infra,  14,  26. 


que  tu  as  entendu  ;  si  une  parole  secrète  est  prononcée  devant 
toi,  laisse-la  mourir  dans  ton  cœur  et  garde-toi  de  la  divulguer  à 
personne,  de  crainte  qu'elle  ne  devienne  un  charbon  ardent  qui 
brûle  ta  langue  etque  tu  ne  sois  honni  de  Dieu  et  des  hommes,  )> 
p.  68-69. 

^  4  manque  en  Salh. ,  se  trouve  plus  loin  en  A.  —  importe  :  «  Le 
secret  qui  s'échappe  brûle  la  langue  ;  le  bruit  qui  précède  ou 
qui  accompagne  le  projet  le  déconcerte.  » 

^  Salhani  :  «  Mon  fds,  rends  tes  paroles  légères  pour  l'audi- 
teur (parle  peu),  et  ne  te  hâte  pas  de  répondre.  » 

c  «  Une  bonne  mémoire  »  n'est  pas  dans  Salhani. 

'^  Ag  :  «  Ne  te  laisse  pas  séduire  par  les  discours  d'une  fem- 
me dépravée,  de  crainte  qu'elle  ne  te  fasse  tomber  dans  ses  fi- 
lets et  que  tu  ne  périsses  misérablement,  »  n.  69. 

Salhani  :  «  Mon  fils,  ne  te  laisse  pas  tromper  par  les  paroles 
d'une  mauvaise   femme,  pour  que  tu   ne  meures  pas  d'une  mort 

5.  Cf.  Démocrite,  éd.  Didot,  p.  351,  n.  178  :  «  Démocrite  voyant 
quelqu'un  qui  parlait  beaucoup,  mais  sans  grand  discernement  :  Je 
ne  le  trouve  pas,  dit-il,  habile  à  parler,  mais  incapable  de  se  laire.  » 
Eccli  ,  IV,  34  ;  xxxii,  9-12. 

6.  Eccli.,  xLi,  15-16  ;  cf.  infra,  64-65. 

7.  Cf.  infra,  14,  26. 


III    8-9  SAGESSE,     DOCTRINE    ET    PROVERBES    d'aHIKAR  157 

8.  *  Mon  fils,  si  tu  vois  une  femme  parée  de  (beaux)  habits 
et  parfumée  d'agréables  parfums  et  que  son  caractère  soit 
abject,  querelleur  et  impudent,  que  ton  cœur  ne  la  désire 
pas.  Quand  même  tu  lui  donnerais  tout  ce  que  tu  as,  tu 
trouverais  que  cela  ne  tourne  pas  à  ta  gloire,  mais  tu  irri- 
terais Dieu  et  tu  le  mettrais  en  colère  contre  toi  "*. 

9-  ^  [Mon  fils,  ne  pèche  pas   avec  la  femme  de  ton  pro- 

1  C,  L,  II  portent  :  «  Mon  fils,  n'élève  pas  tes  yeux  pour  voir 
une  femme  parée  et  fardée.  Ne  la  désire  pas  dans  ton  cœur  ;  car 
lors  même  que  tu  lui  donnerais  tout  ce  que  tu  as,  tu  ne  trouve- 
rais en  elle  aucun  profit  et  tu  commettrais  un  péché  {H  :  un 
grand  péché)  contre  Dieu.  »  Cf.  infra^  92.  R.  S.  rapproche 
«  n'élève  pas  tes  yeux  »  du  !xeT£(cpi(j[jLôi;  ôçOaXjjiwv  d'Eccli.,  xxiii,  5; 
XXVI,  12,  et  de  Didac/ié,  m,  3, 


honteuse,  lorsqu'elle  te  prendra  dans  le  filet  et  que  tu  seras  en- 
traîné à  la  perdition.  » 

a  Salhani  :  «  Mon  fils,  ne  désire  pas  une  femme  qui  se  rend 
belle  avec  des  habits  et  des  parfums,  tandis  qu'à  l'intérieur  elle 
est  vulgaire  et  mauvaise. 

a  Prends  garde  de  l'écouter  ou  de  lui  donner  quelque  chose  de 
ce  qui  t'appartient  ou  de  lui  confier  ce  que  tu  as  en  main,  car 
elle  te  couvrira  de  péchés  et  Dieu  s'irritera  contre  toi.  » 

b  9  manque  dans  Salhani  et  Ag,  mais  Ag  ajoute  ici  :  «  L'homme 
sans  enfants  est  semblable  à  un  tronc  stérile,  dépouillé  de  ra- 
meaux, de  feuillage  et  de  fleurs.  Sois  plutôt  comme  cet  arbre 
planté  sur  les  bords  d'un  ruisseau  et  dans  le  voisinage  des  gran- 
des routes,  il  offre  ses  fruits  nouveaux  aux  voyageurs,  et  les 
animaux  du  désert  viennent  se  réfugier  sous  son  ombrage  tuté- 
laire,  »  p.  70.  Cf.  n.  39. 

8.  Son  caractère^  litt.  :  «  sa  maison  »  ou  «  son  intérieur.  » 
Ne  la  désire  pas.  Prov.,  v,  3-5  ;  Eccli,,  ix,  8. 

Cf.  Prov.,  VII,  25-26. 

9.  H  omet.  Cf.  Job,  xxxi,  9-11  ;  Eccli,  xli,  27. 


158  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  III,  9-1* 

chain,  de  crainte  que  d'autres  ne  pèchent  avec  ta  femme.  ^] 

10.  ^  Mon  fils,  ne  te  hâte  pas  de  répondre  et  ne  mets  pas 
de  jactance  dans  tes  réponses  et  tes  discours,  comme 
l'amandier  qui  pousse  des  feuilles  et  verdoie  avant  tous 
les  arbres  et  ne  donne  des  fruits  qu'après  tous  (les  au- 
tres) ;  sois  comme  l'arbre  agréable,  admirable,  doux  et 
plein  de  saveur,  comme  le  figuier,  qui  incline  ses  bran- 
ches, verdoie  et  pousse  des  feuilles  à  la  fin,  bien  que  son 
fruit  soit  m:ingé  avant  tout  autre  ^. 

11.  ^  Mon  fils,  incline  ta  tête,  porte  ta  vue  et  regarde  au 
bas  et  prête  ton  attention  Sois  instruit,  soumis,  réservé, 
tranquille.    Ne    sois  pas   impudent  et    querelleur.   N'élève 

"*  Au  lieu  de  cette  maxime,  H,  L  portent  ici  le  n.  86.  H  la 
place  plus  loin  après  le  n.  79. 

2  C  porte  :  oc  Mon  fils  ne  te  hâte  pas  comme  l'amandier  qui 
(porte)  d'abord  des  fleurs  et  dont  le  fruit  est  mangé  en  dernier 
lieu,  mais  ressemble  au  figuier  qui  (porte)  des  fleurs  à  la  fin  et 
dont  le  fruit  est  man^é  d'abord.  » 


a  Salhani  :  «  :  Mon  fils,  ne  sois  pas  comme  l'amandier  qui 
verdit  avant  tous  les  autres  arbres,  mais  produit  des  fruits  le 
dernier  de  tous  les  arbres  fruitiers.  Sois  plutôt  comme  le  mû- 
rier, qui  produit  des  fruits  avant  tous  les  arbres  et  verdit  le 
dernier  entre  tous.  » 

^  Arra.,  8  :  «  Mon  fils,  ne  sois  pas  trop  doux,  de  crainte 
qu'on  ne  te  dévore,  ni  trop  dur,  de  crainte  qu'on  ne  te  haïsse. 
Tu  dois  être  doux  et  tranquille  dans  les  actes  de  tes  fonctions 
et  dans  toutes  tes  paroles.  »  Cf.  48.  —  11  ^^  forme  dans  Arra.  le 
n.  45.  — NS  1  «  Mon  fils,  incline  ta  tête  aussi  bas  que  tu  le  peux  , 


10.  Amandier,  mot  araméeu  (louz)  5  cf.  Jérémie,  i,  11-12. 
Ne  donne  des  fruits,  litt.  :  «  et  on  n'en  mange.  •» 

Le  figuier,  ou   «  le  mûrier  ».  Sic  Ag.,  if^. 

11.  N'élève  pas  la  voix.  Cf.  Eccles.,  vu,  6. 


III,    11-15  SAGESSE,     DOCTRINE    ET    PROVERBES    d'ahIKAR  159 

pas  ta  voix  avec  jactance  et  tumulte  ^,  car  s'il  suffisait  d'une 
voix  puissante  pour  construire  une  maison,  l'une  en  bâti- 
rait deux  en  un  jour;  et  si  la  charrue  était  dirigée  par  la 
force,  le  chameau  la  conduirait  au  mieux. 

12.  ^  [Mon  fils,  il  vaut  mieux  transporter  des  pierres  avec 
l'homme  sage  que  de  boire  du  vin  avec  l'insensé.] 

13.  ^  Mon  fils,  verse  ton  vin  et  môle-le  sur  les  tombeaux 
des  justes  2. 

14.  Mon  fils,  sois  sage  (et)  bon,  ne  bois  pas  ton  vin  avec 
les  femmes  querelleuses  ^. 

15.  ^  [Ne  sois  pas  impie  avec  le  sage  et  ne  sois  pas  sage 
avec  l'impie  *]. 

1  L  omet  tout  ce  qui  précède  ;  C  n'en  renferme  que  les  douze 
premiers  mots.  —  Cf.  supra,  p.  69,  n.  18. 

2  C  porte  :  «  Mon  fils,  verse  ton  vin  sur  les  tombeaux  des 
justes  et  ne  le  bois  pas  avec  les  impies  ;  »  cf.  Tobie,  iv,  17  ; 
Eccli.,  XXX,  13. 

3  C  porte  :  «  avec  celui  qui  ne  rougit  pas.  9 

*  Cornet.  —  H,  L  mettent  15  après  12.  —  Z  ne  renfermepas  13 
etl4. 


adoucis  ta  voix  et  possède -toi  bien.  Suis  la  voie  de  la  vertu  et  ne 
sois  pas  impie.  Ne  fais  pas  de  tapage  lorsque  tu  ris  ou  lorsque 
tu  parles,  car  si  l'on  pouvait  bâtir  une  maison  en  criant  Fane 
bâtirait  chaque  jour  beaucoup  de  maisons.  »  —  La  fin  de  11 
manque  dans  Salhani. 

a   12  et  13  figurent  dans  Salhani,  qui  omet  14  ;  —  B  omet  12. 

i»  13-14.  Arm  7  :  «  Mon  fils,  verse  ton  vin  et  ne  le  bois  pas 
avec  les  insensés  et  les  vagabonds,  de  crainte  d'être  mépx-isé 
par  eux.  d  Cf.  24. 

c  14  et  15  manquent  dans  A.  —   13-15,  Salhani  :   «  Mon  fils, 


11.  D'après  M.  Ilalévy,  si  on  lisait   «   ville  »   au  lieu  de  <  maison  » 
cette  maxime  reposerait  sur  la  similitude  de  'air    ==.  ànon  et   de  'ir 
=  ville. 

14.  Cf.  Eccli,,  VII,  2  ;  xxv,  23  ;  cf.  I  Cor.,  v,  11. 


d60  HisTOiniî  ET  SAGESSE   d'ahikar  ih,  16-18 

16.  *  Mon  fils,  joins-toi  aux  sages,  aux  hommes  pieux, 
afin  (le  leur  ressembler  ;  ne  t'associe  pas  aux  jeunes  gens 
pour  ne  pas  leur  ressembler  et  ne  pas  suivre  leurs  voies  ^. 

n.  ^  Mon  fils, si  tu  aimes  un  camarade, éprouve-le  d'abord, 
et  ensuite  prends-le  pour  ami.  Tant  que  tu  n'as  pas  éprouvé 
un  homme,  ne  le  loue  pas,  mais  éprouve-le  et  ensuite  fré- 
quente-le <^. 

18.  '^  Mon  fils, ne  marche  pas  avec  celui  qui  n'est  pas  sage 
et  ne  lui  dis  rien, et  ne  te  môle  pas  h  l'assemblée  des  jeunes 
fifcns  2. 


^  C,  L  portent  :  «  Mon  fils,  accompagne  l'homme  sage  et  tu 
deviendras  sage  comme  lui  ;  n'accompagne  pas  l'homme  lo- 
quace et  bavard  pour  que  tu  ne  sois  pas  compté  avec  lui.  » 

"^  C,  L,  H  omettent  17  et  18  ;  d'ailleurs  18  répète  16. 


verse  ton  vin  sur  les  tombeaux  des  hommes  pieux  plutôt  que  de 
le  boire  avec  des   hommes  mauvais  et  vulgaires.  » 

a  ^  :  «  0  mon  fils,  attache-toi  à  l'homme  sage  qui  craint  Dieu 
et  demeure  près  de  lui  ;  ne  va  pas  avec  l'ignorant  de  crainte  que 
tu  ne  deviennes  comme   lui    et    que  lu   n'apprennes  ses  voies.  » 

b  Arm,  5  :  «  Ne  deviens  point  le  compagnon  d'un  insensé 
et  d'un  fou,  de  crainte  que  tu  ne  sois  appelé  fou  comme  eux.  » 

Ag  :  «  Autant  tu  dois  rechercher  la  société  de  ceux  qui 
marchent  dans  la  crainte  de  Dieu,  autant  tu  dois  fuir  les  insen- 
sés, qui  t  instruiraient  dans  leurs  voies  corruptrices.  Eprouve 
d'abord  l'ami  que  tu  veux  te  choisir  et  ensuite  fréquente-le,  » 
p.  72-73. 

«  (fin)  Salhani:  ((  ...  ne  le  loue  pas  sans  l'avoir  éprouvé.  Ne 
le  découvre  pas  en  face  d'un  fou.  » 

d   18  manque   dans  A  et  Salhani. 


16.  Cf.  Prov.,  XIII,  20  ;  xxvi,  4.  De  même  dans  Démocrite  :  «  L'ami< 
lie  d'un  seul  sage  l'emporte  (sur  celle)  de  tous  les  insensés.  » 

17.  Kprous'e-le.  Cf.  Eccli.,  vi,  7. 


111,19  22  SAGESSE    ET    DOCTRINE     d'aHIKAU  161 

19.  Mon  fils,  marche  nu-pieds  sur  les  épines  et  les  ron- 
ces et  fraie  un  chemin  à  tes  enfants  et  aux  enfants  de  tes 
enfants  ''. 

20.  *  Won  fils,  chaque  fois  que  le  vent  souffle  dans  l'air 
et  que  la  mer  n'est  pas  agitée,  conduis  ta  bar(|ue  et  ton 
navire  au  port,  avant  que  la  mer  ne  s'agite  et  ne  se  mette  en 
mouvement  et  ne  multiplie  ses  flots  et  ses  tempêtes  et  ne 
submerge  le  navire. 

21.  ^  Repose-toi  durant  ton  chemin  et  durant  tes  courses, 
c'est  à-dire:  chaque  fois  que  tu  es  en  bonne  santé,  pense  à 
ta  fin  et  souviens-toi  delà  mort  entre  toi  et  ton  bien  ^. 

22.  ^  Mon  fils,  lorsqu'un  riche  mange  des  serpents,  on 
dit  qu'il  (les)  mange  pour  se  guérir  et  que  cela  lui  est  uti- 


1  C,  L,Etlt.  :  (cMon  fils,  foule  les  ronces  aux  pieds  tant  que  tu 
as  des  souliers.  »  —  R.  S.  (p.  106)  rapproche  cette  pensée  d'I- 
saïe,  xxvii,  4. 

2  C,  Z,  //  omettent  20  et  21 . 


a  19-20.  A  :  (iO  mon  fils,  tant  que  tu  as  une  chaussure  à  ton 
pied,  marche  avec  elle  sur  les  épines  et  fais  une  roule  pour  ton 
fils  et  pour  ta  famille  et  tes  enfants.  Radoube  ton  navire  avant 
<ju"il  n'aille  sur  la  mer  et  ses  flots,  qu'il  ne  soit  submero-é  et 
qu  il  ne  puisse  être  sauvé,  »  —  Salhani  :  «...avant  que  la  mer  et 
ses  fiots  n'enflent,  car  alors  tu  périras  et  tu  ne  pourras  plus  être 
sauvé.  »  20.  — Ag.  :  «  C'est  pendant  le  calme  que  tu  dois  radou- 
ber ton  vaisseau,  car  si  le  vent  des  orages  se  lève  et  te  sur- 
prend, Ion  naufrage  est  inévitable,  »  p.  71. 

b  21  manque  dans  A  et  Salhani. 

c  22.  Ag  :  «  Si  le  riche  mange  une  vipère,  les  hommes  disent  : 

22.  l'uur  M.  Vctter,  il  ne  peut  s'agir  d'un  véritable  serpent  mais 
d'une  herbe  de  même  nom,  nahas,  menlioiinée  dans  le  Talmud  •  cf. 
J.  Lévy,  Neuhebr.  Wôrtcihuch,  t.  ni,  1883,  p.  374.  Rien  n'indique 
que  H  l'ait  compris  ainsi.  11  fait  le  mot  à  mot  de  T,  L. 

Cf.  Eccle.,  IX,  15-16.  A,  C,  L,  Elk.  omettent  la  lin  :   car  etc.  Le  sy- 

11 


162  HiSTOinE  ET   SAGESSE  d'ahikar  ih,  22-24 

le*;  si  un  pauvre  en  mange,  on  dît  qu'il  en  mange  par 
faim  ;  car  c'est  sous  de  nombreuses  parures  qu'on  (croit) 
trouver  l'homme  bon  et  juste. 

23.  ^  Mon  fils,   mange  ta  portion  seulement  et  ne  désire 
pas  celle  de  ton  prochain  2. 

24.  Mon   fils,  ne    t'oublie   pas    avec  l'insensé,   n'aie  pas 
commerce  avec  celui  qui  n'est  pas  chaste  ^. 


^  L,  C,  H  omettent  «   et  que  cela  lui  est  utile.  » 
2  L,  H:   ((  et  n'étends  pas  ta  main  sur  celle  du  prochain  »  (n. 
15)  ;  —  C:  ((  et  ne  méprise  pas  ton  prochain.  »  — R.  S.  montre 
(p.  107)  que  C  se  tire  facilement  de  L  et  renvoie  à  Eccli.,  xxxiv, 
16  et  18  (  ?  ?). 

^  C,  L  (n.  16)  :  Mon  fds,  ne  mange  pas  de  pain  avec  l'homme 
sans  pudeur.  »  Cf.  I  Cor.,  v,  11.  —  Slave  (n.  13):  «  Mon  fds,  ne 
te  mets  pas  en  route  avec  un  homme  qui  n'accepte  pas  d'avis 
(cf.  Eccli.,  VIII,  15),  et  ne  t'asseois  pas  à  la  même  table  qu'un 
trompeur.  » 


C'est  par  sagesse.  Qu'un  pauvre  la  mange  et  l'on  dira  que  c'est 
par  besoin,  »  p.  77.  Sic  Salhani. 

a  22-23.  Arm.,  10:  ((  Mon  fils,  si  le  fils  d'un  homme  riche  mange 
un  serpent,  on  dit  que  c'est  pour  lui  une  médecine  ;  si  le  fils 
d'un  homme  pauvre  en  mange  un,  on  dit  que  c'est  par  faim. 
Mange  ta  portion  en  paix  et  ne  jette  pas  les  yeux  sur  celle  de 
ton  compagnon.  Ne  passe  pas  une  journée  avec  celui  qui  est 
sans  crainte  (de  Dieu),  et  ne  mange  pas  ton  pain  avec  celui  qui 
manque  de  jugement.  » 


riaque  et  l'arabe  portent  liltéialement  :  «  uu  fils  de  riches  »  et  «  un  fils 
de  pauvres»,  ce  qui  équivaut  à  «  un  riche  »  et  «  uu  pauvre».  Le  slave 
et  l'arménien  portent:  «  le  fils  d'un  riche  »  et  s  le  fils  d'un  pauvre  ». 
Ces  deux  versions  proviennent  donc  d'un  original  sémitique  :  comme 
l'a  fait  remarquer  R.  S.  p.  103,  le  traducteur  a  mal  compris  ces  deux 
locutions  si  fréquentes  dans  les  langues  sémitiques. 


III,  25-26  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'ahIKAR  163 

25.  ^  Mon  fils,  va  dans  la  prospérité  au-devant  de  ceux 
qui  te  haïssent,  compatis  aux  maux  qui  leur  arrivent  et 
plains-(les).  Ne  te  réjouis  pas  au  moment  de  leur  chute  *. 

26.  Mon  fils,  ne  t'approche  pas  de  la  femme  querelleuse 
et  à  la  voix  altière  ^,  ne  désire  pas  la  beauté  de  la  femme 
bavarde  (et)  impure,  car  la  beauté  de  la  femme  est  (cause 
de)  sa  honte,  et  ce  n'est  rien  que  l'éclat  de  son  vêtement 
et  la  beauté  extérieure  avec  lesquels  elle  te  captive  et  te 
trompe  ^. 

'^H,L  (n.  17)  :  «  Mon  fils,  si  lu  vois  ion  ennemi  à  terre,  ne  te  mo- 
que pas  de  lui,  de  crainte  qu'il  ne  se  lève  et  ne  se  venge  de  toi.  » 
Celle  partie  est  propre  à  L  et  se  rapproche  de  la  fin  de  B.  On  a 
ensuite  :  «  Mon  fils,  n'envie  pas  la  prospérité  de  ton  ennemi  et 
ne  te  réjouis  pas  de  ses  maux.  » 

2  C  (n.  18),  L  (n.  19),  H  :  «  Mon  fils,  n'approche  pas  de  la 
femme  qui  murmure  (L  :  de  la  femme  bavarde  et  loquace  )  et  de 
celle  qui  a  la  voix  altière.  » 

3  C  (n.  19)  ((  Mon  fils,  ne  cherche  pas  la  beauté  de  la  femme  et  ne 
la  désire  pas  dans  ton  cœur,  car  la  beauté  de  la  femme  c'est  son 
bon  sens,  et  sa  parure  c'est  la  parole  de  sa  bouche.  » — Z(n.  19  ^) 
porte  seulement   la  fin  :  car,  etc. 


»  24-25.  A  et  Salhani  :  «  O  mon  fils,  ne  voisine  pas  avec  le  fou 
et  ne  mange  pas  le  pain  avec  lui  ;  ne  te  réjouis  pas  des  afflic- 
tions de  tes  voisins.  Si  Ion  ennemi  te  nuit,  montre-lui  de  la  bien- 
veillance. ))  La  fin  ressemble  à  28,  qui  manque  dans  A  et  Sal- 
hani.—  Salhani  place  ici  82  sous  la  forme  mauvaise  :  «  Mon  fils,  un 
homme  qui  ne  craint  pas  Dieu,  crains-le  et  honore-le.  »  M.Lidz- 
barski  met  ensuite  à  bon  droit  un  point  d'interrogation.  A  est 
conforme  à  82. 


25.  Plains-les.   Cf.  Ecnli.,    vi,  5  :    «  î^a  parole  douce  multiplie  les 
amis  et  adoucit  les  ennemis.  » 

Cf.  Prov.,  XXIV,  17  ;  Eccli.,  iv,  27,  et  i/ifra,  79". 

26.  Ou   lit  dans   les  apophtegmes  des  Pères  :    «  Un  vieillard  dit  : 


164  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  HI,  27-30 

27.  ^  Mon  fils,  de  même  que  des  anneaux  ne  servent  à  rien 
aux  oreilles  d'un  onagre,  ainsi  une  femme  de  port  princier 
ne  sert  à  rien,  lorsqu'elle  est  mauvaise  dans  ses  paroles  et 
dans  ses  actes,  sans  sagesse,  bavarde  et  prolixe  discou- 
reuse "•. 

28.  Mon  fils,  si  ton  adversaire  vient  an-devant  de  toi  pour 
le  mal,  va  au-devant  de  lui  pour  le  bien  -  et  reçois-le  •^. 

29.  Mon  fils,  l'impie  *  tombe  et  le  juste  n'est  pas  ébranlé 
de  sa  place  ^. 

30.^  Mon  fils,  si  le  sage  est  malade,  le  médecin  peut  le 
soigner  et  le  guérir,  mais  il  n'y  a  pas  de  remède  pour  les 
souffrances  et  les  blessures  de  l'insensé  ^. 


1  C,  L,  //^  omettent  27. 

2  Sic  B,  L  ;  —  C  porte  :  «  dans  la  sagesse  », 

3  Ces  trois  derniers  mots  manquent  dans  C,  L.  Cf.  Matth.,  v, 
38-48.  —  L,  H  passent  d'ici  kl'è.  H  :  «  Mon  fils,  si  ton  ennemi 
te  rencontre  et  que  sa  pensée  soit  mauvaise,  va  au-devant  de  lui 
et  que  ta  pensée  soit  bonne.  » 

*  Sic  C  ;  —  B  porte  :  ((  le  sage.  » 

^  C,H  :  «  Mon  fils,  l'impie  tombe  et  ne  se  relève  pas  ;  le  juste 
n'est  pas  ébranlé,  parce  que  Dieu  est  avec  lui.  » 
«  C, // omettent  30  et  31. 


a  26-27  manquent  dan^  A  et  Salhani. 

b  29-30.  Salhani  :  ((  Mon  fils,  l'ignorant  tombe  et  trébuche,  mais 
le  sage  ne  chancelle  pas  et  ne  tombe  pas.  Même  s'il  trébuche  et 
s'il  tombe,  alors  il  se  relève  rapidement.  S'il  est  malade,  il  peut 
se  guérir  lui-même,  mais  il  n'y  a  aucun  moyen  de  guérison  pour 
les   maladies  de  l'ignorant.  »  —   29  figure  aussi  dans  l'éthiopien. 


Eloigne-toi  de  tout  iunnrne  à   la  parole  querelleuse,  >    Revue  de  l'O- 
rient chrétien,  1907,  p.  402  et  411,  n.  100.  Cf.  infra,  85. 

Cf.  supra,  11.  7  et  8  ;  Eccli.,  ix,  8-9,  11. 

27.  De  port  princier,  litt.  :  «  maîtresse  de  l'aspect.  » 


m,  31-33  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'ahIKAR  16o 

31.  ^  Mon  fils,  reçois  chez  toi  celui  qui  est  au-dessous  de 
toi  et  celui  qui  est  moins  riche  que  toi  ;  s'il  s'en  va  et  ne  te 
rend  pas,  Dieu  te  rendra. 

32.  ^  Mon  fils,  ne  cesse  pas  de  frapper  ton  enfant  ;  le  châ- 
timent du  fils  est  comme  le  fumier  dans  le  jardin,  comme  le 
cordon  de  la  bourse,  comme  le  licol  de  l'animal,  et  comme 
la  barre  [[xo'/}<bz)  de  la  porte  *. 

33.  Mon  fils,  arrache  ton  fils  au  mal  pour  te  tranquilli- 
ser toi-même  dans  tavieillesse  ;  instruis-le  et  frappe-le  tant 
qu'il  est  jeune,  fais-le  obéir  à  tes  ordres,  afin  que  peu 
après  il  ne  vocifère  pas    et  ne    se  rebelle    pas   contre   toi, 


1  C  :  «Mon  fils,  ne  soustrais  pas  ton  enfant  aux  coups,  caries 
coups  sont  au  jeune  homme  comme  le  fumier  au  jardin  et  comme 
le  lien  à  l'âne  ou  à  tout  animal,  et  comme  la  corde  au  pied  de  l'âne.  » 
—  H  porte  seulement  :  ((  Mon  fils,  n'épargne  pas  les  coups  à  ton 
fils,  car  les  coups  sont  à  l'enfant  comme  le  fumier  au  jardin, 
comme  le  frein  et  les  liens  à  l'âne.  » 


«  Salhani  :  c(  Mon  fils,  si  un  homme  moindre  que  toi  vient  au- 
devant  de  toi,  tiens-toi  debout  en  le  recevant;  s'il  ne  te  le 
rendpas,  son  maître  te  le  rendra  pour  lui.  »  Cette  maxime  figure 
aussi  dans  l'éthiopien. 

t»  A  est  conforme  ài?et  non  à  C;  —  l'éthiopien  diffère  des  deux. 


31.  Dieu  te  rendra.  Cf.  Eccli.,  xii,  2  :  «  Fais  du  bien  au  juste 
et  tu  trouveras  des  rotribulions,  sinon  de  lui,  (du  moins)  du  Sei- 
gneur.  » 

32.  Domocritc,  p.  3'i9,  n.  134  :  «  Rien  de  pire  que  la  mollesse 
dans  l'éducation  des  enfants,  car  c'est  d'elle  que  naissent  toutes  les 
voluptés  d'où  proviennent  les  vices.  »  Cf.  Prov.,  xxiii,  12,14; 
Eccli.,  XXX, 1,11,  12. 

33.  Instruis-le  et  frappe-le,  cf.  Eccli.,  vu,  25. 
Cf.  Eccli..  XXX,  13. 


166  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  IH,  33-36 

qu'il  ne  te  fasse  pas  honte  au  milieu  de  tes  camarades» 
qu'il  ne  (t'oblige  pas  à)  baisser  la  tête  dans  les  places  pu- 
bliques et  les  carrefours  (TrÀaxsîa),  que  tu  ne  rougisses  pas 
delà  méchanceté  de  ses  œuvres  et  que  tu  ne  sois  pas  avili 
par  son  impudence  perverse  ''  ^. 

34.  Mon  fils,  acquiers  un  bœuf  trapu  et  un  Ane  au  pied 
(solide)  ;  n'acquiers  pas  un  bœuf  cornu,  et  ne  t'associe  pas 
à  un  homme  barbu  ^. 

35.  Mon  fils,  n'acquiers  pas  un  esclave  querelleur  ni  une 
servante  voleuse,  car  ils  perdront  tout  ce  qui  sera  confié  à 
leurs  mains  ^. 

36.  Mon  fils,  les  paroles  des  hommes  menteurs  (et)  insen- 
sés ressemblent  aux  passereaux  qui  volent  dans  l'air  et  sont 
gras  '^  ;  celui  qui  n'a  pas  d'intelligence  les  écoute  ^. 

^  C,  H  :  (.(.  Mon  fils,  soumets  ton  lîls  tant  qu'il  est  jeune  avant 
qu'il  ne  devienne  plus  fort  que  toi  [  II  :  de  crainte  qu'il  ne  lève 
sa  main  ),  qu'il  ne  se  révolte  et  que  ses  vices  ne  te  couvrent  de 
confusion.  » 

2  (.34-35)  (7  :  «  Mon  fils,  acquiers  un  bœuf  trapu  et  un  âne  qui 
a  bon  pied  ;  mais  n'acquiers  pas  un  serviteur  fuyard  et  une 
servante  voleuse,  de  crainte  qu'ils  ne  te  perdent  tout  ce  que  tu 
as    acquis.  » 

^  C,  H  :  ((  Mon  fils,  les  paroles  du  menteur  sont  comme  de  gras 
passereaux;  celui  qui  n'a  pas  de  cœur  (d'intelligence)  les  mange.  » 


a  33  (fin)  Salhani:  «...  qu'il  ne  (t'oblige  pas)  à  courber  la  tête 
dans  les  rues  et  dans  les  assemblées,  et  tu  auras  honte  de  ses 
mauvaises  actions.  »  —  L'éthiopien  est  plus  rapproché  de  C 
que  de  B. 

^  34-71  manquent  dans  Salhani.  —  Au  lieu  de  «  barbu  », 
A  porte  ((  mauvais  ». 

c  36  manque  dans  A. 

3A.  Au  pied  solide,  lill.  ungiilis prcVcUlits. 
36.  Cf.  Prov.,  X,  41'. 


III,  37-39  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'ahIKAU  167 

37.  Mon  fils,  ne  réduis  pas  tes  enfants  à  la  misère,  de 
crainte  qu'ils  ne  te  maudissent  et  que  Dieu  ne  s'irrite  con- 
tre eux,  car  il  est  écrit  :  Celui  qui  maudit  son  père  et  sa 
mère  mourra  de  mort  —  c'est  là  le  péché  qui  irrite  Dieu 
—  et  :  Celui  qui  honore  son  père  et  sa,  mère  aura  une  longue 
çie  et  des  biens  en  abondance  *. 

38-  Mon  fils,  ne  te  mets  pas  en  route  sans  glaive  et  ne 
cesse  pas  de  faire  mémoire  de  Dieu  dans  ton  cœur,  car  tu 
ne  sais  pas  quand  les  ennemis  mauvais  —  c'est-à-dire  les 
Satans  (et)  les  hommes  méchants  —  te  rencontreront.  Sois 
prêt  dans  ta  route,  parce  qu'il  y  aura  de  nombreux  enne- 
mis 2. 

39.  Mon  fils,  tel  un  arbre  opulent  sous  ses  fruits,  ses 
feuilles  et  ses  rameaux,  ainsi  est  l'homme  avec  une  femme 
excellente,  et  ses  fruits  (sont)  des  enfants  et  des  frères. 
L'homme  qui  n'a  ni  femme,  ni  enfants,  ni  frères  au  mon- 
de sera  dédaigné  et  mépris4  de  ses  ennemis,  (comme)  un 
arbre  qui  est  le  long  du  chemin  :  tous  les  passants  le  frap- 
pent du  pied  et  mangent  de  ses  fruits,  et  l'animal  sauvage 
fait  tomber  et  choir  ses  feuilles  ^. 


1  C,  //  :  «  Mon  fils,  n'attire  pas  sur  toi  les  malédictions  de 
ton  père  et  de  ta  mère,  de  crainte  que  tu  ne  te  réjouisses  pas 
dans  les  biens  detesfds.»  —  B,H:  «  de  crainte  que  tu  ne  pleu- 
res du  lait  de  tes  fils.  » 

2  C  (n.  27)  :  «  Mon  fds,  ne  te  raels  pas  en  route  sans  glaive, 
car  tu  ne  sais  pas  à  quel  moment  ton  ennemi  te  rencontrera.  » 
B  paraphrase. 

^  C  (n.  28)  :  «  Mon  fds,  de  même  qu'un  arbre  est  orné  par  ses 
branches  et  par  son  fruit,  et  une  montagne  touffue  par  (ses)  ar- 


37.  Exode,  XXI,  17. 

Deut.,  V,  16. — R.  S.  renvoie  à  Eccli.,  in,  6,  9. 

39.  Cf.  Psaumes,  cxxvi,  3-4,  et  cxxvii,  3-5. 


168  HisTOinE  ET  SAGESSE  d'ahikar  IH,  40-43 

40.  ^  Mon  fils,  ne  dis  pas  :  «Mon  seigneur  est  fou  et  moije 
suis  sage  ;  »  —  mais  il  faut  que  tu  le  regardes  comme  excel- 
lent, quand  bien  même  il  aurait  quelque  défaut,  (et)  tu  en 
seras  aimé.  Ne  t'estime  pas  (être)  du  nombre  des  sages 
lorsque  près  des  hommes  tu  n'appartiens  pas  à  ce  groupe  '*. 

41.  Mon  fils,  n'allonge  pas  tes  paroles  devant  ton  sei- 
gneur, des  paroles  de  sottise  et  de  folie^  (et)  tu  ne  seras  pas 
blâmable  à  ses  yeux  ^. 

42.  Mon  fils,  ne  sois  pas  de  ceux  auquels  leur  maître  dit  : 
a  Va  de  devant  ma  face,  »  mais  de  ceux  auxquels  il  dit  : 
«  Approche  et  demeure  près  de  moi  ^.  » 

43.  ^  Mon  fils,  au  jour  de  ton  deuil,  de  ton  mal  et  de  ta 
soufirance,  ne  dispute  pas  et  ne  maudis  pas   ton  seigneur, 

bres,  ainsi  l'homme  est  orné  par  sa  femme  et  ses  enfants.  L'hom- 
me qui  n'a  pas  de  frères,  de  femme  et  d'enfants  est  dédaigné  et 
méprisé  devant  ses  ennemis  ;  il  ressemble  à  l'arbre  qui  est  le 
long  du  chemin,  tout  passant  en  prend  et  tout  animal  sauvage 
fait  tomber  ses  feuilles.  » 

^  C  (29-30)  :  ((  Mon  fils,  ne  dis  pas  :  Mon  seigneur  est  fou  et 
je  suis  sage,  —  mais  arrête-le  (applaudis-le  ?)  dans  ses  vices  et  tu 
seras  aimé.  —  Mon  fils,  n'estime  pas  que  tu  es  sage  lorsque  les 
autres  ne  t'estiment  pas  sage,  » 

2  Cornet  41. 

^  C  (n.  31-32)  :  «  Ne  mens  pas  devant  ton  maître,  de  crain- 
te que  tu  ne  sois  méprisé  et  qu'il  ne  te  dise  :  Va  de  devant  mes 
yeux.  Mon  fils,  que  tes  paroles  soient  vraies,  afin  que  ton  maî- 
tre te  dise  :  Viens  vivre  près  de  moi.  » 


^  40-41.  A  :  «  0  mon  fils,  ne  dis  pas  :  Mon  seigneur  est  fou 
et  je  suis  sage.  Ne  rapporte  pas  des  paroles  d'ignorance  et  de 
folie,  sinon  tu  seras  méprisé  par  lui.  y> 

^  43  n'est  pas  dans  A. 

42.  Cf.  Mattl).,  XXV,  21-23. 


III,  43-48  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'aHIKAR  169 

de  crainte   qu'il  n'entende  tes  paroles  et  ne  s'irrite  contre 
toi^ 

44.  Mon  fils,  lorsque  tu  as  des  serviteurs,  n'aime  pas  l'un 
et  ne  hais  pas  l'autre,  car  tu  ne  sais  pas  lequel  d'entre  eux 
tu  choisiras  à  la  fin  ^  a^ 

45.  ^  Mon  fils,  le  serviteur  qui  abandonne  la  maison  de 
ses  maîtres  et  va  chez  d'autres  n'améliore  pas  ses  affaires  ^. 

46.  Mon  fils,  la  chèvre  qui  circule  et  qui  multiplie  ses 
pas  sera  la  proie  du  loup. 

47.  Mon  fils,  prononce  un  jugement  droit  et  bon,  afin  que 
tu  obtiennes  et  voies  une  vieillesse  honorable  et  que  tu  te 
reposes  dans  ta  vieillesse  '*. 

48.  Mon  fils,  adoucis  ta  langue  à  l'aide  des  paroles  de 
Dieu  et   rends  bonnes  les   paroles  de  ta  bouche.   Parle  à 


^  C(n.  33)  :  «  Mon  fils,  au  jour  de  ton  mal  ne  maudis  pas 
Dieu,  de  crainte  que,  l'entendant,  il  ne  s'irrite  contre  toi.  » 

2  C  (n.  34)  :  «Mon  fils,  ne  fais  pas  plus  de  bien  à  l'un  de  tes 
eervileurs  qu'à  son  camarade,  car  tu  ne  sais  pas  duquel  d'en- 
tr'eux  lu  auras  besoin  à  la  fin.  » 

^  C  (n.  35)  :  «  Mon  fils,  jette  des  pierres  au  chien  qui  aban- 
donne son  maître  et  qui  marche  à  ta  suite.  » 

*  C  (n.  37)  :  6.  Mon  fils,  juge  un  jugement  di'oit  dans  ta  jeu- 
nesse, afin  que  tu  sois  honoré  dans  la  vieillesse.  »  — //  ajoute 
ici  qu'un  jugement  injuste  irrite  Dieu. 


a  A  porte  en  plus  (n.  34)  :  «  0  mon  fils,  n'aie  pas  peur  de  ton 
Seigneur  qui  t'a  créé,  sinon  il  gardera  le  silence  à  ton  égard,  » 
^  45,  47  et  48  ne  se  trouvent  pas  dans  A. 


46.  CF.  Inlrod.,  page  21,  note,  et  infra,  c.  xxxiii,  105. 
48.  Parle  à  chacun  avec   bonté  ;   Eccli.,    xi,,  21  :  «  Les  flûtes  et  le 
psaltérion  font  une  douce  mélodie,  mais  au-dessus  de  l'un    et  de  l'au- 


170  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAU  HI,  48-51 

chacun  avec  bonté  et  élégance,  car  c'est  la  queue  du  chien 
qui  lui  donne  du  pain  et  sa  gueule  lui  attire  des  coups  et 
des  pierres  '. 

49-  Mon  fils,  ne  laisse  pas  ton  prochain  [te  marcher  sur 
le  piedj,  de  crainte  qu'il  ne  te  marche  sur  la  poitrine  ;  c'est- 
à-dire  ne  permets  pas  à  l'adversaire  Satan  de  te  faire  com- 
mettre un  petit  péché,  de  crainte  qu'il  ne  t'en  fasse  commet- 
tre un  grand  ^. 

50.  Mon  fils,  frappe  le  sage  et  tu  seras  comme  une  fièvre 
dans  son  cœur,  mais  frapperais-tu  l'insensé  de  nombreux 
coups  de  bâton  qu'il  n'apprendrait  et  ne  comprendrait  rien 
de  ce  qui  est  bien  ^. 

51.  Mon  fils,  si  tu  envoies  un  homme  sage  pour  faire  ton 
travail,  ne  lui  donne  pasde  longs  conseils  ou  avertissements, 
car  il  fera  ton  travail  comme  ton  cœur  le  veut  ;  mais  si  tu 
envoies  un  homme  insensé,  ne  parle    pas   avec  lui   devant 


^  Celte  sentence  est  la  cinquième  dans  L,  H.  —  C  (n.  38)  : 
«  Mon  fils,  adoucis  ta  langue  et  assaisonne  l'ouverture  de  ta 
bouche,  car  c'est  la  queue  du  chien  qui  lui  donne  du  pain  et  sa 
gueule  des  coups.  » 

2  C  (n.  39)  :  «  Mon  fils,  ne  laisse  pas  ton  prochain  te  mar- 
cher sur  le  pied,  de  crainte  qu'il  ne  te  marche  sur  la  tête.  »  La 
fin  est  une  paraphrase. 

^  C  (n.  40)  :  «  Mon  fils,  frappe  l'homme  avec  une  parole 
sage  pour  qu'elle  soit  dans  son  cœur  comme  une  fièvre  en  été, 
(//:  et  elle  sera  à  ses  oreilles  comme  un  vent  frais  un  jour 
d'été).  Si  lu  frappes  l'insensé  de  nombreux  coups  de  bâton,  il  ne 
comprendra  pas.  » 


tre  est  une  langue  douce.  »  — On  attribue  la  même  pensée  à  Démo- 
crite,  cf.    Meissncr;,    p.  183  ;  H.  S.,  p.  69. 

49.  La  même  pensée  est  attribuée  par  Schalirastani  à  Démocrite, 
R.  S.,  p.  69. 

51.  Cf.  Eccli.,  XXII,  14-16. 


III,   51-54  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'ai.IIKAR  171 

quelqu'un,  mais  va-t-en  plutôt  et  ne  l'envoie  pas,  car  il  ne 
fera  pas  ton  travail  selon  ta  volonté,  quelque  longs  conseils 
que  tu  lui  donnes  ^. 

52.  ^  Mon  fils,  si  l'on  t'envoie  en  chercher  un  autre  (plus 
fort)  que  toi,  ne  blesse  pas  l'homme  puissant,  de  crainte 
qu'il  ne  résiste  et  ne  (te)  cause  du  mal  sans  que  tu  le  pré- 
voies 2. 

53.  ^  Mon  fils,  éprouve  ton  fils  et  ton  serviteur  avec  le 
pain,  (c'est-à-dire)  dans  les  petites  choses  d'abord,  ensuite 
confie-lui  ce  qui  t'appartient  et  tes  possessions  ^. 

54.  Mon  fils,  sors  vite  des  repas  de  noce  et  des  festins,  et 
n'attends  pas  pour  oindre  ta  tête  d'huile  et  de  parfum,  de 
crainte  d'attirer  sur  ta  tète  des  contusions  et  des  cicatri- 
ces *. 

^  C  (n,  41)  :  «  Mon  fils,  envoie  le  sage  et  ne  le  commande 
pas.  Mais  si  tu  envoies  Tinsensé,  va  toi-même  plutôt  que  de 
l'envoyer,  » 

2  C  omet  52. 

3  C(n.  42)  :  «  Mon  fils,  éprouve  ton  fils  avec  le  pain  et  avec 
l'eau,  après  cela  tu  laisseras  en  ses  mains  tes  possessions  et  tes 
richesses.  » 

*  C  (n.  43)  :  «  Mon  fils,  pars  le  premier  du  festin  et  n'attends 
pas  les  parfums  suaves,  de  crainte  qu'ils  ne  deviennent  des  con- 
tusions pour  ta  tête.  » 


^  A  :  (L  Mon  fils,  ne  te  fais  pas  un  ennemi  d'un  homme  plus 
fort  que  toi,  parce  qu'il  te  mesurera  et  se  vengera  sur  toi.  »  — 
Ag  porte  :  «  Garde-toi  d'exciter  la  haine  d'un  homme  puissant, 
parce  qu'il  mesurerait  ta  faiblesse  et  t'écraserait  de  sa  ven- 
geance, ))  p.  71. 

^  53.  A  soude  ensemble  53  et  55  et  omet  54. 


52.  Cf.  Eccli.,  VIII,  1. 
54.  Cf.  Eccle.,  VII,  2-4. 
Cf.  Eccli..  XXX,  12. 


172  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  IH,    55-6ft 

55.  Mon  fils,  celui  dont  la  main  est  pleine  est  appelé  sage 
et  honorable,  et  celui  dont  la  main  est  vide  est  appelé  mé- 
chant, pauvre,  besogneux  et  indigent,  et  personne  ne  l'ho- 
nore ^ 

56.  Mon  fils,  j'ai  mangé  de  l'absinthe  et  j'ai  dévoré  de  la 
myrrhe,  mais  je  n'ai  rien  vu  de  plus  amer  que  la  pauvreté  et 
l'indigence. 

57.  ^  Mon  fils,  j'ai  porté  du  fer  et  du  plomb,  et  je  n'ai  rien 
vu  comme  lopprol^re  et  la  calomnie  -. 

58.  Mon  fils,  j'ai  porté  du  sel  et  de  grandes  pierres,  et 
elles  ne  m'ont  pas  pesé  comme  celui  qui  rit  et  se  moque 
et  qui  demeure  dans  la  maison  de  son  beau-père  ^. 

59.  Mon  fils,  enseigne  à  ton  enfant  la  faim  et  la  soif,  pour 
qu'il  dirige  sa  maison  [selon  ce  qu'il  a  vu]. 

60.  ^  Mon  fils,  n'enseigne  pas   aux  insensés  des   paroles 


^  C(n.  44)  :  «  ...  est  appelé  coupable  et  vil.  » 

^  (56-57),  C  (n.  45)  :  «  Mon  fils,  j'ai  porté  du  sel  et  j'ai  roulé 
du  plomb,  et  je  n'ai  rien  vu  déplus  lourd  qu'une  créance  qu'on 
doit  payer  sans  l'avoir  contractée.  » 

^  B  porte  en  plus  :  «  et  les  autres  qui  sont  comme  eux.  »  — 
C(n.  46)  :  «Mon  fils,  j'ai  porté  le  fer  et  j'ai  roulé  les  pierres,  et 
cela  ne  m'a  pas  pesé  autant  que  l'homme  qui  demeure  chez  son 
beau-père.  »  —  L'Arm.  (69  ^)  porte  :  «  J'ai  levé  du  fer  et  j'ai  levé 
des  pierres  sur  mes  épaules,  et  cela  me  valait  mieux  que  d'habiter 
avec  l'insensé.  » 


*  57-58  ne  figurent  pas  dans  J. 

^  60.  A  :  ((  Mon  fils,  n'enseigne  pas  à  l'ignorant  le  langage  de 
l'homme  sage,  car  il  lui  sera  insupportable.  »  —Cf.  supra,  n.  15. 

55.  Cf.  Eccle.,  IX,  16  ;  Eccll.,  xiii,  21-23. 
58.  Cf.  lîlccli.,  XXII,  17-18  ;  Prov.,  xxvn,  3. 

60.  Figure  entre  parenthèses  dans  l'hébreu  (page  19),  qui  renvoie  à 
un  passage  analogue  du  Talmud. 


III,  60-64  SAGESSE     ET    DOCTRINE    d'aiIIKAR  173 

sages  et  savantes,  car   mes  paroles   sont  pour  eux  comme 
celui  (jui  enduit  son  corps  de  poix  pour  Tengraisser  ^. 

61.  Mon  fils,  si  tu  deviens  indigent  et  pauvre,  ne  révèle 
pas  tes  affaires  à  ton  ami,  de  crainte  qu'il  ne  devienne 
avare  *. 

62.  Mon  fils,  l'aveugle  des  yeux  vaut  mieux  que  l'aveugle 
de  cœur,  car  l'aveugle  des  yeux  suit  la  voie  de  la  vie,  tan- 
dis que  l'aveugle  de  cœur  va  dans  la  voie  profonde  ". 

63.  Mon  fils,  si  un  homme  glisse  et  tombe,  cel.i  vaut 
mieux  qu'un  péché  de  langue;  car,  s'il  meurt  de  sa  chute, 
il  est  délivré  des  traits  tentateurs,  tandis  que  s'il  pèche  par 
la  lant^ue  il  tombe  en  tentation  ^. 

64.  ^  Mon  fils,  un  ami  proche  l'emporte  sur  un  frère  éloi- 
gné, et  un  bon  renom   sur  la    richesse  du   monde,    car   la 

1  Cornet 60  et  61. 

2  C  (n.  48)  :  c(  laisse  la  voie  droite  et  va  dans  celle  du  dé- 
sert (et  se  perd).  » 

^  Cette  fin  manque  dans  A. 


^  61.  A  :  ((  iNIon  fils,  ne  dévoile  pas  ta  situation  à  ton  ami, 
de  crainte  d'en  être  méprisé.  )> 

b  64.  A  :  ((  Mon  fils,  un  ami  proche  l'emporte  sur  un  frère  ex- 
cellent et  éloigné.  » 

61.  Cf.  Démocrite,  éd.  Didot,  p.  350,  n.  16'i  à  165  :  «  Beaucoup 
évitent  leurs  amis  lorsqu'ils  louibent  de  la  bonne  dans  la  mauvaise 
fortune.  Dans  la  prospérité,  il  est  facile  de  ti'ouver  un  ami  ;  dans  la 
mauvaise  fortune,  c'est  l'œuvre  la  plus  difficile. 

63.  Litt.  :  «  La  chute  d'unhomme  de  son  pied  est  meilleure  que  la 
chute  de  sa  langue.  »  Sic  A.  —  C  omet  63.  On  attribue  la  même 
sentence  à  Solon  ou  à  Socrate.  Cf.  Meissner,  p.  183,  et  infra,  n.  71, 
Cf.  Eccli.,  XXVIII,  30  :  «  Sois  attentif  de  peur  que  tu  ne  failles  p;irla 
langue.  » 

64.  Cf.  Ecole.,  VII,  2. 
Cf.  Eccli.,  xLi,  15,  16. 


174  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR  HI^  64-68 

richesse  s'évanouira  et  se  dissipera  tandis  qu'un   bon  re- 
nom subsiste  toujours. 

65.  Mon  fils,  la  beauté  périt,  se  corrompt  et  s'évanouit  et 
le  monde  cesse,  s'en  va  et  passe,  tandis  qu'un  bon  renom 
ne  passf  pas,  ne  cesse  pas  et  ne  se  corrompt  pas  *. 

66.  Mon  fils,  pour  l'homme  qui  n'a  pas  de  repos  durant 
sa  vie  la  mort  est  préférable  à  la  vie  a. 

67.  Mon  fils,  le  bruit  des  pleurs  et  des  gémissements 
l'emporte  sur  le  bruit  de  la  joie  et  des  festins,  car  le  bruit 
et  l'a..;:!  *ion  des  pleurs  font  connaître  à  l'homme  son  péché 
et  l'expient  *. 

68.  ^  Mon  fils,  le  morceau  de  pain  que  tu  donnes  de  ta 
main  h  un  pauvre  dans  ta  pauvreté  l'emporte  sur  un  talent 
que    tu    donnerais  dans    ta   richesse.   Une   chèvre    proche 

^(64-6.5),  C  (n.  49)  :  «  Mon  fils,  un  ami  proche  l'emporte  sur 
un  frère  éloigné;  un  bon  renom  l'emporte  sur  une  grande  beauté, 
car  un  bon  renom  subsiste  toujours  tandis  que  la  beauté  vieillit 
et  disparaît.  » 

2  C  (n.  50)  :  ((  Mon  fils,  la  mort  est  meilleure  que  la  vie  pour 
l'homme  qui  n'a  pas  de  repos,  elle   bruit  des  lamentations  est 


a  SI:  c(  Mon  fils,  une  bonne  mort  vaut  mieux  pour  Ihora  me 
qu'une  mauvaise  vie.  » 

^  68-69.  Le  commencement  de  A  (n.  49)  est  conforme  à  C,  et 
la  fin  à  B.  Puis  A  ajoute  trois  maximes  (50-52).  Cf.  p.  175,  notes 
1,  2,  3. 

65.  Cf.  Prov.,  xxvii,  10  et  xxii,  1.  Démocrite,  éd.  Didot,  p.  348, 
n.  127  à  128  :  «  La  noblesse  des  animaux  consiste  dans  la  force  du 
corps  et  celle  des  hommes  dans  l'excellence  de  leur  conduite.  Il  faut 
que  les  hommes  tiennent  plus  de  compte  de  l'esprit  que  du  corps.  » 
Cf.  Eccle.,  VII,  2  ;  Eccli.,  xli,  15,  et  supra,  6,  64. 

66.  Eccle.,  IV,  2  ;  vu,  2  ;  Eccli.,  xxx,  17  ;  xli,  3-4. 

67.  L'expient,  litt.  :  a  le  rendent  vain.  » 

68.  Cf.  Luc,  XXI,   2-4. 


III,  68-69  SAGESSE    ET    DOCTRINE    d'ahikAU  175 

vaut  mieux  qu'un  taureau  qui  est  loin,  et  un  passereau  que 
lu  tiens  dans  ta  main  l'emporte  sur  cent  qui  volent  clans 
l'air.  Si  tu  es  indigent  et  que  tes  enfants  amasseîit  auprès 
de  toi,  cela  vaut  mieux  que  d'avoir  une  grande  richesse  et 
des  enfants  qui  dissipent  ^  Un  renard  vivant  vaut  mieux 
qu'un  lion  mort -;  c'est-à-dire  un  homme  Taible  qui  rend 
service  vaut  mieux  qu'un  homme  riche  qui  est  avare  et  mau- 
vais, celui-ci  meurt  dans  le  péché  ^. 

69.  Mon  fils,  un  talent  de  laine  vaut  mieux  qu'un  poids 
(égal)  d'or  ou  d'argent,  car  l'or  et  l'argent  se  cachent,  sont 
entermés  dans  les  bourses  {'(Kco^^by.oy.ov)  et  ne  sont  vus 
d'aucun  étranger,  tandis  que  la  laine  se  sort  et  se  vend  dans 
les  rues  et  les  places  publiques  (jzXacieiai)  ;  elle  sert  aussi 
pour  les  vêtements  et  elle  est  belle  à  voir  ^a, 

meilleur  que  le  chant  et  la  joie  aux  oreilles  de  l'insensé.  »  —  Le 
n.  67,  conservé  par  ^  seul,  est  parallèle  à  Eccle.,  vu,  3,  4. 

^  Ar  porte  (50)  :  «  0  mon  fils,  une  petite  fortune  vaut  mieux 
qu'une  fortune  dissipée.» 

2  Ar  (51)  :  «  Mon  fils,  un  chien  vivant  vaut  mieux  qu'un 
pauvre  homme  mort.  » 

3  yf/"  porte  (52)  :  «  0  mon  fils,  un  homme  pauvre  qui  donne 
bien  vaut  mieux  qu'un  riche  qui  est  mort  dans  le  péché.  » 

^  (  (38-69  )  C(n.  51)  :  «  Mon  fils,  le  fromage  que  tu  as  en  ta 
main  l'emporte  sur  l'huile  qui  est  dans  la  jarre  (des  autres)  ;  une 


•'  68-69.  Arm.  (52-53)  donne  l'équivalent  du  fromage  (C),  du 
passereau  {B  et  C)  et  de  la  pauvreté  qui  amasse  (C).  —  SI  n'a 
pas  cette  dernière  maxime,  mais  porte  en  plus  (comme  C)  : 
«  Mieux  vaut  une  robe  de  chanvre  que  tu  as  qu'une  robe  de  pour- 
pre que  lu  n'as  pas.  )) 

68.  Cf.  Eccli.,  IX,  4.  Ménandre  écrit:  «Uujour  sous  le  soleil  l'em- 
porte sur  cent  années  passées  dans  l'enfer.  »  Land,  t.  i,  p.  162,  lig.  35. 
—  Meurt,  litt.  :  «  descend.  » 

Cf.  Eccle..  IV,  13. 

69.  Cf.  Eccle.,  VI,  9. 


176  HlSTOir.E    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  HI,   70-71 

70.  Mon  fils,  ensevelis  et  cache  la  parole  dans  ton  cœur 
et  ne  révèle  pas  le  secret  de  ton  camarade,  car,  si  tu  le 
révèles,  tu  as  repoussé  (son)  amitié  loin  de  toi  *. 

71.^  Mon  fils,  nepronoiice  pas  de  parole  qui  puisse  ensuite 
affliger  ton  cœur  ^.  Il  te  vaut  mieux  trébucher  du  pied  que 

de  la  langue  ^. 

o 

brebis  proche  l'emporte  sur  une  vache  qui  est  loin  ;  un  passe- 
reau que  tu  tiens  l'emporte  sur  mille  qui  volent  ;  la  pauvreté 
qui  amasse  l'emporte  sur  la  richesse  qui  dissipe  ;  le  vêtement 
de  laine  que  tu  portes  est  préférable  au  byssus  et  à  la  soie  des 
autres.  »  Ce  manuscrit  n'a  pas  conservé  les  passages  parallèles  à 
Ar  :  50,  51,  52. 

^  C(n.  52)  :  «  Mon  fils,  enferme  la  parole  dans  ton  cœur  et 
elle  te  fera  du  bien  ;  car  lorsque  tu  as  communiqué  ta  parole, 
tuas  perdu  ton  ami.  » 

2  C(n  53)  :  «  Mon  fils,  ne  laisse  pas  sortir  une  parole  de  ta 
bouche  avant  de  l'avoir  méditée  dans  ton  cœur,  car  il  vaut  mieux 
pour  l'homme  broncher  en  son  cœur  que  broncher  de  sa  langue.» 


^  Ag  :  ((  L'ignorant  heurte  un  écueil  et  tombe  ;  le  sage  bi'on- 
che  et  ne  tombe  point  ;  ou,  s'il  fait  un  faux  pas,  il  se  relève. 
Qu'une  maladie  l'attaque,  il  sait  se  guérir  lui-même  ;  la  mala- 
die des  ignorants  n'a  pas  de  remède. 

((Le  véritable  sage  est  continent  de  trois  manières:  par  la  lan- 
gue, par  les  mains  et  par  les  yeux.  Ne  laisse  pas  échapper  une 
parole  de  ta  bouche  que  tu  n'aies  auparavant  consulté  ton 
cœur,  »  p.  74. 

b  71  et  72 manquent  dans  A.  L'éthiopien  (n.  13)  porte  :  «  Mon 
fils,  mieux  vaut  trébucher  du  pied  que  trébucher  de  la  langue. 

70  Cf.  Prov.,  XI,  13. 

Cf.  Eccli.,  XXII,  26-27  ;  xxvii,  17,  24  ;  cf.  xix,  8-10. 

71  Cf.  supra,  n.  63.  D'apiès  Cornill  (p.  43),  la  fin  eslattribuée  par 
Maxiineà  Socrale  :  KpeÏTTov  elvat  Tfîi  TtoSi  ô).sff9at'v£tv  r^-crj  yXwcrffa  —  etpar 
Schahrastani  à  Selon.  Diogène  Laerce  attribue  la  même  sentence  à 
Zenon  ;  cf.  R.  S.,  p,  71-72,  qui  renvoie  aussi  à  Eccli.,  xx,  18. 


III,  72-73  SAGESSE  ET    DOCTIUNE    d'aHIKAH  177 

72.  a  Mon  fils,  si  tu  as  entendu  une  parole  du  chef,  recou- 
vre-la et  cache-la  dans  ton  cœur  aussi  longtemps  que  tu 
vivras  en  ce  monde  ;  tant  que  tu  la  médites  dans  ton  cœur, 
ensevelis-la  chez  toi  *. 

73.  Mon  fils,  ne  t'élève  pas  dans  ton  jugement  contre  les 
hommes  illustres  et  qui  l'emportent  en  grandeur  et  en 
puissance,  car  des  plaisanteries  et  des  paroles  méprisantes 
proviennent  la  colère  et  la  discorde.  Une  parole  colère 
éveille  et  suscite  la  fureur,  et  de  cette  fureur  provient  la  dis- 
corde puis,  après  la  discorde,  vient  le  meurtre.  Si  tu  te 
trouves  en  ce  lieu  et  que  tu  y  demeures,  ou  bien  tu  seras 
tué,  ou  bien  ils  t'appelleront  comme  témoin  ;  ils  demande- 
ront et  exigeront  ton  témoignage,  après  quoi  tu  souffriras 
et,  par  honte  ou  par  crainte,  tu  donneras,  pour  ta  confu- 
sion, un  faux   témoignage.   Aussi,  je  te  l'ordonne,  hâte-toi 

1  C,  H(n.  44)  :  «  Mon  fils,  si  lu  as  entendu  une  parole  mauvai- 
se, enfonce-la  à  sept  coudées  sous  terre.  »  —  B  porte  :  meltâ  men 
risâ,  et  C  :  meltâ  bistâ,  que  Ha.  traduit  par  dcbar  ra\  Dans  5 
le  sens  de  72  complète  celui  des  deux  maximes  précédentes  70  et 
71.  Cf.  supra  2,  3.  La  différence  de  B  et  de  C  peut  s'expliquer 
par  une  confusion  entre  risâ  «  chef  »  et  resi'â  «  mauvais  ».  Cf. 
p.  268,  n.  197. 


Ne  laisse  sortir  aucun  discours  de  ta  bouche  avant  d'avoir  tenu 
conseil  avec  loi-méme.  » 

a  72.  Arm.,  50  :  ((  Mon  fils,  si  tu  entends  de  quelqu'un  une 
mauvaise  parole,  cache-la  dans  ton  cœur  à  sept  brasses  de  pro- 
fondeur pour  que  le  mal  périsse  et  que  le  bien  prospère.  » 


72.  'l'obic,  XII,  7,  ti. 

73.  /llustres=perisé.  De  cette  racine  provient  le  mot  «pharisien  ». 
Cf.  Eccli.,   VIII,  1  :    «    Ne   dispvile    pas  avec  l'iioiuinc  puissant,  de 

crainte  de  lombei- entre  ses  mains.  » 

12 


178  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  IH,  73-75 

de  fuir  ^  l'endroit  où  il  y  a  dispute   et  ton  âme  sera  dans  le 
calme  ^. 

74.  ^  0  mon  cher  fils,  ne  t'élève  pas  contre  celui  qui  est 
plus  âgé  que  toi  ;  il  te  donuera  satisfaction  au  jugement 
et  tu  sortiras  vainqueur.  Ne  sois  pas  impudent,  écarte  les 
disputes  et  vaincs  le   mal  h  l'aide  du  bien. 

75.  c  Mon  fils, acquiers  un  cœur  pur  et  net, une  intelligence 
et  une  volonté  intègres  et  lucides,  procure-toi  un  esprit 
humble  et  une  voie  droite  et  il  n'y  aura  personne  dans  ce 
monde  qui  vaille  mieux  que  toi  et  tu  auras  la  vie  bienheu- 
reuse '^. 


^  C  (  n.  55)  :  «  Mon  fils,  ne  demeure  pas  près  d'une  rixe,  car 
après  la  lutte  vient  le  meurtre.   » 

2  74-75.  C  (n.  56)  :  «  Mon  fils,  quiconque  ne  juge  pas  un  ju- 
gement droit  irrite  Dieu.  »  //  omet  (p.  20  )  les  maximes  73  à  75 
(C  :  55  à  56  ). 


a  73.  A  et  Salhani:  «  Mon  fils,  ne  laisse  pas  sortir  une  parole 
de  ta  bouche  avant  d'avoirpris  conseil  avec  ton  cceur.  Ne  te  mets 
pas  entre  des  personnes  qui  se  querellent,  car  d'un  mauvais  mot 
viendra  une  dispute,  d'une  dispute  viendra  une  guerre,  d'une 
guerre  viendra  un  combat  et  tu  seras  forcé  d'être  témoin  ; 
aussi  pars  de  là  et  reste  à  l'écart.  » 

b  74  n'est  pas  dans  A. 

c  ^  et  Salhani  :  ((  Mon  fils,  ne  résiste  pas  à  un  homme  plus 
fort  que  toi,  mais  acquiers  un  esprit  patient,  de  la  constance  et 
une  conscience  droite,  il  n'y  a  rien   de  meilleur  que  cela.  » 


74.  //  te  donnera  satisfaction.  Les  anciens  étaient  juges  ;  cf. 
Eccli.  VIII  2:  «  Ne  dispute  pas  avec  l'homme  riche,  de  crainte  qu'il 
ne  fasse  un  procès   contre  toi.  »  Cf.  Eccli.,  viii,  17.   Rom.,  xii,  21. 


III,   76-78  SAGESSE   ET    PROVERBES    d'ahIKAR  179 

76.  Mon  fils,  ne  t'éloigne  pas  de  ton  premier  ami  ^  ^  de 
crainte  qu'il  n'y  en   ait  aucun  autre  pour  le  remplacer. 

11.  Mon  fils,  ne  descends  pas  au  jardin  des  juges,  redoute 
le  tribunal  et  n'épouse  pas  une  fille  de  juge  ^. 

78.  ''  Mon  fils,  soutiens  ton  ami  avec  de  bonnes  paroles 
devant  le  prélet  et  arrache  sa  faiblesse  à  la  gueule  du  lion  ^. 


^  C  (n.  57),  L  :     «   Mon  fils,  (ne)    t'éloigne  pas    de  l'ami   de 
ton  père,  de  crainte  que  ton  autre  arai  n'approche  plus  de  toi.  » 

2  C  (n.  58)  :  «  Mon  fils,  ne  descends  pas  au  jardin  des  grands, 
et  n'approche  pas  des  filles  des  grands.  » 

3  C  (n.  59)  :    «  Mon  fils,  aide  ton  ami  devant  le  préfet,  afin 
que  tu  puisses  l'aider  contre  le  lion.  » 


a  Ag  :  ((  Ne  renonce  jamais  à  ton  premier  ami:  tu  ne  garderais 
pas  longtemps  le  second,  »  p.  73. 

76  à  78  manquent  dans  Salhani.  —  77  n'est  pas  dans  A. 

^  A  :  a  Mon  fils,  visite  le  pauvre  dans  son  affliction,  parle- 
lui  en  présence  du  Sultan  et  applique-toi  à  le  sauver  de  la  gueule 
du  lion.  )) — Ag:  «  Assiste  le  malheureux  dans  sa  détresse  et  parle 
en  sa  faveur  en  présence  des  rois.  »  Cette  édition  porte  en  plus: 
«  0  mon  fils,  il  y  a  quatre  choses  avec  lesquelles  il  ne  peut  sub- 
sister ni  gouvernement  ni  armée  :  La  tyrannie  d'un  ministre, 
l'inhabileté  dans  l'administration,  la  déloyauté  dans  la  poli- 
tique et  la  vexation  du  peuple.  Il  y  en  a  quatre  autres  qu'on  ne 
peut  tenir  secrètes  :  Le  savoir  et  l'ignorance,  la  richesse 
etla  pauvreté,  »  p.  74-75.  Cf.  infra,  92-95,  et  Prov.,  xxx,  21, 
24.  —  Arni.  paraphrase  ce  passage.  Il  introduit  les  fils  du 
roi,  Hutay  et  Baliayn,  qui  ne  figurent  nulle  part  ailleurs  et  qui 
viennent  ici  interroger  Ahikar.  11  leur  indique  quatre  choses 
1*J  qui  font  plaisir  à  la  vue  ;  2°  qui  tiennent   l'homme    en  bonne 

76.  Cf.  Eccli.,  IX,  14;  Prov.,  xxvii,  14. 

77.  Cf.  Eccli.,  IX, 18  :  «Tiens-loi  loin  de  l'homme  qui  a  le  pouvoir  de 
tuer.  » 

78.  Cf.  Prov.,  VI,  3. 


180  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ai.IIKAR  IH,    79-81 

79.  Mon  fils,  ne  te  réjouis  pas  sur  ton  ennemi  quand  il 
meurt  ^. 

[Mon  fils,  lorsque  tu  verras  un  homme  plus  âgé  que  toi, 
lève-toi  devant  lui  ^.j 

80.  a  Mou  fils,  lorsqu'un  homme  se  tiendra  debout  sans 
(occuper  de)  place,  lorsque  l'oiseau  volera  sans  ailes,  lors- 
que le  corbeau  sera  blanc  comme  la  neige,  lorsque  l'amer 
deviendra  doux  comme  le  miel,  alors  Tinsensé  deviendra 
sace  3. 

o 

81.  h  Mon  fils,  si  tu  es  prêtre  de  Dieu,  prends  bien  garde 
à  lui  et  parais  devant  lui  avec  pureté  ^. 

^  Sic  C  (n.60).  Cf.  Eccli.,viii,  8.  H  ajoute  entre  parenthèses: 
a  et  souviens-toi  que  bientôt  tu  seras  son  compagnon  dans  le 
tombeau.  » 

2  SicL,H(n.  21)  et  C  (n.61).  —Cornet.  Cf.  EccH.,iv,7;vin,7. 

^  C  (n.  62)  :  «  Mon  fils,  lorsque  les  eaux  subsisteront  sans 
la  terre  (Et/>.  :  lorsque  les  eaux  couleront  en  arrière),  lorsque 
l'oiseau  volera  sans  ailes,  lorsque  le  corbeau  sera  blanc  comme 
la  neige,  lorsque  l'amer  deviendra  doux  comme  le  miel,  alors 
l'insensé  deviendra  sage.  » 

*  C,H  ajoutent:  «  et  ne  t'éloigne  pas  de  sa  présence»  (n.  G3). 


santé  ;  3°  qui  sont  toujours  utiles  ;  4°  qui  font  pleurer;  —puis  un 
mot  de    Pytarchos  (Pythagore). 

a  79.  A  et  Salhani  :  «  Mon  fils  ne  te  réjouis  pas  de  la  mort  de  ton 
ennemi,  car  bientôt  tu  seras  son  voisin.  Si  quelqu'un  te  méprise, 
montre-lui  de  la  considération,  honore-le  et  va  au-devant  de  lui 
pour  le  saluer.  » 

1 81-82.  Au  lieu  de  ces  deux  versets,  A  porte:  «  Mon  fils,  si  tu 

79.  Cf.  II  Tira.,  IV,  17, où  saint  Paul  compare  aussi  le  juge  au  lion. 

80.  Cf.  Prov.,xxvii,22  ;  Eccli.,xxii,  7.  — Déraocrite,p.  349,  n.  137: 
<  Les  insensés  ne  s'instruisent  que  par  la  mauvaise  fortune.  »  Cf.  Mé- 
nandre,  p.  531  :  «  Il  n'est  pas  facile  de  changer  une  mauvaise  nature.  » 


III    82-84  SAGESSE    ET    PROVERBES    d'aI.UKAR  181 

82.  Mon  fils,  l'homme  que  Dieu  a  comblé  de  bienfaits 
sera  aussi  respecté  par  toi  ^. 

83.  Mon  fils,  n'entre  pas  en  jugement  avec  un  homme  en 
son  jour  et  ne  résiste  pas  au  fleuve  lorsqu'il  vient  (inon- 
der) 2  a. 

84.  '^  Mon  fils,  l'œil  de  l'homme  est  comme  une  fontaine  : 
il  ne  se  rassasie  pas  ^  avant  d'être  rempli  de  poussière  c. 


1  Sic  C  (n.  64). 

2  C  (n.    65)  :  ((...  au  fleuve  dans  son  inondation, 
^  C  (  n.  66),  L  (n.  6)  ajoutent  :  «  de  richesses.  » 


veux  être  sage,  garde  la  langue  du  mensonge,  ta  main  du  vol  et 
tes  yeux  des  mauvais  spectacles,  alors  lu  seras  appelé  sage.  — 
Mon  fils,  laisse  le  sage  te  frapper  avec  une  verge,  mais  ne  laisse 
pas  le  fou  t'oindre  d'un  suave  onguent.  Sois  humble  dans  ta 
jeunesse  et  tu  seras  honoré  dans  ta  vieillesse.  »  Cf.  87. 

a  81  à  83  manquent  ici  dans  Salhani  ;  82  se  trouve  plus  haut 
après  25  ;  83  se  trouve  plus  bas  après  93. 

J^  84  à  86  manquent  dans  A  et  Salhani. 

c  Slave  (86)  :  «  Mon  fils,  les  yeux  d'un  homme,  comme  une 
fontaine  jaillissante,  sont  insatiables  et  dévoreraient  des  bœufs; 
mais,  lorsque  l'homme  meurt,  ils  sont  remplis  avec  le  sable.  » 
L'arménien  (81)  abrège  et  rattache  cette  pensée  à  la  précédente 
de  la  manière  suivante  :  «  Mon  fils,  ne  résiste  pas  à  un  homme 
puissant  ni  à  une  rivière  en  crue.  Car  les  yeux  d'un  homme  avide 
ne  sont  pas  remplis,  si  ce  n'est  avec  du  sable.  » 


83.  £n  son  jour,  c'est-à-dire  :  «  au  jour  de  sa  puissance,  » 
comme  //  l'ajoute  entre  parenthèses,  —  Cf.  Eccli.,  iv,  32.  —  Ménaii- 
dre,  53i  :  «  Il  faut  toujours  fuir  les  maîtres  en  colère.  » 

84.  Cf.  Eccli.,  XIV,  9  ;Eccle.,i,8  ;  Prov.,xxvii,  20.  iM.  Veller propose 
de  voir  ici  un  double  jeu  de  mots  roulant  sur  'aùi,  <jui  signifie  à  la  fois 
œil  et  (onlaine,  et  sur  Li  ressemblance  de  'oser  «richesse»  avec '«/"ar 
<  poussière  »  ;  cette  maxime  est  précisément  omise  par  //. 


182  HisToinE   ET   SAGESSE   d'ahikar  HI,  85-88 

85.  Mon  fils,  ne  demeure  pas  près  des  gens  querel- 
leurs ^. 

86.  Mon  fils,  après  les  plaisanteries  viendront  les  rixes, 
puis  les  combats  et  enfin  le  meurtre. 

[87.  ^  Mon  fils,  si  tu  veux  être  sage,  refuse  ta  bouche  au 
mensonoe  et  ta  main  au  vol,  et  tu  seras  sacre. 

88.  Mon  fils,  n'interviens  pas  dans  les  fiançailles  d'une 
femme,  car,  si  elle  (en)  tire  confusion,  elle  te  maudira,  et  si 
elle  (en)  est  heureuse,  elle  ne  se  souviendra  pas  de  toi. 

^  C  ne  répète  pas  ici  ce  n.  73  et  omet  donc  85  et  86,  — L  porte 
{  p.  35,  n.  8  )  :  ((Mon  fils,  ne  demeure  pas  dans  les  maisons  des 
querelleurs,  carde  la  parole  naîtront  les  rixes,  des  rixes  les  con- 
tusions et  des  contusions  le  meurtre.  » 


a  Salhani  :  «  Mon  fils,  si  tu  veux  être  sage  éloigne  ta  langue 
du  mensonge,  ta  main  du  vol  et  tes  yeux  de  l'aspect  du  mal, 
alors  tu  seras  nommé  sage.  » 

85.  Cf.  Prov.,  XXVI,  17.  Voir  supra,  26. 

86.  Cf.  supra,  73. 

87.  Cf.  Eccli.,  V,  17. 


Dans  la  légende  d'Alexandre,  telle  que  le  Talmnd  l'expose,  se  trouve 
un  passage  qui  a  quelques  rapports  avec  le  verset  84  :  Alexandre 
arriva  à  une  source.  Il  s'assit  et  mangea  du  pain...  Il  remonta 
la  source  jusqu'à  ce  qu'il  arrivât  à  la  porte  du  paradis.  Ils  lui  don 
nèrent  un  globe.  Il  alla  et  pesa  tout  son  or  et  tout  son  argent  en 
regard,  et  cela  ne  faisait  pas  contrepoids.  Il  dit  aux  rabbins  :  Qu'est-ce 
que  cela  ?  —  Ils  dirent  :  C'est  un  globe  d'œil,  fait  de  chair  et  de 
sang,  qui  ne  se  rassasie  pas.  —  11  leur  dit  :  Qui  le  prouve  ?  —  Ils 
prirent  un  peu  de  poussière  et  l'en  couvrirent.  Aussitôt  le  contre- 
poids se  fit, car  il  est  dit  :  «  Le  scliéol  et  le  lieu  de  destruction  ne  se 
rassasient  pas  et  les  yeux  ne  se  rassasient  pas.  »  Cf.  Israël  Lévi, 
La  légende  d'Alexandre  dans  le  Talmnd^  liciiie  des  éludes  juives, 
t.  n  (1881),  p.  298  —  Ou  lit  dans  les  Apophtegmes  des  Pères  :  e  Les 
vieillards  dirent  :  L'âme  est  une  source  ;  si  tu  creuses  elle  se  purifie  ; 


III     89-91  SAGESSE     ET    PROVERBES    d'ahIKAR  183 

89.  ^  Mon  fils,  celui  qui  brille  par  son  vêtement  brille 
aussi  par  son  langage,  et  celui  qui  est  méprisable  dans  son 
vêtement  l'est  aussi  dans  sa  parole. 

90.  ^  Mon  fils,  si  tu  trouves  un  objet  devant  une  idole, 
offre-lui  sa  part  ^. 

91.  c  Mon  fils,  tu  tendras  ^  la  main  qui  était  rassasiée  et 
qui  a   faim  et  non  celle  qui  avait  faim  et  qui  est  rassasiée. 


1  M.  Rendel  Harris  ajoute  en  note  que  cette  maxime  ne  peut 
pas  être  d'origine  chrétienne  ou  musulmane.  Elle  manque  en  B  ; 
le  sens  de  A,  préférable  à  celui  de  C,  conduit  àla  reconstruction  : 
«  Si  tu  trouves  un  objet  devant  la  demeure  d'un  homme  puissant, 
donne-lui  en  sa  part.  » 

2  Sic  C.    Les  éditeurs  ajoutent  une  négation.    Cette  sentence 


a  89  à  92  manquent  dans  Salhani. 

^  A  :  (.(.  Mon  fds,  si  tu  as  commis  un  vol,  fais-le  connaître  au 
sultan  et  donne-lui  en  une  part,  ainsi  tu  pourras  être  absous, 
sinon  il  t'en  arrivera  du  mal.  »  Ce  texte  nous  semble  préférable 
au  syriaque, 

c  ^  :  «  Mon  fils,  fais-toi  un  ami  de  l'homme  dont  la  main  est 
comblée  et  remplie,  et  ne  te  fais  pas  un  ami  de  l'homme  dont  la 
main  est  fermée  et  affamée.  » 


89.  Cf.  Eccli.,  XIII,  32  :  «  La  marque  d'un  bon  cœur  est  une  bonne 
face  ;  »  et  xix,  26-27  :  «  A  la  vue  on  connaît  un  homme,  et  à  la  ren- 
contre du  visage  on  connaît  une  personne  sensée.  Le  vêtement  du 
corps,  le  rire  des  dents  et  la  démarche  du  corps  le  font  connaître.  » 


si  tu  aiiuisses  de  la  terre  autour,  elle  disparaît,  »   Revue  de  l'Orient 
chrétien,  4907,  p.  i02  et  411,  n,  100. 

En  somme,  la  pensée  84  repose,  pour  la  première  partie,  sur  Prov., 
XXVII,  20,  ou  Eccli.,  xiv,  9:  «  L'homme  (cupide)  est  insatiable,  »  et, 
pour  la  seconde  partie,  sur  l'usage  constaté  plus  haut  (p.  151,  note  1) 
de  mettre  de  la  poussière  sur  les  yeux  d'un  mort. 


184  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  HI,  92-95 

92.  a  Mon  fils,  que  les  yeux  ne  regardent  pas  la  femme  qui 
est  belle  ;  et  ne  regarde  pas  la  beauté  qui  n'est  pas  tienne, 
car  beaucoup  ont  péri  à  cause  de  la  beauté  d'une  femme, 
et  son  amour  (est)  comme  un  feu  qui  brûle. 

93.  Mon  fils,  que  le  sage  te  frappe  de  nombreux  coups 
de  bâton  et  que  l'insensé  ne  t'oigne  pas  d  huile  odorifé- 
rante. 

94.  Mon  fils,  que  ton  pied  ne  coure  pas  (trop  souvent) 
vers  ton  ami,  de  crainte  qu'il  ne  se  rassasie  de  toi  et  ne  te 
haïsse. 

95.  Mon  fils,  ne  mets  pas  un  anneau  d'or  à  ta  main,  si  tu 
n'as  pas  (de  grandes  richesses),  de  crainte  que  les  insensés 
ne  se  moquent  de  toi,  ^] 


est  obscure.  Le  meilleur  sens  est  encore  celui  de  A,  c^est-à-dire 
en  soiume  :  «  Sois  lami  du  riche  et  non  du  pauvre  ;  »  /f  a  adop- 
té le  sens  de  A. 

1  B  omet  87  à  95.  Ces  sentences  sont  tirées  de  C,  n.  67  à  75. 
H  ajoute  ensuite,  d'après  l'arabe  :  «  Mon  fils,  il  y  a  quatre 
choses...  ))  Cf.  p.  179,  note  b. 


^  92-95.  Au  lieu  de  ces  maximes,^  porte  la  même  addition  que 
Ag  :  «0  mon  fils,  il  y  a  quatre  choses...»  V.  supra,  p.  179,  n.  b. 

Après  93,  Salhani  porte  :  «  Mon  fils,  sois  modéré  dans  ta  jeu- 
nesse, alors  tu  seras  honoré  dans  ta  vieillesse  ;  »  puis  viennent 
les  n.  88  et  38  réunis  ensemble  et  enfin  l'addition  déjà  signalée 
au  n.  78  pour  Ag  et  ci-dessus  (92-95)  pour  A. 


92.  Cf.  Prov.,  VII,  25-29  ;  Eccli.,  ix,  8-9  ;  cf.  supra,  8. 

93.  Cf.  Psaume  cxli,  5;  Eccle.,  vu,  6. 

94.  Prov.,  XXV,  17. 

95.  R.  S.,  p.  83,  traduit  :  t  s'il  ne  t'appartient  pas  »  (c'est  le  sens  de 
l'arménien,  n.  26)  et  rapproche  ce  passage  de  la  fable  410  d'Ésope 
(Babrius,  188). 


IV,  1-2  185 

CHAPITRE  IV 

Ahikar  arrêta  ici  les  sages  paroles  qu'il  adressait  à  Nadan  ; 

ensuite  Ahikar  montra  au  roi  tout  ce  qu'avait  fait  Nadan 

contre  ses  possessions  et  ses  biens  i. 

1.  Alors  moi,  Ahikar,  lorsque  j'eus  enseigné  cette  doc- 
trine îi  Nadiin,  fils  de  ma  sœur,  je  pensais  qu'il  la  conserve- 
rait dans  son  cœur  et  resterait  à  la  cour,  et  je  ne  savais 
pas  qu'il  n'écoutait  pas  mes  paroles,  mais  les  jetait  — pour 
ainsi  dire  —  au  vent. 

2'^  11  prenait  l'habitude  dédire:  «  Ahikar,  mon  père,  est 

1  C,  au  lieu  de  ce  titre,  porte  :  «  Voilà  l'enseignement 
qu'Ahikar  donna  à  Nadan,  le  fils  de  sa  sœur.  » 

a  Ag  (sic  A)  :  «  S'étant  alors  démis  du  soin  des  affaires  pu- 
bliques, Heykar  se  retira  chez  lui  et  confia  à  Nadan  l'adminis- 
tration de  ses  richesses  ;  il  lui  donna  un  pouvoir  illimité  sur 
toute  sa  maison,  sur  ses  esclaves,  sur  ses  chevaux,  sur  ses  meu- 
bles, sur  ses  troupeaux,  enfin  sur  tout  ce  qu'il  possédait.  Il 
l'installa  ensuite  auprès  du  roi  et  remit  en  ses  mains  les  fonc- 
tions de  premier  ministre  d'Assyrie. 

((  La  puissance  engendre  l'orgueil  :  Nadan,  maître  de  tout, 
n'ayant  pour  loi  que  ses  penchants,  pour  frein  que  sa  volonté,  et 
disposant  à  son  gré  des  immenses  richesses  de  son  oncle,  n'eut 
bientôt  plus  que  du  mépris  pour  son  bienfaiteur.  Joignant  l'in- 
solence à  l'ingratitude,  il  osait  même  le  railler  publiquement,  et 
il  disait  à  qui  voulait  l'entendre  :  Mon   oncle  est   déjà   dans   un 


Titre.  Les  sages  paroles  qu'il  adressait^  litt.  :  c  les  paroles  de 
sa  sagesse  qu'il  enseignait.  » 

1.  Resterait  à  la  cour,  litt.  :  «  à  la  porte  du  roi.  »  C  ajoute:  c  à  ma 
place.  > 


186 


HISTOinE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR  IV    2-4 


vieux  et  a  perdu  l'esprit  *.  »  Et  Nadan,  mon  fils,  s'adjugea 
mes  troupeaux,  dissipa  mon  bien  et  n'épargna  pas  mes 
meilleurs  serviteurs,  qu'il  frappa  devant  moi,  ni  mes  bêtes 
de  somme  et  mes  mules  qu'il  tua, 

3.  ^  Quand  je  vis  ce  qu'il  faisait,  je  lui  dis  :  «  Mon  fils,  ne 
touche  pas  à  mes  biens,  il  est  dit  dans  les  maximes  :  Ce  que 
la  main  n'a  pas  acquis  l'aùl,  ne  Va  pas  ^  respecté.  » 

4.  Je  fis  connaître  toui  cela  à  mon  seigneur  le  roi,  et 
le  roi  ordonna  :  «  Que  personne  n'approche  des  biens  d'A- 
hikar,  le  scribe;  aussi,  tant  qu'Ahikar  sera  envie,  personne 
n'approchera  de  ses  biens  et  de  sa  maison  ^b.  » 


^  C  :  ((  Ahikar,  mon  père,  est  vieux  et  se  trouve  à  la  porte  du 
tombeau,  son  intelligence  la  quitté  et  son  esprit  a  diminué.  » 

2  Cornet  cette  négation. 

^  C  :  «  Et  mon  seigneur  lui  parla  de  cette  manière  :  Aussi 
longtemps  qu'Ahikar  vivra,  personne  n'aura  de  pouvoir  sur  ses 
biens.  » 


âge  voisin  de  l'enfance,  et  ses  discours  se  ressentent  un  peu  de 
sa  caducité  :  le  pauvre  homme  ne  connaît  plus  rien  dans  les 
affaires  de  la  vie.  Et  il  battait  ses  esclaves,  vendait  ses  pro- 
priétés et  ses  chevaux  et  dissipait  follement  des  biens  lente- 
ment acquis.  » 

y  NS  :  «  Lorsque  moi,  Chikâr,  je  vis  que  Nadan  népargnait 
pas  mes  biens  et  ma  famille,  je  lui  dis  :  Tiens-toi  loin  de  ce  que 
j'ai  acquis,  et  ne  fais  pas  souffrir  mes  serviteurs  et  mes  esclaves 
aussi  longtemps  que  je  vivrai.  » 

^  Dans  F^  Nadan  commence  par  perdre  Ahikar  dans  l'esprit 
du  roi  :  «  La  vieillesse,  disait-il  au  roi,  rend  Hicar  ombrageux 
et  timide,  il  ne  voit  plus  de  près  les  affaires  et  voudrait  toujours 


3.  Celle  citation  ne  se  trouve  pas  dans  les  Proverbes. 

4.  Le  roi,  C  :  «  Sennachérib.  » 


V,   1-2  AHIKAR    ADOPTE    LE    FRÈKE    DE    NADAX  187 

CHAPITRE  V 
De  ce  que  Ahikar  prit  le  frère  de  Nadan  pour  lélever. 

1.  Lorsque  (Nadan)  vit  que  j'avais  pris  son  jeune  frère  ^ 
et  que  je  l'élevais,  il  vint  devant  moi  dans  ma  maison  et  il 
en  eut  déplaisir  a. 

2.  b  Nadan  l'envia,  il  avait  dans  son  esprit  de  mauvaises 
pensées  à  cause  de  cela  et  il  disait  :  «  Ahikar,  mon  père,  est 
vieux,  sa  sagesse  a  disparu  et  ses  paroles  sont  méprisables. 

^  C  :  a  Nabouzardan.  )) 


les  conduire  ;  devenu  faible  et  languissant  il  ne  pourrait  plus 
retenir  l'autorité,  mais  il  la  regrette  tous  les  jours.  Son  humeur 
me  donne  du  chagrin,  et  si  je  l'en  croyais  il  me  sei'ait  impossi- 
ble de  terminer  aucune  affaire  à  l'avantage  de  votre  majesté.  » 
Le  roi  reçoit  ensuite  Ahikar  fort  froidement.  Celui-ci  le  raconte 
à  sa  femme  Zéfagnie  qui  le  console. 

■">  Ag  (sic  A)  :  «  Heykar  regretta  amèrement  toutes  les  pei- 
nes qu'il  s'était  données  pour  l'éducation  de  Nadan,  Celui-ci 
avait  un  frère  plus  jeune,  nommé  Ebnazadan  (^1  :  Benûzardân). 
Heykar  l'appela  près  de  lui,  le  combla  d'honneurs,  et,  lui  con- 
fiant tout  le  pouvoir  qu'il  venait  de  retirer  des  mains  de  son 
frère,  il  le  mit  à  la  tôle  de  ses  affaires  et  il  le  nomma  adminis- 
trateur de  tous  ses  biens.  »  —  NS  :  «  Nadan  avait  un  plus 
jeune  frère,  nommé  Ncbusaradan,  je  le  pris  près  de  moi,  je  re- 
levai, je  commençai  àl'instruire  dans  ma  sagesse  et  ma  science  et 
je  le  pris  en  place  de  fds.  »  —  F  ne  mentionnepas  cette  adoption 
d'un  frère  de  Nadan. 

•»  2-5.  A  (sic  Ag.)  :  ((  Lorsque  Nadan  apprit  ce  qui  était  arrivé, 

1.  Nabouzardan.  Cf.    II  Rois,   xxv,  8  ;    Jér.,  xxxix,  9  ;  lu,  12. 


188  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  V    2-4 

Est-ce  qu'il  donnera  ses  biens  à  mon  frère  et  me  chassera 
de  sa  maison  ?» 

3.  Ahikar  entendit  les  paroles  de  Nadan;  alors  il  réfléchit, 
puis  il  répondit  à  Nadan  et  lui  dit  :  «  Enfiinte  la  sagesse, 
mon  fils,  car  elle  a  bien  diminué  chez  toi  ^.  » 

4.  '"-  A  ces  paroles,  mon  fils  s'irrita  beaucoup  et,  dans  son 
cœur,  il  prépara  du  mal  contre  moi.  Il  alla  à  la  cour  du 
roi  pour  réaliser  le  mal  qui  était  dans  son  cœur,  comme  si 
Ahikar  avait  écrit  —  du  moins  sous  son  nom  —  des  lettres 
mauvaises  et  s'il  venait  à  la  cour  pour  les  découvrir  -. 


^  C  :  «  Lorsque  moi,  Ahikar,  j'entendis  ces  paroles,  je  dis  : 
«  Malheur  à  toi,  ô  ma  sagesse  !  Nadan,  mon  fils,  t'a  rendue  insi- 
pide et  il  a  méprisé  mes  sages  paroles.  » 

2  C  :  «  A  ces  paroles,  Nadan  s'irrita,  alla  à  la  cour  et  machi- 
na le  mal  en  son  cœur.  11  s'assit  et  écrivit  deux  lettres  à  deux 
rois  ennemis  de  mon  maître  Sennachérib,  l'une  à  Aki,  fils  de 
Hamsélin,  roi  de  Perse  etd'ÉIam.  »  Cf.  Introd.,  page  13,  10°. — 
L'arabe  porte  Ahis,  fils  de  âah  le  sage.  M.  Halévy  voit  dans 
Ahis  une  réminiscence  de  Xerxès  (=  Hschayarscha).  De  même, 
M.  Lidzbarski  propose  de  compléter  Ahas  en  Ahasweros  ;:=  As- 
suérus  ou  Xerxès.  M.  Meissner  (p.  184-5)  rapproche  Akis  de 
I  Sam.,  XXI,  11,  et  xxvii,  2. 


il  fut  rempli  d'envie  et  de  jalousie,  il  commença  à  se  plaindre  à 
chacun  de  ceux  qui  l'interrogeaient  et  à  se  moquer  de  son  oncle 
Haiqâr,  en  disant  :  Mon  oncle  m'a  chassé  de  sa  maison  et  m'a 
préféré  mon  frère,  mais,  si  le  Dieu  Très-Haut  m'en  donne  la 
puissance,  je  le  précipiterai  dans  des  calamités  mortelles.  Et 
Nadan  cherchait  avec  quelle  pierre  d'achoppement  il  pourrait 
l'écraser.  Après  y  avoir  bien  réfléchi  dans  son  esprit,  il  écrivit 
une  lettre  à  Ahis,  fils  de  Sah  le  sage,  roi  de  Perse,  lui  disant.  » 
3  Dans  F,  Nadan  emploie  deux  machinations  préliminaires. 
Il  commence  par  écrire    contre   lui-même  un  libelle  anonyme 


V,   5  AHIKAR    ADOPTE    LE    FRÈRE    DE    NADAN  189 

5.  C'étaient  deux  lettres  (écrites)  en    mon   nom   aux  rois 


mais  où  Ion  pouvait  reconnaître  le  style  de  son  oncle.  Il  le  rem~ 
plit  d'imputations  fausses  et  hasardées  mais  qui  pai  aissent  spé- 
cieuses et  dictées  par  le  zèle.  Il  le  montre  au  roi,  «  en  même 
temps  qu'il  laisse  soupçonner  quHicar  seul  en  est  l'auteur,  il  en 
paraît  attendri  jusqu'aux  larmes  et  prie  le  roi  de  pardonner  à 
l'âge  et  à  la  faiblesse  de  son  oncle,  en  prenant  cependant  des 
mesures  pour  écarter  un  homme...  qui  se  rend  le  jouet  et  l'ins- 
trument de  l'intrigue.  »  Le  roi  y  prête  peu  d'attention,  parce 
qu'il  craint  de  faire  delà  peine  à  sa  tante  Zéfagnie.  Nadan  ima- 
gine le  nouvel  artifice  suivant  :  La  cour  de  Perse  devait  livrer 
une  ville  frontière  aux  Assyriens.  Nadan  écrit  à  Hicar,  sous  le 
nom  de  l'un  de  ses  amis,  que  le  roi  de  Perse  est  de  mauvaise 
foi,  qu'il  a  creusé  des  souterrains  pour  faire  rentrer  ses  troupes 
dans  la  ville  et  massacrer  les  troupes  assyriennes  qu'on  y  aurait 
mises  en  garnison.  Hicar  porte  cette  lettre  au  souverain  et  Nadan 
montre  facilement  que  tout  est  inexact  ;  il  reproche  à  Hicar  une 
crédulité  excessive  et  même  des  inventions  détestables  et  lui  fait 
dire  par  le  roi  de  se  tenir  en  repos  et  de  ne  plus  venir  à  la  cour. 
Zéfagnie  conseille  à  Hicar  de  se  consoler  de  l'ingratitude  des 
hommes  par  l'étude  des  sciences,  mais  Nadan  raconte  au  roi  que 
son  oncle  veut  se  venger,  qu'il  est  en  relations  suivies  avec  les 
princes  étrangers  et  qu'il  serait  bon  d'arrêter  ses  courriers  pour 
voir  de  quelle  nature  sont  ses  correspondances,  on  trouve  alors 
la  lettre  au  roi  de  Perse  Akis.  Il  n'est  pas  question  ici  d'une  let- 
tre au  roi  d'Egypte. 


5.  Du  roi  Sennachérib.  Mieux  vaudrait  lire  :  «  de  Sarhédom  ;  » 
cependant  on  peutdire  que  ces  lettres  sont  adressées  aux  rois  «qui 
avaient  été  les  ennemis  du  roi  Sennachérib.  » 

Au  roi  de  Perse  (p.  190),  litt.  :  «  à  la  face  {afi)  du  roi.  d  Si  cotte 
rédaction  était  la  bonne,  ce  serait  le  cbangement  du  f  en  k  (fé  en  caf) 
qui  aurait  conduit  à  la  lecture  «  à  Aki,  roi,  »  et  ce  roi  inconnu  que 
l'on  a  tant  de  peine  à  identifier  (voir  p.  188,  note  2)  pi-oviendrait 
d'une  faute  de  lecture. 


190  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  V,  5-8 

ennemis  du  roi  Sennachérib.    L'une  était  adressée   au  roi 
de  Perse  et  d'Elam  et  il  la  rédigea  ainsi  ^  : 

6.  «  De  la  part  d'Ahikar  scribe  et  (gardien  du)  sceau  du 
roi  Sarhédom  ^,  salut  I  Quand  tu  auras  reçu  cette  lettre,  sors 
aussitôt  et  viens  en  Assyrie  et  moi  je  te  livrerai  l'Assyrie,  et 
tu  prendras  tout  ce  pays  sans  guerre  et  sans  combat  b,  » 

7.  i^  Il  adressa  encore  en  mon  nom  une  autre  lettre  à  Pha- 
raon, roi  d'Egypte,  et  l'écrivit  ainsi  ^: 

8.  «  Quand  cette  lettre  t'arrivera,  sors  au-devant  de  moi 
dans  la  plaiiie  du  sud  ^,  le  25  du  mois  d'Ab  (août)  d.  Je  te 


1  C  :  «  Sennachérib,  roi  d'Assur  et  de  Ninive.  »  A  partir  de 
ce  verset,  B  portera  toujours  Sarhédom,  qui  est  la  bonne  leçon, 
tandis  que  C  conservera  Sennachérib. 

2  C  ajoute  :  «  A  Pharaon,  roi  d'Egypte,  Aliikar,  scribe  et 
gardien  du  sceau  du  roi  d'Assur  et  de  Ninive,  salut  !  » 

3  C  :  «  dans  la  plaine  de   Nisrîn  (des  Aigles)  qui  est  au  sud.  » 
Le  slave  porte  :  «  au  champ  égyptien  »,  ce  qui  provient  d'une 

confusion  entre  Mesrin  (Egypte)  et  Nesrin  (aigle). 


a  NS  :  «  Il  écrivit  deux  lettres  aux  rois  ennemis  de  Senna- 
chérib, 1  une  au  roi  Achash,  fils  de  Samachlîn,  roi  de  Perse,  dans 
laquelle  il  écrivit  ce  qui  suit.  » 

1*  L'arabe  (^,  Ag,  Salhani),  comme  le  syriaque  et  NS,  continue 
de'porter  Sennachérib  au  lieu  de  Sarhédom.  Au  lieu  de  :  «  viens 
en  Assyrie  »,  l'arabe  porte  :  «  viens  vite  dans  la  plaine  de  Nisrîn 
(Ag  :  de  Basin)  et  en  Assyrie  et  à  Ninive.  »  — F:  «  Il  l'en- 
gagea à  se  rendre  dans  la  plaine  de  Nerrim,  où  lui-même  se 
rencontrerait  avec  sa  garde  dans  les  premiers  jours  de  la  lune 
de  Niram.  »  Il  faut  sans  doute  lire  Nesrim  et  Nisam. 

c?  et 8.  Nous  avons  déjà  écrit  que  F  ne  mentionne  pas  le  roi 
d'Egypte.  —  Ar/n.  au  contraire  ne  renferme  que  la  lettre  au  roi 
d'Egypte. 

<l  Au  lieu  de  :  «  dans  la  plaine  du  sud  le  25  du  mois  d'Ab,  » 
l'arabe  et  NS  portent  seulement  :  «  dans  la  plaine  de  Nisrîn.  » 


V,  8-VI,  1  NADAN  ÉCRIT  A  SON  PÈRE  191 

conduirai  à  Ninive  et  tu  y  prendras  le  royaume   sans  com- 
bat ^)) 

9.  Il  conforma  ces  lettres  aux  lettres  (écrites)  de  ma  main 
et  les  scella  de  mon  sceau  'T,  puis  il  les  jeta  ^  dans  l'une  des 
chambres  du  roi  ^. 


CHAPITRE    VI  b 

De  ce  que  Nadan  écrivit  une  lettre  à  son  père  Ahikar 
au  nom  du  roi. 

1.  Il  écrivit  encore  une  autre  lettre  comme  de  la  part  de 
mon  seiofneur  le  roi*: 


^  «  Sans  combat  ))  figure  dans  C  après  le  mot  «  Ninive  ». 
2  C  omet  :  «  de  mon  sceau,  puis  il  les  jeta.  »  (Faute  d'homoio- 
téleutie.) 

^  C  ;  «  dans  le  palais  du  roi.  » 
^  A,  C:  «  du  roi  Sennachérib.  » 


Nisrîn  peut  se  traduire  de  l'arabe  par  :  «  aigles,  ou  roses  sauva- 
ges »  et  du  syriaque  par  :  «  aigles  ou  fougères.  » 

a  Dans  F,  on  remplace  la  bourse  du  courrier  de  Hikar  par 
une  autre  toute  semblable  dans  laquelle  se  trouvait  la  lettre  de 
Nadan,  après  quoi  on  arrête  le  courrier  et  on  a  ainsi  la  preuve,  de 
la  bouche  même  du  courrier,  de  la  trahison  d'Ahikar.  F  n'a  donc 
pas  besoin  des  chapitres  vu  et  viii  et  en  arrive  aussitôt  à  l'arres- 
tation d'Ahikar. 

h  iv-vi.  G  :  «  Peu  de  temps  après  (son  adoption),  Ennos  dés- 
honora la  concubine  de  son  père  adoptif,  et  l^^sope  l'ayant  appris 
le  chassa  delà  maison.  Il  en  conçut  grande  irritation  :  il  écrivit, 
au  nom  d'Esope,  une  lettre  aux  rois  adversaires  de  Lycéros, 
comme  s'il  était  prêt  à  les  servir  plutôt  que  Lycéros,  et  il  fit 
tenir  cette  lettre  aux  rois  après  Tavoir  scellée  du  sceau  d'ICsope.  » 


192 


HlSTOmE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR  VI,   2-3 


2.  De  Sar^édom  *  à  Ahikar,  scribe  de  mon  seigneur  ^^  sa- 
lut : 

«  Qiinnd  tu  auras  reçu  cette  lettre,  rassemble  toute  l'ar- 
mée a  à  la  montagne  ^  et  va  de  là  ^  à  la  plaine  des  Aigles  ^,  le 
25  du  mois  d'Ab  (août),  et,  lorsque  tu  me  verras  approcher 
de  toi,  range  tes  troupes  en  face  de  moi  comme  si  tu  le  pré- 
parais il  la  guerre,  car  des  messagers  de  Pharaon,  roi  d'E- 
gypte, sont  venus  près  de  moi,  et  ils  verront  quelles  sont 
mes  forces.  » 

3.  Et  mon  fils,  Nadan,  m'envoya  la  lettre  par  deux  hom- 
mes ^  b. 


1  Sarliédora,  A  ;  C  :  (.(  Sennachérib.  » 

^  C  :  ((  mon  scribe  et  mon  (gardien  du)  sceau.  » 

^  C  :  «  à  la  montagne  nommée  Sis.  » 

^  C  ajoute  :  ((  à  ma  rencontre.  » 

^  C  ajoute  :  «  qui  est  au  midi.  »  —  On  peut  continuer  à 
transcrire  le  nom  propre  et  écrire  «  à  la  plaine  de  Nesrin  »  ou 
même  «  à  Fck'atnesrin  »,  Comparer  ce  mot  au  nom  propre  sy- 
rien Qennesrin,  «  Le  nid  des  aigles.  » 

^  C  :  ((  par  deux  serviteurs  du  roi.  » 


a  Au  lieu  de  :  «  rassemble  toute  l'armée...  Ab,  »  A  et  Asf 
portent  :  «  rassemble  toutes  les  troupes  qui  sont  avec  toi,  qu'el- 
les soient  bien  équipées  et  nombreuses,  et  conduis-les  moi  le 
cinquième  jour  (le  jeudi),  dans  la  plaine  de  Nisrin  {Ag  :  de 
Basrin.  »  —  NS  porte  en  plus  à  la  fin  :  «  ainsi  ils  crain- 
dront devant  nous,  car  ils  sont  nos  ennemis  et  sont  jaloux  de 
nous.  » 

•'  Au  lieu  de  :  «  par  deux  hommes,  »  A  et  Ag  portent  :  «  par  un 
des  serviteurs  du  roi.  » 


VII-VIII,  1.      NADAN  ECRIT  UNE  LETTRE  AU  ROI  193 

CHAPITRE  VII  a 

De  ce  que  Nadan  donna  au  roi  une  lettre  qu'il  écrivit 
au  nom  d'Ahikar. 

1.  Alors  mon  fils  Nadan  prit  l'une  des  lettres  comme  s'il 
l'avait  trouvée,  et  il  la  lut  i  devant  le  roi, 

2.  En  l'entendant,  le  roi  s'irrita  beaucoup  et  se  fâcha 
contre  Ahikar  et  il  dit  2  :  «  O  Dieu  !  quelle  faute  ai-je  donc 
commise  contre  toi  et  contre  Ahikar  pour  qu'il  veuille  me 
traiter  ainsi  ?  » 

CHAPITRE  VIII 
Réponse  de  Nadan  au  roi  au  sujet  d'Ahikar. 

1.  Alors  Nadan  3  répondit  et  dit  au  roi  :  «  Ne  sois  pas  en 
peine,  ô  mon  Seigneur  le  roi,  allons  à  la  plaine  des  Aigles, 
comme  il  est  écrit  dans  cette  lettre,  nous  connaîtrons  ainsi 
la  vérité,  et*  tout  ce  que  tu  commanderas  aura  lieu.  » 


1  C  :  «  Alors  mon  fils  Nadan  prit  les  lettres  qu'il  avait  écrites 
comme  s'il  les  avait  trouvées  et  il  les  lut.  » 

2  C  :  En  les  entendant,  le  roi  mon  seigneur  se  lamenta  et  dit.  » 
8  C  :  «  Mon  fils  Nadan.  » 

*  C  :  «  au  jour  qui  est  écrit  dans  la  lettre  et  si  c'est  vrai.  * 


»  vii-xi.  G  :  «  Le  roi,  trompé  parle  sceau,  fut  saisi  d'une  inex- 
primable colère  et  ordonna  à  Hermippos  de  tuer  de  sa  main  le 
traître  Esope,  sans  chercher  déplus  grande  preuve.  » 


43 


194  HISTOIItE    ET    SAGESSE    d'ahiKAR  VIH,  2-IX,   1 

2.  Le  roi  ordonna  donc  de  se  préparer;!  gagner  la  plaine 
pour  voir  la  vérité  de  cette  affaire,  et  ^  Nadan,  mon  fils, 
conduisit  le  roi,  et  ils  vinrent  me  trouver,  avec  l'armée  qui 
m'accompagnait,  dans  la  plaine  des  Aigles  a. 

3.  Quand  je  le  vis  venir  vers  moi  ^,  je  rangeai  mon  armée 
en  bataille  en  face  de  lui  comme  pour  la  guerr(%  sur  la  foi 
de  la  lettre  que  mo!i  fils  m'avait  envoyée  ^^. 

4.  Mon  fils  dit  au  roi  :  «  •*  Va  chez  toi  en  toute  quiétude, 
6  mon  Seigneur,  et  nioi  j'amènerai  en  ta  présence  mon  père 
A^ikar  »,  et  le  roi  alla  à  sa  demeure. 


CHAPITRE  IX 
De  ce  que  Nadan  alla  en  ambassade  près  d'Ahikar  son  père. 

1.  Alors  Nadan,  mon  fils,  vint  près  de  moi,  il  prit  la  pa- 
role et  dit  :  «  ^  Le  Seigneur  roi  m'a  envoyé  près  de  toi  pour 
te  dire    :  Tout  ce  que  tu  as  fait,  tu  l'as  bien  fait.  Le  roi  te 


1  C  omet  le    commencement   de   celte   phrase    qui   pourrait 
encore  n'être  qu'un  titre. 

2  C  :  «  Quand  je  vis  le  roi.  » 

3  C  :  «  je  rangeai  l'armée  en  face  de  lui,  comme  il  était  écrit 
dans  la  lettre.  A  cette  vue,  le  roi  fut  saisi  d'une  grande  crainte.  » 

*  C  ajoute  :  «  Ne   crains  pas,  mon  Seigneur  le  roi.  » 

s  C  omet  :  «Le  Seigneur  roi  m'a  envoyé  vers  toi  pour  te  dire.» 


a  L'arabe  répète  encore  que  cela  se  passait  un  jeudi. 

^  NS  ajoute  à  la  fin  :  «  Lorsque  mon  maître,  le  roi  Sanché- 
rib,  me  vit  faire  cela,  il  fut  saisi  de  crainte  devant  moi  et  pensa 
que  je  m'étais  révolté  contre  lui  et  que  j'avais  noué  une  intrigue  ; 
il  lui  parut  certain  qu'il  y  avait  un  traité  entre  moi  et  ses  enne- 
mis. Je  ne  reconnus  pas  le  piège  que  Nadan  avait  dressé  contre 
moi.  » 


IX,  1-4  NADAN    VA    EN    AMBASSADE    PRÈS    d'ahIKAK  195 

loue    beaucoup.    Et  maintenant  renvoie   les    troupes  ;  que 
chacun  aille  chez  soi  et  toi  viens  seul  près  de  moi.  m 

2.  Alors  je  vins  devant  le  roi  et  quand  il  me  vit,  il  me 
dit:  «  Tu  es  venu,  Ahikar,  mon  scribe  elle  père  nourri- 
cier d'Assur  et  de  Ninive  ^  ;  je  t'ai  donné  honneurs  et  repoa, 
et  toi  tu  as  fait  défection  et  tu  es  devenu  l'un  de  mes 
ennemis.  »  Puis  il  me  donna  la  lettre  qui  éttiit  écrile  en 
mon  nom   et  qui  était    scellée   de  mon  sceau. 

3.  Le  roi  me  dit  :  «  Lis  cette  lettre  ^.  »  Quand  je  l'eus  lue, 
mes  membres  chancelèrent,  ma  langue  me  refusa  son  se- 
cours, je  cherchai  une  sage  parole  et  je  n'en  trouvai  pas. 

4.  [Nadan,  mon  fils,  prit  la  parole  et  dit:  «  Retire-toi  de 
devant  le  roi,  vieillard  insensé,  et  tends  les  mains  aux 
cordes  et  les  pieds  aux  fers  b.  » 


*  C  omet  :  «  Le  roi  me  dit:  Lis  cette  lettre.  » 

^  B  :  <i  Mon  conseiller  ainsi  que  d'Assur  et  de  Ninive.  »  — 
NS  :  «  le  gouverneur  de  mon  royaume  et  mon  ami.  » 

^  Dans  l'arabe,  c'est  Nadan  qui  fait  enchaîner  Ahikar.  Na- 
dan promet  au  roi  de  lui  amener  le  coupable  pieds  et  mains 
liés  (viii,  4),  puis  il  tient  à  Ahikar  le  discours  suivant  (ix,  1)  : 
a  Le  roi  est  content  de  toi,  il  donne  les  plus  grands  éloges  à  la 
docilité  avec  laquelle  tu  viens  d'exécuter  ses  ordres.  INIaintenant 
il  veut  que  tu  renvoies  les  troupes  et  que  tu  paraisses  devant  son 
trône  les  pieds  et  les  mains  chargés  de  fers,  afin  que  les  ambas- 
sadeurs de  l'Egypte,  qui  viennent  d'être  témoins  de  ta  puissance 
le  soient  de  ta  soumission.  Les  étrangers  pourront  jugerparlà  de 
tout  le  respect  qu'inspire  aux  premiers  dignitaires  de  l'empire 
l'autorité  du  roi  d'Assyrie,  et  ils  en  porteront  la  nouvelle  à  la 
cour  de  Pharaon  »  (trad.  Ag).  Al.iikar,  qui  ajoute  foi  à  ces  paro- 
les, se  laisse  lier  les  pieds  et  les  mains  et  paraît  ainsi  devant  le 
roi. 


2.  Je    t'ai  donné  honneurs  et  repos.  Litt.  :  «  je  l'.ii   laisse  à  l'Iion- 
neur  et  ou  repos.  » 


196  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  IX,  5-6 

5.  Alors  le  roi  Sarhédom  ^  détourna  son  visage  de  moi, 
parla  à  Nabousemak  a,  le  bourreau,  qui  était  mon  ami,  et 
lui  dit  :  V  Va  tuer  Ahikar  et  porte  sa  tête  à  cent  coudées  de 
son  corps.  »  Alors  je  tombai  la  face  contre  terre,  j'ado- 
rai le  roi  et  je  dis]  : 

6.  «  Seigneur  roi,  vis  à  jamais  1  Tu  veux  donc  me  tuer, 
que  ta  volonté  soit  faite.  Je  sais  que  je  n'ai  pas  péché  contre 
toi,  mais  ordonne,  Seigneur  roi,  qu'on  me  tue  devant  la 
porte  de  ma  maison  et  qu'on  donne  mon  corps  pour  être 
enterré.  »  Le  roi  ordonna  qu'il  en  fut  ainsi  2. 


iLe  ms.  C  porte,  comme  toujours  :  «  Sennachérib.  » 
Les  phrases  entre  crochets  sont  traduites  sur  C.  Elles  sont 
remplacées  dans  B  par  une  sorte  de  répétition  :  «  Ensuite  il  lui 
donna  à  lire  la  lettre  qui  avait  été  écrite  (comme)  de  sa  bouche  ; 
il  lalutet  sa  sagesse  disparut  à  cause  de  la  stupeur  qui  l'envahit.  » 
Vient  ensuite  :  «  Alors  le  roi  ordonna  de  le  tuer  dans  sa  maison, 
et  moi,  Ahikar,  je  répondis  et  je  dis  au  roi.  »  Le  commencement 
de  cette  dernière  phrase  semble  encore  être  un  titre. 

2  C:  «  Et  le  roi  dit  à  Nabousemak,  le  bourreau,  qui  était  mon 
ami  :  Va,  tue  Ahikar  à  la  porte  de  sa  maison  et  donne  son  corps 
pour  être  enterré.  » 


a  Nabousemak  n'est  pas  nommé  ici  dans  NS. 


5.  L'édition  de  Cambridge  et  le  ms.  néo-araméen  de  M  Lidzbars- 
kl  portent  dans  le  texte  Yabousemak,  mais  le  ms.  5  porte  partout 
Nabousemak..  qui  est  sans  doute  la  bonne  leçon,  «  Nabû  appuie.  » 
y. supra,  p.  11.  Ag  :  Abou  Someika  ;  F:  Yapousmak  ;  A  :  Abou  Samik 
et  Ibn  Samik 

Mon  ami.  Nous  adoptons  la  traduction  proposée  par  M.  Rendel 
Harris  (p.  69,  note  1)  ;  ff  fait  de  ces  é|.ithètes  une  suite  du  nom 
propre   et  transcrit  :  Nabousemak  Meskin  Kenoth. 


X,  1-2  AI.UKAR    ANNONCE    SA    CONDAMNATION  197 

CHAPITRE  Xa 
Ahikar  annonce  sa   condamnation  à   Esfagni  sa  femme. 


1.  Et  moi,  A^iikar,  j'envoyai  dire  à  ma  femme:  a  Viens  au- 
devant  de  moi  et  amène  avec  toi  mille  jeunes  filles  *  habil- 
lées de  fin  lin,  de  pourpre  et  de  safran  ^  ^,  qui  danseront 
au-devant  de  moi  et  se  lamenteront  jusqu'à  ma  mort. 

2.  (f  Prépare  du  pain  au  bourreau  Nabousemak,  mon  ami, 
et  aux  Parthes  qui   l'accompagnent,  sors  à  leur  rencontre 


^  C  :  a.  mille  et  une  jeunes  filles  de  ma  famille.  » 
2  C  :  ((  habillées  de  deuil.  » 


a  ix-x.  Dans  /'',  c'est  Zéfagnie  qui  implore  inutilement  le  roi  et 
qui  demande  du  moins  de  ne  le  faire  mourir  que  chez  lui.  C'est 
elle  qui  a  fidée  de  préparer  le  festin  pour  les  bourreaux  et  c'est 
encore  elle  qui  a  sauvé  jadis  Yapousmak,  lorsque  son  frère  Ser- 
kadoum,  père  de  Sinkarib,  voulait  le  faire  mettre  à  mort  ;  elle 
obtient  donc  qu'il  mette  à  mort  «  un  vieil  esclave  magicien, 
souillé  des  plus  grands  crimes,  en  place  de  Hicar.  » 

b  NS  :  «  habillées  de  soie  et  de  pourpre.  » 


X.   Voir  supra  i,  p.  9  et  comparer   :  'Ao-pevàs,    do    Daniel,  i,    3.  — 
Ce  mot  persan  signifie  «  hôte,  hôtelier  »  (Halévy). 

2.  Mon  ami.  Nous  adoptons —  ici  comme  plus  haut  —  la  conjecture 
de  l'édition  anglaise   (p.  69,  note  1).  Rapprocher  de  ce    nom  propre 
j'/4/iisemaA- de  Exode,  XXXI,  6  ;  XXXV,  34.  Le  grec  porte  "EpfAiTCTroi;  et  cela 
vient  peut-être,  dit  M.  Meissner  (p.  185),  de  ce  que  Nabû  =  Hermès. 


198  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XI,  1-4 

et   fais-les  entrer  chez  moi,  afin  que   moi  aussi  je  puisse 
entrer  dans  ma  maison  comme  un  étranger  a.  » 


CHAPITRE   XI 
De  ce  que  Esfagni,  femme  d'Ahikar,  sortit   au  devant  de  lui. 

1.  Ma  femme,  lorsqu'elle  reçut  les  messagers  (que  je  lui 
avais  envoyés),  fut  remplie  d'une  grande  sagesse  et  accom- 
plit ^  tout  ce  que  je  lui  avais  Aut  dire  b. 

2.  Elle  sortit  au  devant  de  Nabousemak  et  des  Parthes  ^ 
et  les  fit  entrer  dans  sa  maison. 

3.  Esfagni  apporta  du  pain  à  Nabousemak  et  aux  Par- 
thes,  elle  leur  fournit  aussi  du  vin  et  le  leur  versa^.  Esfagni 
les  servit  jusqu'à  ce  que  tous  fussent  ivres  et  endormis. 

1  C  :  «  comme  elle  était  très  sage,  elle  comprit.  » 

2  C  :  «  au-devant  d'eux...  dans  ma  maison.  » 

*  C  :  «  Elle  les  fit  entrer  dans  ma  maison  et  ils  mangèrent  du 
pain.  » 


a  NS  :  «  Et  toi,  ma  femme,  retourne  à  ma  maison,  et  prépare 
ma  table  avec  de  la  nourriture  pour  le  bourreau  et  pour  les  Per- 
ses et  les  Assyriens  qui  l'accompagnent.  Va  donc  à  mon  apparte- 
ment et  donne-leur  bonne  nourriture  et  agréable  boisson,  mélan- 
ge du  vin  et  donne-leur  à  boire.  Veille  toi-même  au  service.  »  — 
Ici  et  plus  hâsA  et  Ag  ne  mentionnent  pas  les  Parthes. 

b  NS  :    «.    Ma  femme   Aschfeghni    était    une    femme    intelli- 


2.  Aux  Parthes.  Ce  mot  figure  cinq  fois  dans  B,  trois  fois  dans 
C.  M.  Vetter  propose  de  le  remplacer  par  «  Partourié  »  ou  «  Pré- 
torié  »,  les  prétoriens  ou  les  gardes  du  corps.  Cette  correction,  qui 
modernise  Ahikar,  ne  semble  pas  nécessaire.  Les  Parthes  pouvaient 
être  connus  dès  le  iv'  siècle  avant  J.-C. 


XI,  4- XII,  2   AHIKAR    DEMANDE    A    n'ÉTRE   PAS    MIS   A    MOItT       199 

4.  Quand  les  Parthes  se  furent  enivrés  avec  le  vin,  ils 
tombèrent  dans  un  profond  sommeil  et  chacun  d'eux  s'en- 
dormit à  sa  place  ^. 

5.  »Je  louai  Dieu,  maître  du  ciel  et  de  la  terre,  de  tout 
ce  qui  avait  lieu  et  je  dis  :  «  0  Dieu,  sauveur  du  monde, 
toi  qui  sais  ce  qui  a  été  et  ce  qui  sera,  vois-moi  d'un  œil 
miséricordieux  devant  Nabousemak.  » 


CHAPITRE    XII  b 
Ahikar  demande  à  Nabousemak  de  n'être  pas  mis  à  mort. 

1.  c  Alors  moi,  Ahikar,  lorsque  je  vis  cela,  je  pris  la  parole 
et  je   dis  à   Nabousemak  : 

2.  «  Lève  les  yeux  au  ciel,  o  Nabousemak,  et  regarde 
Dieu.  Souviens-toi  du  pain  et  du  sel  que  nous  avons  mangé 
ensemble  et  ne  médite  p;is  ma  mort. 

^  C  :  a  Elle  les  servit  de  sa  raain  jusqu'au  moment  où,  du 
fait  de  leur  ivresse,  ils  dormirent  à  leur  place.  »  La  lin  de  ce 
chapitre  manque  dans  A,  C. 


gente  et  de  grand  savoir.  Elle  fit  donc  tout  ce  que  je  lui  avais 
commandé,  elle  leur  dressa  une  table  et  leur  mélangea  du  vin.  » 

a  XI,  2-5.  NS  :  «  Ils  mangèrent  et  burent,  tandis  qu'elle  les 
servait;  ils  s'enivrèrent  et  dormirent  à  leur  place.  » 

•>  xii-xv.  G  :  «  Or  Ileruiippos  était  ami  d'Esope  et  il  le  fil  bien 
voir  :  il  le  cacha  dans  un  tombeau  à  l'insu  de  tous,  et  il  le  nour- 
rit en  secret.  Ennos,  sur  l'ordre  du  roi,  s'empara  de  tous  les  biens 
d'Esope.  » 

c  iV.V  :  «  Alors  moi,  Chickâr,  je  dis  au  bourreau  dont  le  nom 
était  Nabusmîk.  »  le  ins.  porte  aussi  Yabusmîk,  mais  M.  Lidz- 
barski  le  corrige  en  Nabu  —  Dans  /',  c'est  Zéfagnie  qui  adresse 
la  parole  à  Nabousemak  :   «  Vous  souvenez-vous  que  quand  le 


200  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XII,  3-6 

3.  «  Souviens-toi  que  le  père  de  mon  seigneur  le  roi  *  t'a 
aussi  livré  à  moi  pour  que  je  têtue,  et  je  ne  t'ai  pas  tué  parce 
que  j'ai  reconnu  que  [tu]  n'avais  pas  péché,  je  t'ai  laissé 
la  vie  jusqu'au  jour  où  le  roi  t'a  demandé  et  [lorsque  je  t'ai 
amené  devant  lui]  il  m'a  donné  de  nombreux  présents, 

4.  «  Toi  donc,  sauve-moi  mnintenant.  De  crainte  que  le 
bruit  ne  s'en  répande  et  qu'on  ne  dise  :  Il  n'a  pas  été  mis  à 
mort,  — voilà  que  j'ai  dans  ma  prison  un  homme  ^  qui  mé- 
rite la  mort,  prends  mes  habits,  revêts-l'en,  puis  envoie  les 
Parthes  pour  le  tuer,  [et  moi  je  ne  mourrai  pas  parce  que  je 
n'ai  pas  péché.  » 

5.  Quand  j'eus  dit  cela,  Nabousemak  le  bourreau,  mon 
ami,  fut  aussi  rempli  de  tristesse  à  mon  sujet,  il  prit  mes 
habits  et  les  fit  revêtir  à  l'esclave  qui  était  en  prison,  puis  il 
réveilla  les  Parthes,  qui  se  levèrent  sous  l'influence  du  vin 
et  le  tuèrent  ;  ils  éloignèrent  sa  tête  à  cent  coudées  de  son 
cadavre  et  donnèrent  son  corps  pour  être  enseveli]  ^. 

6.  Alors  le  bruit  se  répandit  dans  l'Assyrie  et  à  Ninive 
que  Ahikar  était  tué. 


^  A,  Ag,  C  :  1  Souviens-toi  que  jadis  Sarhédora,  père  de  Sen- 
nachérib,  » 

2  C  :  «  un  serviteur,  nommé  Manzifar.  »  —  La  traduction 
anglaiseporte  à  tort  Marzifan(p.70).  Cf.  plushaut,p.  13, et  'Acrae- 
vaçâp  dans  Esdras,  iv,  10. 

*  Les  phrases  entre  crochets,  traduites  sur  C,  sont  rem- 
placées dans  D  par  :  «  ensuite  l'homme  fut  tué.  Il  excita  les 
Parthes  contre  lui  et,  à  cause  de  leur  ivresse,  ils  tuèrent  cet 
homme.  » 


roi  Sarkadoum,  mon  frère,  père  de  Sinkarib,  voulut  vous  faire 
mourir,  je  trouvai  le  moyen  de  vous  dérober  à  sa  colère.  » 


XIII,   i-2  AHIKAR    EST    CACHÉ  201 

CHAPITRE  XIII 
Âhikar  le  scribe  est  caché. 


1.  Alors  Nabousemak,  avec  ma  femme  Estagni,  lia  me 
faire  dans  la  terre  une  cachette  de  trois  coudées  de  large 
sur  quatre  de  long  et  cinq  de  haut  ^  a^  ils  me  donnèrent  du 
pain  et  de  l'eau  et  allèrent  annoncer  à  mou  Seigneur  le  roi 
que  Ahikar  avait  été  mis  à  mort. 

2.  Le  roi  dit  :  «  Les  souffrances  d'Ahikar  sont  retombées 
sur  moi  ;  toi,  le  scribe  et  le  sage  qui  défendais  la  brèche 
de  la  ville,  je  t'ai  fait  périr  sur  des   paroles    d'enfant  ^  b.  » 


^  C  :  «  Ils  me  firent  dans  la  terre  une  cachette  de  trois 
coudées  de  large  et  de  cinq  coudées  de  haut  sous  le  seuil  de  ma 
maison.  » 

2  C  :  a  Ils  allèrent  annoncer  au  i*oi  Sennachérib  que  le  scribe 
Ahikar  était  mort.  Lorsque  les  hommes  l'apprirent,  ils  pleurè- 
rent et  les  femmes  déchirèrent  leur  visage  et  dirent  :  Deuil  sur 
toi  !  Ahikar,  le  sage  scribe,  qui  réparais  les  brèches  de  notre 
pays  ;  jamais  nous  n'en  avons  eu  comme  toi  !.  5> 


a  NS  :  «  14  coudées  de  long,  7  de  large  et  5  de  haut,  » 
b  NS  :  «  Je  souffre  à  cause  de  toi,  scribe  habile,  qui  connais- 
sais les  secrets  et  interprétais  les  paroles  difficiles  et  obscures. 
Malheur  à  nous  à  cause  de  loi  !  où  en  trouverons-nous  un  sem- 
blable H  toi  ?  d'où  nous  viendra  un  homme  intelligent,  savant  et 
sage  comme  toi,  qui  prenne  ta  place  ?  » 


2.  Cf.  Eccle.,  IX,  15. 


202  HISTOIRE    ET  SAGESSE    d'ahIKAR  XIV,  1 -XV,  1 


CHAPITRE  XIV  a 

Que  le  roi  ordonna  à  Nadan  de  me  faire  des  funérailles 
et  un  deuil. 

1.  Alors  le  roi  appela  Nadan,  mon  fils,  et  il  lui  dit  :  «  Va 
faire  des  funérailles  à  ton  père  *.  » 

2.  Nadan,  mon  fils,  vint  à  ma  maison,  il  ne  me  fit  pas  de 
funérailles  et  ne  fit  pas  mémoire  de  moi,  mais  il  réunit  des 
femmes  ^  débauchées  et  il  les  fit  asseoir  ^  pour  manger  et 
boire  au  milieu  des  chants  et  de  l'allégresse. 

3.  Il  tua,  dépouilla  et  frappa  mes  serviteurs  et  mes  ser- 
vantes ;  il  ne  respecta  même  pas  ma  femme  qui  l'avait  éle- 
vé et  lui  demanda  à  commettre  avec  elle  l'acte  d  adultère 
et  de  fornication. 


CHAPITRE  XV 
Prière  qu'Âhikar  adresse  à  Dieu. 

1.  A  l'intérieur  de  la  fosse  obscure,  j'entendais  la  voix  de 
mes  cuisiniers  4^  de  mes  pâtissiers  et  aussi  de  mes  boulan- 
gers qui  se  lamentaient  et  pleuraient. 


*  C  ajoute  :  «  et  viens  près  de  moi.  » 
2  C,  NS  :  «  des  hommes.  » 

^  C  ajoute  :  «  à  ma  table.  » 

*  C  :«Et  moi  Aliikar,  je  gisais  dans  les  ténèbres,  dans  la  fosse 
d'en  dessous,  et  j'entendais  la  voix  de  mes  cuisiniers.  » 


■  xiv-xv  manquent  dans  F. 


XV,  2- XVI,  1  LETTRE    DE   PHARAON  203 

2.  J'adressais  sans  cesse  ma  prière  à  Celui  qui  vit  tou- 
jours a. 

3.  Après  (un  certain  nombre  de)  jours,  Nabousemak 
vint,  m'ouvrit  et  me  donna  du  pain  et  de  l'eau.  Je  lui  dis  ; 
«  Fais  mémoire  de  moi  devant  Dieu  ^  et,  d'après  ce  que  tu 
vois,  dis-lui  ; 

4.  «  O  Seigneur  Dieu,  juste  et  bon  diins  le  ciel  et  sur  la 
terre,  (jusqu'à)  maintenant  Ahikar  était  protégé  par  toi,  il 
te  sacrifiait  des  bœufs  gras  et  voilà  qu'il  gît  dans  une  fos- 
se obscure,  où  la  lumière  ne  lui  arrive  pas.  Ecoute,  Sei- 
gneur, la  voix  de  ton  serviteur  et  prends  pitié  de  lui  ^  b.  » 


CHAPITRE  XVI 

Lettre   que  Pharaon  roi  d  Egypte   envoya  à  Sarhédom  ^  roi 
d'Assur  et  de  Ninive. 

1.  Lorsque  le  roi  d'Egypte  apprit  que  moi,  Ahikar,  j'é- 
tais mort,  il  fut  dans  une  grande  joie  et  envoya  une  lettre 
à  Sarhédom  ^  : 

^  B  :  n  devant  le  roi.  »  Ce  ms.  porte  «  Dieu  »  plus  loin,  aussi 
bien  que  C. 

*  C  :  ((  et  dis  :  Dieu  juste  et  droit,  qui  répands  la  grâce  sur  la 
terre,  écoute  la  voix  d'Ahikar  ton  serviteur  et  souviens-toi  qu'il 
te  sacrifiait  des  bœufs  gras  comme  des  jeunes  veaux,  et  mainte- 
nant il  gît  dans  une  fosse  obscure,  où  il  ne  voit  pas  la  lumière. 
Est-ce  que  tu  ne  le  sauveras  pas,  lui  qui  crie  vers  toi  !  Ecoute, 
mon  Seigneur,  la  voix  de  mon  ami.  » 

'  A,  C,  F  portent  «  Sennachérib  »  ici  et  au  v.  2. 


a  NS  :  «  Je  me  tournai  de  nouveau  vers  le  Seigneur  et  je 
criai  :  Seigneur,  adoucis  ma  douleur,  —  et  je  pleurais  amè- 
rement. » 

b  4  manque  dans  NS, 


204  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XVI,  2-4 

2.  a  Le  roi  d'Egypte  à  Sarhédom,  roi  d'Assur  et  de  Ni- 
nive,  salut  ^. 

3.  «  Je  dois  bâtir  une  forteresse  entre  le  ciel  et  la  terre, 
envoie-moi  ^  un  homme  sage,  un  architecte,  que  je  charge- 
rai de  tout  ;  je  l'interrogerai  et  il  me  répondra. 

4.  «  Si  l'homme  que  tu  m'enverras  fait  tout  ce  que  j'ai 
dit,  je  lèverai  et  je  t'enverrai  par  ses  mains  le  tribut  de 
trois  ans  de  i'Egypte.  Si  tu  ne  m'envoies  pas  un  homme 
qui  puisse  faire  ce  que  j'ai  dit,  alors  lève  et  envoie-moi, 
avec  le  messager  que  je  t'ai  adressé,  le  tribut  de  trois  ans 
d'Assyrie  et  de  Ninive  a.  « 


^  B  porte  en  plus  la  phrase  suivante  qui  semble  encore  être 
un  titre  :  «  Lorsque  (ou  :  de  ce  que)  Sarhédom  reçut  les  messa- 
gers de  Pharaon  avec  sa  lettre  et  la  lut.  « 

2  C  :  «  cherche  et  envoie.  » 


a  G  :  «  Au  bout  de  quelque  temps,  Nectanébo,  roi  des 
Egyptiens,  persuadé  qu'Esope  était  mort,  envoya  aussitôt  une 
lettre  à  Lycèros  lui  demandant  de  lui  adresser  des  architectes 
pour  lui  bâtir  une  tour  qui  ne  toucherait  ni  le  ciel  ni  la  terre, 
et  quelqu'un  pour  répondre  à  tout  ce  qu'on  lui  demanderait  ; 
s'il  le  faisait,  il  percevrait  des  tributs,  sinon  il  les  paierait.  » 
—  Ag  :   ((   Salut    et  honneur    au  roi    Senkharib.  L'Egypte  est 


3.  M.  Meissner  fait  remarquer  (p.  190-1)  que,  d'après  Tabari  et 
Hamze,  le  roi  perse  Kai-Kaos  se  fait  bâtir  par  les  démons  une  ville 
entre  le  ciel  et  la  terre.  Cette  histoire  a  passé  dans  le  Talmud.  Cf. 
supra,  p.  66. 

4.  Cet  échange  d'énigmes  entre  rois  est  une  idée  biblique.  On  en 
raconte  autant  de  Salomon  et  Hiram.  Cf.  Josèphe,  Antiquités  juives, 
VIII,  5.  La  reine  de  Saba  proposait  aussi  des  énigmes  à  Salomon, 
II  Parai.,  ix,  1.  Enfin  les  Proverbes  de  Salomon  devaient  préparer  le 
sage  à  interpréter  les  énigmes,  Prov.,  i,  6. 


XVII,   1-2  SAnHÉDOM    RÉUNIT    LES    SAGES  205 


CHAPITRE  XVII 

Que  le  roi    Sarhédom   réunit  tous  les  principaux  de   son 
royaume  et  leur  fit  connaître  la  lettre  de  Pharaon. 

1.  Quand  cette  lettre  eut  été  lue  devant  le  roi,  il  fit  réu- 
nir tous  les  principaux,  les  sages,  les  mages  et  les  savants 
de  son  royaume  et  il  dit  :  «  Lequel  d'entre  vous  ira  en 
Egypte  et  répondra  à  Pharaon  ^  »  ? 

2.  Les  nobles  répondirent  au  roi  et  lui  dirent  tous  :  «  Tu 
sais,  Seigneur  roi,  que  de  ton  temps  et  du  temps  de  ton 


1  C  ajoute  :  «  sur  tout  ce  qu'il  lui  demandera,  et  lui  bâtira  le 
château  qu'il  réclame,  et  prendrale  tribut  de  trois  ans  de  l'Egypte 
et  l'apportera.  » 


la  mère  du  monde  :  tous  les  peuples  nomment  ses  édifices  des 
merveilles  ;  moi,  je  veux  aller  plus  loin  que  les  Pharaons,  mes 
prédécesseurs,  je  veux  construire  un  palais  entre  le  ciel  et 
la  terre.  S'il  se  trouve  dans  tes  états  un  architecte  assez  habile 
pour  opérer  ce  prodige,  et  assez  instruit  en  même  temps  pour 
résoudre,  sans  hésiter,  les  questions  les  plus  épineuses,  adresse- 
le  moi  ;  je  te  promets,  en  échange,  les  revenus  de  l'Egypte 
pendant  trois  ans  ;  sinon  trois  ans  des  revenus  de  l'Assyrie  me 
seront  payés.  »  La  lettre  du  roi  d'Egypte  commence  dans  /"par 
l'apophthegme  :  «  Que  l'homme  qui  n'est  point  instruit  renonce 
à  commander.  »  —  F  porte  :  «  Je  vous  ferai  payer,  pendant 
quatre  ans,  le  dixième  des  revenus  de  l'Egypte.  » 


1.  Convocations  analogues   dans  Daniel,  ii,  2  ;    iv,  4  ;  v,  7. 


206  HISTOIRE    BT    SAGESSE    d'ahIKAU  XVIII,  1-2 

père  1,  Ahikar  le  scribe  résolvait  toutes  les  questions  de  ce 
genre,  et  maintenant  Naclan,  son  fils,  qui  a  appris  son  mé- 
tier de  scribe  et  qui  connaît  sa  sagesse  ira  résoudre  cette 
affaire  a.  » 


CHAPITRE  XVIII  b 
Qu'on  appela  Nadan  devant  le  roi  et  il  entendit  sa  voix^. 

1.  Alors,  lorsque  Nadan  entendit  ces  paroles  2,  il  cria 
fort  devant  le  roi  et  dit  au  roi  :  «  Les  dieux  ne  pourraient 
pas  faire  de  telles  choses,  comment  les  hommes  le  pour- 
raient-ils ?  » 

2.  A  ces  paroles,  le  roi  fut  saisi  de  tristesse  et  de  peine, 
il  quitta  son  siège,  s'assit  sur  un  sac  ^  et  pleura. 

1  C  :  «  de  ton  père  Sarhédora.  » 

2  II  n'y  a  pas  de  lacune  dans  le  ms  B,  mais  le  paginateur  a 
passé  de  36  à  39. 

^  C  :  ((  sur  la  terre.  » 


a  G  :  «  Cette  lettre,  lue  à  Lycéros,  le  jeta  dans  le  décourage- 
ment, car  aucun  de  ses  amis  ne  pouvait  comprendre  le  problème 
concernant  la  tour.  » 

^  xviii-xx.  G  :  «  Le  roi  alla  jusqu'à  dire  qu'il  avait  perdu  la 
colonne  de  son  royaume  avec  Esope.  Hermippos,  apprenant  la 
tristesse  du  roi  au  sujet  d'Esope,  alla  le  trouver  et  lui  annonça 
que  celui-ci  vivait,  ajoutant  qu'il  ne  l'avait  pas  tué  parce  qu'il 
savait  que  le  roi  se  repentirait  bientôt  de  la  sentence  qu'il  avait 
portée,  » 

c  xvin.  C'est  chez  sa  tante  Zéfagnie —  d'après  F  —  que  le  roi 


1.  Cf.  Daniel,  n,  11. 

2.  Cf.  Jonas,  111,6  :  «  Surrexit  de  solio  suo...  indutus  est  sacco  et 
sedit  in  cinere.  > 


XVIII,  3-XIX,  1  RETOUR  d'ahikar  207 

3.  En  pleurant,  il  disait  ;  «  Malheur  sur  toi,  Ahikar  le 
scribe,  que  j'ai  fait  périr  sur  les  paroles  d'un  enfant,  et  il 
ne  me  reste  personne  comme  toi  qui  le  ressemble.  Qui  te 
rendra  à  moi  anjourd  hiii  ?  Je  lui  donnerais  ton  poids 
d'or  *  !  » 


CHAPITRE  XIX 

Que  Nabousemak  cherche  à  faire  connaître  au  roi  ce  qui 
concerne  Ahikar,  le  scribe. 

1.  Alors,  lorsque  Nabousemak  entendit  le  roi  pronon- 
cer de  telles  paroles,  il  se  prosterna  à  terre,  l'adora  et  dit  : 
«  O  roi,  vis  à  jamais  !  celui  qui  méprise  la  parole  de  son 
maître  est  digne  de   mort  ;   ordonne  donc  de  me  crucifier 


1  C  :  «  cent  talents  d'or  et  cinquante  talents  de  pourpre.  » 


expose  ses  peines  et  ses  regrets  d'avoir  fait  mourir  Hicar.  Il 
veut  vénérer  ses  restes,  alors  Zéfagnie  lui  apprend  qu'il  est  vi- 
vant. Elle  ne  parle  pas  de  Yapousmak,  de  crainte  que  le  roi  ne 
lui  tienne  rancunede  sa  désobéissance,  et  Hicar  demande  à  pas- 
ser encore  pour  mort  afin  que  le  roi  d'Egypte  n'invenle  pas  de 
nouvelles  difficultés.  Hicar  se  préparera  et  se  mettra  en  route 
sous  le  nom  d'Abicara,  astrologue  chaldéen,  protégé  de  Zéfagnie, 
Nadan  en  particulier  n'a  aucune  connaissance  de  ce  qui  s'est 
passé. 


3.  L'arabe  ajoute  que  le  peuple,  pour  n'avoir  pas  à  payer  le  tribut 
au  roi  d'Egypte  s'enfuyait  en  Egypte.  Cf.  Il  Rois,  xxv,  26,  où  l'Egypte 
est  déjà  le  lieu  de  refuge  contre  les  Chaldéens. 


208  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XIX,  1-3 

sur  le  bois  puisque  j'ai  désobéi  à  ta  parole,  car  Aliikar  que 
tu  m'avais  ordonné  de  tuer  est  encore  vivant  a.  » 

2.  Le  roi  répondit  à  Nabousemak  :  «  Parle,  Nabouse- 
mak,  car  tu  es  un  homme  bon  et  juste,  incapable  de  com- 
mettre le  mal;  s'il  en  est  comme  tu  le  dis  et  si  tu  me  mon- 
tres Ahikar  en  vie,  je  te  donnerai  de  grands  présents  :  dix 
mille  talents  d'argent  et  cent  habits  de  pourpre  b.» 

3.  Quand  Nabousemak  entendit  le  roi  parler  ainsi,  il 
commença  à  dire  :  «  Je  prie  mon  seigneur  le  roi  de  me 
dire  une  seule  chose  :  qu'il  oublie  ce  péché  et  qu'il  n'en 
conserve  pas  de  colère  contre  moi  »,  —  et  le  roi  le  lui 
jura  avec  joie  ^  c. 


1  C:  «Et  Nabousemak  lui  dit  :  Jure-moi,  mon  seigneur 
roi,  que  si  je  n'ai  pas  d'autres  péchés  devant  toi,  tu  ne  m'impu- 
teras pas  celui-là.  —  Et  il  lui  donna  la  main  à  ce  sujet.  » 


a  NS  :  «  Lorsque  moi,  Nabusmîk,  le  bourreau,  j'entendis 
cela  et  vis  la  tristesse  et  les  larmes  du  roi  au  sujet  de  Ghi- 
kâr,  je  m'avançai,  je  me  prosternai  devant  le  roi  et  je  lui 
dis...  » 

i>  NS  :  ((  Je  te  donnerai  jusqu'à  la  moitié  de  mon  royaume, 
cent  talents  d'or  et  cinquante  talents  de  pourpre  avec  des  habits 
de  soie.  » 

c  Dans  NS,  Nabusmîk  demande  encore   au   roi  de  jurer  seu- 
lement qu'il  ne  le  punira  pas  de  sa  désobéissance. 


2.  Cf.  Daniel,  v,  16. 


XX,  1-XXI,  2  RETOUR    d'ahikau  209 

CHAPITRE  XX 
Que  Nabousemak  délivra  Ahikar  le  scribe. 

1.  Alors  Nabousemak^  monta  aussitôt  sur  un  char  et 
arriva   aussi    rapide   qu'un  vent  violent  ^. 

2.  II  m'ouvntet  je  montai  ;  je  ne  fus  pas  confondu  parce 
que  j'avais  espéré  en  Dieu. 

CHAPITRE  XXI 
Que  Nabousemak  conduisit  Ahikar  au  roi. 

1.  Je  me  prosternai  à  terre;  mes  cheveux  descendaient 
sur  mes  épaules,  ma  barbe  arrivait  jusqu'à  ma  poitrine, 
mon  corps  était  souillé  de  poussière  et  mes  ongles  étaient 
aussi  longs  que  ceux  de  l'aigle. 

2.  Quand  le  roi  me  vit,  il  pleura  beaucoup  et  me  dit  ^  : 
«  0  Ahikar,  je  n'ai  pas  péché  contre  toi,  mais  c'est  ce  fils 
que  tu  as  élevé  qui  a  péché  contre  toi.  » 


^   C  :  «  le  roi.  » 

2  (7  :  ((  Aussitôt  le  roi  monta  sur  un  char  et  arriva  rapide- 
ment près  de  moi.  Il  m'ouvrit,  je  montai  et  allai  tomber  devant 
le  roi.  » 

3  C  :  «  il  pleura  et  avait  honte  de  me  parler.  II  me  dit  avec 
grand»  compassion.  » 


XX.  Titre,  Déli\'ra,  litt.  :  a  ouvrit  devant.  > 
1.    Violent,  litt.  :  «  qui  souffle.  » 

XXI,  1.  Cf.  Daniel,  iv,  30. 


210  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXII,  1-3 

CHAPITRE  XXII  a 
Ahikar  répond  au  roi. 

1.  Alors  je  répondis  et  je  dis  au  roi  :  «  Mon  seigneur, 
maintenant  que  j'ai  vu  ton  visage,  je  n'ai  plus  de  mal.  » 

2.  Alors  le  roi  répondit  et  me  dit  :  «  Va  à  ta  maison, 
coupe  tes  cheveux,  lave  ton  corps  dans  l'eau,  recueille-toi 
durant  quarante  jours,  puis  tu  viendras  près  de  moi  b.  » 

3.  Alors  j'allai  à  ma  maison  et  je  fis  ce  que  m'ordonnait 
mon  seigneur  le  roi  ;  je  demeurai  vingt  jours  ^  dans  ma 
maison  et,  lorsque  j'eus  repris  mes  forces,  je  vins  devant  le 
roi. 


*  C  :  «  trente  jours.  »  — NS  :    «  seulement  vingt  jours.  » 
A  :  «  quarante  jours.  » 


a  xxi-xxii.  G  :  «  Comme  le  roi,  à  cette  nouvelle,  était  trans- 
porté de  joie,  on  lui  amena  Esope  couvert  de  crasse  et  de  mal- 
propreté. A  sa  vue,  le  roi  se  mit  à  pleurer  et  lui  commanda  d'al- 
ler prendre  un  bain  avec  tous  les  soins  nécessaires  ;  après  quoi 
Ésope  se  disculpa  des  fautes  dont  on  l'avait  accusé.  Le  roi  vou- 
lut faire  mourir  Ennos,  mais  Esope  implora  son  indulgence.  » 

b  Ag  :  a  Ma  disgrâce,  répondit  Heykar,  a  été  l'ouvrage  d'un 
perfide  et  d'un  ingrat  :  voilà  ce  qu'on  doit  attendre  des  enfants 
de  l'iniquité.  J'ai  cultivé  un  palmier  pour  servir  d'appui  à  ma 
vieillesse,  et  ce  palmier  s'est  penché  sur  moi  et  m'a  renversé; 
mais,  puisque  le  Ciel  a  conservé  une  vie  qui  est  dévouée  à  votre 
service,  bannissez  désormais  toute  inquiétude  et  reposez-vous 
sur  moi  des  soucis  de  Terapire  »  (sic  A). 


2.  Recueille-toi,  litt.  :  «  ton  esprit  entrera  en  toi.  » 

3.  Repris  mes  forces^  litt.  :  «  fortifié  mon  âme.  » 


XXIII-XXIV,  1  AI.IIKAR    RÉPOND    AU     ROI  211 

CHAPITRE  XXIII 

Lorsque  Ahikar  vint  près  du  roi  après  sa  sortie  du  cachot 

où  il  avait  été  enfermé,  le  roi  lui  fit  connaître  la  lettre 

envoyée  par  le  roi  d'Egypte. 

Alors  le  roi  reprit  et  me  dit  :  «  Vois,  Ahikar,  les  Égyp- 
tiens, comment  ils  m'ont  écrit  et  quel  tribut  ils  imposent  à 
Assur  et  à  Ninive  a.  » 

CHAPITRE   XXIV  b 
Ahikar  répond  au  roi. 

1.  Alors  je  lui  répondis  et  dis  :  «  Mon  seigneur  le  roi, 
vis  à  jamais  !  Ne  te  fais  ni  soucis  ni  peine  au  sujet  de  cette 


*  Ag  :  «  Senkharib  raccueillit  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion, le  fit  asseoir  à  ses  côtés  et  lui  remit  la  lettre  de  Pharaon.  Il 
l'avertit  en  même  temps  qu'un  grand  nombre  d'Assyriens  s'étaient 
enfuis  en  Egypte,  craignant  qu'on  ne  les  obligeât  à  payer  leur  part 
du  tribut  exigé  par  Pharaon  si  sa  demande  n'était  pas  satisfaite.  » 
Cf.  infray  xxvi,  1  ;  xxxi,  2,  et  supra,  p.  207,  3  (note), 

^  G  :  IX.  En  conséquence,  le  roi  fit  lire  à  Esope  la  lettre  de 
l'Egyptien  ;  il  vit  aussitôt  la  solution  du  problème,  se  prit  à 
rire  et  fit  répondre  qu'après  l'hiver  on  enverrait  des  gens  pour 
bâtir  la  tour  et  quelqu'un  pour  répondre  à  toutes  les  ques- 
tions. Le  roi  renvoya  les  ambassadeurs  Egyptiens,  rendit  à  Esope 
tous  les  biens  qu'il  avait  possédés  et  livra  Ennos  à  sa  discrétion. 
Ésope,  emmenant  Ennos,  ne  lui  causa  aucun  désagrément,  mais 
se  conduisant  à  nouveau  envers  lui  comme  envers  un  fils,  il  lui 
mit  encore  dans  l'esprit  ces  autres  paroles.  »  —  Le  grec  n'a  pas 
donné  d'autres  maximes  ;  celles-ci,  au  nombre  de  quinze,  sont 
donc  les  seules  !   Elles  ne  sont  pas  apparentées  textuellement 


212  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAH  XXIV,  1-XXV,  1 

affaire,  j'irai  en  Egypte  et  je  donnerai  réponse,  je  donne- 
rai à  tous  tes  ennemis  l'énigme  et  la  solution  '',  et  je  t'ap- 
porterai le  tribut  de  trois  ans  de  l'Egypte.  » 

2.  A  ces  paroles,  le  roi  se  réjouit  beaucoup  et  fit  un  jour 
de  réjouissance,  la  douleur  quitta  son  esprit,  il  sacrifia  des 
bœufs  et  des  brebis  et  me  donna  de  grands  présents, 

3.  Il  mit  aussi  Nabousemak  au-dessus  de  tous  ^  et  lui 
donna  un  rang  élevé. 

CHAPITRE  XXV  * 

Ahikar  écrit  une  lettre  à  E^fagni  sa  femme  ^. 

1.  [J'écrivis  ensuite  une  lettre  à  Esfagni  ma  femme]  ^  : 


1  C:  «  j'irai  en  Egypte,  je  bâtirai  un  château  au  roi  et  je  lui 
répondrai  à  tout  ce  qu'il  me  demandera.  » 
^  B  :  n  au-dessus  de  nous  tous.  » 
^  Sic  C.  B  omet  ces  mots. 


avec  les  maximes  des  textes  orientaux,  quelquefois  même  l'idée 
est  opposée.  Nous  les  traduisons  plus  loin,  Appendice  I.  Après 
ces  quinze  maximes,  le  grec  porte  :  «  Comme  Esope  exhortait 
ainsi  Ennos,  celui-ci  eut  l'âme  percée,  comme  d'un  trait,  par  ses 
discours  et  par  ses  propres  réflexions  et,  peu  de  jours  après,  il 
mourut.  »  Après  avoir  ainsi  terminé  l'histoire  d'Ennos,  le  grec 
raconte  l'ambassade  d' Ahikar  en  Egypte. 

a  xxiii-xxv.  Dans  F,  Ahikar  ne  vient  donc  pas  à  la  cour,  mais, 
sous  le  nom  d'Abicam,  il  fait  «  parcourir  les  déserts  dans  les- 
quels les  rochs,  ces  oiseaux  monstrueux,  ont  accoutumé  de 
nicher.  » 

1'  XXV.  G:  a  Ésope  ayant  convoqué  tous  les  oiseleurs,  leur  or- 


XXIV.  2.  Un  jour  de  réjouissance,  litt.  :  <  un  grand  jour.  > 


XXV,  2-3  AHIKAU   ÉCRIT    UNE    LETTRE    A    ESFAGNI    SA    FEMME  213 

2.  «  0  ma  femme,  quand  cette  lettre  t'arrivera,  ordonne 
aux  chasseurs  de  me  prendre  deux  jeunes  aigles,  dis  à  mes 
serviteurs  de  m'iipporter  un  fil  de  lin  et  de  m'en  faire  deux 
cordes  dont  l'épaisseur  soit  d'un  doigt  et  la  longueur  de 
mille  coudées»,  et  commande  aux  forgerons  de  me  faire 
deux  cages  ^. 

3.  «  Remets  Nabouhaîl  etTebsàlôm  b^  mes  serviteurs,  à 
sept  femmes  primipares  qui  les  allaitent  afin  qu'ils  gran- 
dissent ;  mets  près  d'eux  les  jeunes  aigles,  afin  qu'ils  gran- 
dissent ensemble  ;  donne-leur  chaque  jour  deux  brebis 
pour  nourriture. 

^  C  :  €  des  cages  pour  les  jeunes  aigles,  jj 


donna  de  captiver  quatre  jeunes  aigles.  Quand  ils  furent  pris,  il 
les  nourrit  et,  comme  on  le  raconte,  il  leur  apprit  (ce  que  j'ai 
peine  à  croire)  à  emporter  en  l'air  des  enfants  portés  dans  des 
corbeilles  fixées  à  leur  corps  et  à  obéir  à  ces  enfants  au  point  de 
les  emporter  en  l'air  ou  de  les  ramener  à  terre  à  leur  volonté.  » 

a  XXV,  1-2.  Ag:  a  Retiré  chez  lui,  Heykar  lit  appeler  des  chas- 
seurs et  leur  ordonna  de  prendre  deux  aiglons  vivants  ;  on  les 
lui  apporta.  II  commanda  en  même  temps  qu'on  lui  préparât 
deux  coffres  d'un  bois  fort  léger  et  deux  cordons  de  soie  de 
deux  mille  coudées  de  longueur.  »  ^V.S'  porte  aussi  «  deux  raille 
coudées.  » 

*>  A  et  Ag  ne  donnent  pas  les  noms  des  enfants.  C'est  tou- 
jours Ahikar  (et  non  sa  femme)  qui  fait  ces  préparatifs.  .lV.S' écrit: 
«  Nebuchal  et  Tabschalùn,  »  presque  identique  à  la  leçon  de  B. 

2.  «  Quatre  aigles  »  dans  le  giec,  uii  pour  cliaque  angle.  D  a- 
près  M.  Mcissner,  deux  paires  d'aigles  sont  peut-être  devenues  deux 
aigles,  p.  182.  Mais  M.  Lidzbarski  fait  remarquer,  Zeitschrift  der 
Deutschen  morgenlundischen  Gesellschaft,  1.  xlviii,  p.  674,  que  dans 
le  texte  syriaque  les  enfants  montent  sur  les  aigles.  H  suffit  donc  de 
deux  aigles  pour  deux  enfants. 

3.  Cr.  iN'abouel,  infra,  xxxii,  10. 

Tabsâloin.   Rapprocher    ce   nom  deTabèl,  Is.,  vu.  G;  Esdr.,  iv,  7. 


214  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXV,4-XXVI,    1 

4.  «  Que  les  enfants  apprennent  à  dire  ^  :  Apportez  de  la 
boue  et  du  mortier  ;  les  architectes,  hôtes  du  roi  ^,  man- 
quent de  travail  a.  » 

5.  Ma  femme  était  très  habile,  elle  fit  tout  ce  que  je 
lui  avais  commandé,  et  je  reçus  du  roi  l'ordre  d'aller  en 
Egypte. 

CHAPITRE  XXVI  b 

[Départ  pour  l'Egypte] 

1 .  A  cette  nouvelle,  les  Assyriens  et  les  Ninivites  se  réjoui- 
rent grandement  et  retournèrent  chez  eux  ^. 

1  C:  «  Et  toi,  donne-leur  Oubâîl  et  Tebsalom,  deux  enfants 
qui  ne  savent  pas  parler,  et  ils  leur  apprendront  à  dire.  » 

2  Ce  passage  semble  fixer  le  sens  du  mot  ôrhé.  Dans  le  ms.  C, 
ce  mot  est  encadré  entre  «  mortier  »  et  «  briques  ».  Les  édi- 
teurs l'ont  donc  traduit  par  «  tuiles  ».  —  Bar  Bahloul  dit  avo!r 
rencontré  ce  mot  dans  «  des  proverbes  araméens  »  et  lui  donne 
le  sens  de  a  château  »  et  «  palais  ».  Payne  Smith,  Thésaurus  sy- 
ri'acws,  1. 1,  col.  375.  Il  est  probable  que  Bar  Bahloul  vise  notre  ou- 
vrage et  donne  le  sens  de  «  palais»  parce  quil  s'agit,  d'après  le 
contexte,  de  construire  un  palais.  —  Le  sens  «  hôtes  »  est  suffi- 
sant, car  ce  sont  les  architectes  «  hôtes  du  roi  d'Egypte  »  qui 
devront  construii'e  le  palais  en  l'air.  Cf.  Journal  asiatique ^X.^  sé- 
rient. IX  (1907),  p.  149. 

^  Cette  phrase  manque  dans  C.  On  doit  l'entendre  des   gens 


a  Ag  .  «  Heykar  avait  ensuite  instruit  les  enfants  à  crier  de 
toutes  leurs  forces,  lorsqu'ils  se  verraient  au  milieu  des  airs  : 
Apportez-nous  des  pierres  et  du  mortier,  afin  que  nous  bâtis- 
sions un  palais  au  roi  Pharaon.  Nous  n'attendons  plus  que  les 
matériaux.  Ilâtez-vous  donc  de  nous  les  faire  parvenir  !...  C'est 
une  chose  inouïe  de  nous  laisser  ainsi  désœuvrés  !...  » 

''  XXVI.  G  :    «   A   la   sortie   de   l'hiver,    lorsque  le  printemps 


XXVI,  2-4  DÉPART    POUR    l'ÉGYPTB  215 

2.  Je  répondis  au  roi  :  «  Mon  seigneur  le  roi,  per- 
mets-moi [d'aller  en  Egypte,»  — et  quand  il  m'eut  ordonné 
d'y  aller]  ^  je  pris  avec  moi  une  nombreuse  troupe  et  je 
partis  a. 

3.  Quand  j'arrivai  à  la  halte  du  soir,  je  commençai  par 
licencier  les  troupes,  puis  je  sortis  lesjeunes  aigles,  j'atta- 
chai les  cordes  à  leurs  pieds  et  je  fis  monter  mes  enfants 
sur  eux,  puis  je  les  lâchai  et  ils  montèrent  en  haut  dans 
l'air. 

4.  Les  enfants  criaient  comme  on  le  leur  avait  appris  : 
«  Apportez  des  briques,  delà  boue  et  du  mortier,  les  hôtes 
et  les  architectes  du  roi  en  ont  besoin.  »  Après  cela,  je  les 
ramenai  près  de  moi. 


qui  s'étaient  déjà  mis  en  route  pour  se  rendre  en  Egypte  comme 
le  porte  d'ailleurs  NS  :  «  Lorsque  les  Assyriens  et  les  habitants 
de  Ninive  qui  s'étaient  enfuis  en  Egypte  entendirent  et  virent 
tout  ce  que  j'avais  fait  et  préparé,  ils  revinrent  dans  leur  pati'ie.  » 
*  Manque  dans  B. 


s'épanouit,  Ésope,  qui  avait  tout  préparé  pour  le  voyage,  prit 
avec  lui  les  enfants  et  les  aigles  et  partit  pour  l'Egypte.  II  s'en- 
toura de  beaucoup  de  luxe  et  de  gloire  afin  de  frapper  l'esprit 
des  indigènes.  » 

a  Dans  A  et  Ag,  Ahikar  fait  l'essai  de  son  invention  devant 
le  roi.  Par  contre  3-4  manquent.  —  Dans  F,  les  essais  ont  lieu 
en  secret  chez  Hicar  :  «  Les  rochs  ne  pouvant  encore  s'élever 
qu'avec  peine  suivaient  partout  les  enfants,  ainsi  qu'ils  auraient 
suivi  leur  mère  ;  les  enfants  montaient  sur  le  dos  des  oiseaux, 
qui  prenaient  plaisir  de  les  porter  ;  on  leur  attacha  de  petites 
selles  commodes,  sur  lesquelles  les  cavaliers  se  tenaient  avec 
grâce  sans  courir  le  risque  de  tomber,  car  on  les  y  avait  atta- 
chés. » 


216  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXVII,  1-3 


CHAPITRE   XXVII 

Entrée  d'Ahikar  en  Egypte  avec  les  messagers  de  Pharaon, 
roi  d'Egypte  '>. 

1.  Quand  j'arrivai  en  Egypte,  les  serviteurs  du  roi  le  lui 
annoncèrent  et  le  roi  ordonna  qu'Ahikar  vînt  près  de  lui^. 

2.  J'entrai  près  de  lui  et  le  saluai,  puis  il  me  dit:  «  Quel 
est  ton  nom.  »  — Je  répondis:  «  Abikam,  l'une  des  fourmis 
du  roi  de  Ninive,  » 

3.  Lorsque  Pharaon  l'entendit,  il  fut  irrité  et  dit  :  «  Suis- 
je  donc  tellement  méprisé  de  ton  maître  qu'il  m'envoie  une 
fourmi  pour  me  donner  réponse  c  !  » 


^  xxvii,  1-4.  Le  grec  suppose  qu'Ésope  se  fait  immédiatement 
reconnaître  :  «  Nectanébo,  apprenant  qu'Esope  (lui-même)  arri- 
vait :  Je  suis  tombé  dans  un  piège,  dit-il  à  ses  amis,  lorsque  j'ai 
entendu  dire  qu'Esope  était  mort.  » 

^xxvii,  1.  F:  ((  A  la  huitième  heure  écoulée  depuis  la  lettre  de 
Sinkarib  à  Pharaon,  Hicar,  sous  le  nom  d'Abicara,  demande  à  se 
mettre  en  route...  Zéfagnie  laccorapagne...  quatre  éléphants 
composent  tout  son  équipage...  et  cent  eunuques  à  cheval,  armés 
d'un  sabre  et  d'une  lance,  escortent  cette  petite  troupe...  La 
caravane  entière  arrive  à  Masser  (ou  Misr  =  l'Egypte).  » 

"^  Dans  F,  Abicara  répond  au  roi  :  «  Sire,  la  mouche  à  miel, 
placée  entre  les  oiseaux  et  les  insectes,  est  un  des  plus  petits 
animaux  ailés.  Voyez  (cependant)  quel  merveilleux  ouvrage  elle 
compose  !   11  est  admis  avec   distinction  sur  la  table  des  plus 


2.  Abikanij  «  Mon  père  s'est  relevé  »,  v.  supra,  p.  12,  Ce  serait 
une  allusion  au  relèvement  de  Ahikar  après  sa  chute  causée  par  Na- 
dan.  Rapprocher  ce  nom  de  Ahiqam,  II  Rois,  xxv,  22  ;  Jér.,  xxxix, 
14  ;  XL,  5. 


XXVII,  4-8  ENTiiÉE  d'ahikar  en  Egypte  217 

4.  Puis  il  me  dit  :  «  Va,  Abikam,  à  ta  demeure  ^,  puis 
lève-toi  le  matin  et  viens  près  de  moi  a.  » 

5.  Le  roi  ordonna  à  ses  grands  de  prendre  le  lendemain 
et  de  revêtir  des  habits  de  couleur  rouge,  et  il  revêtit  au 
matin  des  habits  de  byssus  et  de  pourpre.  II  s'tissit  sur  son 
siège,  et  ses  grands  siégeaient  autour  de  lui  et  devant  lui. 

6.  Et  le  roi  me  fit  entrer  en  sa  présence,  puis  il  me  dit: 
«  A  qui  puis-je  ressembler,  ô  Abikam,  et  à  qui  ressem- 
blent mes  grandsb?»  — Je  lui  répondis:  «Tu  ressembles,  ô 
mon  seigneur   le  roi,  à  Bel  c,  et  tes  grands  à  ses  prêtres  d.  » 

7.  Il  me  dit  encore  :  «  Va,  Ahikam  {sic)^,  et,  au  matin, 
reviens.  » 

8.  <^  Le  roi  ordonna  à  ses  grands  de  changer  leurs  habits 
et  de  prendre  des  habits  de  lin  blanc;  pour  lui,  il  s'habilla 
de  blanc,  puis  il  s'assit  sur  son  trône  et  ses  grands  se  te- 
naient devant  lui  et  autour  de  lui. 


^  Ici  et  plusieurs  fois  plus  bas,    C  emploie  le  mot  persan  És^ 
fezâ. 

2  Lorsque  C  emploie  ce  mot,  il   écrit  toujours  «  Abikam  ». 


grands  souverains  et,  devant  Sinkarib,  les  petits  comptent  comme 
les  plus  grands  :  il  les  juge  du  faîte  des  grandeurs  oîi  les  des- 
tins l'ont  placé.  » 

a  Dans  F,  le  roi  accorde  trois  jours  à  Ahikar.  Ag  écrit  : 
«  Abimacam.  » 

•*  Le  grec  ne  contient  que  deux  comparaisons.  La  première 
semble  représenter  l^i  à  15,  et  la  seconde  8  à  10. 

c  Bel.  Dans  F  :  «  Bilelsanam.  ]» 

^  Au  lieu  de  «  à  ses  prêtres,  »  iV.S' porte  :  «  à  ses  serviteurs.  » 

c  Grec  :  «  Le  jour  suivant,  le  roi  revêtit  une  tunique  très 
blanche  et  commanda  à  ses  amis  de  prendre  (des  habits)  de 
pourpre.  A  l'entrée  d'Esope, il  lui  posa  encore  la  même  question. 
Esope  répondit  :  Je  te  compare  au  soleil  et  ceux  qui  t'entourent 
à  ses  rayons.  » 


218  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XXVII,  9-15 

9.  Il  me  fit  entrer  devant  lui  et  me  dit  :  «  A  quoi  puis-je 
ressembler,  ô  Ahik;ir,  et  à  quoi  ressemblent  mes  grands  ?  »  — 
Je  lui  donnai  réponse  et  lui  dis  :  «  Tu  ressembles  au  soleil 
et  tes  grands  à  ses  rayons  a.  » 

10.  Il  me  dit  encore  :  «  Va,  Abikam,  et,  au  matin,  reviens 
près  de  moi.  » 

H.  Il  ordonna  à  ses  grands  de  revêtir  le  lendemain  des 
habits  noirs.  Les  portes  du  palais  seraient  recouvertes 
(d'étoffes)  noires  et  d'écnrlate.  Le  roi  revêtit  des  habits 
écarlates,  puis  Pharaon  fit  entrer  Ahikam. 

12.  J'entrai  et  il  me  dit  :  «  A  quoi  puis-je  ressembler, 
Abikam,  et  à  quoi  ressemblent  mes  grands  ?»  — Je  lui  dis  : 
«  Tu  ressembles,  ô  roi,  à  la  lune,  et  tes  grands  aux  étoiles.  » 

13.  Il  me  dit  :  «  Va,  Abikam,  et,  au  matin,  viens  près  de 
moi.  » 

14.  Pharaon  ordonna  h  ses  grands  de  revêtir  le  lende- 
main d'autres  habits  teints  en  couleurs  de  tout  genre.  Les 
portes  du  temple  seraient  couvertes  (d'étoffes)  rouges  de 
diverses  couleurs.  Le  roi  revêtit  des  habits  tissés  de  diver- 
ses nuances,  puis  Pharaon  fit  entrer  Ahikar. 

15.  J'entrai  et  il  me  dit  :  «  A  quoi  puis-je  ressembler  et 
à  quoi  ressemblent  mes  grands  ?  »  —  Je  lui  répondis  :  «  Tu 
ressembles  à  Nisan  et  tes  grands  à  ses  fleurs  b.  » 


i»  F  contient  une  scène  de  plus  :  Abicam  compare  les  habits 
blancs  aux  neiges  des  montagnes  de  l'Ethiopie  qui  arrosent  et 
fertilisent  l'Egypte.  Le  lendemain,  le  roi  et  ses  grands  sont 
éblouissants  de  pierreries  et  Abicam  les  compare  au  soleil  et 
aux  planètes  qui  lui  empruntent  leurs  rayons. 

^  14-15  manquent  dans./^.  Le  grec  porte  :  ((  Le  jour  suivant,  le 


11.  Du  palais,  litt.  :  «  du  temple.  » 

15.  Nisariy  premier  mois  de  l'année  babylonienne,  mars-avril. 


XXVII,    16-XXVIII,   1       AHIKAR    RÉPOND    A    PHARAON  219 

16.  Lorsque  le  roi  l'entendit,  il  se  réjouit  beaucoup  et 
fut  rempli  de  joie.  Il  me  dit  :  «  Abikam,  tu  m'as  comparé 
une  fois  à  Bel  et  mes  grands  à  ses  prêtres,  une  seconde  fois  ^ 
tu  m'as  comparé  à  la  lune  et  mes  grands  aux  étoiles,  une 
troisième  fois  tu  m'as  comparé  à  Nisan  et  mes  grands  à  ses 
fleurs,  alors  à  quoi  ressemble  Sarhédom  ton  maître 'î?  » 


CHAPITRE  XXVIII  h 
Ahikar  répond  à  Pharaon. 

1.  Je  répondis   et  lui  dis  :  «  Dieu    me  garde,   ô  roi,  de 


^  B,  a  l'encontre  de  C,  ne  rappelle  pas  ici  la  comparaison  au 
soleil. 


roi  ordonna  que  tous  revêtissent  des  habits  blancs,  lui-même 
portait  du  jaune  avec  un  diadème  et  un  turban  orné  de  pierreries. 
Assis  sur  un  trône  élevé,  il  fit  entrer  Esope  et  lui  demanda  dès 
son  arrivée  :  A  qui  me  corapares-tu,  Ésope,  ainsi  que  ceux  qui 
m'entourent? — Il  répondit  :  Je  te  compare  au  soleil  de  printemps 
(ceci  répond  un  peu  à  Nisan, ou  mois  d'avril, des  autres  versions), 
et  je  compare  ceux  qui  t'entourent  à  des  épis  mûrs  (ces  épis  peu- 
vent correspondre  aux  fleurs  des  autres  versions).  Le  roi,  plein 
d'admiration,  lui  fit  des  présents.  »  Nous  avons  déjà  dit  que 
dans  le  grec  14  à  15  précède  8  à  10. 

a  G  :  ((  Nectanébo  (lui  dit)  :  Je  pense  que  Lycéros  n'est  rien 
en  comparaison  de  ma  puissance  ?  » 

•j  XXVIII.  G  :  ((  l^^sope  souriant,  répondit  :  Ne  pense  pas  si  légè- 
rement à  son  égard,  ô  roi.  Vis-à-vis  de  ton  peuple,  ton  auguste 
royauté  brille  comme  le  soleil,  mais  si  on  la  mettait  en  parallèle 
avec  Lycéros,  il  serait  facile  de  montrer  que  tout  son  éclat  n'est 
que  ténèbres.  » 

16.  R  S.  rapproche  de  ces  comparaisons  la  fable  414  d'Esope. 


220  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR        XXVIII,  1 -XXIX,  1 

parler  de  mon  seigneur  Sarhédom  pendant  que  tu  es  assis, 
car  mon  seigneur  le  roi  Sarhédom  ^  ressemble  au  Dieu  du 
ciel  2  et  ses  grands  aux  éclairs  ;  quand  il  le  veut,  il  durcit 
la  rosée  et  la  pluie  en  grêle,  il  fait  monter  des  fumées  aux 
cieux  de  sa  royauté,  il  tonne,  il  rugit  et  il  empêche  le  so- 
leil de  se  lever  et  ses  r;iyons  de  se  montrer  ;  il  empêche 
Bel  et  ses  prêtres  d'aller  et  de  venir  par  les  places  publi- 
ques. 

2.  «  Il  empêche  la  lune  de  se  lever  et  les  étoiles  de  bril- 
ler. S'il  veut  commander  au  (vent  du)  nord,  le  vent  fabrique 
la  grêle  et  la  pluie,  frappe  le  Nisan  et  perd  ses  fleurs.  »  Le 
roi  entendant  cela  s'irrita  a. 

CHAPITRE  XXIX  b 
Pharaon  demande  à  Âhikar  quel  est  son  nom  ^. 

1.  Pharaon  dit  :  «  Par  la  vie  de  ton  seiijneur  Sarhédom  * 
quel  est  ton  nom  ?  » 

^  C  :  <i  Sennachérib.  » 

2  Arm  :  «  à  Bêlshim.  » 

3  B  porte  ici  en  plus  :  o  et  il  lui  dit  :  Tu  es  Ahikar.  »  — 
Je  lui  répondis  :  Je  le  suis,  mon  Seigneur.  »  Cette  phrase  fait 
doublet  avec  la  suivante. 

*  Comme  nous  l'avons  dit,  C  porte  toujours  Sennachérib. 

a  XXVIII,  2.  D'après  F,  à  la  fin  de  l'entrevue  avec  Pharaon  arrive 
une  lettre  de  Sinkarib  qui  ne  doute  pas  de  la  réussite  de  son 
envoyé  et  demande  au  roi  d'Egypte  neuf  cents  katars  d'or  (un 
katar  vaut  trois  cents  livres,  dit  le  traducteur),  pour  achever  de 
payer  soixante  mille  chariots  ds  guerre.  Par  contre,  xxix-xxx,  5 
manquent  dans  F.  Pharaon  dit  qu'il  répondra  à  Sinkarib  lorsque 
Abicara  lui  aura  construit  un  palais  aérien. 

^  xxix,  1-3,  manque  dans  le  grec  et  xxix,  4-xxx,  5  se  trouve 
plus  bas,  après  xxx,  21. 


XXIX,  2-XXX  3  AI.IIKAU    ÉCIUT    A    PHARAON  221 

2.  Je  lui  répondis  :  «  Ahikar,  le  scribe,  et  l'anneau  du 
roi  Sarhédom  est  entre  mes  mains.  » 

3.  Pharaon  me  dit  :  <r  Tu  vis  donc  ?»  —  et  je  lui  répondis  : 
«  Je  vis  et,  ô  mon  seigneur  roi,  j'ai  vu  Sarhédom  et  il  a 
allongé  ma  vie,  et  Dieu  m'a  délivré  de  la  mort  et  de  h\  peine 
capitale  et  de  ce  que  mes  mains  n'avaient  pas  fnit.  » 

4.  Le  roi  me  dit  :  «  Va,  scribe,  et,  au  matin,  viens  près 
de  moi  et  dis-moi  une  parole  que  personne  n'a  entendue 
et  qu'aucun  de  mes  grands  n'a  entendue  dans  aucune  ville 
de  l'Egypte.  » 

CHAPITRE  XXX 
Ahikar  écrit  la  parole  que  lui  demandait  Pharaon. 

1.  Alors  moi,  Ahikar,  je  m'éloignai  et  j'écrivis  une  lettre 
qui  portait  : 

2.  «  De  Pharaon,  roi  d'Egypte,  à  Sarhédom,  roi  d'Assy- 
rie,  salut  a  : 

«  Les  rois  ont  besoin  des  rois  et  les  juges  des  juges  ^,  et, 
à  cette  époque-ci,  ils  ont  besoin  de  présents,  parce  qu'ils 
sont  diminués  ^.  L'argent  manque  à  mon  trésor,  mais  fais- 
moi  envoyer  du  tien  neuf  cents  talents  d'argent  et  je  te  les 
retournerai  sous  peu.  » 

3.  Je  roulai  cette  lettre  et  je  la  portai  devant  lui,  je  lui 
dis  :  «  La  parole  qui  est  écrite  dans  cette  lettre  n'a  été 
entendue  ni  de  toi  ni  de  personne  autre  b.   » 

1  C  :  «  et  les  frères  des  frères.  » 

2  (7  :  «  et,  à  celte  époque,  les  présents  ont  diminué.  » 

a  XXX,  2.  Dans  A  et  Ag,  c'est  le  roi  de  Ninive  et  d'Assyrie  qui 
écrit  à  Pharaon  et  lui  demande  six  cents  talents  d'or, 

^x\\,  1-3.  G  :  «  Il  s'en  alla  et  fit  un  écrit  par  lequel  Neclanébo 


222  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXX,  4-7 

4.  ^  Tous  s'écrièrent  :  «  Nous  l'avons  entendue,  il  n'y  a 
pas  de  doute.  » 

5.  b  Alors  je  leur  répondis  :  «  Voilà  donc  que  (d'après 
votre  témoignage)  l'Egypte  doit  neuf  cents  talents  à  As- 
sur  ;  »  —  et  ils  lurent  saisis  d'étonnement. 

6.  c  Le  roi  me  dit  alors  :  «  Ahikar.  »  —  Je  lui  répondis  : 
«  Me  voici.  »  — Et  il  me  dit:  «  Bàtis-moi  un  palais  entre  le 
ciel  et  la  terre,  qui  soit  de  près  de  mille  coudées  au-dessus 
de  la  terre.  » 

7.  '1  Je  sortis  aussitôt  mes  jeunes  aigles,  je  leur  attachai 


1  B  porte  simplement  :  «  ils  lurent  la  lettre.  » 


reconnaissait  devoir  mille  talents  à  Lycéros,  le  matin  il  alla 
trouver  le  roi  et  lui  remit  l'écrit. 

a  G  :  «  Les  amis  du  roi,  avant  d'ouvrir  la  lettre,  dirent  tous  : 
Nous  avons  vu  cela  et  nous  l'avons  entendu,  nous  le  savons 
même  très  bien.  —  Esope  (leur  dit)  :  Je  vous  en  sais  gré  pour 
le  paiement  «  (je  vous  sais  gré  de  reconnaître  votre  dette). 

b  G  :  «  Mais  Nectanébo  ayant  lu  la  reconnaissance  du  prêt 
dit  :  Vous  êtes  tous  témoins  que  je  ne  dois  rien  à  Lycéros  ?  Et 
tous,  changeant  d'avis,  dirent  :  Nous  ne  l'avons  pas  vu  et  nous 
ne  l'avons  pas  entendu.  —  Esope  (leur  dit)  :  S'il  en  est  ainsi, 
j'ai  répondu  à  votre  question.  » 

c  XXX,  6.  Dans  F,  le  roi  d'Egypte  fait  réunir  des  matériaux  et 
donne  les  dimensions  du  palais  qu'il  veut.  —  Le  grec  porte  : 
«  Nectanébo,  frappé  de  stupeur  par  la  justesse  de  ses  raisonne- 
ments, lui  dit  :  As-tu  amené  ceux  qui  doivent  bâtir  la  tour  ?  —  Il 
répondit  :  Ils  sont  prêts,  si  seulement  tu  veux  nous  indiquer 
l'emplacement.  » 

^  6-7.  Ag,  qui  est  beaucoup  plus  développé,  peut  servir  de  com- 
mentaire au  présent  passage  :  «  Pharaon  s'écria  :  C'est  à  toi, 
Heykar,  que  devraient  ressembler  tous  ceux  qui  servent  les  rois  I 
Hommage  à  l'Etre  éternel  qui  t'a  prodigué  la  sagesse  et  qui  a 
orné  ton  esprit  de  tant  de  raison  et  de  tant  de  savoir  !  Mais  il  te 


XXX     7  AHIKAR    ÉCRIT   A    PHARAON  223 

les  fils  aux  pieds  avec  (longueur)  convenable  et  je  fis  mon- 
ter sur  eux  les  enfants  qui  criaient  :  «  De  la  boue,  du  mor- 
tier. Voici  arrivés  les  architectes.  Fournissez-leur  de  quoi 
travailler,  car  les  architectes  du  roi  en  ont  besoin, et  mélan- 
gez des  margérê  ^,  c'est-à-dire  du  vin,  pour  les  architec- 
tes. » 


1  Ce  mot  (qui  porte  ici  deux  ribouis  !)  a  été  décomposé  en 
deux  dans  C  et  a  donné  mârâ-âgrâ.  La  traduction  de  ce  mot  par 
<L  vin  »  est  sans  doute  l'œuvre  d'un  scribe.  Il  serait  préférable 
de  lire  margenê  :  préparez  des  «  colonnes  »  ou  des  «  fouets  » 
((jiâpaYva)  pour  frapper  les  manœuvres. 


reste  encore  à  remplir  une  condition  difficile  :  tu  as  prorais  de 
me  construire  un  palais  suspendu  entre  le  ciel  et  la  terre.  —  Je 
m'en  souviens,  répondit  Heykar,  et  vous  me  voyez  prêt  à  exécu- 
ter ce  que  j'ai  promis  :  j'ai  amené  avec  moi  les  architectes, 
ordonnez  seulement  qu'on  leur  prépare  les  pierres,  le  mortier 
et  la  chaux,  et  que  des  manœuvres  soient  là  pour  leur  faire  par- 
venir tous  les  matériaux  nécessaires  à  la  bâtisse. 

«  Cet  ordre  fut  donné  à  l'instant,  et  le  lendemain  Pharaon  et 
toute  sa  cour  se  rendirent  dans  une  vaste  plaine  où  s'était  déjà 
portée  une  population  immense,  curieuse  de  savoir  comment 
Heykar  remplirait  sa  promesse.  Celui-ci  y  parut  accompagné  de 
deux  enfants  qu'il  avait  instruits.  Les  coffres  où  il  avait  enfermé 
les  deux  aigles  étaient  portés  derrière  lui  par  les  gens  de  sa 
suite. 

«  Arrivé  à  travers  la  foule  au  milieu  de  la  lice  qui  lui  avait  été 
préparée,  Heykar  tira  les  deux  aigles  de  leur  i*etraite,  fit  monter 
chaque  enfant  dans  chaque  coffre  et  les  ayant  fortement  attachés 
aux  serres  de  ces  oiseaux,  il  leur  lâcha  la  corde  et,  en  moins  d'un 
clin  d'œil,  ils  s'élevèrent  à  une  hauteur  prodigieuse.  Placés  ainsi 
entre  le  ciel  et  la  terre,  les  enfants  se  mirent  à  crier  de  toutes 
leurs  forces  :  Apportez-nous  donc  des  pierres,  de  la  chaux  et  du 


224  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXX,  8 

8.  »  Les  grands  virent,  entendirent  et  furent  dans  l'admi- 
ration.  Alors  moi,    Ahikar,  je  pris  un  bâton  et  je    frappai 


mortier,  afin  que  nous  bâtissions  le  palais  du  roi  Pharaon,  Nous 
n'attendons  plus  que  les  matériaux  ;  allons,  messieurs  les  ma- 
nœuvres !  nous  voilà  depuis  une  heure  les  bras  croisés  !  c'est 
une  chose  inouïe  de  nous  laisser  ainsi  dans  l'inaclion.  »  —  A  pa- 
raphrase un  peu  moins  et  se  trouve  intermédiaire  entre  B  et  Ag. 

—  ^a  beaucoup  plus  de  mise  en  scène:  c'est  Zéfagnie,  du  haut 
d'une  tour  portée  par  un  éléphant,  qui  dirige  le  vol  des  rochs. 

—  NiS  :  «  Aussitôt  je  pris  les  deux  aigles  de  (leurs)  cages,  j'atta- 
chai les  deux  liens  à  leurs  pieds,  je  plaçai  les  enfants  sur  leur  dos 
et  les  deux  aigles  s'envolèrent  avec  les  deux  enfants  sur  leur  dos 
et  montèrent  à  une  hauteur  telle  que  personne  ne  les  voyait  plus. 
Alors  ils  commencèrent  à  crier  et  à  appeler  :  Donnez-nous  de  la 
terre,  de  la  chaux,  des  briques  et  des  pierres,  car  les  travailleurs 
et  les  architectes  du  roi  n'ont  rien  à  faire  et  voudraient  bien 
construire  un  château  entre  le  ciel  et  la  terre  pour  le  roi  Pharaon. 
Ils  crièrent  encore  :  Serviteurs,  mêlez-nous  du  vin,  nous  voulons 
boire.  »  —  G:  ((Le  roi  sortant  ensuite  de  la  ville  vers  la  campagne 
désigna  l'emplacement.  Alors  Ésope,  amenant  sur  les  quatre 
angles  de  cet  emplacement  les  quatre  (petits)  aigles  avec  les 
enfants  suspendus  dans  des  sacs,  donna  à  ceux-ci  les  outils  des 
architectes  et  leur  ordonna  de  monter  en  l'air.  Arrivés  à  une 
certaine  hauteur  :  Donnez-nous,  crièrent-ils,  des  pierres,  don- 
nez de  la  poussière,  donnez  des  bois  et  tout  ce  qui  est  nécessaire 
pour  construire.  » 

a  A  et  Ag  :  ((  Tandis  que  les  enfants  répétaient  ces  cris  du 
haut  des  airs,  les  gens  de  la  suite  de  Heykar  {A  porte  :  Heykar 
et  ses  serviteurs),  aux  yeux  de  la  foule  ébahie,  frappaient  les 
ouvriers  de  Pharaon  en  leur  disant  :  Faites  donc  votre  métier  de 
manœuvres  ;  portez  aux  maîtres-maçons  les  matériaux  qui  leur 
sont  nécessaires  ;  ne  les  laissez  pas  ainsi  désœuvrés  !  Et  ils  con- 
tinuaient de  les  battre,  et  pendant  ce  temps  Pharaon  et  ses  cour- 
tisans riaient.  » 


XXX,  8-13        AHIKAR  BÉPOND  A  PHABAON  225 

les  architectes  jusqu'à  ce  qu'ils  se  fussent  enfuis,  afin  qu'ils 
montassent  ce  qui  était  nécessaire  pour  bâtira. 

9.  Alors  le  roi  dit  :  «  Tu  es  fou,  Ahikar  ;  qui  peut  leur 
monter  ce  qu'ils  demandent  !  » 

10.  ^  Je  lui  dis  :  «  Pourquoi  donc  avez-vous  le  nom  de 
Sarhédom  à  la  bouche  ?  S'il  était  ici  et  s'il  voulait  bâtir 
deux  palais  en  un  jour,  il  les  bâtirait.  » 

H.  (Le  roi)  me  dit  :  «  Laisse  ce  palais  et  reviens  au 
matin  près  de  moi.  » 

12.  c  Dès  le  matin  j'entrai  près  de  lui,  il  regarda,  me  vit 
et  me  dit  :  «  Ahikar,  explique-moi  ce  qui  nous  arrive  :  un 
cheval  de  ton  maître  hennit  en  Assur  et  à  Ninive,  nos  cava- 
les ici  l'entendent  et  avortent.  » 

13- •*  Alors  moi,  Ahikar,  je  sortis  de  devant  le  roi,  et  je 
commandai  à  mes  serviteurs    de  me  prendre  un  chat,  dieu 

a  8-11.  G  :  ((  Nectanébo,  voyant  les  enfants  emportés  en  haut 
par  les  aigles,  dit  :  D'où  me  viennent  ces  hommes  qui  volent  ?  — 
Et  Ésope  répondit  :  Ils  appartiennent  à  Lycéros.  Comment 
veux-tu,  toi  qui  es  un  homme,  chercher  querelle  au  roi  ?  —  Et 
Nectanébo  dit  :  Esope,  je  suis  vaincu,  mais  je  veux  l'interroger 
et  tu  me  répondras.  » 

^  Ag  :  «  Apparemment,  répondit  Heykar,  que  mon  maître 
Senkarib  a  des  ouvriers  plus  dociles,  car,  s'il  le  voulait,  il  ferait 
bâtir  deux  palais  en  un  seul  jour.  » 

c  G  :  c(  Il  dit  :  J'ai  ici  des  cavales  qui  conçoivent  dès  qu'elles 
entendent  hennir  les  chevaux  de  Babylone  ;  si  tu  as  quelque 
sage  (réponse)  à  ce  sujet,  manifeste-la.  —  Et  Esope  dit  :  Demain 
je  te  répondrai,  ô  roi.  » 

«i  G  :  «  Arrivé  où  il  demeurait,  il  ordonna  à  ses  serviteurs 
de  prendre  un  chat  et,  après  Tavoir  pris,  d'aller  le  battre  en 
public.  » 

12.  Cette  histoire  H  passé  dans  le  ïalmud.  Cf.  Meissuer,  p.  194- 
195. 

13.  Un  chat,  ou  «  un  furet.  » 

15 


226  HISTOIRE    ET    SAGESSE     d'ahIKAH  XXX,  13-17 

des  Égyptiens  *,  et  de  le  frapper  jusqu'à  ce  que  les  Egyp- 
tiens l'entendissent  ^. 

14.  a  Ils  allèrent  dire  au  roi  :  «  Cet  Abikam  a  pris  un  chat 
(qui  est)  un  dieu  et  il  le  frappe  ^.  » 

15.  Le  roi  l'apprit  ainsi  et  me  dit  :  <(  0  Ahikar,  pourquoi 
maltraites-tu  nos  dieux  ?  » 

16.  Je  lui  dis  :  «  O  roi,  vis  à  jamais  I  Ce  chat  m'a  causé 
un  grand  dommage  et  non  un  petit,  car  le  roi  m'avait 
donné  un  coq  qui  avait  une  très  belle  voix,  et  »u  moment 
où  je  voulais  aller  à  la  cour,  loisque  le  roi  me  demandait, 
il  chantait  à  cette  heure  même  et  me  réveillait  de  mon 
sommeil  *. 

17.  «  Et  voici  le  dommage  que  ce  chat  m'a  causé  :  il  a  été 
cette  nuit  à  Assur  et  à  Ninive,  il  a  enlevé  la  tête  de  ce  coq 
et  il  est  revenu  ici.  » 


1  «  Dieu  des  Égyptiens  »  manque  dans  C. 

2  C  :  «  et  de  le  frapper  sur  les  places  de  la  ville.  Lorsque  les 
Égyptiens  le  virent.  » 

3  C  :  «  Ahikar  s'est  élevé  contre  notre  peuple  et  nous  tourne 
en  dérision  ;  car  il  a  pris  un  chat  et  il  le  frappe  sur  les  places 
publiques  de  notre  ville.  » 

*  C  :  «  il  avait  une  très  belle  voix  et,  au  moment  où  il  chan- 
tait, je  comprenais  que  mon  Seigneur  me  demandait  et  j'allais  à 
la  porte  de  mon  Seigneur.  » 


•  G  :  ((  Les  Egyptiens,  qui  vénèrent  cet  animal,  lorsqu'ils 
virent  celui-ci  tellement  maltraité,  accoururent  ;  ils  arrachèrent 
le  chat  des  mains  de  ceux  qui  le  battaient  et  annoncèrent  aussi- 
tôt cet  incident  au  roi.  » 


16    A  la  cour,  litt.  :  ff  à  la  porte  du  roi.  » 

17.  Et  voici  le  dommage  que  ce  chat  m'a  causé,  lilt.  :  «  et  jamats 
ne  sera  bien  ce  que  ce  chat  a  fait  ainsi  contre  moi.  » 


XXX,  18-20  AHIKAR    RÉPOND    A    PHARAON  227 

18.  =^  Alors  le  roi  me  dit  :  «  Maintenant  que  tu  es  vieux, 
tu  te  trompes.  Il  y  a  trois  cents  "^  parasanges  entre  Assur 
et  l'Egypte  ;  comment  aurait-il  pu  y  aller  cette  nuit,  pren- 
dre la  tête  de  ce  coq  et  revenir  bp  » 

19  c.  Je  lui  dis  :  «  Bien  ru'il  y  ait  trois  cent  trente  p;ira- 
sanges  entre  Assur  et  F  Egypte,  n'avons-nous  pas  appris 
que  vos  cavales  entendent  la  voix  de  notre  cheval  et  avor- 
tent? De  même  pour  ce  chat.  » 

20.  A  ces  mots,  le  roi  confus  et  étonné  me  dit  :  «  0 
Ahikar,  explique-moi  ce  que  je  vais  te  dire:  J'ai  une  grande 
colonne  [formée  de  huit  mille  sept  cent  soixante-trois  bri- 


'^  C:  «  Trois  cent  soixante.  »   —  A  :  (.<.  soixante-huit  parasan- 
ges.  »  —  Ag  :  ((  trois  cent  soixante  lieues.  » 


a  15-17.  G  :  ((  Celui-ci  appelant  Ésope  :  Ne  sais-tu  pas,  dit-il, 
Ésope,  que  le  chat  est  vénéré  chez  nous  comme  un  dieu  ;  pour- 
quoi donc  as-tu  fait  cela  ?  —  L'autre  répondit  :  «  Ce  chat,  la 
nuit  dernière,  a  causé  du  tort  au  roi  Lycéros  ,  car  il  a  tué  son 
coq  valeureux  et  brave,  qui  allait  jusqu'à  lui  annoncer  les  heures 
de  la  nuit.  » 

I'  G  :  «  Et  le  roi  dit  :  N'as-tu  pas  honte  de  mentir  ainsi, 
Ésope  ?  Comment  un  chat  pourrait-il,  en  une  nuit,  aller  d'f'gypte 
à  Babylone  ?  » 

c  (7  :  ((  Et  celui-ci  dit  en  riant  :  Comment  donc,  ô  roi,  les 
cavales  d'ici  peuvent-elles  concevoir  lorsque  les  chevaux  de 
Babylone  hennissent  ?  —  Le  roi,  à  ces  paroles,  loua  son  in- 
telligence. Ensuite  (le  roi)  envoya  chercher  à  Iléiiopolis  des 
hommes  réputés  pour  les  questions  sophistiques,  il  leur  parla 
d'I'.sope  et  les  invita  en  niônie  temps  que  lui  à  son  festin.  Tandis 


12-19.  ri.  S.,  p.  83-85,  rapproohe  ce  passage  de  la  fable  l'a  d'Ésope 
cl  met  eu  relief  la  couleur  locale,  toutecgyplienne,  du  texte  d'Ahikar. 
20.  Courent,  lilt.   ;  et  courent  deux.  » 


228  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXX,  20-21 

ques]  *  au-dessus  de  laquelle  sont  plantés  douze  cèdres  ;  au- 
dessus  de  chacun  des  cèdres  il  y  a  trente  roues  et  sur 
chaque  roue  courent  ^  un  blanc  et  un  noir.  » 

21.  Je    répondis  au   roi  au   sujet  de  ce  qu'il  me    deman- 


1  Manque  dans  B,  mais  est  présupposé  par  la  suite. 
^  C  :  a.  sur  chaque  roue  deux  cordes.  » 


qu'ils  étaient  à  table,  l'un  des  habitants  d'Héliopolisdit  à  Ésope  : 
J'ai  été  envoyé  par  Dieu  pour  te  poser  une  question  et  voir  si  tu 
pourras  y  répondre.  —  Ésope  lui  répondit  :  Tu  mens,  car  Dieu  n'a 
rien  à  apprendre  des  hommes  ;  en  disant  cela,  tu  ne  parles  pas 
seulement  contre  toi,  mais  aussi  contre  Dieu.  —  L'autre  reprit  :  11 
y  a  un  grand  tempk  et  dans  ce  temple  une  colonne  qui  a  douze 
portes,  dont  chacune  est  formée  de  trente  poutres,  autour  de 
celles-ci  tournent  deux  femmes.  »  —  Le  texte  grec  porte  ((  douze 
villes  ))  au  lieu  de  douze  portes.  Aussi,  La  Fontaine  a  traduit  : 
((  Il  y  a  un  grand  temple  qui  est  appuyé  sur  une  colonne  entou- 
rée de  douze  villes,  chacune  desquelles  a  trente  arcs-boutants  et 
autour  de  ces  arcs-boutants  se  promènent  l'une  après  l'autre, 
deux  femmes,  l'une  blanche,  l'autre  noire.  »  —  Ag  porte  :  «  Que 
dis-tu  d'un  architecte  qui  a  bâti  un  palais  avec  huit  mille  sept 
cent  soixante  pierres  et  y  a  planté  douze  arbres,  dont  chacun  a 
trente  rameaux  portant  deux  grappes,  l'une  blanche  et  l'autre 
noire  ?»  —  Une  énigme  analogue  figure  déjà  dans  l'anthologie 
grecque  sous  le  nom  de  Cléobuline,  fille  de  Cléobule  (580  av. 
J.-G.)  :  ((  11  y  a  un  père  qui  a  douze  enfants,  chacun  d'eux  a 
soixante  filles  d'aspect  très  différent,  les  unes  blanches,  les 
autres  noires.  Toutes  sont  immortelles  et  meurent.  »  Anili.  srec- 


20-21.  D'après  M.  Meissner,  cette  éuigme  est  d'origine  grecque, 
p.  182.  MM.  Windisch  et  Mark  Lidzbarski  tiennent  qu'elle  est  d'ori- 
gine sémitique,  dans  Zeitschrift  der  Deutschen  inorgenlsendischen 
Gesellschaft,  t.  xlviii,  p.  674. 


XXX,  21-22  AHIKAR    RÉPOND    A    PHARAON  229 

dait  :  «  Les  intelligences  des  moutons  et  des  bœufs  *  con- 
naissent ce  que  tu  me  demandes,  ô  roi.  La  colonne  dont  a 
parlé  mon  seigneur  le  roi  c'est  l'année  ;  cette  colonne  est 
bâtie  de  huit  mille  sept  cent  soixante-trois  pierres,  qui  sont 
les  huit  2  mille  sept  cent  soixante-trois  heures  ;  les  douze 
cèdres  sont  les  douze  mois  de  l'année  ;  les  trente  roues 
sont  les  trente  jours  du  mois  ;  les  deux  coureurs,  l'un  noir 
et  l'autre  blanc,  sont  la  nuit  et  le  jour  a.  » 

22.  Le  roi  me  dit  encore  :  «  Cesse.  —  Maintenant,  je  te 
demande,  ô   Ahikar,  de  me  tresser  deux    longs   câbles  de 

^  C  :  «  les  intelligences  des  bœufs  de  nos  pays.  » 

^  B  :  fs.  sept.  »  —  Les  textes  arabes  et  même  NS  portent  8763, 

Le  nombre  8736,   dans    la   traduction  de  M.   Lizbarski,  n'est 

qu'une  faute  d'impression. 


que,  XIV,   101,   Irad.    française,    Paris,   1863,    t.     ii,  p.   56  et 
319-320.  Par  contre,  cette  énigme  ne  se  trouve  pas  dans  A. 

a  G  :  a  Ésope  dit  :  Même  les  enfants  de  chez  nous  sauraient 
résoudre  ce  problème,  car  ce  temple  est  le  monde,  la  colonne  est 
l'année,  les  portes  (villes  ?)  sont  les  mois,  les  poutres  sont  leurs 
jours,  et  les  deux  femmes  qui  se  succèdent  sont  le  jour  et  la 
nuit.  » 


21.  Les  intelligences  des  moutons  et  des  bœufs.  D'aprèsM.  Vetter, 
p.  367,  ce  mot  a  les  bœufs  »  ou  «  les  animaux  »  pouvait  désigner  en 
Assyrie  les  hommes  du  vulgaire.  Il  renvoie  à  Josèphe,  Ant.jud. ,XlYf 
X,  7,  et  auTalmud.  Le  renvoi  à  Josèphe  (éd.  Didot  ?)  est  inexact. 

Huit  mille  sept  cent  soixante-trois  heures.  Année  de  365  jours  et 
trois  heures.  Dans  l'édition  do  Cambridge,  on  trouve  8760  heures 
ou  365  jours.  —  Celte  phrase,  depuis  «  cette  colonne  »,  est  en  rouge 
dans  le  m.anuscrit  B,  sans  doute  pour  indiquer  qu'elle  ne  correspond 
à  aucnne  question  du  roi.  Nous  avons  rétabli  cette  question  plus 
haut,  parce  qu'elle  existe  dans  les  autres  textes  et  vorsions. 

La  nuit  et  le  jour.  C'est  le  véritable  ordre  cliez  les  Sémites,  car 
pour  eux  la  nuit  précède  le  jour.  Cf.  Meissner,  p.  182. 


230  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahiKAR  XXX,  22-28 

sable,    qui  aient  cinquante    coudées    (de   long)    et  un  doigt 
d'épaisseur  ^.    » 

23.  Je  lui  répondis  :  «  Ordonne,  mon  seigneur  roi,  qu'on 
m'apporte  un  (tel)  câble  de  ton  trésor  afin  que  j'en  tresse 
un  semblable.  » 

24.  Il  me  dit  :  «  Tu  ne  comprends  pas  ce  que  j'ai  dit  ;  si 
tu  ne  me  tresses  pas  le  câble  dont  je  viens  de  te  parler,  tu 
ne  recevras  pns  le  tribut  de  l'Egypte.  » 

25.  Alors  moi,  Ahikar,  je  quittai  le  roi  et  passai  celte 
nuit  en  grande  méditation. 

26.  Au  matin  il  me  vint  une  idée  et  je  me  rendis  der- 
rière le  palais  où  habitait  le  roi  ;  je  creusai  un  petit  trou 
dans  la  muraille  en  face  du  soleil  et  le  soleil  traversa  la 
muraille  du  temple.  Je  creusai  un  autre  trou  dans  la  même 
muraille,  puis  je  pris  une  poignée  de  poussière  et  la  mis 
dans  les  trous,  et  (les  poussières)  apparaissaient  dans  le 
rayon  et  elles  étaient  entraînées  2. 

27.  Je  pris  la  parole  et  je  dis  au  roi:  «  Ordonne,  monsei- 
gneur le  roi,  que  l'on  tresse  en  faisceau  de  proche  en  pro- 
che ces  (dt^ux  rayons)  et  je  t'en  ferai  de  semblables  autant 
que  tu  en  voudras  ^.  » 

28.  A  cette  vue,  le  roi  et  ses  grands  furent  saisis  d'admi- 
ration et  de  stupeur  et  ils  étaient  foi  t  humiliés  a. 

1  C  :  «  cinq  câbles  du  sable  du  fleuve.  » 

2  C  :  «Je  sortis  hors  du  palais  {litt.  :  temple)  du  roi  et  je  creu- 
sai cinq  trous  dans  le  mur  oriental  du  palais.  Lorsque  le  soleil 
pénétra  dans  les  trous,  la  poussière  s'y  mit  en  mouvement  et  le 
rayon  du  soleil  parut  être  tressé  à  l'intérieur  des  trous.  » 

^  C  :  «  Mon  Seigneur,  fais  enlever  ceux-là  et  je  vous  en  tres- 
serai d'autres  à  leur  place.  » 

a  22-28.  Ce  passage  figure  dans  A  mais  manque  dans  Ag. 

26.  Le  palais,  litl.  :  «  le  temple  ;  »  cf.  Daniel,  iv,  4  ;  vi,  18,  et 
I  Rois,  XXI,  1;  II  Rois, XX,  18,  etc. 


XXX,  29-XXXI,  1    AHiKAn  répond  a  pharaon  231 

29.  Alors  le  roi  me  fit  apporterla  pierre  supérieure  d'une 
meule  (|ui  était  brisée,  puis  il  prit  la  parole  et  me  dit  : 
«  0  Ahikar^  couds-moi  cette  pierre.  » 

30.  Et  je  pris  aussitôt  un  pilon  de  pierre  de  cette  meu- 
le, je  le  jetai  et  je  lui  dis  :  «  Mon  seigneur  le  roi,  je  n'ai  pas 
avec  moi  les  outils  de  cordonnier  et  je  ne  trouve  pas  ce 
dont  j'ai  besoin,  commande  donc  à  tes  cordonniers  de 
tirer  un  fil  de  ce  pilon,  qui  est  de  même  nature  que  la 
meiile^  et  aussitôt  je  la  coudrai.  » 

31.  A  ces  paroles,  le  roi  rit  et  me  dit  :  «  Allons  (su)  !  ô 
Ahikar,  que  le  jour  où  tu  es  né  soit  béni  devant  les  dieux  '' 
de  TEgyple  ;  parce  que  je  t'ai  vu  en  vie,  je  ferai  de  ce  jour 
une  grande  fêle  (avec)  des  festins  a.  » 


CHAPITRl^XXI 

Ahikar  part  de  l'Egypte  et  revient  prés  de  Sarhédom,  roi  de 
Ninive  et  d'Assur. 

1.  b Lorsque  le   roi   Pharaon  eut   été  vaincu  en  tout,  que 
^  C  :  «  le  Dieu.  » 


a  22-31  manquent  dans  le  grec,  qui  met  ici  l'incident  delà  lettre 
(supra,  XXIX,  4  -  XXX,  5). 

1»  XXXI,  1-2.  Après  xxix,  4  -  xxx,  5,  que  le  grec  place  ici, 
on  trouve  :    «  Et  le  roi  Neclanébo  dit  ensuite  :    Bienheureux 


30.   Un  pilon,  lilt.  :  «  un  mortier.  » 

Un    fil  :   kédra   signifie  chaudière   (x'^Tpa)  et,  au    sens  secondaire, 
lorum. 

Cette  réponse  a  passe  dans  le  Talmud  ;  cf.  Meissner,  p.  195. 


232  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR    XXXI,  1  -  XXXII,  1 

j'eus  résisté  h  ses  inventions,  que  j'eus  résolu  et  rendu  vai- 
nes toutes  ses  machinations  et  ses  énigmes, 

2.  il  me  donna  le  tribut  de  l'Egypte  de  trois  ans,  je  re- 
çus aussi  les  neuf  cents  talents  qui  figuraient  dans  ma  let- 
tre comme  s'il  les  avait  empruntés  à  mon  maître  et  dont 
tous  dirent  :  «  Nous  (en)  avons  entendu  (parler)  a.  » 

3.  Je  fus  comblé  de  présents  par  le  roi  et  d'honneurs  par 
ses  grands  *l>,  etaussitôt  le  roi  Sarhédom^se  hâta  de  venir 
au-devant  de  moi. 


CHAPITRE    XXXII  c 

Ahikar  revient  d'Egypte  et  va  près  du  roi,  qui  le  reçoit 
avec  honneur. 

1.    Et    le    roi    commença    à   me    dire    de    sages    paro- 


1  C  ne  mentionne  ici  que  le   tribut  de  trois  ans  et  ne  parle  ni 
des  neuf  cents  talents  ni  des  présents. 

2  Les  autres  rédactions  et  versions  portent  «  Sennachérib.  » 


est  Lycéros,  qui  possède  une  telle  sagesse  dans  son  roy- 
aume. —  Il  donna  donc  à  Esope  les  tributs  promis  et  le  renvoya 
en  paix.  » 

^  ^  et  Ag  ne  mentionnent  pas  les  neuf  cents  talents.  Tous 
deux  portent,  par  contre,  qu'Ahikar  demanda  au  roi  d'Egypte  de 
renvoyer  en  Assyrie  les  fugitifs  qui  avaient  passé  en  Egypte. 
L'arabe  seul  avait  mentionné  plus  liaut  (xxiii)  ces  fugitifs. 

'*  G  :  ((  Esope,  revenu  à  Bahylone,  raconta  à  Lycéros  tout  ce 
qu'il  avait  fait  en  Egypte  et  hii  remit  les  tributs.  » 

«  XXXI  -XXXII.  Dans  /'",  Hicar  conserve  le  nom  d'Abicara,  c'est 
sous  ce  nom  qu'il  annonce  son  retour.   Nadan  se  demande  quel 


XXXII,  1-4  AHIKAR    REVIENT    d'ÉGYPTE  233 

les  :  «  Demande    et   requiers  tout    ce  que    tu    voudras  ».  » 

2.  Et  je  dis  :  «  O  mon  seigneur  roi,  vis  à  jamais  !  »  Et 
le  roi  commença  à  venir  au-devant  de  moi  et  se  réjouit 
d'une  grande  joie. 

3.  Il  m'honora  et  me  fit  asseoir  h  son  côté  sur  son  siège 
et  sur  sa  tour  et  il  me  dit  :  «Demande-moi,  ô  Ahikar,  tout 
ce  que  tu  désires.  Si  tu  le  demandes,  je  te  donnerai  tout 
mon  royaume.  » 

4.  Ahikar  lui  dit  :  «  O  mon  seigneur  roi,  vis  à  jamais  et 
dans  toutes  les  générations  ^  !  Tout  ce  que  je  demande  à  ta 
Majesté  —  si  tu  es  bien  disposé  en  ma  faveur —  est  de 
donner  une  bonne  charge  à  Nabousemak,  spiculator  2^  car 
c'est  grâce  à  lui  queje  suis  encore  en  vie.  Maintenant  mon 
espoir  en  Dieu  me  soutient;  s'il  ne  m'avait  pas  aidé,  je 
serais  mort.  » 


*  5  a  en  plus  :  «  Cependant  fais-moi  un  présent  dans  ta  bonté 
si  tu  le  veux,  autant  que  cela  t'est  utile.  » 
2  Ce  mot  est  transcrit  dans  le  syriaque  B. 


est  cet  inconnu,  ce  magicien,  et  songe  déjà  à  le  faire  périr,  de 
crainte  qu'il  ne  le  supplante  auprès  de  Sinkarib.  Celui-ci  va 
trouver  Zéfagnie  et  demande  à  voir  les  deux  rochs  et  les  enfants, 
mais  elle  lui  dit  que  Hicar  les  a  rendus  à  la  liberté  pour  prix  de 
leurs  services  ;  elle  lui  demande  aussi  de  livrer  Nadan  à  Hicar. 
Il  n'est  toujours  pas  question  de  Nabousemak.  Nadan  est 
enchaîné  dans  le  cachot  où  Ahikar  a  dû  se  cacher. 

'  XXXII,  1.  G  :  a  Lycéros  ordonna  d'élever  une  statue  d'or  à 
Esope.  »  —  Ici  se  termine  le  texte  grec  parallèle  à  l'histoire  d'A- 
hikar,  inséré  dans  l'histoire  d'Esope. 


2.  Au-devant  de  moi,  répétition  de  xxxi,  3. 

4.  J  ta  majesté,  litt.  :  c  à  l'iionneur  de  ta  gjrandeur.  »» 


234  HISTOIRE     ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXXII,  5-10 

5.  Alors  le  roi  me  montra  son  afiection  par  de  nombreu- 
ses jjràces  et  surtout  ({xaXiijTa)  par  des  présents  et  des  dons 
que  je  reçus  de  lui. 

6.  Le  roi  commença  à  me  combler  de  nombreux  dons  et 
à  faite  de  nombreux  présents  à  (Nabousemak). 

7.  Le  roi  se  mit  à  m'interroger  ^  sur  tout  ce  qui  m'était 
arrivé  devant  Pharaon  et  sur  les  énigmes  ;  je  les  lui  ra- 
contai du  commencement  à  la  fin,  chacune  en  particulier, 
et,  en  l'entendant,  il  fut  dans  l'admiration, 

8.  Je  sortis  alors  les  biens,  l'argent,  l'or,  les  dons  et  les 
présents;  que  m'avait  donnés  le  i  oi  d'Egypte  pour  les  lui  ap- 
porter d'Egypte,  et  il  en  conçut  une  joie  inimaginable. 

9.  Il  me  dit:  «  Combien  veux-tu  que  je  le  donne?»  —  Je 
lui  dis  :  «  Je  ne  demande  rien  que  de  te  (voir)  heureux  et 
tranquille. Que  ferais-je  de  ces  richesses  et  du  reste!  Cepen- 
dant je  demande  à  ta  Béatitude  de  me  donner  pouvoir  de 
faire  tout  ce  que  je  voudrai  à  Nadan  pour  me  venger  de  lui 

V   et  de  ne  pas  me  réclamer  son  sang  ^.  » 

10.  Le  roi  me  permit   aussitôt  de  lui    faire  tout  ce  que  je 


1  5  :  ((  à  me  consoler.  » 

2  Les  versets  1-9  sont  beaucoup  plus  abrégés  dans  C  :  «  Je 
retournai  aussitôt  près  de  mon  seigneur,  le  roi  Sennachérib,  et 
y  arrivai.  Il  sortit  lui-même  au-devant  de  moi,  il  m'accueillit,  fît 
un  grand  jour  (de  fête),  me  fit  asseoir  au-dessus  de  ses  serviteurs, 
prit  la  parole  et  me  dit  :  Demande,  Ahikar,  tout  ce  que  tu  veux.  — 
Je  me  prosternai  devant  le  roi  et  je  lui  dis  :  Mon  seigneur  le 
roi,  tout  ce  que  tu  veux  me  donner,  donne-le  au  bourreau  Nabou- 
semak, mon  ami,  car  il  m'a  donné  la  vie.  Pour  moi,  mon  sei- 
gneur le   roi,   fais-moi   donner  mon  fds   Nadan,  afin   que  je  lui 

'   enseigne  une  autre  doctrine  puisqu'il  a  oublié  la  première.  » 


10  Sur  Nabouel  (ms.  T),  cf.  Payne  Smith,  Thésaurus  syriacus^  sous 
ce  iiora  propre.  Le  slave  porte  Négubil  et  rarménien  Béliar.  Dans  le 
Livre  des  Jubilés,  i,  20;  les  Testaments  des  douze  patriarches  (Ruben, 


XXXII^  10  AHIKAR     REVIENT    d'ÉGYPTE  235 

voudrais.  Je  pris  Nadan  et  allai  à  ma  maison,  je  l'attachai 
avec  des  liens  et  des  chaînes  de  fer,  je  lui  mis  des  liens  de 
fer  iiux  mains  et  aux  pieds  et  je  mis  du  fer  sur  ses  épaules, 
puis  je  commençai  à  le  flageller  de  vtrges  et  (à  le  frapper) 
de  coups  violents,  ^,  etje  lui  rappelai  l'enseignement  que  je 
lui  avais  donné  avec  la  sagesse,  la  science  et  la  philoso- 
phie ^. 


1  C  :  «  Le  roi  me  dit  :  Va,  Ahikar,  et  fais  à  ton  fils  Nadan  tout 
ce  que  tu  veux.  Personne  ne  sauvera  son  corps  de  tes  mains.  — 
Alors  je  pris  Nadan,  mon  fils,  je  le  conduisis  à  ma  maison,  je  le 
liai  d'une  chaîne  de  fer  du  poids  de  vingt  talents  que  je  fixai  à 
des  anneaux,  je  lui  mis  des  colliers  au  cou  et  je  le  frappai  de 
mille  coups  sur  les  épaules  et  de  mille  et  un  sur  les  reins  ;  je  le 
mis  dans  le  vestibule  (eîç  tv)v  Tipoo-TaSa  ),  à  la  porte  de  mon  palais  ; 
je  lui  donnai  du  pain  et  de  l'eau  avec  mesure  et  je  le  livrai  à  mon 
serviteur  Nabouel  pour  qu'il  le  gardât.  Je  dis  à  mon  serviteur  : 
Écris  sur  une  tablette  tout  ce  que  je  dirai  à  Nadan,  mon  fils,  à 
mon  entrée  et  à  ma  sortie  ;  je  pris  la  parole  et  je  dis  à  Nadan, 
mon  fils.  )) 


a  NS  :  «  de  mille  coups  entre  les  épaules,  de  mille  sur  le 
dos,  de  mille  sur  les  pieds  et  de  mille  sur  le  cœur.  »  NS  con- 
tinue comme  C,  hors  le   nom  de  Nabouel  qu'il  n'a  pas. 


2,  4,  6  ;  Dan,  5  ;  Lévi,  19),  V Ascension  d'fsaïe  i,  8,  9  ;  ii,  1  ;  m,  11, 
etc.,  Beliar  est  un  esprit  mauvais.  Dans  les  Livres  sibyllins,  u,  167, 
il  est  l'antéchrist.  L'auteur  de  la  version  armcuienue  aurait-il  vu 
dans  Nabouel  un  démon  chargé  de  tommenter  Narlau  ?  —  Je  le  mis 
dans  le  vestibule  de  la  porte  de  mon  palais.  Ce  trait,  propre  à  C> 
est  très  assyrien.  Les  rois  de  Ninive  enchaînaient  volonliers  les 
prisonniers  de  marque  à  la  porte  de  la  ville.  C'est  ainsi  qu'Assur- 
banipal  expose  le  roi  arabe  Uaite  à  la  porte  de  Ninive,  Annales, 
col.  VIII,  lignes  1-14. 


236  HISTOIRE  ET  SAGESSE   d'ahikar      XXXIII,  96-97 

CHAPITRE  XXXIII  a 
Suite  de  la  sagesse  d'Ahikar. 

96  ^.  [Mon  fils,  celui  qui  n'entend  pas  avec  les  oreilles,  on 
Je  fait  entendre  par  derrière  son  dos  -. 

Nadan,  mon  fils,  prit  la  parole  et  me  dit  :  «  Pourquoi 
t'irrites-tu  contre  ton  fils  ?  » 

97.  Je  lui  répondis  :  Moi,    mon   fils,  je  t'ai    fait  asseoir 


^  Les  différences  deviennent  très  nombreuses  entre  B  et  C, 
Nous  ajoutons  entre  crochets  les  passages  de  C  qui  manquent 
dans  B.  Nous  continuons  la  numérotation  des  sentences  parce 
qu'elles  forment  une  espèce  de  tout  dans  l'ouvrage  ;  cf.  supra, 
chap.  m. 

^  A  et  NS  :  «  Mon  flls,  il  est  dit  dans  les  Proverbes  :  Celui 
qui  n'entend  pas  avec  les  oreilles...  »  —  Manque  dans  SI.  — 
Se  trouve  en  arm.  comme  dans  le  syriaque,  c'est-à-dire  sans  les 
mots  :  ((  il  est  dit  dans  les  Proverbes.  » 


«  xxxiii.  F  ne  contient  que  trois  maximes  :  «  Le  tigre  souillé 
de  meurtre  et  de  carnage  passa  près  d'une  fontaine  ;  il  se  vit  et  se 
fit  horreur. 

«  Le  Gange,  dans  un  de  ses  débordements,  déposa  ses  eaux 
dans  un  creux  entre  deux  montagnes.  Elles  se  corrompirent,  et 
répandirent  Tinfection  autour  d'elles  :  les  habitants  des  coteaux 
voisins  les  maudissaient.  Comment,  disaient-elles,  ose-t-on  mau- 


96-   Par  derrière  son  dos,  c'est-à-dire  :    «  en  le  frappant  sur  les 

épaules  et  les  reins,  »  comme  il  est  dit  plus  haut. 

97.  Un  trône  glorieux,  litt.  :  «  sur  un  siège  d'honneur.  » 

Ma  justice    traduit   sans  doute   l'hébreu    sedaqah,    «justice»    ou 

(  aumône.  »  Cf.  Tobie,  xiv,  10  (grec)  et  Introd.,  supra,  p.  59. 


XXXIII,  97-98      SUITE    DE    LA    SAGESSE    d'ahIKAU  237 

sur    un    trône  glorieux,  et  toi   tu    m'as   précipité  de    mon 
trône.  Ma  justice  m'a  sauvé  a. 

98.  Tu  as  été  pour  ;noi,  mon  fils,  comme  un  scorpion  qui 
frappe  une    roche.  Celle-ci  lui  dit  :  «  Tu  as  frappé  sur  un 


dire  les  eaux  du  fleuve  salutaire  sans  lesquelles  l'homme,  dessé- 
ché, périrait  bientôt  !  —  Eaux  pestilentielles,  leur  répondit  un 
génie,  le  Gange  cesse  de  reconnaître  ses  eaux  dès  qu'il  n'en  sort 
plus  que  des  exhalaisons  mortelles  ! 

«  Un  loup  fut  pris  par  des  agneaux  que  gardait  un  prêtre  d'Osi- 
ris  :  Epargnez-moi,  dit-il  au  gardien  du  troupeau,  voyez  ma 
gueule,  mes  pattes,  il  est  clair  que  je  suis  innocent.  Le  crime  est 
dans  ton  cœur,  répond  le  gardien.  Mais  quand  vous  le  suppo- 
seriez, reprit  le  loup,  vous  êtes  voué  à  un  état  de  paix  ;  vous  ne 
prenez  le  couteau  que  pour  les  sacrifices,  et  je  suis  trop  vil  pour 
vous  être  offert  ;  mon  sang  souillerait  votre  robe  et  vos  mains. 
—  Il  n'y  a  que  le  sang  du  juste  qui  souille,  dit  le  prêtre  en  lui 
enfonçant  le  couteau  dans  la  gorge,  meurs,  malheureux!  Jeté 
sacrifie  à  la  tranquillité  des  troupeaux  qui  sont  sur  la  terre.  » 

^  Le  syriaque  énumérera  encore  plus  loin  (131-133)  ce 
qu'Ahikar  a  fait  pour  Nadan.  —  L'arménien  réunit  tout  cela  au 
commencement  (2  à  5).  —  Le  slave  est  conforme  au  syriaque  ;  il 
omet  cependant  :  «  Ma  justice  m'a  sauvé.  » —  L'arabe  développe 
beaucoup  cette  pensée.  Voici  Ag  :  «  Mon  fils,  c'est  moi  qui  ai 
recueilli  ton  enfance,  je  t'ai  élevé,  je  t'ai  chéri,  je  t'ai  comblé  de 
gloire  et  d'honneur  ;  je  t'ai  cédé  mon  rang  et  confié  mes  riches- 
ses ;  je  t'ai  initié  de  bonne  heure  à  l'étude  des  sciences,  parce 
que  je  voulais  que  tu  devinsses  l'héritier  de  ma  sagesse,  comme 
tu  devais  l'être  un  jour  de  ma  fortune  ;  j'ai  fait  pour  toi  plus  que 
n'aurait  fait  un  père.  Gomment  as-tu  récompensé  mes  bienfaits  ? 
Tu  m'as  calomnié,  tu  m'as  abreuvé  d'outrages,  tu  as  conspiré  ma 
mort  !  ma  perte  même  était  inévitable,  si  Dieu,  qui  lit  au  fond 
des  cœurs,  qui  console  les  opprimés  et  humilie  les  orgueilleux, 

98.  Cf.  «  Le  serpent  etlaliuie  s>,  La  Foutaiac,  1,  V,  xvi  ;  Loqman, 
xxvm;  Esope,  xlix  ;  Phèdre,  1.  IV,  vm.  R  S.  renvoie  à  Esope,  86- 
146. 


238  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAII  XXXIII,  98-99 

cœur  insensible.  »  11  frnppe  une  aiguille  et  elle  lui  dit  :  «  Tu 
as  frappé  un  aiguillon  plus  redoutable  que  le  tien  ».  » 

99.  1^  Tu  m'as  été  comme  la  chèvre  cjui  se  dressait  contre 
le  sumac  des  corroyeurs  et  le  mangeait.  Celui-ci  lui  dit  : 
«  Pourquoi  me  manges-tu,  puisqu'on  travaillera  ta  peau 
avec  ma  racine?  »  — La  chèvre  lui  dit:  «Je  te  mange  durant 
ma  vie  et,  à  ma  mort,  on  t'arrachera  jusqu'à  la  racine  '.  » 


^  Cette  réponse  n'est  pas  satisfaisante.  Le  ms.  C  est  sans 
doute  corrompu  ici.  La  version  arménienne  qui,  se  rapproche  le 
plus  ici  du  syriaque,  porte  :  «  Si  je  te  mange  durant  ma  vie, 
après  ma  mort  on  arrachera  ta  racine  pour  préparer  ma  peau.  » 


n'eût  reconnu  mon  innocence  et  ne  m'eût  sauvé  de  tes  embû- 
ches. » 

«  98  Manque  dans  SI,  Ag  et  NS.  M.  Lidxbarski  le  traduit 
sur  l'édition  Salhani  et  le  place  après  106.  —  A  porte  la  mauvaise 
leçon  suivante  :  «  Mon  fds,  tu  m'as  été  comme  un  scorpion  le- 
quel, s'il  frappe  de  l'airain,  le  perce.  »  —  L'arménien  porte  : 
«  INIon  fds,  tu  m'as  été  comme  un  scorpion  qui  a  frappé  une  ai- 
guille. L'aiguille  dit  :  C'est  un  aiguillon  qui  estpire  quele  tien. — 
De  plus,  tu  as  osé  frapper  la  plante  du  pied  d'un  chameau  et  il  a 
appuyé  lourdement  son  pied  sur  le  scorpion,  il  la  écrasé  et  a 
dit  :  Esclave,  ne  savais-tu  pas  que  ta  vie  et  ton  âme  étaient 
sous  mes  pieds  !  » 

b  90  Manque  dans  NS  et  Ag.  — A  Qi  H  donnent  un  sens  plus 
satisfaisant  que  le  syriaque.  A  :  «  Mon  fils,  tu  as  été  comme  la 
gazelle  qui  mangeait  les  feuilles  de  la  garance  ;  celle-ci  lui  dit  : 
Mange-moi  aujourd'hui  et  rassasie-loi,  et  demain  on  tannera  ta 
peau  avec  mes  racines.  »  —  SI  :  «  Tu  m'as  été  comme  la 
chèvre  qui  mangeait  le  sumac  et  celui-ci   lui  dit  :    Pourquoi   me 


99.  Le  sumac  des  corroyeurs,  plante  utilisée  pour  tanner  les 
peaux,  surtout  les    peaux   de  chèvre. 

1^.  S.  voit  ici  l'original  de  Esope,  404  ;  Babrius,  181;  Iguac.  diac. 
(éd.  C.  Fr.  Mùller),  i,  7. 


XXXIII,   100-102      SUITIi     DK     LA     SAGESSE     d'aHIKAR  239 

100.  Tu  m'as  été,  mon  fils  a,  comme  celui  qui  jette  une 
pierre  ^  vers  le  ciel  ;  elle  n'atteint  pas  le  ciel,  et  celui  qui  l'a 
lancée  a  péché  devant  Dieu  ^  . 

101.  ^  Tu  m'as  été,  mon  fils,  comme  celui  qui  a  vu  son. 
prochain  trembler  de  froid  et  qui  a  pris  un  vase  d'eau  et 
l'a  j»  té  sur  lui. 

102.  c  Plût  à  Dieu,  mon  fils,  qu'après  m'avoir  misa  mort 
tu  eusses  pu  prendre  ma  place,  mais  sache  cependant,  mon 
fils,  que  si  la  queue  du  porc  s'allongeait  de  scjit  coudées,  il 
ne  pourrait  pas  (cependant)  tenir  la  place  du  chev;d  et  si 
son  pt'il  devenait  doux  et  laineux,  jamais  il  ne  servirait  de 
vêtement  à  un  homme  noble. 


^  Arm  :  «  comme  celui  qui  lance  sa  flèche.  » 
2  Arm  :    «   mais   il  reçoit   la    punition    de    son   impiété    et   la 
flèche  retombe  sur   sa  tête.  » 


manges-tu,  ô  chèvre  !  avec  quoi  pourra-t-on  tanner  ta  peau  ?  — 
Et  la  chèvre  répondit  :  Je  mangerai  les  feuilles  et  avec  la  racine 
on  tannera  ma  peau.  » 

a  ((  Comme  celui  qui  jette  une  pierre  vers  le  ciel.  »  A  porte 
en  plus:  «pour  lapider  son  maître  avec  elle.»  — Ag  :  «Un 
homme  voulut  un  jour  lancer  une  pierre  contre  le  ciel,  elle  re- 
tomba sur  lui  et  l'écrasa.  » 

*>  SI,  Arm,  NiS  sont  à  peu  près  identiques  au  syriaque.  — 
A  paraphrase  un  peu  :  «  INIon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  homme 
qui  savait  que  son  camarade  avait  froid  par  le  temps  glacé  de 
l'hiver,  il  prit  de  l'eau  froide  et  il  la  jeta  sur  lui.  » 

f^  102-103.  .1  :  «  O  mon  fils,  si  tu  m'avais  honoré  et  respecté,  et 

100.  Cf.  iM-cli.,  XXVII,  28, 

102.  D'un  homme  noble,  lilt.  :  «jamais  il  ne  monterait  siirle  corps 
d'un  homme  libre.  »  —  Rende!  Harris  fait  remarquer  (p.  80)  que  l'on 
attendraitplutôt  :  «  Jamais  un  homme  libre  ne  monterait  sur  son  dos,  » 
mais  l'arménien  perle  :  «  Si  sa  toison  devenait  comme  la  pourpre, 
elle  ne  pourrait  être  utilisée  pour  le  corps  d'un  roi,  »  — et  conduit  au 
sens  que  nous  avons  adopté. 


240  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR        XXXIII,  103-105 

103.  Mon  fils,  j'ai  dit  que  tu  prendrais  ma  place  et  que 
tu  posséderais  par  héritaj^e  ma  maison  et  mes  richesses, 
mais  cela  n"a  pas  plu  à  Dieu  et  il  n'a  pas  entendu  ta 
voix  ^.  ] 

104.  Je  lui  dis  :  Tu  n'as  pas  écouté  mes  paroles,  tu  n'as 
pas  reçu  mon  enseignement,  tu  n';is  ni  écouté  ni  connu 
Dieu,  aussi  lui-même  n'a  pas  entendu  ta  voix  2, 

105.  Mon  fils,  réponds-moi  ;  tu  es  tombé  sur  moi  comme 
un  lion  ;ifFanié  (qui  rencontra)  un  âne  errant  le  matin  ^.  Le 


1  Les  sentences  96-103  sont  tirées  de  Cet  manquent  dans  B. 

2  Coraet  104. 

3  C  :  «  Tu  m'as  été,  mon  fils,  comme  un  lion  qui  rencontre 
un  âne  le  matin  et  lui  dit  :  Viens  en  paix,  mar  kouris  (xûpioç, 
c'est  une  répétition). —  Celui-ci  lui  répondit:  Queîapaix  que  tu  me 
donnes  retombe  sur  celui  qui  m'a  attaché  le  soir  et  n'a  pas  serré 
ma  longe  pour  que  je  ne  te  voie  pas.  »  La  leçon  [mar  kouris)  ou 


si  tu  avais  écouté  mes  paroles,  tu  aurais  été  mon  héritier  et  tu 
aurais  gouverné  toutes  mes  possessions.  O  mon  fils,  sais-tu 
que  si  la  queue  du  chien  ou  du  porc  avait  dix  coudées  de  long, 
elle  n'approcherait  pas  encore  du  prix  de  celle  du  cheval,  quand 
même  elle  serait  comme  de  la  soie  ? —  O  mon  fils,  je  pensais 
que  tu  serais  mon  héritier  à  ma  mort,  et  tu  as  poussé  ton  envie 
et  ton  audace  jusqu'à  vouloir  me  tuer.  Mais  le  Seigneur  m'a  dé- 
livré de  tes  ruses.  ))  —  Arm  :  «  Mon  fils,  tu  t'es  imaginé  et  tu  as 
dit  :  Je  prendrai  sa  place.  Mais  si  la  queue  du  porc  avait  près  de 
cinq  aunes  de  long,  elle  ne  pourrait  pas  encore  remplacer  celle 
du  cheval,  et  même  si  son  poil  était  comme  la  pourpre,  il  ne 
pourrait  pas  encore  être  utilisé  pour  habiller  le  roi,  —  Mon  fils, 
j'avais  pensé  que  tu  habiterais  dans  ma  maison  et  que  tu  hérite- 
rais de  mes  biens.  Mais,  à  cause  de  ta  méchanceté.  Dieu  ne  t'a  pas 
fait  prospérer.  »  Cette  dernière  partie  manque  dans  la  plupart 
desmss.  arméniens. 


XXXIII,   105-106        SUITE    DE    LA    SAGESSE    d'ahIKAK  241 

lion  a  dit  à  l'âne  :  «  Viens  en  paix,  ô  mon  frère  et  mon 
ami.  »  L'âne  répondit  :  «  Cette  paix  ressemble  à  celle  que 
(je  souhaite  à)  l'homme  qui  ne  m'a  pas  attaché  le  soir  et 
qui  n'a  pas  eu  l'idée  de  m'entraver  jusqu'à  maintenant  que 
je  te  vois.  » 

106.  Mon  {ils,  tu  m'as  été  comme  un  piège  caché  sous  le 
fuaiier.  Un  passereau  vint,  le  piège  le  vit  et  lui  dit  :  «  0 
mon  frère,  que  fais-lu  icib?»  — Le  passereau  répondit  :  «  Je 
te  regarde.  »  — Le  piège  dit:  «  Prie  Dieu;  gloire  à  lui  ^  !  »  — 
Le  passereau  lui  dit  encore  :  «  Quel  est  ce  bois  qui  est 
attaché  chez  toi  ?  » — Le  piège  répondit  au  passereau  :  «C'est 
mon  bâton  et  mon  soutien,  je  m'appuie  sur  Iniau  momentde 
ma  prière.  »  — Le  passere;iu  dit  :  «Qu'est-ce  que  ce  blé  qui 
est  dans  la  bouche  ?»  — Le  piège  répondit  :  «  C'est  de  la 
nourriture  et  du  pain  qui  rend  la  force  à  ceux  qui  ont  faim. 
Je  l'ai  placé  dans  ma  bouche  pour  qu'il  serve  de  nourri- 
ture aux  affamés  qui  se  réfugient  près  de  moi-.»  —  Le  passe- 


«  seigneur  kouris  y>  est  propre  à  C  et  ne  se  trouve  ni  dans 
le  slave,  ni  dans  larménien,  ni  dans  B.  M.  Velter  recourt  au 
Tahnud  pour  l'expliquer,  il  est  plus  probable  que  c'est  un  néo- 
logisme emprunté  au  grec.  —  Cf.  Introd.,  page  114-115,  et  l'his- 
toire  de  «  la  chèvre  qui  circule  »,  p.  21,  note  1,  et  p.  169, n.  46. 

^  Cette  formule  «  gloire  à  lui  »  s'ajoute  toujours  chez  les 
musulmans  après  le  nom  de  Dieu,  Elle  ne  se  trouve  que  dans  B 
et  elle  est  sans  doute  une  addition. 

2  Cf.  le  conte  du  chaperon  rouge. 


•'  «  Un  lion.  »  Le  slave  et  l'arménien  portent  :  «  un  loup.  » 

•»  Les   autres    versions   ne   contiennent  pas  la  première  qucs- 


105.  Cf.  «  L'oit^eau  et  le  chat,  »  Esope,  n.  clvii  ;  Babriiis,  n.  f;vii. 
R.  S.  renvoie  à  Ésope,  n.  323,  326,  258,  260.  —  Cf.  «  Le  chat  et  les 
souris,  »  Ésope,  n.  lxvii  ;  Phèdre,  1.  IV,  n  ;  La  Fontaiue,  1.  III,  xvui. 

IG 


242  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR       XXXIII,  106-108 

reau  dit  :  «  Je  suis  maintenant  très  affamé,  je  vais  donc  le 
manger.  »  —  Le  piège  lui  répondit  et  dit  :  «  Approche,  ô 
mon  frère,  et  ne  crains  pas.»  —  Quand  le  passereau  s'ap- 
prêta à  le  prendre,  il  le  saisit  aussitôt  par  la  tête  et  le  pas- 
sereau dit  au  piège  :  «  Si  c'est  là  ton  jeûne  et  ta  prière  au 
sujet  de  ce  pain,  Dieu  ne  recevra  pas  ton  jeûne  et  ta  prière 
et  ne  te  donnera  aucun  bien  ^.  » 

107.  ^  [Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  taureau  attaché 
avec  un  lion  ;  le  lion  se  tourna  vers  lui  et  le  mit  en  piè- 
ces 2.] 

108.  ^  Mon    fils,   tu   m'as  été   comme    le  charançon   qui 

1  (7  :  «  Mon  fils,  un  piège  était  tendu  sur  un  fumier  ;  un  pas- 
sereau vint,  le  vit  et  lui  dit  :  Que  fais-tu  ici  ?  —  Le  piège  lui 
répondit  :  Je  prie  Dieu.  —  Le  passereau  lui  dit  :  Qu'est-ce  qui 
est  dans  ta  bouche  ?  —  Le  piège  répondit  :  Le  pain  des  passants. 
—  Le  passereau  s'approcha,  il  prit  le  pain,  et  (Je  piège)  le 
saisit  par  le  cou.  Le  passereau  dans  sa  douleur  dit  ;  Si  c'est  là 
le  pain  des  passants,  Dieu  que  tu  pries  n'entendra  pas  ta  voix.  » 

2  Manque  dans  B.  ;  cf.  105. 


tion  du  piège.  L'arabe  seul  porte  la  question  au  sujet  du  bâton 
et  termine  par  :  ((  Si  c'est  là  ton  pain  pour  la  faim,  Dieu  n'accep- 
tera pas  tes  aumônes  et  tes  bonnes  actions  ;  et  si  ce  sont  là  ton 
jeûne  et  tes  prières.  Dieu  n'acceptera  de  toi  ni  ton  jeûne  ni  tes 
prières  et  Dieu  ne  t'accordera  aucun  bien.  »  —  Le  slave  et  l'ar- 
ménien sont  presque  identiques  à  C  —  L  porte  «  lièvre  »  au 
lieu  de  passereau.  » 

^  A  :  (f.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  lion  qui  fit  amitié 
avec  un  âne,  et  Fane  put  se  promener  un  certain  temps  en  pré- 
sence du  lion,  mais  un  jour  le  lion  s'élança  et  le  dévora.  » 

^  Arm  :  «    Le  ver  du  pain   mange  le  corps    d'un  roi,   et  ce- 


106.    R.    S,,  p.  80   à  82,    voit  ici  l'original  de  la  f;iblc  340  d'Ésope 
et  215  de  B;ibrius. 


XXXIII,  108-111      SUITE    DE    LA    SAGESSE    d'aHIKAR  243 

se  trouve  dans  le  blé.  Il  ne   sert  à  rien  et  il  perd  le  blé  ^. 

109.  ^  [Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  chaudron  auquel 
ou  a  n)is  des  oreilles  d'or  sans  débarrasser  son  fond  de  sa 
noirceur  *.] 

110.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  l'homme  qui  avait  semé 
dix  mesures  de  blé  dans  un  champ,  puis,  au  temps  de  la 
moisson,  il  le  coupa,  le  nettoya^,  et  il  trouva  dix  mesures  de 
blé.  L'homme  dit  alors  au  champ  :  «  Pourquoi  ne  m'as-tu 
rien  donné  de  plus  ?  Je  t'ai  labouré,  renouvelé,  semé  lors- 
que tu  étais  inculte  et  tu  ne  m'as  rien   produit  de  bon  ^.  » 

111.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  l'oiseau  ^  qui  est  enfer- 

^  C  :  «  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  le  charançon  du  blé  qui 
ravage  les  greniers  des  rois  et  qui  est  réputé  pour  rien.  » 

*  Se  trouve  plus  bas  dans  B  au  n,  115. 

*  C  :  «  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  le  paysan  qui  sème  un 
champ  avec  vingt  mesures  de  blé  ;  à  la  moisson,  il  lui  produisit 
vingt  mesures  et  il  lui  dit  :  J'ai  recueilli  ce  que  j'avais  dépensé  ; 
mais  honte  sur  toi  qui  (auras)  le  mauvais  renom  de  produire  me- 
sure pour  mesure,  car  comment  pourrai-je  vivre  ?  »  , 

*  B  porte  tabid  qui  se  traduit  par  «  chèvre  »  ou  «  gazelle  » 
maiscesensne  s'accorde  pas  avec  la  suite.  Le  ms.  J5portait  faè'o; 
on  a  gratté  l'extrémité  de  l'aïn  pour  en  faire  un  yod,  d'où  tabid. 
Le  ras.  C  écrit  drd  deséfrô,  que  j\L  Rendel  Harris  n'a  pas 
traduit.  L'arabe  porte  «  perdrix  ».  Cf.  Eccli.^  xi,  32  :  «  Comme 
la  perdrix  est  conduite  dans  une  cage.  » 


pendant  lui-même  ne  sert  à  rien  et  n'est  utile  à  personne,  mais  il 
est  vil.  » 

3  Le  slave,  qui  porte  seul  cette  maxime,  est  identique  au 
syriaque. 

b  L'arabe  ajoute  que  l'homme  a  arrose  son  champ.  L'armé- 

110.  Cf.  Matth.,  XXV,  24-30. 

111.  U.  S.,  p.  79-80,  rapproche  cette  comparaison  des  fables 
341  et  356  d'Ésope  ;  cette  dernière  n'en  serait  qu'une  mauvaise  imita- 
tion. 


244  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR         XXXIII,   111-114 

rac  dans  un  piège  et  ne  peut  pas  échapper  au  chasseur  ;  il 
élève  cependant  sa  voix  douce  et  suave  et  il  réunit  près  de 
lui  les  oiseaux  ou  de  nombreuses  perdrix  pour  qu'ils  se 
fassent  prendre. 

112.  [Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  le  bouc  qui  fait  entrer 
ses  compagnons  dans  les  boucheries  et  qui  ne  se  sauve  pas 
lui-même  i.] 

113.*^  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  chien  saisi  par  le 
froid  qui  fut  se  chaufFer  chez  des  potiers  ^  et  qui,  lorsqu'il 
eut  chaud,  chercîia  à  aboyer  et  à  les  mordre.  lisse  mirent 
à  le  frapper.  Il  aboya,  et  eux,  craignant  d'être  mordus,  le 
tuèrent. 

114.  ^  Mon  fils,  tu  as  été  comme  ce  porc  qui  fut  prendre 
un  bain  avec  les  grands.  Arrivé  aux  bains  il  s'y  lava  ;  mais  en 
sortant,  il  vit  de  la  boue  et  il  alla  s'y  rouler  ^. 

1  B  omet  ;  cf.  116. 

2  ^'  :  «  dans  le  four  du  potier.»  —  C  :  «  chez  des  boulangers.  » 
^  C  :    «  Mon  fils,    tu  m'as  été   comme  un  porc  qui  allait  aux 

bains  ;  il  vit  une  fosse  boueuse  et  alla  s'y  laver,  puis  il  appela 
ses  compagnons  :  Venez,  lavons-nous.  » 


nien  abrège  beaucoup  :  «  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  le  semeur 
qui  sème  dix  boisseaux,  puis  il  en  recueille  cinq  et  le  reste  est 
perdu.  D 

a  Ao-  :  ((  Tu  t'es  conduit  à  mon  égard  comme  ce  chien  qui, 
étant  entré  dans  une  poterie  pour  s'y  chauffer,  se  mit  ensuite  à 
aboyer  après  les  gens  de  la  maison,  qui  se  virent  contraints  de  le 
chasser  de  peur  d'être  mordus.  »  —  A?'fn  abrège  et  ne  dit  pas 
qu'on  a  chassé  le  chien. 

*'  Arm    :  <L  Mon  fils,   ils  ont  conduit  le  porc  au  bain,  il  s'est 


113.  Cf.  «  Le  villageois  etle  serpent,  »  Ésope,  n.cxxx  ;  La  Foutaiue, 
1.  VI,  XIII  ;  R.  S.  renvoie  à  la  fable  173  d'Ésope. 

114.  Cf.  II  Pierre,  ii,  22.  Une  sentence  analogue,  (les  porcs  s'enor- 


XXXIII,   115-117       SUITE    DE    LA    SAGESSE    d'ahIKAR  245 

115.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  une  noire  chaudière 
à  laquelle  on  a  mis  un  cercle  d'or  ^. 

116.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  le  bouc  des  brebis  ^qui 
porte  et  incline  la  tête  devant  le  boucher  et  celui-ci  ne  peut 
lui  enlever  la  vie  ^. 

[117.  Mon  fils,  mon  doigt  est  sur  la  bouche  et  ton  doigt 
est  sur  mes  yeux.  Tu  t'élèveras  contre  celui  qui  t'a  élevé, 
parce  que  tes  yeux  regardent  les  pommes  "*.] 


^  Se  trouve  plus  haut,  cf.   n.  109. 

2  Taiso  de    'erbê    :   «  le   mouton  qui   fait  entrer  les    brebis  à 
l'abattoir.  » 

3  Peu  compréhensible.  Ne  se  trouve  que    dans  B.    C'est  sans 
doute  une  déformation  de  129''.  Cf.  112. 

^B  omet  117. 


plongé  dedans,  puis  il  s'est  roulé  dans  une  fondrière  en  disant  : 
Vous  vous  lavez  dans  ce  qui  vous  est  propre,  je  veux  en  faire 
autant  pour  moi.  »  —  Ag  seul  introduit  un  âne  et  fond  peut-être 
ensemble  114  et  139  :  «  On  voulut  habituer  un  âne  à  la  propreté 
et  lui  inspirer  des  goûts  délicats,  on  l'installa  dans  un  salon  ma- 
gnifique, on  le  plaça  sur  un  riche  tapis.  Qu'arriva-t-il  ?  Au  pre- 
mier moment  de  liberté  que  lui  laissa  son  maître,  il  descendit 
dans  la  rue,  y  trouva  de  la  poussière  et  s'y  vautra.  —  Laissez-le 
se  vautrer,  dit  alors  un  passant,  car  cela  est  dans  sa  nalurc  et 
vous  ne  sauriez  le  changer.  » 


gueillissent  dans  la  saleté)  est  attribuée  à  Démocrite  par  Clcraent 
d'Alexandrie  et  Plutarque.  Cf.  RendelHarris,  p,  Lxvr,  et  R.  S., p.  75. 
117- La  fin  du  verset  contient  peut-être  une  allusion  àla  transgression 
d'Adam  causée  par  le  fruit  de  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  maL 
L'édition  anglaise  traduit  de  manière  toute  diU'érentc.  —  R.  S.  ren- 
voie à  Babrius,  175. 


246  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR       XXXIII,  418-123 

118.*  Mon  fils,  si  le  chien  qui  tue  un  gibier  n'y  fait  atten- 
tion, le  loup  le  mange  aussitôt  ^. 

119.  Mon  fils,  la  main  qui  ne  se  fatigue  pas,  ne  travaille 
pas  et  ne  peine  pas  sera  coupée  à  cause  de  sa  paresse  *>. 

120.  Mon  fils,  on  arrachera  2  l'œil  qui  ne  voit  pas  la  lu- 
mière. 

121.  Mon  fils,  c'est  moi  qui  t'ai  montré  le  visage  du  roi, 
qui  t'ai  conduit  à  de  grandes  faveurs,  qui  t'ai  instruit  et 
élevé  et  qui  t'ai  donné  tout  bien,  et  toi  que  m'as-tu  rendu 
et  rétribué  ? 

122.  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  arbre  qu'on  a  or- 
donné de  couper. 

123.  Ah  !  oja  !  malheur  !  si  tu  n'avais  rien  pris  ni  reçu 
de  moi  ^,  tu  n'aurais  aucun  pouvoir  sur  moi  tout  le  temps 
de  ta  vie  *. 


^  C  :  ((  Mon  fils,  le  chien  qui  mange  du  produit  de  sa  chasse 
deviendra  la  part  (la  proie)  des  loups.  » 

2  A,  C,  Arm  :  «  le  corbeau  arrachera.  » 

^  C  :  «  Quel  bien  ra'as-tu  fait,  mon  fils,  pour  que  je  me 
souvienne  de  toi  et  pour  que  mon  âme  se  complaise  en  toi  ?  »  La 
fin  est  rattachée  dans  B  au  n.  124. 

*  C  omet  122  et  123.  En  réalité  122  et  123  sont  équivalents 
à  126.  Le  texte  du  ms.  B  doit  donc  être  corrigé  en  conséquence. 


apporte  :  «  O  mon  fils,  le  chien  qui  n'est  pas  nourri  par 
son  maître  devient  la  proie  des  mouches.  »  —  Arra  est  con- 
forme à  C. 

^  NS   :  «  Coupe-la  du  creux  de  l'aisselle.  » 


118.  R.  S.,  p.  82-8;'.,  rapproche  celte  pensée  de  la  fable  153  de  Ba- 
brius. 

120.  H.  S.,  p.  105,  rapproche  119  et  120  de  Job,  xxxi,  22,  et  ProT, 
XXX,  17. 

122.  Cf.  infra,  126. 


XXXIII,   124-127  SUITE    DE     LA    SAGESSE    d'aHIKAII  247 

124.  Je  me  réjouirai  et  j'exulterai  en  toi,  6  mon  fils,  et 
mon  âme  se  reposera  lorsque  les  dieux  voleront  celui  qui 
les  implore,  lorsque  le  lion  volera  pour  s'enrichir,  lorsqu'un 
homme  volera  de  la  terre  pour  en  manger  *. 

125.  Je  t'ai  présenté,  ô  mon  fils,  au  roi  et  aux  grands  et 
je  l'ai  amené  à  un  grand  honneur,  et  toi  tu  as  fait  du  mal  à 
ceux  qui  agissent  bien.  Que  feras-tu  donc  à  ceux  qui  agis- 
sent mal  2  ? 

126.  ^  [Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un  arbre  qui  dit  à  ceux 
qui  le  coupent  :  Si  vous  n'aviez  pas  (une  partie)  de  moi  ^ 
dans  vos  mains,  vous  ne  seriez  pas  tombés  sur  moi  *•>.  ] 

127    [Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  les  petits  de    l'hiron- 

^  C  :  «  Mon  fils,  si  les  dieux  volent,  au  nom  de  qui  les  adju- 
rera-t-on  ?  Et  le  lion  qui  vole  de  la  terre,  comment  pourra-t-il  y 
demeurer  et  la  manger  ?»  —  Le  texte  de  B,  qui  énumère  des 
impossibilités,  semble  préférable. 

2  C  :  ((...  et  toi  tu  as  voulu  m'affliger.  » 

^  Le  manche  de  la  cognée. 

*  B  omet.  Cf.  supra,  122,  123. 


a  Salhani  :  «  Mon  fils,  tu  te  comportes  comme  l'arbre  que 
les  gens  coupent  avec  ses  rameaux.  Alors  il  leur  dit  :  Si  vous 
n'aviez  pas  en  main  cela  (  les  branches  =  manche  de  cognée), 
qui  vient  de  moi,  vous  ne  pourriez  pas  me  faire  tomber,  » 

b  12.5-126.  Ag  :  «  Je  t'avais  élevé  à  la  première  dignité  de  l'em- 
pire et  tu  ne  t'es  pas  contenté  d'être  ingrat:  tu  as  voulu  em- 
ployer contre  ton  bienfaiteur  la  puissance  qu'il  t'avait  donnée  I 
Des  bûcherons  se  disposaient  à   couper   un  arbre  ;  l'arbre  leur 

124.  R.  S.  renvoie  à  Ésope,  91  et  70,  Babrius,  2. 

126.  R.  S.,  p  77-78,  lient  que  cette  pensée  a  inspiré  les  fables 
122,  123  d'Ésope  et  38,  143  de  Babrius. 

127.  Cf.  c  [.e  chat  et  lesoiseaux,  >  Esope, xiv.  R.  S.,  p.  88,  renvoie 
à  Ésope,  16;  Babrius,  121. 


248  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XXXIII,  127-129 

délie  qui  tombèrent  de  leur  nid. Un  chat»  les  attrapa  et  leur 
dit  :  «  Si  je  n'étais  pas  là,  il  vous  arriverait  un  grand  mal.  » 
—  Ils  prirent  la  parole  et  lui  dirent  :  «  C'est  pour  cela 
que  tu  nous  as  mis  dans  ta  gueule  "•.  »] 

128.  Tu  m'as  été  comme  un  chat  auquel  on  dit  :  «  Cesse 
de  voler,  puis  entre  et  sors  ^  comme  tu  veux  ^.  »  Le  chat 
leur  répond  :  «  C'est  là  mon  art,  si  j'avais  des  yeux  d'ar- 
gent, des  mains  d'or  et  des  pieds  de  béryl,  je  n'abandonne- 
rais pas  mes  vols.  » 

129^.  Tu  m'as  été,  ô  mon  fils,  comme  un  serpent  monté 
sur  un  buisson  et  qui  flottait  sur  le  fleuve.  Un  loup  ^je  vit  et 

^  B  omet. 

2  C  ajoute  :  «  chez  le  roi.  » 

^  Sic  A,  C,  Arm,  NS.  —  B  porte  seul  :  «  un  lion.  » 


dit  :  Si  je  n'avais  pas  fourni  moi-même  le  manche  de  votre  co- 
gnée, vous  ne  seriez  pas  assez  forts  pour  m'abattre.  » 
a  Au  lieu  d'un  chat,  Tarménien  porte  :  «  une  belette.  » 
h  ((  Puis  entre  et  sors  comme  tu  veux.  »  IVS  :  «  Et  le  roi  te 
fera  faire  des  rênes  d'or  et  des  chaînes  d'argent  et  de  perles,  et 
il  te  donnera  à  manger  et  à  boire  jusqu'à  ce  que  tu  sois  rassasié.  » 
—  ((  C'est  là  mon  art,  »  etc.  NS  :  «  Je  n'abandonnerai  jamais 
l'art  que  mon  père  et  ma  mère  m'ont  enseigné.  »  —  Ag  porte  : 
«  Tu  m'as  prouvé  que  léducation  ne  peut  rien  contre  un  mau- 
vais naturel.  Je  t'ai  enseigné  la  vertu  et  tu  as  marché  dans  le 
crime.  On  disait  un  jour  à  un  chat  :  Abstiens-toi  de  dérober  et 
nous  te  ferons  un  collier  d  or,  et  chaque  jour  nous  te  donnerons 
à  manger  du  sucre  et  des  amandes.  — Dérober,  répondit  le  chat, 
fut  le  métier  de  mon  père,  comment  voulez-vous  que  j'y  re- 
nonce ?  ))  —  SI  et  Arm  ressemblent  au  syriaque. 


128.    R.   S.    rapproche    celle   comparaison    de  la  fable  88  d'Ésope 
(et  l'«9)  ;  Babrius,  32  ;  Ignat.  diac,   I,  39. 

129  a.  R.  S.  voit  ici  l'original  d'Ésope,  145,  et  de  Babrius,  173. 


XXXIII,  129-131  SUITE    DE    LA    SAGKSSE    d'ahIKAR  249 

dit  :  «  Le  mauvais  est  monté  sur  le  mauvais  et  un  plus 
mauvais  qu'eux  deux  les  emporte.  »  Le  serpent  répondit  a  à 
ce  loup  :  «  Et  toi,  est-ce  que  tu  reconduis  les  chèvres  à 
leur  maître  ^  ?  » 

[129.  Mon  fils,  j'ai  vu  une  chèvre  qu'on  a  conduite  à 
l'abattoir,  et,  comme  son  temps  n'était  pas  arrivé,  elle 
retourna  chez  elle,  et  elle  vit  ses  petits  et  les  rejetons  de 
ses  petits.] 

130.  Tu  m'as  été,  mon  fils,  comme  les  enfants  qui  tuent 
leur  mère  ^  b. 

131.  Mon  fils,  je  t'ai  fait  goûter  tout  ce  qui  est  bon,  et  toi 
tu  ne  m'as  pas  rassasié  de  pain  poussiéreux;  je  t'ai  oint  de 
parfums  agréables,  et  toi  tu  as  souillé  mon  corps  de  pous- 
sière; je  t'ai  abreuvé  de  vin  vieux,  et  toi  tu  ne  m'as 
même  pas  abreuvé  avec  de  l'eau  en  suffisance  -^c. 


^  C  :  «...  si  tu  venais  ici,  tiendrais-tu  compte  des  chèvres  et 
de  leurs  petits  ?»  —  D'après  un  ms.  arabe,  le  loup  répond  : 
«  Non,  »  et  le  serpent  lui  dit  :  «  Tu  es  donc  plus  mauvais  que 
nous.  »  Cf.  infra. 

2  C  :  «  Mon  lîls,  j'ai  vu  des  petits  tuer  leur  mère.   » 

^  La  fin  manque  dans  C. 


a  (kLb  serpent  répondit,»  etc.  manque  dans  Salhani  et  Arm. — 
J  ajoute,  d'après  un  manuscrit  deLondres:  «  Le  serpent  répondit 
au  loup  :  Les  brebis,  les  chèvres  et  les  moutons  que  tu  as  man- 
gés durant  toute  ta  vie,  vas-tu  les  retourner  à  leurs  parents,  oui 
ou  non  ?  —  Le  loup  dit  :  Non.  —  Le  (serpent)  lui  dit  :  Je  pense 
qu'après  moi-même  tu  es  le  plus  méchant  de  nous  (tous).  » 

b  Le  slave  est  conforme  à  C. 

c  NS  :  «  Mon  fils,  je  t'ai  donné  des  nourritures  coûteuses 
et  bonnes,  et  tu  ne  m'as  pas  seulement  rassasié  avec  le  pain  de  la 
faim,  mais  tu  m'as  fait  mettre  sous  terre  dans  une  fosse  et  tu  as 
machiné  une  perfidie  pour  me  perdre,  »  —  J  :  «  MonTds,  je  t'ai 
nourri  avec  une  bonne  nourriture  et  tu  ne  m'as  même  pas  nour- 


250 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR  XXXIII,  132-134 


132.  [Mon  fils,  j'ai  grandi  ta  stature  comme  un  cèdre  ; 
tu  m'as  plié  durant  ma  vie  et  tu  m'as  abreuvé  de  ta  malice. 

433.  Mon  fils,  je  t'ai  élevé  comme  une  tour  et  je  disais  : 
«  Si  mon  ennemi  vient  contre  moi,  j'y  monterai  et  j'y  de- 
meurerai ;  »  —  et  toi,  lorsque  tu  as  vu  mon  ennemi,  tu  t'es 
incliné  devant  lui  ''a,] 

134^  .  Tu  m'as  été,  ô  mon  fils,  comme  la  taupe  qui  monte 
à  la  surface  de  la  terre  pour  accuser  Dieu  qui  lui  a  refusé 
la  vue,  et  un  aigle  vient  et  l'emporte  -b. 

1  B  omet  132  et  133. 

^  C  :  «...  pour  recevoir  le  soleil  parce  qu'elle  n'a  pas 
d'yeux.  » 


ri  avec  du  pain  sec.  —  Mon  fils,  je  t'ai  donné  à  boire  de  l'eau 
sucrée  et  du  bon  sirop  et  tu  ne  m'as  même  pas  donné  de  l'eau  de 
source.  —  Mon  fils,  je  t'ai  instruit  et  je  t'ai  élevé  et  tu  m'as  fait 
creuser  une  cachette  et  tu  m'as  enterré.  » 

a  132-133.  NS  :  «Mon  fils,  je  t'ai  élevé  et  j'ai  grandi  ta  stature 
comme  (celle  d')  un  cèdre,  mais  toi,  tu  m'as  enchaîné,  tu  m'as 
courbé  et  tu  m'as  jeté  vivant  dans  un  tombeau.  Je  croyais  m'être 
bâii  (en  toi)  un  ch'teau  solide  et  élevé  qui  me  protégerait  contre 
nos  ennemis.  »  —  A  renferme  aussi  ces  idées  et  ajoute  à  la  fin  : 
«  Et  tu  es  venu  près  de  moi  pour  m'ensevelir  dans  les  profon- 
deurs de  la  terre,  mais  le  Seigneur  a  eu  pitié  de  moi  et  m'a  déli- 
vré de  tes  ruses.  » 

b  «  Dans  Arm  la  taupe  conclut  qu'elle  mènerait  une  vie 
paisible,  si  elle  étaitrestée  à  sa  place.  —  Cette  pensée  manque 
dans  A  et  NS,  qui  portent  à  sa  place  :  ((  Mon  fils,  je  t'ai  fait  tout 

134  ».  A  la  surface,  litt.  :  «  sur  la  bouche.  » 

Qui  lui  a  refusé  la  vue,  lilt.  :  «  à  cause  de  ses  j/eux.  » 

Cf.   Ésope,   cxix    (Les   coqs  et   l'aigle);   La  Fontaine,  I.  VII,  viii  ; 

Babrius,  V.  —  R.  S.  renvoie  à  Esope,  409  ;  Babrius,  115   :  Phèdre,  II, 

6  ;  Igaat.  diac,  u,  40. 


XXXIII.  134-135  SUITE  DE   LA  SAGESSE  d'ahikar  251 

134  ^.  Nadan,  mon  fils,  répondit  et  me  dit  :  «  Loin  de  toi 
mon  seigneur,  d'être  de  ceux  qui  n'ont  pas  de  miséricorde. 
Agis  avec  moi  selon  tes  miséricordes.  Même  si  un  homme 
pèche  contre  Dien,  il  hii  remet  ses  péchés,  toi  aussi  par- 
donne-n<oi  maintenant  et  je  soignerai  tes  bêtes  de  somme 
ou  je  paîtrai  tes  brebis  et  tes  porcs,  et  on  m'appellera  un 
homme  mauvais  et  toi  un  homme  bon  a.   » 

135.  Je  lui  répondis  et  lui  dis  :  Mon  fils,  tu  m'as  été 
comme  un  palmier  qui  se  trouvait  le  long  du  chemin  et  on 
n'y  cueilhiit  pas  de  fruit  ^.  Son  maître  vint  et  voulut  l'arra- 
cher ;  ce  palmier  lui  dit  :  «  Laisse-moi  une  année  et  je  te 
donnerni  du  carthame  ^.  »  —  Son  maître  lui  dit  :  «  Malheu- 


^  C  :  «  comme  un  palmier  qui  était  près  du  fleuve  et  jetait 
tout  son  fruit  dans  le  fleuve.  »  —  :  ^  «  comme  un  palmier  qui 
ne  portait  pas  de  fruit  près  de  l'eau...  il  lui  dit  :  Mets-moi  à  une 
autre  place  et,  si  je  ne  porte  pas  de  fruits,  coupe-moi.  —  Son 
maître  lui  dit  :  Lorsque  tu  es  près  de  l'eau,  tu  ne  portes  pas  de 
fruits,  comment  en  porterais-tu  à  une  autre  place?»  Ci.  supra, 
p. 122. 

2  C  :  «  des  caroubes.  » 


le  bien  (possible),  et  lu  t'es  acquitté  envers  moi  avec  tout  le  mal 
possible.  Aussi  je  veux  t'arracher  les  yeux,  t'amputer  la  langue 
et  te  couper  la  tête  avec  l'épée,  te  rendre  tout  le  mal  et  te  payer 
toutes  les  méchancetés.  » 

a  IS^''.  Ag  :  ((  Pardonnez-moi.  disait  quelquefois  Nadan  à  son 
oncle,  pardonnez-moi,  et  je  vous  promets  pour  l'avenir  une  con- 
duite irréprochable.  Mes  torts  sont  grands,  mais  rien  n'est  au- 
dessus  de  votre  générosité  ;  je  suis  criminel,  mais  vous  êtes 
magnanime.  Si  c'est  à  moi  de  faillir,  c'est  à  des  hommes  tels 
que  vous  qu'il  appartient  de  pardonner.  Soyez  clément,   oubliez 

134''.  Cf.  Luc,  XV,  15,  19. 

135.  Cf.  IjUC,  xin,  6-9,  parabole  du  figuier  qui  ne  portait  pas  de 
fruits. 


252  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR  XXXIII,  137-137 

reux,   tu   n'as   pas   réussi  (à  produire)    ton  fruit,  comment 
réussirais-tu  à  (en  produire)  un  autre  a  1  >, 

136.  Mon  fils,  la  vieillesse  de  l'aigle  l'emporte  sur  la  jeu- 
nesse du  vautour  ^  b. 

137.  c  Mon  fils,  s'ils  disent  au  loup  :  «  Éloigne-toi  des  bre- 
bis ;  »  —  il  répond  :  «La  poussière  (que  soulève  le  troupeau) 
est  très  bonne  pour  mes  yeux.  »  —  Ils  lui  disent:  «  Ap- 
prends à  lire  A,  B  ;  »  —  il  répond  :  «  Brebis,  chevreau  2.  » 


1  C  omet. 

2  Ces  deux  mots  commencent  par  J  et    G  en  syriaque.   L'au- 
teur n'aura  sans  doute  pas  trouvé  de   mot  convenable  coramen- 


mon  crime,  et  je  consens  à  rentrer  dans  votre  maison  comme 
le  dernier  de  vos  esclaves.  Ma  vie  entière  sera  consacrée  à  vous 
servir  et  à  réparer  mon  ingratitude.  Confiez-moi  les  emplois  les 
plus  vils  :  je  me  soumets  d'avance  à  toutes  les  humiliations.  » 

a  135.  Arm  commence  comme  C,  mais  la  fin  diffère  (la  fin  de 
C  est  identique  à  celle  de  B)  :  «  Mon  fils,  tu  m'as  été  comme  un 
palmier  qui  awill  poussé  ses  rames  sur  le  bord  d'une  rivière. 
Lorsque  son  fruit  mûrissait,  il  tombait  dans  la  rivière.  Le  maître 
du  palmier  vint  pour  l'abattre  et  le  palmier  lui  dit  :  Laisse-moi  à 
cette  place  (un  ms.  porte  comme  le  syriaque  :  pour  une  année), 
et  l'année  prochaine  je  pourrai  produire  des  fruits. —  Le  maître  du 
palmier  dit  :  Jusqu'à  ce  jour  tu  n'as  servi  à  rien,  à  l'avenir  tu  ne 
peux  pas  me  donner  de  profit.  » —  Le  slave  ne  renferme  que  la 
première  partie  jusqu'à  :  «  l'eau  emmenait  tout  son  fruit.  »  — 
Ag  est  conforme  à  A^  qui  semble  avoir  conservé  la  meilleure 
leçon.  C  contient  une  mauvaise  combinaison  du  commence- 
ment de  A  avec  la  fin  de  B. 
'>«Du  vautour,  ))  A  et  Salhani  :  «  du  corbeau.  » 
<^  NS  :    «  Mon  fils,   on   a  conduit   le  loup  à  l'école  pour  l'y 


136-  R.  S.  (p.  74-75)  rapproche  de  cet  apliorisme   celui  de  Démo- 
crite  :  YTipai;  )>eôvT(i)v  xpetffaov  àxuai'wv  v£6pà)v.  Cf.  P.  G.,  t.  xci,  col.    920. 


XXXIII,  138-139  SUITE    DE    LA    SAGESSE    d'ahIKAK  258 

138.  [Mon  fils,  je  t'ai  appris  que  Dieu  existe,  et  toi  tu  t'es 
élevé  contre  les  bons  serviteurs  et  tu  les  as  frappés  sans 
faute  (de  leur  part)  ;  de  même  que  Dieu  m'a  maintenu  en 
vie  à  cause  de  ma  justice,  il  te  perdra  à  cause  de  tes 
œuvres  ^.j 

139.  a  Mon  fils,  ils  placèrent  la  tête  de  l'àne  sur  la  table  2- 
elle  roula  et  tomba  à  terre  et  ils  dirent  :  «  Elle  est  irritée 
contre  elle  même,  car  elle  n'a  pas  accepté  l'honneur  ^.  » 


çant  par  B.  —  R.  S.,  p.  104,  suppose  que  le  second  mot  était 
Taraméen  bar/16  peu  usité  en  syriaque,  et  que  la  version  syriaque 
provient  donc  d'un  texte  araraéen. 

1  B  omet  138. 

2  C  :  «  dans  un  plat  sur  la  table.  » 

^  B  ajoute  :  «  mais  la  colère.  »  Il  faut  sans  doute  entendre  :  «  Us 
ont  placé  un  âne  en  tête  de  la  table  et  il  s'est  roulé  à  terre  dans 
la  poussière.  Ils  ont  dit  :  Il  a  montré  qu'il  n'était  pas  fait  pour 
cette  place  et  pour  l'honneur,  mais  pour  les  coups.  » 


instruire.  Le  maître  lui  dit  alors  :  Dis  A  ;  alors  le  loup  répondit 
et  dit  Agneau.  Ensuite  le  maître  lui  dit  :  Dis  B  ;  —  alors  le  loup 
dit  :  Brebis.  11  dit  ce  qui  était  dans  ses  pensées.  —  Mon  fds,  on 
disait  au  loup  :  Kloigne-toi  du  voisinage  et  du  chemin  des  brebis, 
afin  que  leur  poussière  ne  tombe  pas  sur  toi.  Il  répondit  :  Je  ne 
m'éloigneraipas,  car  leur  poussière  est  bonne  pour  mes  yeux.  »^ 
A  intervertit  ces  deux  parties  aussi  bien  que  SI  ;  ^  et  Si 
suivent  donc  l'ordre  de  B,  C.  —  Ag  et  Arm.  séparent  les  deux 
parties  par  un  certain  nombre  d'autres  maximes.  —  Dans  A  le 
loup  répond  :  «  Mouton  et  chèvre  dans  mon  ventre.  » 

n  139.  SI  est  conforme  à  C.  — ^  porte  :  «On  mit  l'âne  sur  la  table,  » 


138.  LcniotyMs^tce  traduit  sans  doute  l'hébreu  .^edaqah  qui  signilie 
aussi  aumône.  Cf.  Tobio,  xiv,  10  (grec),  et  Introd.,  page  59. 

139.  R.   S.    renvoie  à  la   fable  129   de  Babrius  (Ésope,  331).  Cf. 
Ésope,  338  ;  Babrius,  125. 


254  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR  XXXIII,  140142 

140.  Tu  as  vérifié  le  proverbe  qui  dit  :  «  Celui  que  tu  as 
engendré, appelle-le  ton  fils,  et  celui  que  tu  as  élevé,  appelle- 
le  ton  esclave». 

141.  ^  Mon  fils,  plus  que  toute  autre  parole,  tu  as  vérifié 
celle-ci  :  «  Prends  le  fils  de  ta  sœur  sous  ton  bras  et  frappe- 
le  sur  la  pierre.  » 

142.  ^  Celui  qui  m'a  tenu  en  vie,   mon  fils.  Dieu  qui  sait 


ce  qui  a  sans  Joute  conduit  Ag  à  la  version  transcrite  ci-dessus 
au  n.  114.  —  Salhani  porte  :  «  Mon  fils,  on  plaça  la  tête  de  l'âne 
sur  la  table,  alors  elle  tomba  sous  la  table  et  commença  à  se  l'ou- 
1er  sur  la  terre.  Puis  on  dit  :  Laisse-la  se  rouler,  car  sa  nature 
ne  changera  pas.  » 

a  SI  abrège  :  ce  Mon  fils,  il  a  été  dit  :  Celui  à  qui  tu  as 
donné  naissance, appelle-le  tonfils, l'étranger  est  un  esclave.  »  —  A 
et  NS  sont  à  peu  près  conformes  au  syriaque.  —  Ag  paraphrase  : 
«  Ne  sais-tu  pas  que  l'éducation  est  un  bienfait  plus  grand  que 
la  vie  ?  Les  sages  ont  dit  :  Donne  le  nom  de  fils  à  l'enfant  qui  te 
doit  le  jour  ;  mais  l'enfant  que  tu  as  élevé,  tu  as  le  droit  de  l'ap- 
peler ton  esclave,  parce  qu'il  te  doit  plus  que  l'existence.  » 

^  NS  :  «  Mon  fils,  il  n'y  a  rien  de  plus  beau  et  de  meilleur 
que  cette  équitable  sentence  :  Prends  le  fils  de  ta  sœur,  tiens-le 
à  terre  et  frappe-le  d'une  muraille  à  l'autre.  »  —  Cette  pensée 
ne  se  trouve  pas  dans  les  autres  versions.  A  et  Salhani  la  rem- 
placent par  :  ft  Mon  fils,  celui  qui  fait  le  bien  reçoit  le  bien  et  il 
arrive  mal  à  celui  qui  fait  le  mal,  car  Dieu  rend  à  l'homme  selon 
ses  œuvres.  » 

<^  A  et  Salhani  :   «  Mon  fils,     que  te  dirais-je    sinon    encore 


141.  Ici  Démocrite semble  d'unaviscoutraire, p. 351-352, n. 184-188  : 
«  ...  il  ne  me  paraît  pas  utile  d'avoir  des  enfants...  l'éducation  dea 
enfants  est  chose  pénible...  celui  qui  a  beaucoup  d'argent  me  paraît 
mieux  faire  en  adoptant  les  fils  de  ses  amis,  s  Par  contre,  Ménandre 
dit  que  les  fils  des  frères  ne  peuvent  pas  remplacer  les  frères.  Laxid, 
t.  I,  p.  159,  lig.  29-30. 


XXXIII,  142  SUITE   DE  LA  SAGESSE  d'ahIKAR  255 

tout  et  qui  rend  h  chacun  selon  ses  œuvres,  celui-là  suit  et 
juge  entre  moi  et  toi. 

Moi  je  ne  te  dis  rien  ;  Dieu  te  rendra  selon  tes  œuvres  *. 


1  Voici  la  fin  dans  le  ms.  C  :  «  Mon  fils,  ce  proverbe  que  l'on 
répète  est  véritable  :  Prends  le  fils  de  ta  sœur  sous  ton  bras 
et  frappe-le  sur  la  pierre  ;  — mais  Dieu  qui  m'a  tenu  envie 
jugera  entre  nous. 

'(  Aussitôt  Nadan  gonfla  comme  une  outre  et  mourut;  et  ce  ({u'il 
fit  bien  lui  sera  rendu  en  bien,  mais  ce  qu'il  fit  mal  lui  sera  rendu 
en  mal,  et  celui  qui  creuse  une  fosse  à  son  prochain  la  remplira  de 
son  corps.  Gloire  à  Dieu  et  que  ses  miséricordes  soient  sur  nous. 
Amen  ! 

«  Fin  des  paraboles  d'Ahikar  le  sage  et  le  scribe  de  Sennaché- 
rib,  roi  d'Assur  et  de  Ninive.  » 


ces  paroles  :  Dieu  sait  ce  qui  est  caché  et  connaît  les  secrets 
et  les  pièges,  aussi  il  jugera  entre  toi  et  moi,  il  te  jugera  et  te 
rendra  ce  que  tu  mérites.  »  —  Voici  lafin  de  la  version  arménienne, 
après  l'histoire  du  palmier (135),  elle  continue  :  «  (26)  Mon  fils,  Dieu 
m'a  sauvé  à  cause  de  mon  innocence  et  t'a  perdu  à  cause  de  ta 
méchanceté  (cf.  138).  Dieu  jugera  entre  moi  et  toi  (cf.  142),  car 
la  queue  du  chien  lui  donne  du  pain  et  sa  gueule  (lui  attire)  un 
coup  de  bâton  (un  ms.  arménien  place  cette  sentence  plus  haut 
et  le  syriaque  la  donne  au  chap.  m,  n.  48). —  A  la  même  heure, 
Nathan  se  gonfla  et  son  corps  creva  et  je  dis  :  (27)  Mon  fils, 
celui  qui  fait  le  bien  récolte  le  bien  (voir  A  et  Salh  sous  141), 
et  celui  qui  a  creusé  une  fosse  pour  les  autres  tombe  lui-môme 
dans  la  fosse.  Le  bien  finit  en  bien  et  le  mal  en  mal.  Ici  finit  Ahi- 
kar.  »  —  Le  slave  est  encore  plus  court  ;  après  140  vient  :  «  (20) 
A  la  même  heure,  Anadan  mourut.  Oui,  mes  frères,  celui  qui  fait 
bien  recevra  bien  et  celui  qui  creuse  une  fosse  pour  un  autre  y 
tombera  lui-même.  Ici  finit  l'histoire  d'Akyrios.  Gloire  à  notre 
Dieu  pour  jamais.  Amen.  » 


256  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAU  XXXIV,  1-2 

CHAPITRE   XXXIV 
Mort  de  Nadan. 

6.*  Lorsque  le  jeune  Nadan  eut  entendu  cette  parole,  son 
corps  gonfla  aussitôt  et  devint  comme  une  outre  pleine,  et 
ses  entrailles  sortirent  de  ses  lombes. 

2.  b  Sa  préoccupation  mauvaise  l'enflamma,  il  brûla,  des- 
sécha, s'afl'aibllt,  se  perdit  cl  mourut.  Sa  fin  le  conduisit  à 
la  perdition  et  il  tomba  dans  la  géhenne  parmi  les  envieux 
et  ies  orgueilleux,  comme  il  est  dit  dans  le  livre  des  Pro- 
verbes et  (dans  celui)  des  Psaumes  du  roi  David  :  Le  fils 
creusa  et  pécha  et  il  tomba  dans  la  fosse  quil  fit,  et  :  Celui 
qui  fait  le  malV entasse  pour  la  perdition,  ei  :  Celui  qui  tend 
un  piège  à  son  frère  y  tombera. 

^  NS  :  «  Lorsque  Nadan  entendit  ces  paroles,  il  gonfla  aus- 
sitôt et  devint  comme  une  outre,  tous  ses  membres  et  ses  os 
s'enflèrent,  son  côté  se  déchira  et  creva.  Ainsi  il  finit  et  mou- 
rut. » 

b  ISS  :  «  Alors  il  arriva  ce  qui  est  dit  dans  le  livre  des  Pro- 
verbes :  Le  mal  atteint  celui  qui  fait  le  mal  ;  celui  qui  creuse  une 
fosse  à  son  prochain  y  tombera  lui-même^  et  celui  qui  tend  un 
piège  à  S07I  proc/iain  s  y  prend.  » 

J  :  «  Sa  fin  fut  la  perdition  et  il  alla  en  enfer.  Car  celui  qui 
creuse  une  fosse  pour  son  frère  y  tombe  et  celui  qui  tend  un 
piège  y  sera  pris.  Voilà  ce  qui  est  arrivé  et  ce  que  nous  avons 


1.  Ses  entrailles  sortirent  de  seslov^hes.C éiAii  la  peine  de  la  fem- 
me infidèle  à  son  mari.  Cf.  Nombres,  v,  21-22,  27.  Il  est  assez 
naturel  que  l'auteur  l'ait  appliquée  à  Nadan,  traître  à  son  bienfaiteur. 
Cf.  aussi  la  mort  de  Judas,   Malth.,  xxvii,  5  ;  Actes,  i,  18. 

2.  //  tcniha  dans  la  fosse.  Cf.  Ps.  vu,  16  ;  Prov.,  xxvi,  27  ; 
Kccle.,  X,  8. 

Celui  qui  tend  un  piège.  Cf.  Eccli.,  xxvii,  29. 


XXXV,  1-2  ÉPILOGUE  257 

CHAPITRE  XXXV 

(  Épilogue  ) 

1.  Ici  se  termine  l'histoire  d'Ahikar,  le  sîiffc  et  le  remar- 
quable  philosophe  qui  connaissait  les  secrets  et  interpré- 
tait les  énigmes. 

2.  Il  était  d'abord  idolâtre  et  compagnon  des  mages, 
mais,  à  la  fin  de  sa  vie,  il  crut  en  Dieu  et  confessa  son  nom, 
qu'il  est  le  créateur  du  ciel  et  de  la  terre,  de  la  mer  et  de 
l'aride  et  de  tout  ce  qui  est  en  eux,  et  qu'il  donne  l'intel- 
ligence et  la  sagesse  à  ceux  qui  l'aiment. 


trouvé  sur  l'histoire  de  Haikàr  ;  que  Dieu  soit  loué  pour  tou- 
jours. Amen  et  paix  !  — L'histoire  est  terminée  avec  l'aide  de 
Dieu,  qu'il  soit  glorifié  !  Amen,  Amen,  Amen.  » 

Voici  la  fin  de  F  :  c(  Hicar  sortit  en  plaignant  un  neveu  qu'il 
n'avait  pas  même  l'espoir  d'amener  au  repentir.  Il  fut  le  revoir 
quelques  jours  après,  mais  il  le  trouva  mort  dans  sa  prison  ; 
ainsi  cet  ingrat  délivra  la  terre  de  sa  fatale  existence  ;  il  s'était 
pendu  par  les  cheveux  à  un  clou  qui  tenait  aux  murs  de  son  ca- 
chot. Hicar  et  Zéfagnie  se  consolèrent.  L'attachement  de  Sinka- 
rib  les  dédommagea  des  chagrins  que  Nadan  leur  avait  donnés. 
Le  monarque,  instruit  par  les  dangers  qu'il  avait  courus  sous  un 
ministre  dangereux  et  méchant,  s'adonna  entièrement  aux  affai- 
res, se  concilia  l'amour  de  ses  peuples  et  l'admiration  de  ses  voi- 
sins, »  Sic  exit. 


XXXV.  Ce  cliapiiro  est  évidemment  une  addition  d'unscribe  pro- 
bablement même  d'un  scrilio  chrétien,  comme  l'indiquent  les  expres- 
sions «  péclié  mortel  »,  «  royaume  du  ciel  »,  »  fcilicité  éternelle  ».  Il 
ne  se  trouve  que  dans  B. 

17 


258  HISTOIRE    ET     SAGESSE    d'aHIKAH  XXXV,  ^ 

3.  Pour  vous,  chers  auditeurs,  que  le  Seigneur  garde 
vos  âmes,  qu'il  prenne  vos  imperfections  en  pitié,  qu'il 
remette  vos  péchés  et  qu'il  répande  ses  miséricordes  et  ses 
bénédictions  sur  vous  et  sur  vos  enfants,  qu'il  vous  arra- 
che à  toutes  les  tentations  et  à  toutes  les  souffrances  ainsi 
qu'à  tous  les  accidents  et  aux  adversités,  qu'il  remplisse 
vos  cœurs  de  toute  sagesse  et  science,  de  toute  intelligence 
et  sagesse  spirituelle,  afin  que  vous  puissiez  conserver  vos 
âmes  dans  la  rectitude  et  vous  éloigner  de  toute  haine,  en- 
vie et  colère  ;  il  vous  délivrera  de  tout  péché  mortel  et, 
à  la  fin,  il  vous  donnera  le  royaume  du  ciel  en  héritage  et 
vous  fera  jouir  de  la  félicité  éternelle.  Amen,  Amen. 


APPENDICES.  I.  RÉDACTION  GRECQUE         259 


APPENDICES 

Nous  ajoutons  ici  la  traduction  des  maximes  qui  ne  figurent 
pas  dans  le  syriaque  et  l'arabe  et  que  nous  n'avons  donc  pas 
données,  ni  dans  le  texte,  ni  dans  les  notes.  Nous  continuons  la 
numérotation,  afin  que  toutes  les  maximes  forment  une  seule  sé- 
rie qui  puisse  facilement  se  détacher  de  l'histoire  d'Ahikar, 
Nous  donnerons  entre  parenthèses  la  numérotation  de  ces  maxi- 
mes dans  l'édition  de  Cambridge. 

I 

Maximes  de  la  rédaction  grecque. 

Toutes  sont  particulières  à  cette  rédaction  et  ne  se  re- 
trouvent dans  aucune  autre,  hors  151  (9)  et  155  (13)  qui  se 
retrouvent  dans  l'arménien  16  et  74  (infra  n.  158  et  189) 
et  153  (11)  dans  le  syriaque  48. 

143  (l).  ^  Mon  fils,  avant  toutes  choses,  honore  la  divi- 
nité et  respecte  le  roi.  Mén.,  229. 


1  Avant  ceci  Rynucius  donne  trois  premières  sentences  :  At 
JEsopus  illum  bénigne  tractavit,  talibusque  monitis  studiose  coar- 
guit  :  sic  aiens  : 

142  *  (16).  Fili,  verbis  meis  attendito  diligenter  ;  ac  illa  penitis- 
simo  corde  teneto, 

142  ^  (17).  Foris  onines  sapimus,  aliis  consilium  damus,  nobis 
ipsis  consulerc  nequimus.  Ménandre,  Sent,  monost.,  46. 

142 c  (18).  Homo  cum  sis  :  humanis  casibus  te  siibditum  etse 
mémento.  Mén.,  1,  8,  173  ;  W,  p.  46,  lig.  2-7. 


1.  L'édition  de  Cambridge  ne  renferme  que  quinze  maximes  gr«c- 


260  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR 

144  (2).  1  Rends-toi  redoutable  à  les  ennemis  pour  qu'ils 
ne  te  méprisent  pas  (cf.  p.  170,49),  sois  facile  et  indulgent 
pour  tes  amis  afin  qu'ils  t'affectionnent  de  plus  en  plus. 

145  (3).  Souhaite  à  tes  ennemis  d'être  malades  et  pau- 
vres, afin  qu'ils  ne  soient  pas  en  état  de  te  molester.  Sou- 
haite que  tout  réussisse  à  tes  amis.  Mén.,   152,  9. 

146  (4).  Agis  toujours  bien  avec  ta  femme  ^,  de  crainte 
qu'elle  ne  cherche  à  faire  l'essni  d'un  autre  homme.  Car 
les  femmes  sont  naturellement  volages  et  légères,  elles 
pensent  moins  au  mal  quand  on  les  traite  avec  égard  ^. 

147  (5).  Prête  une  vive  attention  à  ce  qu'on  dit,  mais 
sache  rester  maître  de  ta  langue  *. 

1  Avant  cette  seconde  sentence,  Rynucius  ajoute  : 

143*  (19).  Cion  sis  Iiomo  humana  curato  :  quoniain  Dciis  ulcis- 
citur  injusios,  1,  14. 

143''  (20).    Scelus  est  ultro  inferre  molestiam ,  Mén.,  9. 

143*^  (21).  Animo  generoso  indignos  ferto  successus.  Mén.,  13  ; 
W.,  p.  46,  1.   8-11. 

2  Rynucius  traduit  :  Uxori  frugalia  loquere. 

'  Rynucius  traduit  :  Qiiippe  femina  cum  varia  super  (sic)  ac 
mutabilis  sit  :  sibi  blanditur  :  ocius  inclinatur  ad  malum.  Cf. 
Eccli.,  IX,  1.  Il  ajoute  ensuite  : 

140*^  (22).  Hominem  sœvnm  vitare  mémento  (Mén.,  131),  [sciens 
adversarium  illo  fortiorem  non  existere.'\  Les  mots  entre  crochets 
manquent  dans  Rynucius  et  sont  traduits  sur  l'édition  Wester- 
mann. 

146^  (23).  Homo  neqiiam,  licet  ei  prospéra  succédant  :  ni/iilo- 
minus  miser  est.  Mén.,  19. 

140*^  (24).   Aures  quam  linguam  habeto  magis  acutas. 

*  Rynucius  porte  simplement  ici  :  Linguam  compescito.  Mén., 
80.   Puis  il  ajoute  : 

147^  (25).   Pauca    loquere  inter  pocula  :   ubi   non   sapiens  sed 

nues;  les  autres  (IG  à  35),  que  nous  donnons  aux  variantes,  Ggurent 
dans  Westcrmann  et  sont  citées  en  général  d'après  l'ancienne  traduc- 
tion latine   de  Rynucius  (Rinuccio  d'Arezzo),  cf.  supra,  p.  104. 


APPENDICES.  I.  RÉDACTION  GHECQUE         261 

148  (6).  N'envie  pas  ceux  qui  réussissent  (Mén.,  43),  mais 
réjouis-toi  avec  eux.  Car,  en  les  enviant,  tu  causes  surtout 
du  tort  à  toi-même.  Cf.  p.  162,  n.  23. 

149  (7).  Prends  soin  de  tes  serviti;urs,  afin  qu'ils  ne  te 
craignent  pas  seulement  comme  un  maître,  mais  (ju'ils  te 
respectent  comme  un  bienfaiteur  ^. 

150  (8).  N'aie  point  honte  d'apprendre  toujours  de  meil- 
leures choses. 

151  (9).  Ne  confie  jamais  à  ta  femme  des  secrets  impor- 
tants (Mén.,  355,  301),  car  toujours  elle  épie  l'occasion  de 
te  dominer.  Cf.  p.  267,  u.  189  ^. 

152  (10).  Amasse  chaque  jour  quelque  chose  pour  le 
lendemain,  car  il  vaut  mieux  laisser  du  bien  à  ses  ennemis 
qu'avoir  besoin  de  ses  amis  durant  la  vie.  Cf.  p.  173, 
n.  61  ;  p.  184,  n.  94. 

153  (11).  Reçois  honnêtement  ceux  qui  t'abordent,  sa- 
chant que  c'est  la  queue  du  chien  qui  lui  gagne  son  pain  ^. 


ridiculus  quis  habetur.  Westermann  porte,  à  meilleur  droit  :  In 
vino  ne  vane  loquere  ut  ostendas  sapientiam,  nam  qui  loquLtur 
sapientiam  in  tempore  non  suo,  irridetur.  Démocrite,  p.  355, 
n.  229  :  0  Le  sage  ne  doit  pas  parler  avec  l'ignorant,  ni  l'homme 
sobre  avec  les  ivrognes.  »  Cf.  p.  159,  n.  15. 

*  Rynucius  ajoute  : 

149*  (26).  Verecundiam  serva  ne  a  ratione  décidas.  W.,  p.  47, 
lig.  5-6. 

2  Rynucius  traduit  la  lin  par  :  qux  ut  rumorigcrct  :  sempcr  est 
armata.  Cf.  Mén.,  86,  129,  130;  Eccli.,  xxv,  29-30  ;  xxxiii,  20. 

^  Cf.  p.  169,  n.  46.  Rynucius  ajoute  : 

153^  (27).    Turpe  niiniuni  est  miserum  irridere. 

153*^  (28).  Quce  frugi  sunt  ea  discere  ne  cesses  ac  sapientix 
intendere. 

15.3*^  (29).  Cuin  quippiam  a  quopiani  capis  :  id  quanwcius  red- 
dere  curato  :  ut  facilius  rursurn  tibi  acconimodetur.  W.,  p.  47, 
Hg.  14-17. 


262  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR 

154(12).  Ne  te  repenspas  d'être  devenu  homme  de  bien  ^. 

155  (13).  Chasse  le  médisant  de  ta  maison,  car  il  rendra 
compte  aux  autres  de  ce  que  tu  dis  et  de  ce  que  tu  fais  ^. 

156  (14).  Fais  ce  qui  ne   peut  pas  te  causer  de  chagrin, 
et  ne  t'attriste  pas  de  ce  qui  t'arrive  ^. 

157  (15).  Ne  donne  jamais  de  mauvais  conseils  *,  etn'imite 
pas  la  conduite  des  méchants.  Mén.,  336^. 


^  Rynucius  traduit  :  Quibus  henefacere  cuin  potes  :  haud  19 
pigeât.  W.  porte  :   Cum  henefacere  potes. . . 

2  Rynucius  porte  seulement  :  Hominem  maledicentem^  loqua- 
cem,  susurronemve  ab  ostio  tuo  eminus  cocrcito.W,  est  conforme  à 
Eberhard. 

^  Rynucius  porte  :  155*  (30).  Dicta  factaque  tua  amicis 
tacitis  crédita  ;  ea  tamen  facias  ;  quse  fecisse  postea  non  te  pigeât. 
Adversa  cum  eveniunt  :  non  molesto  scd  anima  quieto  feras.  W.  est 
conforme  à  Eberhard. 

*  Rynucius  seul  porte  :  Imprabis  flagitiosisque  neutiquam 
consulita.  Cf.  Mén.,  24. 

^  Rynucius  ajoute  : 

157*  (31).  Esta  hospilalis  in  liospites  peregrinosve  :  ut,  peregre 
proficiscens,  qui  te  recipiant  liabeas,  Mén.,  400. 

157*^  (32).  Sermo  bonus  contra  animi  vitia  medicus  est  optinius. 

157'^  (33).  nie  profeclo  est  beatus  qui  vero  potitur  amico. 
Mén.,  357  ;  Eccli.,  vi,  14. 

Westermann  porte  en  plus  ici  : 

157'^  (34).  «Bienheureux  celui  qui  peut  faire  de  riches  offran-    -^ 
des.  ') 

157^  (35).  Nihil  tant  absconsum  est  :  quod  tempus  demum  non 
ferat  in  lucem.  W.,  p.  47,  lig.  24-48,  lig.  5  ;  ivién.,  459,  11. 

Après  ces  sentences  vient  : 

llis  et  aliis  complurlbus  monitts  Iinuni  Msopus  ab  se  missum 
fecit.  At  Enus  illis  monitis  coercitus  conscientiaque  compunctus  ; 
quad  falso  /JJJsopum  capitc  accusai>erat  :  abiens  ex  loca  eminentiori 
se  prsecipitem  dédit  :  et  uti  malus  maie  vitam  finiiùt. 


APPENDICES.  II.  VERSION  ARMÉNIENNE  263 

II  : 

Maximes  de  la  version  arménienne  qui  ne  figurent  ni  dani 
le  syriaque  ni  dans  l'arabe  ^. 

158  (16  ;  SI,  21).  Mon  fils,  ne  reçois  pas  celui  qui  vient 
te  répéter  la  parole  de  ton  ennemi,  de  crainte  qu'il  n'aille 
(lui)  répéter  la  tienne.  Cf.  p.  262,  n.  155. 

159(24;  SI,  33).  Mon  fils,  ne  te  tiens  pas  à  l'écart  le  jour 
de  ton  sacrifice,  de  crainte  que  le  Seigneur  ne  prenne  pas 
plaisir  au  sacrifice  que  tu  offres  *. 

160  (27).  Mon  fils,  ne  mange  pas  le  pain  qui  ne  t'appar- 
tient pas  en  propre,  quand  bien  même  tu  serais  très  affa- 
mé. 

161  (29).  Mon  fils,  étouffe  le  mal  et  extirpe-le  de  ton 
cœur,  tu  en  retireras  du  bien  de  Dieu  et  des  hommes  et  tu 
trouveras  du  secours  par  la  volonté  de  Dieu. 

162(30;  cf.,  SI,  38).  Mon  fils,  si  même  les  montants  de 
la  porte  qui  conduit  au  ciel  s^élevaient  de  sept  aunes,  cour- 
be cependant  la  tête  pour  entrer  ^. 


1  Le  Slave  (n.  333)  porte  :  «  Mon  fils,  ne  néglige  pas  d'aller  à 
l'église  le  dimanche.  » 

*  Slave  :  ((  Mon  fils,  si  ta  maison  est  trop  haute,  abaisse  ses 
murailles  et  ensuite  entre.  » 


Appendice  II.  Un  bon  nombre  des  sentences  traduites  dans  cet 
appendice  ont  leurs  parallèles  dans  ce  qui  précède.  Nous  les  avons 
traduites  parce  que  M.  Vetter  les  donne  comme  nouvelles,  ce  qui  si- 
gnifie que  leur  forme  du    moins  est   nouvelle.  Cf.  supra,  p.  95-97. 

158.  Cf.  supra,  155. 

159.  U.S.  renvoieà  Eccli.,  xviii,  22,  23. 

160.  Cf.  p.  162,  23. 


264  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAFI 

163  (31  ;  SI,  39)  Mon  fils,  tu  ne  dois  pas  accepter  avec 
une  grande  mesure  et  donner  avec  uoe  petite,  puis  dire  : 
J'ai  gagné  !  car  Dieu  ne  le  permet  pas,  mais  il  se  fâchera  et 
tu  périras  par  la  famine  *. 

164  (32;  SI,  40).  Mon  fils,  tu  ne  jureras  pas  à  faux  pour 
qu'il  n'y  ait  pas  de  diminution  à  tes  jours  (de  vie)  *. 

165  (33).  Mon  fils,  obéis  à  la  loi  de  Dieu  et  ne  crains  pas 
ensuite  le  méchant.  Car  la  loi  de  Dieu  est  un  mur  pour  les 
hommes. 

166  (34).  Mon  fils,  ne  te  réjouis  pas  du  nombre  de  tes 
enfants  et  ne  te  trouble  pas  s'il  t'en  manque. 

167  (35).  Mon  fils,  les  enfants  et  les  richesses  sontenvoyés 
par  Dieu;  celui  qui  possède  une  grande  maison  deviendra 
pauvre,  le  pauvre  deviendra  grand,  l'humble  sera  élevé  et 
l'altier  sera  humilié. 

168  (36  ;  Ar,  57  ;  SI,  41).  Mon  fils,  même  si  les  poutres  de 
ta  maison  étaient  élevées,  lorsque  ton  voisin  est  malade, 
ne  dis  pas  :  Que  dois-je  lui  envoyer  ?  Mais  va  de  tes  pieds 
et  vois-le  de  tes  yeux,  car  cela  vaut  mieux  pour  toi  que  mille 
talents  d'or  et  d'argent  ^. 

169  (37).  Mon  fils,  ne  prends  pas  d'or  et  d'argent  pour  une 
médisance,  car  c'est  une  œuvre  qui  conduit  à  la  mort  et 
une  chose  tout  à  fait  mauvaise.  Ne  répands  pas  sans  cause 
le  sang  innocent,  de  crainte  que  le  tien  ne  soit  répandu  en 
place  de  celui-ci. 


^  Slave  :  «  ...  Dieu  détruira  ta  maison.  ^) 

2  Slave  :  «  Mon  fils,  ne  jure  pas  par  le  nom  de  Dieu,  de 
crainte  que  le  nombre  de  tes  jours  ne  soit  diminué.  » 

^  Slave  :  «  Mon  fils,  va  près  de  l'affligé  et  réconforte-le  avec 
(tes)  paroles  ;  car  les  paroles  valent  mieux  que  for  et  l'argent.  » 


168.  Si  les  poutres  de  tomaison  étaientélevées, c'eat-k-dire  <i  situ 
€%  riche  et  puissant.   » 


APPENDICES.  II.    VERSION    ARMENIENNE 


265 


170  (40).  Mon  fils,  n'épouse  pas  une  veuve,  car  s'il  arrive 
n'importe  quoi,  elle  dira  :  «  Ah  !  où  est  mon  premier 
mari,  »   et  il  te  faudra  t'afTliger  ^. 

m  (46).  Mon  fils,  ne  t'appuie  pas  sur  le  jour  de  ta  jeu- 
nesse, de  crainte  que  ta  jeunesse  ne  te  perde. 

172  (48).  Mon  fils,  ne  te  mets  pas  en  colère  avec  ton  adver- 
saire devant  le  juge,  afin  que  tu  ne  sois  pas  nommé  fou  et 
inintelligent;  mais,  s'il  te  purlc,  réponds  avec  douceur  et  tu 
feras  retomber  son  jugement  sur  sa  tête. 

173  (49).  Mon  fils,  si  tu  demandes  du  bien  à  Dieu,  com- 
mence par  accomplir  sa  volonté  dans  le  jeûne  et  la  prière, 
après  quoi  tes  prières  recevront  leur  accomplissement  en 
bien. 

174  (53  ;  Ar,  50  ;  cf.  n.  68  ^p.  175).  Mon  fils,  il  est  mieux 
d'amasser  dans  la  pauvreté  que  de  dissiper  dans  la  richesse. 

175  (54;  SI,  67?).  Mon  fils,  ne  maudis  pas  ton  enfant 
avant  d'avoir  vu  sa  fin,  et  ne  le  méprise  pas  avant  d'avoir  vu 
l'accomplissement,  la  sortie  et  l'issue.  Cf.  n.  44,  p.  169  ^. 

176  (55;  Ar,  4,  54a;  SI,  22,  72).  Mon  fils,  éprouve  la 
parole  dans  ton  cœur  et  ensuite  produis-la  dehors.  Car,  situ 
changes  la  parole,  tu  es  un  flatteur  ^. 


1  Cette  maxime  remplace  peut-être  n.  88,  p.  182. 

*  Slave  :  «  Mon  fils,  ne  loue  pas  un  homme  et  n'en  blârae  pas 
un  autre  avant  d'avoir  étudié  la  cause  ;  ne  porte  ton  jugement 
qu'après  mûre  délibération.  » 

3  Slave  :  «  (22)  Mon  fils,  si  quelqu'un  te  rencontre  et  t'abor- 
de, réponds-lui  avec  réserve  ;  une  parole  inconsidérée  pronon- 
cée en  hâte  cause  ensuite  du  regret.  (72)  Mon  fils,  si  tu  veux 
dire  quelque  chose  à  quelqu'un,   ne  parle  pas  immodérément, 


175.  Cf.  Eccli.,  XI,  30  :  c  Avant  (sa)  mort,  ne  loue  aucun  homme, 
car  dans  ses  fils  (Hébreu  :  dans  sa  fin)  on  connaît  un  homme.  > 


266 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAU 


m  (58  ;  SI,  74).  Mon  fils,  les  paroles  et  les  discours  men- 
songers sont  lourds  comme  le  plomb,  mais  au  bout  de 
quelques  jours  ils  surnagent  sur  l'eau  comme  l'écorce  des 
arbres  ^. 

178  (59;  SI,  75).  Mon  fils,  confie  un  petit  projet  à  ton 
ami  ;  puis,  quelques  jours  après,  pique-le  et  offense-le.  Si 
alors  il  ne  révèle  pas  ton  projet,  confie-lui  aussi  ton  grand 
projet  et  conserve-le  comme  un  fidèle  ami  ^. 

179  (60  ;  SI,  77).  Mon  fils,  aide  ton  prochain  devant  les 
rois  et  les  juges,  car  tu  l'arraches  ainsi  à  la  vengeance  du 
lion,  et  tu  en  tireras  une  bonne  renommée  et  de  la  gloire. 
Cf.  n.  78,  p.  179. 

180(61  ;  cf.  n.  206,  p.  270).  Mon  fils,  si  ton  ennemi  vient 
à  tes  pieds,  pardonue-lui,  souris  amicalement  en  sa  pré- 
sence et  relève-le  avec  honneur.  Cf.  n.  25,  p.  163. 

181  (62).  Mon  fils,  si  l'on  ne  t'a  pas  appelé,  ne  va  à  aucu- 
ne réunion  3  et,  si  l'on  ne  t'interroge  pas,  ne  donne  aucune 
réponse. 

182.  Mon  fils,  ne  marche  pas  sur  un  fleuve  congelé  ou 
débordé,  de  crainte  que  tu  ne  meures  d'une  mort  subite. 
Cf.  n.   83,  p.  181. 

183  (66).  Mon  fils,  éprouve  ton  enfant  par  la  faim  et 
par  la  soif  et,  quand  il  aura  grandi,  remets  tes  possessions 
en  sa  main.  Cf.  n.  53,  p.  171 . 

mais  pèse  !a  parole  dans  ton  cœur,  puis  dis  ce  qui  est  néces- 
saire, car  il  vaut  mieux  trébucher  du  pied  que  de  la  langue.  » 
Cf.  n.  63,  70,  71,  p.  173  et  176. 

^  Slave  :  «  Mon  fils,  une  parole  mensongère  est  d'abord 
lourde  comme  le  plomb  et  ensuite  elle  flotte  sur  l'eau.  » 

2  Le  Slave  ajoute  à  la  fin  :  «  mais  s'il  révèle  ton  projet,  tourne- 
lui  le  dos.  »  Cf.  p.  160,  n.  17. 

3  Cf.  p.  280,  n.  283. 

178.  Cf.  n.  17  et  53,  p.  160  et  171  ;  Eccli.,  vi,  7,  11. 


APPENDICES.    II.     VERSION  ARMENIENNE 


267 


184  (69  ;  Ar,  40;  SI,  54).  Mon  fils,  j'ai  mangé  des  herbes 
amères  et  j'ai  bu  du  fiel,  et  le  fiel  n'était  pas  plus  amer  que 
la  pauvreté  ;  j'ai  élevé  en  l'air  du  sel  et  du  plomb,  et  ce  n'était 
pas  plus  lourd  que  les  péchés,  car  pourrais-je  manger  et 
boire  que  je  n'arriverais  pas  au  repos  (un  manuscrit  ajoute  : 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  payé  ses  péchés)  ^.  Cf.  n.  56,  57,  p.  172. 

185  (70).  Mon  fils,  si  tu  es  pauvre, ne  le  laisse  pas  paraître 
au  milieu  de  tes  compagnons,  de  crainte  que  tu  ne  sois  mé- 
prisé d'eux  et  qu'ils  ne  prêtent  plus  attention  à  tes  paroles. 
Cf.  n.  61,  p.  173. 

186  (71  ;  SI,  56).  Mon  fils,  aime  ta  chair  et  ta  femme,  car 
elle  t'appartient,  elle  est  la  compagne  de  ta  vie  et  elle 
nourrit  ton  fils  avec  grandes  privations  -. 

187  (72).  Mon  fils,  si  ton  maître  te  fait  dire  :  «  Apporte 
une  colombe  cachée  dans  une  mantille,  »  —  ne  la  lui  porte 
pas,  car  il  mange  la  colombe  et  il  ne  manque  pas  de  te  pu- 
nir pour  la  mantille  (souillée). 

188  (73  ;  SI,  58,  61).  Mon  fils,  la  parole  d'un  sage  dite  dans 
l'ivresse  vaut  mieux  que  la  parole  d'un  fou  dite  sans  avoir  bu. 
Un  esclave  honorable  vaut  mieux  qu'un  homme  libre  men- 
teur. Mieux  vaut  un  ami  proche  qu'un  frère  éloigné.  Cf.  n. 
68,  69,  p.  173-175. 

189  (74;  cf.  G,  9;  SI,  68).  Mon  fils,  ne  révèle  pas  ton 
secret  à  une  femme,  car  elle  est  faible  et  d'esprit  étroit, 
elle  révélera  ce  que  tu  lui  as  confié  et  tu  seras  méprisé  ^. 

1  Slave  :  «  Mon  fils,  j'ai  goûté  la  noix  de  galle  et  l'amertume, 
et  ce  n'était  pas  plus  amer  que  la  pauvreté  ;  le  sel  et  le  plomb 
semblent  être  plus  légers.  » 

"  Slave  :  «  Mon  fils,  aime  ta  femme  de  tout  ton  cœur,  car  elle 
est  la  mère  de  tes  enfants.  » 

3  Cf.  n.  151,  p.  2G1.   —  Slave  :   «  Mon  fds,   mieux  vaut  être 

186.  Cf.  Genèse,  n,  24  ;  Matth.,  xix,  5  ;  Eph.,  v,  28-31. 


268 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AÇIKAR 


190  (75;  SI,  69).  Mon  fils,  si  tu  bois  du  vin,  gnrde  ta 
lano-iie  du  bavardage;  il  t'en  arrivera  du  bien  et  tu  seras 
appelé  sage  ^, 

191  (76).  Mon  fils,  ne  donne  pas  tes  biens  sans  écrit  et 
sans  témoin.  Autrement  on  reniera  cette  dette  et  tu  te  dé- 
soleras. 

192  (77  ;  Ar,  56  ;  SI,  123).  Mou  fils,  ne  t'éloigne  pas  de 
ton  ami,  de  crainte  de  ne  pas  en  trouver  un  autre,  car  on 
n'aura  plus  de  confiance  ni  d'amitié  envers  toi.  Cf.  n.  76, 
p.  179. 

193  (78  ;  cf.  n.  18).  Mon  fils,  aime  ton  père  qui  t'a  engen- 
dré et  ne  t'attire  pas  la  malédiction  de  ton  père  et  de  ta 
mère,  afin  que  tu  puisses  jouir  de  la  prospérité  de  tes 
enfants.  Cf.  n.  37,  p.  167. 

194  (79;  SI,  76).  Mon  fils,  il  vaut  mieux  qu'on  te  vole 
tes  biens  que  de  trouver  chez  toi  du  bien  volé. 

195»  (80^).  Mon  fils,  honore  l'honinn;  dont  Dieu  fait  pros- 
pérer 1.  s  affaires.  Cf.  n.  82,  p.  181  ;  Ar,  20  ;  Si,  84  ». 

195b  (80*^).  Et  si  tu  vois  un  vieillard,  lève-toi  devant  lui 
et  niontte-lui  ton  respect  3  (SI,  80). 

196  (86).  Mon  fils,  de  bonnes  actions  et  une  victime  sans 
tache  plaisent  à  Dieu.  Crains  en  face  du  déshonneur  comme 
devant  Dieu. 

197(87).  Mon  fils,  admettre  une  mauvaise  pensée  dans  son 
cœur,  c'est  donner  occasion  à  une  lutte  intérieure  (cf.  n.72). 


couché  avec  une  fièvre  ardente  que  vivre  avec  une  femme  per- 
verse. Ne  tiens  pas  conseil  dans  ta  maison  (c'est-à-dire  :  en 
présence  de  la  femme  perverse)  et  ne  lui  donne  aucune  part  aux 
affaires  de  ton  cœur.  »  Le  Slave  se  rapproche  plutôt  des  n.  7,  8, 
p.  15U-157,  et  251,  p.  275. 

^  Slave  :  «  Mon  fils,  si  tu  bois  du  vin,  parle  peu.  » 
2  Slave  :   «  Mon  fils,  si   Dieu  a  enrichi  un  homme,  ne  l'envie 
pas,  mais  respecte-le.  » 
'  Identique  à  79^  ,  p.  180. 


APPENDICES.     II.    VERSION    ARMENIENNE 


269 


La  patience  est  le  fondement  des  actes  et  l'affermissement 
de  la  foi. 

198  (88).  Mon  fils,  ce  qui  te  paraît  mauvais,  tu  ne  dois  pas 
le  faire  à  ton  prochain  .  Ce  qui  n'est  pas  tien,  tu  ne  dois 
pas  le  donner  aux  autres. 

199  (89).  Mon  fils,  aime  la  vérité  et  haisl'indiscipline  etie 
mensonge.  Prête  l'oreille  aux  ordres  de  Dieu  et  n'aie  aucu- 
ne crainte  du  mal,  car  le  commandement  de  Dieu  est  un 
mur  pour  l'homme. 

200  (90) .  Mon  fils,  fuis  devant  un  homme  mauvais  et  devant 
un  menteur.  L'avarice  est  d'ailleurs  la  mère  de  tous  les 
maux  et  toutes  les  calamités  naissent  de  l'effronterie. 

201  (92).  Mon  fils,  celui  qui  a  l'esprit  miséricordieux  est  un 
brillant  soleil  ;  celui  qui  tend  des  embûches  a  le  cœur  (rem- 
pli) d'épaisses  ténèbres  ;  celui  qui  a  le  cœur  magnanime 
est  plein  de  miséricorde  ;  celui  qui  est  avare,  même  s'il 
possède  quelque  chose,  a  l'esprit  obtus. 

202  (93)1.  Mon  fils,  n'entre  pas  dans  la  demeure  d'un 
ivrogne  et,  si  tu  y  es  entré,  n'y  reste  pas,  sinon  tu  perdras 
ton  caractère. 

203  (94).  Mon  fils,  ne  méprise  pas  ton  prochain  ni  de  loin 
ni  de  près,  car  de  mauvaises  paroles  trouveront  vite  le  che- 
min vers  leur  maître  et  il  s'ensuivra  des  luttes  "'. 

204  (95).  Mon  fils,  Dieu  a  commandé  le  vin  pour  causer 
la  joie.  Mais,  dans  la  demeure  de  l'impureté  et  dans  toute 
demeure  mauvaise  et  mal  tenue,  il  vaut  mieux  boire  du 
limon  que  du  vin. 

1  Nous  avons  déjà  dit  que  les  maximes  202-209  (93-100)  ne  se 
trouvent  que  dans  un  manuscrit  moderne. 

2  Cf.  p.  273,  n.  238. 

198.  Cf.  Tobie,  iv,  16  ;  Mattli.,  vu,  12  ;  Luc,  vi,  31.  Dans  les  Apo- 
phtegmes :  Dicchat  quidam  Patrum  ;  quidqiiid  haies  odio,  alii  ne 
facias.  P.  L.,    t.   lxxiii,  col.  10.39.  Inira,    p.  280,   n.  284. 


270  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR 

205  (96).  Mon  fils,  un  homme  ivre  pense  clans  son  cœur  : 
Je  suis  sage  et  fort  et,  tout  ce  que  je  dis,  je  le  dis  avec  sages- 
se. Il  ne  sait  pas  que  s'il  vient  à  rencontrer  un  homme  cou- 
rageux, celui-cin'aura  qu'à  le  toucher  pour  le  jeter  à  terre. 

206  (97  ;  cf.  p.  266,  n.  180).  Mon  fils,  si  tu  vois  tomber 
ton  ennemi,  aie  compassion  de  lui,  car  tu  lui  feras  plaisir. 
Si  au  contraire  tu  t'en  moques,  dès  qu'il  se  sera  relevé, 
il  te   le  fera  expier.  Cf.  n.  79,  p.  180. 

207  (98).  Mon  fils,  un  ivrogne  croit  que  la  terre  oscille  ; 
il  ne  remarque  pas  en  marchant  que  sa  tête  est  brouillée. 
Comme  latene  est  la  mère  de  tous  les  fruits,  ainsi  le  vin 
est  la  source  de  tous  les  maux  ;  il  occasionne  des  maladies 
qui  épuisent  de  toute  manière  ainsi  que  l'homicide  impi- 
toyable ;  il  rend  l'homme  insensé  et  lui  fait  changer  sa  ma- 
nière d'être    contre   celle   des   animaux  privés   de   raison. 

208  (99).  Mon  fils,  évite  de  te  porter  caution  ;  car,  si  tu 
le  fais,  l'autre  croira  que  tu  dois  payer  de  ta  bourse  —  et 
pas  seulement  de  ta  bourse,  car  il  t'arrachera  jusqu'à  la 
barbe. 

209  (100).  Mon  fils,  ne  dis  pas  de  mensonge,  car,  si  l'on 
te  surprend  une  fois  à  mentir,  on  te  prendra  encore  pour  un 
menteur  et  on  ne  te  croira  pas  lorsque  tu  diras  la  vérité. 

III 

Maximes  de  la  version  slave  qui  ne  figurent  ni  dans 
le  syriaque  ni  dans  l'arabe  ni  dans  l'arménien. 

210  (5).  Mon  fils,  ne  sois  pas  dur  comme  les  os  de 
l'homme,  ni  mou  comme  une  éponge. 

211  (16).  Mon  fils,  même  si  ton  ami  t'enviait  ou  te  blâ- 
mait, accueille-le  avec  le  pain  et  le  vin. 

208.  Cf.  Prov,,  VI,  1-3. 


APPENDICES.     m.     VERSION     SLAVE  271 

212  (20).  Mon  fils,  ne  reçois  pas  dans  ta  maison  un  escla- 
ve loquace  et  voleur,  pour  qu'il  ne  dissipe  pas  ton  bien  *. 

213  (26).  Mon  fils,  si  tu  es  saisi  d'une  violente  colère,  ne 
prononce  aucune  parole,  de  crainle  que  tu  ne  sois  nommé 
insensé. 

214  (28).  Mon  fils,  celui  qui  a  une  humble  origine  est 
méprisé  de  tous  ^. 

215  (36).  Mon  fils,  si  ton  corps  n'a  pas  faim,  ne  mange  pas 
de  pain,   pour  que  tu  ne  paraisses  pas  gourmand. 

216  (44).  Mon  fils,  si  tu  écoutes  un  homme  sage,  c'est 
comme  si  tu  te  rafraîchissais  avec  de  l'eau  fraîche  lorsque 
tu  as  soif  par  un  jour  (de  chaleui")  ^. 

217  (48).  Mon  fils,  ne  souhaite  pas  fouler  ton  voisin  aux 
pieds  pour  qu'il  ne  te  rende  pas  la  pareille. 

218  (53).  Mon  fils,  n'accepte  aucune  récompense  pour 
aller  en  témoignage,  car  la  récompense  aveugle  les  juges. 

219  (57).  Mon  fils,  s'il  n'y  a  pas  de  motif  pour  cela  dans 
ta  maison,  ne  fais  pas  de  scandale  pour  ne  pas  t'afl^îcher  aux 
yeux  du  voisin. 

220  (60).  Mon  fils,  il  est  meilleur  pour  une  femme  de 
perdre  son  fils  par  la  mort  que  de  nourrir  un  étranger  ;  car 
le  bien  qu'elle  lui  fait,  il  le  lui  rend  en  mal. 

221  i^Q)-  Mon  fils,  si  tu  invites  un  ami  à  un  repas,  va  au- 
devant  de  lui  avec  une  figure  joyeuse  pour  qu'il  entre  lui 
aussi  avec  bonne  disposition.  Si  tu  donnes  un  dîner,  ne  va 
pas  au-devant  de  ton  ami  avec  un  visage  sombre,  pour  que 
ton  repas  ne  te  cause  pas  de  tort  en  te  faisant  connaître 
comme  un  homme  mauvais  ^. 

222  (70).  Mon  fils,  ne  te  moque  pas  d'un  homme  inintelli- 
gentni  d'un  homme  sourd,  car  ce  sont  des  créatures  de  Dieu. 

1  Cf.  p.  16G,  n.  35. 
a  Cf.  infra,  n.  250. 
3  Cf.  p.  179,  n.  282.  Cf.  p.  170,  n.  50 
i      Cf.  infra,  n.  225,  226. 


272  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'ahIKAR 

223(71).  Mon  fils,  ne  cherche  pas  à  diminuer  une  parole 
importante  de  ton  maître  ni  à  augmenter  une  parole  de 
peu  d'importance.   Cf.  n.  72,  p.  177. 

224  (78).  Mon  fils,  si  tu  pars  en  voyage,  ne  compte  pas 
sur  le  pain  étranger,  mais  prends  ton  propre  pain  avec  toi  ; 
si  tu  n'en  as  pas  et  que  tu  te  mettes  cependant  en  chemin, 
tu  encourras  des  reproches  ^. 

225  (81).  INIon  fils,  si  tu  as  invité  quelqu'un  à  une  fête,  ne 
l'ennuie  pas  pour  autre  chose  afin  de  ne  pas  passer  pour 
un  trompeur. 

226(83).  Mon  fils,  si  tu  es  invité  chez  *  ton  voisin,  ne  vi- 
site pas  sa  chambre  jusque  dans  les  coins,  car  ce  n'est  pas 
bien. 

227  (85).  Mon  fils,  si  tu  entres  dans  une  maison  en  deuil, 
ne  parle  pas  de  mets  et  de  boisson  ;  mais  si  tu  vas  dans 
une  maison  joyeuse,  n'y  porte  pas  la  tristesse  ^. 

228(87).  Mon  fils,  si  tu  te  revêtsd'unnouveljiabit, conduis- 
toi  décemment  et  n'envie  pas  un  autre  homme  qui  a  aussi 
quelque  chose.  Celui  qui  a  un  brillant  habit  doit  avoir  une 
parole  digne  de  respect  *. 

229  (88).  Mon  fils,  si  tu  possèdes  quelque  chose  ou  rien 
ne  t'en  fais  pas  souci;  quel  avantage  t'apporterait  le  souci? 

230  (89).  Mon  fils,  si  tu  possèdes  quelque  chose,  ne  te 
laisse  pas  tourmenter  par  la  faim  ou  la  soif.  Si  tu  meurs, 
un  autre  prendra  de  l'agrément  avec  ton  bien  et  tu  te  seras 
privé  en  vain. 


^Infra,  p.  279,  n.  281. 

2  Cf.  supra,  n.  221. 

3  Cf.  p.  279,  n.  279. 
*  Cf.  p.  182,  n.  89. 


229.  Cf.  Eccle.,  iv,  6. 

230.  Cf.  Eccle.,  iv,  7-8  ;  vi,  1-4. 


APPENDICES.  III.    VERSION    SLAVE  273 

231  (90).  Mon  fils,  si  un  pauvre  vole  quelque  chose, 
prends-le  en  pitié. 

232  (93).  Mon  fils,  si  ton  voisin  se  montre  hostile  à  ton 
égard, ne  cesse  pas  d'allerà  sa  rencontre  avec  bienveillance  *, 
afin  qu'il  ne  fasse  pas  de  projet  contre  toi  sans  que  tu  le 
saches. 

233  (94).  Mon  fils,  si  un  homme  qui  t'est  hostile  veut  te 
faire  du  bien,  n'aie  pas  confiance  trop  vite  de  crainte  qu'il 
ne  te  trompe  et  n'assouvisse  sa  haine  contre  toi. 

234(95).  Mon  fils,  si  quelqu'un  est  puni  pour  une  faute,  ne 
dis  pas  qu'il  a  été  puni  sans  motif,  afin  que  tu  ne  tombes 
pas  sous  la  même  punition. 

235  2(97).  Que  la  crainte  de  Dieu  te  soit  le  premier  axio- 
me. Ensuite  sois  prompt  à  écouter  et  circonspect  pour  répon- 
dre ^.  Sois  patient  dans  la  colère. 

236  (98).  Mon  fils  Anadan,  si  ton  maître  te  dit  ;  «Viens,  » 
ne  t'en  réjouis  pas,  et  s'il  te  dit  :  «  Eloigne-toi  de  moi,  » 
ne  t'en  fais  pas  souci. 

237(99).  Mon  fils  Anadan,  ne  sois  pas  ivrogne,  mieux  vaut 
un  lunatique  qu'un  homme  adonné  à  la  boisson;  car  le  luna- 
tique n'entre  en  fureur  qu'à  la  nouvelle  lune,  tandis  que 
l'autre  ne  cesse  pas  '^. 

238  (100).  Mon  fils  Anadan,  situ  esassis  près  de  quelqu'un 
à  un  repas,  ne  pense  pas  de  mal  de  ton  ami  pour  que  le  pain 
ne  devienne  pas  amer  dans  ta  bouche  ^. 

239  (101).  Mon  fils  Anadan,  lorsqu'on  se  met  h  table,  ne  te 

iGf.  p.  278,  n.  271. 

2  Nous  rappelons  que  les  sentences  suivantes  (97-123)  ne  se 
trouvaient  que  dans  deux  manuscrits  duxv*=  siècle,  d'origine  sud- 
slave.  Elles  figurent  donc  entre  crochets  dans  la  traduction  de 
M.  Jagic  et  dans  celle  de  l'édition  de  Cambridge  (p.  9). 

8  Cf.  p.  158,  n.  10. 

*  Cf.  p.  270,  n.  207. 

6  Cf.  p.  200,  n.  203. 

18 


274 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  ÂHIKAR 


presse  pas  en  avant  de  crainte  d'être  repoussé  ^  et  ne  reste 
pas  en  arrière  pour  ne  pas  être  oublié. 

240  (102).  Mon  fils  Aoadan,  s'ilt'arriveun  chagrin,  appelle 
un  homme  sage  pour  te  consoler,  car  un  esprit  troublé  ne 
peut  donner  aucune  parole  claire. 

241  (103).  Mon  fils,  il  est  plus  facile  de  fournir  une  lon- 
gue course  sur  un  cheval  sans  selle  que  d'obtenir  grâce 
d'un  chef  inintelligent  ^. 

242  (104)  Mon  fils,  si  tu  prends  soin  du  corps  mortel  et 
que  tu  négliges  l'âme,  tu  ressembles  à  l'homme  qui  né- 
glige une  noble  femme  et  qui  prend  soin  d'une  servante. 

243(105).  Mon  fils  Anadan,  si  tu  recherches  le  temporel  et 
négliges  le  céleste,  tu  ressembles  à  l'homme  qui  a  peint  le 
laboureur  sur  la  muraille,  au  lieu  de  l'avoir  pour  lui  labou- 
rer la  campagne  et  lui  apporter  des  fruits. 

244  (106).  Mon  fils  Anadan,  si  nous  vivions  cent  ans  et 
encore  plus,  ce  serait  cependant  comme  un  jour. 

245  (107).  Mon  fils  Anadan,  autant  il  est  douloureux  de 
voir  un  brave  homme  tomber  mort  de  son  cheval,  autant 
il  est  pénible  de  voir  un  méchant  esprit  dans  un  bon  corps. 

246  (107).  Mon  fils  Anadan,  un  juste  juge  peut  être  com- 
paré à  un  bon  crible  :  de  même  qu'un  bon  crible  sépare  les 
paillettes  des  grains,  ainsi  le  juste  juge  sépare  le  bon  droit 
de  linjustice. 

247  (109).  Mon  fils  Anadan,  veux-tu  avoir  une  nombreuse 
suite  près  de  toi,  aie  une  langue  douce  et  des  mains  libé- 
rales. Cf.  n.48,  p.  169. 

248  (110).  Mon  fils  Anadan,  il  vaut  mieux  vivre  dans  une 
hutte  en  homme  juste  que  dans  un  palais  en  criminel. 

249  (111).  Mon  fils  Anadan,  que  ton  esprit  ne  cesse  pas 
d'avoir  recours  auxlivres,  car  ondit  :  «  Commeun  échalier  ne 


1  Cf.  p.  279,  n.  276. 
«  Cf.  p.  180,  n.  80. 


APPENDICES.  Iir.    VERSION    SLAVE  275 

peut  pas  résister  au  vent  sans  appui,  ainsi  l'homme  ne 
peut  pas  sans  livres  conserver  la  sagesse  jusqu'à  la  vieil- 
lesse. » 

250  (112).  Mon  fils  Anadan,  voici  ce  qui  se  passe  dans  le 
monde  :  un  homme  pauvre  prononce  de  sages  paroles, 
personne  ne  l'écoute,  mais  on  dit  :  C'est  un  sot  et  il  dit  des 
sottises.  Si  c'est  un  homme  riche  on  l'écoute,  même  s'il 
dit  des  extravagances,  on  dit  :  Ecoutez,  c'est  un  prince  (un 
boyard)qui  parle;  — on  le  tient  pour  sage  à  cause  de  ses 
richesses^. 

251  (113).  Mon  fils  Anadan,  ne  te  fie  pas  à  une  mauvaise 
femme,  du  miel  sort  de  sa  bouche,  mais  c'est  ensuite  du 
fiel  amer  et  vénéneux  ^.  Songe,  mon  fils,  à  la  femme  de 
Samson  qui  a  enlevé  à  son  mari  les  cheveux  et  les  yeux  et 
qui  l'a  vendu  à  ses  ennemis;  dans  sa  douleur,  il  fit  tomber 
la  maison  sur  lui-même  et  fit  périr  amis  et  ennemis. 

252  (114),  Mon  fils  Anadan,  la  prévoyance  vaut  mieux  que 
l'imprévoyance  (?). 

253  (115). Mon  fils  Anadan, si  un  cadavre  gît  le  long  du  che- 
min sans  être  habillé,  ne  l'habille  pas,  et,  s'il  est  habillé, 
ne  le  dépouille  pas.  Cf.  n.  4,  p.  156. 

254(116).  Mon  fils  Anadan,  mon  àme  s'accommode  de  tout, 
il  n'y  a  que  trois  choses  qu'elle  ne  peut  supporter  :  1"  Un 
traître  ;  celui  qui  est  traître  l'est  envers  Dieu,  ses  parents, 
son  maître,  son  ami  et  sa  femme  ;  2°  Un  homme  pauvre 
qui  est  arrogant.  Pourquoi  est-il  orgueilleux  ?  Sur  quoi 
compte-t-il  ?  3*^  Un  homme  qui  ne  témoigne  aucun  respect 
à  son  maître.    Ton  maître  serait-il  un  chat  que  tu  devrais 


1  Cf.  n.  22,  p.  161,  et  supra,  n.  214, 

2  Cf.  n.  7,  8,  p.  156-157  et  n.  189,  p.  267. 


249.  Cf.  EccH.,  xxn,  18. 
251.  Juges,  XVI. 


276  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR 

lui  peigner  la  barbe,  car  celui  qui  tient  la  tête  par  en  haut 
peut  la  tourner  comme  il  veut. 

255  (117).  Mon  fils  Anadan,  ce  qui  est  amassé  injustement 
se  perd  vite. 

256  (  1 18) .  Mon  fils  Anadan ,  de  même  que  la  terre  abandonne 
bientôt  l'eau  (se  dessèche  vite)  ,  ainsi  ne  garde  pas  près  de 
toi  un  calomniateur. 

257  (119).  Mon  fils  Anadan,  éloigne  tes  mains  du  vol,  ta 
bouche  du  mensonge  ^  et  ton  corps  de  l'impureté  ;  par-des- 
sus tout,  garde-toi  d'une  femme  mariée  ^. 

258(120).  Mon  fils  Anadan,  situ  pries  Dieu  pour  quelque 
chose,  n'oublie  pas  de  consoler  les  affligés,  de  revêtir  les 
déguenillés,  de  nourrir  les  affamés,  de  rafraîchir  ceux  qui 
ont  soif,  de  réconforter  les  malheureux  avec  de  bonnes  et 
douces  paroles.  Une  bonne  parole  a  plus  de  prix  que  l'ar- 
gent et  que  l'or  précieux^. 

259  (121).  Mon  fils  Anadan,  ne  cours  pas  après  le  bien 
étranger,  dans  peu  de  jours  tes  propres  richesses  passe- 
ront à  d'autres  mains.  Cf.  n,  23,  p.  162. 

260  (122).  Mon  fils  Anadan,  il  est  meilleur  pour  l'homme 
de  se  rassasier  en  paix  d'herbes  fades  mangées  avec  plaisir  et 
joie,  dans  la  gaîté  et  les  rires,  que  de  toutes  les  sucreries 
avec  mécontentement,  querelles,  tristesse  et  soucis. 

261  (124).  Mon  fils,  ceque  jet'aienseigné,  reçois-le  de  tout 
cœur  et  rends-moi  du  tien  et  du  mien  avec  surcroît. 

1  Cf.  n.  87,  p.  182. 

2  Cf.  n.  88,  p.  182  el  n.  170,  p.  265. 

5  C'est  une  paraphrase  de  Slave  41  ou  Arménien  36  (cf.  supra, 
p.  264,  n.  168). 

260.  Cf.  Eccle. ,  iv,  6. 


APPENDICES.    IV.   VEflSIOM  liOLMAlNE  277 

IV 

Maximes  de  la  version  roumaine  auxquelles  M.  Gaster  n  a 
pas  trouvé  de  parallèles  dans  la  version  slave. 

262  (1).  Mon  fils,  n'entre  pas  en  affaire  avec  le  puissant, 
n'acquiers  rien  de  lui  ;  n'acquiers  pas  des  biens  volés, 
parce  que  tes  propres  biens  périraient  avec  ceux-ci. 

263  (3).  Mon  fils  Anadan,  si  tu  sers  un  mauvais  maître, 
ne  va  pas  lui  dire  qu'il  est  mauvais  et  (croire)  qu'il  t'en  saura 
gré,  mais  fais  ce  qu'il  t'ordonne  ^. 

264  (4).  Mon  fils,  ne  parle  pas  en  présence  de  ton  maître, 
car  tu  te  tromperas  et  il  te  haïra  ^. 

265  (7).  jNIon  fils, si  tu  as  atteint  une  haute  position,  incline- 
toi  devant  chacun,  afin  qu'avec  ta  sagesse  tu  puisses  avoir 
une  plus  haute  place  encore  •^. 

266  (9).  Mon  fils  Anadan,  quoi  que  tu  veuilles  obtenir  de 
Dieu,  prie  continuellement,  alin  que  Dieu  te  l'accorde  en  son 
temps  ^. 

267  (12).  Mon  fils,  écoute  l'homme  sage,  quand  même 
il  serait  pauvre,  parce  que  telle  est  la  voie  de  Dieu  :  un 
jour  il  donne  à  l'un  et  l'autre  jour  à  un    autre. 

268  (13).    Aussi  longtemps  que  tu  vivras,    garde-toi   de 


1  Cf.  n.  4i,  42,  43,  p.  168. 

2  Analogue  au  n.  il. 

3  Cf.   n.  48,  p.  169. 

*  Analogue  au  n.  173,  p.  2G5. 


App.  IV.  The  journal  ofthe  royal  ^st«/ic50ci(?<j,  1900,  p.  301-319  ; 
cf.  supra,  p.  107. 

262.  Sur  le  respect  du  puissant,  cf,  n.  52,  74,  77,  83,  p.  171,  178, 
179,  181. 

267.  Cl.  Eccle.,  IX,  13-16  ;  iv,  13. 


278 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


creuser  une  fosse  pour  un  autre,  parce  que  tu  serais  sûr  d'y 
tomber.  Cf.  p.  256, 

269(18).  Mon  fils  Anadan,  si  tu  parles  à  ton  maître,  quêta 
bouche  soit  fermée  avec  trois  serrures  —  l'une  sur  ton 
cœur,  l'autre  sur  ton  esprit  et  la  troisième  sur  ta  bouche 
—  parce  que,  dès  que  tu  as  parlé,  la  parole  ne  peut  plus 
être  rattrapée  ni  à  cheval  ni  avec  des  chiens  ni  avec  un 
faucon. 

270  (19).  De  nouveau^,  mon  fils  Anadan, honore  et  sup- 
porte le  bon  et  le  sage,  quand  même  il  ne  serait  que  sage 
dans  sa  route  et  pas  riche. 

271  (20).  Mon  fils  Anadan,  situ  as  un  méchant  voisin,  ne 
le  néglige  pas,  parce  que  Dieu  t'en  saura  gré  et  (le  méchant) 
ne  pourra  pas  te  causfr  de  préjudice  ^. 

272  (22).  Mon  fils,  il  vaut  mieux  porter  des  pierres  avec 
le  sage  que  banqueter  avec  un  insensé  ^. 

273  (23).Monfils,  honore  tes  frères  ettesamis  *,  de  crointe 
qu'ils  ne  parlent  avec  déférence  en  ta  présence,  mais  que 
derrière  ton  dos  ils  ne  te  fassent  tort  et  ne  te  frappent. 

274(24).  Mon  fils,  si  quelqu'un  te  jette  des  pierres,  jette-lui 
du  pain,  parce  que  le  pain  te  reviendra  et  les  pierres  retour- 
neront à  celui  qui  les  a  lancées  ^. 

275  (25).  Mon  fils,  il  vaut  mieux  être  battu  par  le  sage 
qu'honoré  par  l'insensé  ^. 


^  C'est  une  répétition  du  n.  267  (12). 

2  Analogue  au  n.  28,  p.  164.  Cf.  n.  232,  p.  273. 

3  C'est  le  n.  l^p.  159,  textuel. 

*  Cf.  p.  260,  n.'l44  (lin)  et  145  (un);  p.  179,  n.  78. 

5  Cf.  p.  165,  n.  31,  et  p.  239,  n.  100  ;  p.  270,  n,  211. 

6  C'est  le  n.  93,  p.  184. 


269.  Sur  le  silence,  cf.  n.  2,  3,  41,  p.  154-155,  168. 
275.  Cf.  Eccle.,  VII,  6. 


APPENDICES.    IV.  VERSION  ROUMAINE  279 

276  (26).  Mon  fils,  si  tu  t'assieds  à  la  table  d'autres  gens, 
ne  t'assieds  pas  h  une  haute(plaee),  car  il  viendrad'autres  per- 
sonnes et  des  gens  de  plus  haut  rang  et  on  te  mettra  à  une 
place  inférieure  ^;  mais  situ  t'assieds  à  une  place  inférieure 
et  que  l'on  t'ait  appelé  en  haut,  alors  on  ne  te  remettra 
plus  en  bas. 

277  (27).  Tu  n'inviteras  jamais  personne  à  la  table  d'un 
étranoer. 

278  (28).  Ne  reste  pas  assis  trop  longtemps  2,  mieux  vaut 
n'être  assis  qu'un  peu  et  qu'on  regrette  que  tu  ne  sois  pas 
resté  plus  longtemps. 

279  (29).  Si  tu  es  invité,  vas-y  proprement  habillé,  sinon 
il  vaut  mieux  que  tu  restes  à  ta  maison  et  qu'on  regrette 
ton  absence,  plutôt  que  d'y  aller  sans  être  paré,  car  on 
voulait  t'honorer  et  toi  tu  te  couvres  de  confusion  '. 

280  (30).  Mon  fils,  ne  sors  pas  sans  armes  durant  la  nuit, 
parce  que  tu  ne  sais  pas  ce  que  tu  dois  rencontrer  *. 

281(32).  Mon  fils,  ne  t'en  va  pas  seul  en  voyage,  et  durant 
le  chemin  ne  mange  pas  toutes  tes  provisions  en  comptant 
sur  ton  compagnon,  car,  lorsque  tu  auras  épuisé  tes  provi- 
sions, il  ne  t'en  donnera  pas  ^. 

282  (33).  Mon  fils,  si  quelqu'un  te  donne  de  bons  avis, 
écoute-le,  car  il  te  sera  très  utile  ;  il  sera  comme  l'eau  fraî- 
che d'une  pure  fontaine  pour  l'homme  altéré  ^. 


iCf.  n.  239,  p.  273. 
a  Cf.  n.  54,  p.  171. 
3  Cf.  n.  227,  p.  272. 

*  Analogue  au  n.  38,  p.  167,  surtout  à  la  rédaction  C.  La  ma- 
xime roumaine  suivante  peut  n'être  qu'une  transformation  de  la 
présente.  Le  Slave  porte  (27)  :  «  Mon  fils,  ne  sors  pas  durant  la 
nuit  sans  armes,  car  tu  ne  sais  pas  qui  tu  dois  rencontrer.  » 

"  Analogue  au  n.  224,  p.  272. 

•  Analogue  au  n.  216,  p.  271. 


280 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


283  (34).  Mon  fils,  ne  va  pas  à  une  table  étrangère  sans 
être  invité  ^. 

284  (35),  Ce  que  tu  ne  trouves  pas  bon  pour  toi,  ne  le  fais 
pas  aux  autres  ^. 

285  (36).  Mon  fils  Anadan,  prends  garde  à  la  gueule  du 
sac  et  non  au  fond,  parce  que  le  fond  est  aussi  la  fin  (ne  se 
présente  qu'en  dernier  lieu). 


1  Analogue  au  n.  181,  p.  266.  Cf.  n.  277. 
»  Gomme  le  n.  198,  p.  269. 


ADDITIONS 

Depuis  que  le  présent  ouvrage  est  à  l'impression  (février 
1908)  nous  avons  pu  consulter  de  nouveaux  manuscrits  sy- 
riaques et  arabes  de  VHistoire  d'Ahikar  et  surtout  les  papy- 
rus araméens  du  v"  siècle  avant  notre  ère  conservés  à  Ber- 
lin. Nous  nous  proposons  de  les  faire  connaître  dans  les 
notes  suivantes  : 

I 
Nouveaux  manuscrits  syriaques. 

1**  Au  retour  du  congrès  des  orientalistes  de  Copenha- 
gue, nous  avons  transcrit  à  Berlin  le  manuscrit  Sachau  162 
du  XV®  siècle  signalé  plus  haut,  p.  81,  iv.  Il  appartient  à 
la  famille  6*,  L,  car  il  emploie  souvent  les  mêmes  mots. 

Il  n'est  donc  pas  traduit  de  l'arabe.  Il  tst  remarquable 
dès  lors  qu'il  écrit  partout  Hikar  au  lieu  d'Ahikar.  Cette 
forme  Hikar,  qui  se  trouve  dans  tous  les  manuscrits  arabes 
et  arméniens  provient  donc  peut-être  d'un  manuscrit  sy- 
riaque défectueux.  En  voici  le  commencement  :  «  Avec 
l'aide  de  Dieu,  nous  écrivons  l'histoire  de  Hikar,  le  scribe, 
et  ses  belles  sentences  ^. 

«  Durant  les  années  de  Sennachérib,  roi  d'Assur  et  de 
Ninive,  j'étais,  moi  Hikar,  scribe  du  roi.  Il  me  fut  dit  en 
songe  que  je  n'aurais  pas  de  fils,  mais  que  j'acquerrais  de 
grandes  richesses.  Je  pris  soixante  femmes,  et  à  l'âge  de 
soixante  ans,  je  n'avais  de  fils  d'aucune  d'elles.  Alors,  je 
me  construisis  un  grand  autel...  » 

1.  Il  faut  noter  que  le  même  mot  matlê  désigne  en  syriaque  les 
sentences  d'Al>ikar  et  les  fables  d'Ésope. 


282 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


Ce  manuscrit,  comme  C,  L,  omet  le  recours  aux  idoles 
et  renferme  les  maximes  :  1,  2,  3,  4,  6,  7,  8,  10,  11,  12,  13, 
17,  15,  16,  19,  22,  23,  25,  26,  27,  28,  29,  32,  33,  34,  35, 
37,  38,  39,  40,  41,  43,  44,  48,  49,  51,  53,  54,  55,  56,  57, 
59,  62,  64,  m,  67,  68,  69,  70,  71,  73,  74,  75,  79  t,  87,  88, 
89,  45,  93,  78,  84.  Puis  le  scribe  s'est  arrêté  au  folio  92 
et  a  transcrit  un  autre  sujet  au  folio  92  ^  . 

2°  Mgr  Scher,  archevêque  chaldéen  de  Séert,  a  bien  vou- 
lu nous  procurer  une  copie  d'un  manuscrit  du  Turkestan, 
Nous  désignerons  cette  copie,  qui  appartient  maintenant  à 
Mgr  Graffin,par  les  lettres  Gr.  Elle  se  rattache  aussi  au 
groupe  C,  L,  mais  offre  la  particularité  intéressante  de  por- 
ter au  commencement  comme  Z?,  le  recours  aux  idoles 
(I,  3)  avant  le  recours  au  vrai  Dieu  (I,  4).  Déplus  —  mieux 
encore  que  le  ms,  B  —  elle  porte  Sarhédom  dans  tous  les 
endroits  où  les  scribes  ont  introduit  h  tort  le  nom  de  Sen- 
nachérib.  Il  est  donc  certain  maintenant  que  l'anachro- 
nisme du  ms.  6'(Sennachéribpour  Sarhédom)  n'existait  pas 
dans  la  rédaction  originale.  Le  discours  indirect  est  aussi 
mélangé  parfois  au  discours  direct.  Voici  le  commence- 
ment qui  diffère  assez  des  autres  manuscrits: 

Gr  :  «  Histoire  d'Ahikar  le  sage,  qui  servit  Sennachérib 
et  Sarhédom,  rois  assyriens. 

Chapitre  premier  de  l'histoire   d'Ahikar. 

«  1.  Il  y  avait  donc  —  dans  les  jours  de  Sennachérib  et 
de  Sarhédom,  rois  d'Assur  et  de  Ninive — un  homme,  nom- 
mé Ahikar,  juif,  sage,  écrivain,  scribe  et  mobed^  de  rois 
célèbres,  au  service  desquels  il  se  dévouait  constamment. 
Lorsque   Sennachérib,    roi    d'Assur,  mourut  2,    alors    moi, 


1,  Mot  persan;  désigue  souvent  les  prêtres. 

2.  Le  manuscrit  porte  ici  «  l'an  679  avant  le  Messie,  »  et   le   trans- 


ADDITIONS 


283 


Ahikar,  j'étais  encore  très  jeune.  Je  servis  aussi  Sarhédoni, 
fils  du  roi  Sennachérib.  Alors,  les  devins  et  tous  les  astro- 
nomes me  dirent  :  «Tu  auras  un  fils, qui  héritera  de  tous  tes 
«  biens.  » 

«2.  Quand  ils  m'eurent  dit  cela,  j'épousai  soixante 
femmes,  je  leur  achetai  soixante  palais,  vastes  et  très 
beaux  et,  lorsque  j'arrivai  h  l'âge  de  soixante  ans,  je  n'avais 
pas    d'enfants. 

a  3.  Alors  moi,  Ahikar,  j'allai  offrir  des  sacrifices  aux 
dieux,  je  leur  brûlai  des  aromates  et  des  parfums  et  je  leur 
dis  :  0  dieux  !  donnez-moi  un  fils  qui  vous  serve,  afin  que 
je  me  réjouisse  en  lui  et  qu'il  hérite  de  moi  à  ma  mort  — 
car  nombreux  étaient  les  biens  que  j'avais  acquis. —  Les 
idoles  ne  me  répondirent  absolument  en  rien  et  (Ahikar) 
retourna  du  temple  des  idoles  à  sa  maison  plein  de  confu- 
sion et  de  douleur. 

«  4.  Il  commença  à  invoquer  et  à  prier  le  Seigneur  d'un 
cœur  contrit  et  à  dire  :  O  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  ô  Créa- 
teur des  créatures,  vois  mes  larmes  et  accueille  ma  prière, 
donne-moi  un   fils...» 

L'histoire  est  complète  et  l'on  trouve  aux  chapitres  ni  et 
xxxiii  les  maximes  et  les  comparaisons  suivantes  :  1,  2,  3, 
4,  8,  10,  11,  16,  13,  26,  28,  29,  32,  33,  34,  35,  36,  37,  38, 
39a, 50,  51,  53,  54,  55,  56,  57,  59,  62,  64,  65,  66,  67,  68, 
69,  70,  71,  72,  73,  79,  87,  88,  89,  90,  91,  45,  93,  15,  19, 
22,  23,24,  25,  76,  77,78,  79,  80,  81,61,  39i>,  40,  41,  43, 
44,  45,  47,  48,  49,  82,  83,  84,  85,86,  96,  97,  98,  100,  99, 
101,  102,  103,  104,  105,  106,  108,  113,  114,  118,  120, 
128,  131,  132,  133,  134  b,  136,  137,  140,  141,  142. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  c'est  la  rédaction  C,  L 
(et  non  la  rédaction  H)  qui  se  retrouve  dans  ce  manus- 
crit. Il  y  a  de  nombreuses  interversions,   une  maxime  nou- 

cripleur  a  mis  ces  mois  entre  crochets  et  a  ajouté  en  marge  :  «  Dans 
un  manuscrit  ce  n'est  pas  ainsi.  »  C'est  en  effet  une  addition. 


284 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


velle  (entre  4  et  8)  :  «  Mon  fils,  les  paroles  qui  ne  sont  pas 
tiennes,  que  tes  lèvres  ne  les  laissent  pas  échapper;  »  et  une 
comparaison  nouvelle  (entre  137  et  140)  :  «  Mon  fils,  tout 
le  temps  que  je  t'ai  instruit,  je  t'ai  dit  que  Dieu  est  un  prin- 
ce juste  et  un  juge  intègre  :  à  ceux  qui  font  le  bien,  il  rend 
le  bien  ;  à  ceux  qui  font  le  mal,  il  rend  le  mal  et  il  impose 
des  tourments  dans  la  géhenne  ;  comme  il  n'y  a  pas  d'au- 
tre prince  que  Dieu  entre  moi  et  toi,  il  te  rendra  ce  que  tu 
mérites.  »  On  ne  reconnaît  o-uère  ici  la  comparaison  138. 

Les  Parlhes  ne  figurent  nulle  part  dans  ce  manuscrit. 
On  lit  seulement  qu'Ahikar  recommanda  à  sa  femme  «  de 
préparer  de  la  nourriture  sur  des  tables  (patou/'é)  de  tout 
genre  et  de  donner  du  vin  bon  et  vieux  à  tous  les  servi- 
teurs du  roi  et  aux  spicula tores.  »  Est-ce  le  mot  «  tables  » 
[patouré)  qui  est  devenu  «  Parthes  »  {partouié)  ou  vice  ver- 
sa ? 

La  montagne  de  Sis  est  appelée  ici  «  de  Sohou  ;  »  le  roi 
de  Perse  et  d'Elam  est  «  Akis  bar  Semahlitn  ;  »  le  servi- 
teur que  l'on  met  à  mort  se  nomme  Médiafar,  et  Esfagni,  en 
deux  endroits,  est  appelée  Esfegâ. 

La  comparaison  135  (palmier  qui  ne  porte  pas  de  fruits) 
manque  ;  par  contre,  la  réponse  du  loup  auquel  l'on  veut 
faire  dire  A,  B,  G^,  contient  bien  trois  mots  commençant 
par  ces  trois  lettres  à  savoir  Amra  ou  Gedaia  Becarsi, 
«  Agneau  et  Chevreau  dans  mon  ventre  2.  » 

3o  M.  E.  W.  Brooks  nous  a  adressé  la  collation  du 
fragment  contenu  dans  le  manuscrit  Or.  2313  (cf.  supra, 
page  81,  v).  C'est  en  somme  le  texte  6",  les  variantes  mon- 


1.  Ce  sont  les  trois  premières  lettres  des  alphabets  sémitiques 
(Alef,  Bêt,  Gimel). 

2.  On  trouve  la  même  idée  dans  l'arabe  {supra,  p.  252-253,  fin  de 
la  note  c),  mais  les  mots  «  mouton  »  et  «  chèvre  »  commencent  en 
arabe  par  hé  et  djim.  Cette  traduction  n'a  pas  conservé  le  parallélisme 
des  lettres. 


ADDITIONS  285 

trent  seulement  qu'un  manuscrit  n'a  pas  été  copié  sur  l'au- 
tre. 

En  résumé,  le  ms.  B  reste  isolé  ;  les  fragments  Sachau 
162  et  Or.  2313  ajoutent  fort  peu  aux  manuscrits  C,  L,  ;  le 
manuscrit  Gr  par  contre,  bien  que  de  la  famille  C,  L,  est 
le  plus  important,  car  il  est  seul  de  cette  famille  à  avoir 
conservé  certains  traits  de  l'original  (recours  aux  idoles, 
mention  de  Sarhédom)  que  l'on  trouve  aussi  dans  B. 

4"  M.  Rendel  Harris  a  bien  voulu  nous  apprendre  direc- 
tement, et  aussi  par  l'intermédiaire  de  M™"  D.  Gibson, 
que  les  copies  des  manuscrits  d'Ourmiah  (cf.  supra,  p.  81, 
vn-ix)  ne  sont  plus  en  sa  possession  et  se  trouvent  très  pro- 
bablement à  Harward  University,  aux  Etats-Unis^  avec  ses 
autres  manuscrits  syriaques,  mais  ces  copies,  nous  a-t-il 
écrit,  n'ont  pas  d'importance  pour  la  critique  du  texte  sy- 
riacjue.  Cela  signifie  peut-être  qu'elles  ne  sont  pas  de  la 
famille  du  manuscrit  C. 


286  HISTOIRE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR 

II 

Les  manuscrits  arabes  de  Paris. 

Ces  denx  manuscrits  (n.  3^57  et  3656,  cf.  supra,  p.  88, 
5"  et  12°)  renferment  en  somme,  avec  diverses  omissions, 
le  texte  édité  par  M*"®  Smith  Lewis  et  désigné  plus  haut 
par  la  lettre  A.  Pour  que  leur  contenu  ne  prête  plus  à 
aucune  amljiguïté,  nous  avons  demandé  à  M.  l'abbé  Leroy, 
professeur  aux  Facultés  catholiques  d'Angers,  d'en  pré- 
parer une  édition  pour  la  Reflue  de  r Orient  chrétien 
(1908,  n.  4,  et  1909) et  nous  empruntons  à  son  manuscrit 
les  matériaux  de  la  présente  note  : 

Voici  le  commencement  : 

«  Au  nom  du  Dieu  clément,  miséricordieux,  vivant,  éter- 
nel, sans  fin,  à  qui  nous  recourons  —  nous  commençons, 
par  la  grâce  du  Dieu  Très  Haut,  par  sa  faveur  excellente 
et  sous  sa  direction,  à  écrire  l'histoire  d'Ahikar  le  sage,  le 
philosophe,  vizir  du  roi  Sennachérib,  et  de  Nadan  son  ne- 
veu. 

((  On  rapporte  qu'il  y  avait  au  temps  de  Sennachérib, 
roi  d'Assur  et  de  Ninive,  un  homme  sage  nommé  Haïkar. 
Il  était  vizir  du  roi  Sennachérib  et  son  secrétaire.  C'était 
un  homme  opulent,  qui  possédait  de  grandes  richesses.  Il 
étaitsagace,  sage,  philosophe,  plein  de  science  et  d'habileté. 
Il  avait  épousé  soixante  femmes,  pour  chacune  desquelles 
il  avait  construit  un  palais,  et  cependant  il  n'avait  pas  d'en- 
fant qu'il  pût  élever.  Cela  l'affligeait  beaucoup,  et  un  cer- 
tain jour  il  rassembla  les  astrologues,  les  devins  et  les 
sorciers.  11  leur  fit  part  de  sa  situation  et  se  plaignit  de 
sa  stérilité.  Ils  lui  répondirent  :  Va,  offre  des  sacrifices  aux 
dieux...  » 

Le  récit  continue  à  la  troisième  personne  et  se  termine 


ADDITIONS  287 

par  :  «C'est  là  ce  que  nous  avons  trouvé  au  sujet  de  l'histoire 
d'Haïkar  le  sage.  Gloire  à  Dieu  pour  toujours.  Amen.  » 

Nous  avons  donc  bien  là  une  adaptation  arabe  d'un  récit 
sans  doute  syriaque,  et  il  ne  peut  être  question  de  fiâre 
dériver  de  ce  texte  arabe  aucune  de  nos  rédactions  syria- 
ques. 

Les  manuscrits  arabes  de  Paris  renferment  les  maximes 
et  allégories  que  nous  avons  désignées  par  les  numéros  2, 
3,  5,  6,  7,  8,  10,  11,  12,  13,  16,  17,  19,  20,  22,  23, 
24,  25,  82,  29,  30,  31,  32,  33,  72,  73,  74,  79,  80,  87, 
93,  83,  88,  91,  96,  97,  98,  111,  113,  114,  110,  118, 
119,  122,  123,  128,  129,  131,  132,  133,  134,  135,  136, 
137,  139,  140,  142. 

Les  omissions  sont  donc  nombreuses  et,  h  côté  de  bon- 
nes leçons,  on  en  trouve  de  franchement  mauvaises,  par 
exemple  :  «  Mon  fils,  tu  es  comme  le  chien  qui,  ayant  froid, 
entra  dans  le  poulailler  pour  se  réchauffer.  Quand  il  eut 
chaud,  il  se  mit  à  aboyer  contre  les  poules,  mais  elles  le 
frappèrent  et  le  chassèrent  de  peur  d'être  mordues  par 
lui.    ))  Cf.  supra,  p.  244,  n.  113. 

<(  Mon  fils,  on  disait  au  loup  :  Eloigne-toi  des  brebis,  de 
peur  que  leur  fumier  ne  t'incommode.  Il  répondit  :  Le 
reste  de  leur  lait  est  salutaire  pour  mes  yeux.  »  Cf.  supra, 
p.  252,  n.  137  1. 

1.  Ajoutons  ici  que  M.  E.  Nestlé  a  consigné  dans  ses  Sepiuaginta 
Stuclien,  t.  m,  p.  22-27,  et  t.  iv,  p.  9-10,  Stuttgart,  1899  et  1903,  de 
nombreuses  notes  sur  le  livre  de  Tobie  ;  il  regrette  que  la  collection 
de  Kautzsch  n'étudie  pas  les  relations  qui  existent  entre  ïobie  et 
Ahikar  (p.  22)  ;  il  note  (p.  10)  que  l'article  de  Margarete  Plath,  cf. 
supra,  p.  20,  note  2  (il  écrit  Magareth),  est  d'une  «  weibliche  Feder.  > 


288 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


III 


Les  papyrus  araméens  d'Ahikar  du  V^  siècle 
avant  notre  ère. 

Ces  papyrus  ont  été  découverts  par  la  mission  allemande 
à  Eléphantine,  en  même  temps  que  la  requête  des  prêtres 
juifs  à  Bagohi,  gouverneur  de  Judée,  dittée  de  l'jin  14  de 
Darius  II  (408-407  avant  notre  ère)  et  déjà  éditée  par  M,  Sa- 
chau  ^.  Nous  avons  pu  les  voir  exposés  à  Berlin,  au  nou- 
veau Musée,  sous  les  numéros  63  et  64  ^.  Ce  sont  des  frag- 
ments d'un  rouleau  littéraire,  de  32  à  33  centimètres 
de  haut;  l'écriture,  presque  identique  à  celle  de  la  requête 
des  prêtres  juifs,  est  perpendiculaire  aux  fibres  du  papyrus. 

Le  numéro  63  contient  les  restes  de  trois  colonnes  que 
nous  numéroterons  1,2,  3,  de  droite  à  gauche  ;  la  colonne 
1  compte  dix-sept  lignes,  les  colonnes  2  et  3  en  comptent 
quinze.  Ces  deux  dernières  colonnes  se  suivent  sans  inter- 
ruption. 

Le  numéro  64  contient  les  restes  d'une  colonne  de  quinze 
lignes.  Il  a  été  reconstitué  à  l'aide  de  vingt  à  vingt-cinq 
morceaux  ^. 

1.  Cf.  Drei  aramaïsche  Papyrusurkundem  ans  Eléphantine,  von- 
E.  Sachau,  Berlin,  1908  (Extrait  des  comptes-rendus  de  1907  de 
l'Académie  des  sciences  de  Berlin). 

2.  Nous  les  avons  déjà  fait  connaître  dans  la  Revue  du  Clergé  fran- 
çais, 1er  nov.  1908,  p.  306-307. 

3.  Voici  la  description  manuscrite  qui  figure  dans  la  salle  d'expo- 
«ition  : 

c  Ans  dem  Achihar  Roman,  n.  63  enthâll  dir,  Erzàhlung  von  den 
Schicksalen  des  Achikar  untcr  den  Kônigen  Sanherib  und  Asarhad- 
don.  —  In  n.  6i  folgen  seine  Weisheitsspriiche  Z.  T.  im  Gewande 
der  Tierfabel.  Litterarische  Papyrusrolle  des  5  lahrh,  v.  Chr.  » 

Déjà  M.    E.    Sachau    avait   bien   voulu    nous    écrire,  à  la   date  du 


ADDITIONS  289 

Il  reste  donc  quatre  colonnes  de  quinze  (ou  dix-sept) 
lignes  plus  ou  moins  mutilées  ;  d'ailleurs  chaque  ligne  pou- 
vait compter  de  cinquante-cinq  à  cinquante-huit  lettres 
(on  le  voit  sur  la  colonne  2).  Ces  papyrus  correspondent 
donc  h  moins  du  sixième  de  la  version  syriaque. 

Ahikar  est  mentionné  au  moins  six  fois  (col.  1,  lignes  14 
et  15;  col.  2,  lignes  7  et  14  ;  col.  3,  lignes  6  et  13).  Ce 
nom  est  écrit  exactement  comme  en  syriaque,  Ahikar  parle 
aussi  à  la  première  personne  :  «  Moi,  je  suis  Ahikor,  celui 
qui...  »  col.  1;  «  le  roi  Sennachérib  m'a  aimé...  »  col.  2, 
etc.  ;  il  est  appelé  «  père  d'Assur  »,  col.  2  (cL  s^npra^ 
p.  195,    n.  2). 

Enfin,  on  trouve  bien  Sennachérib  ^  d'abord  et  Asarhad- 
don  (Sarhédom)  pins  loin  '-.  Les  papyrus  ne  portent  donc 
pas  le  grossier  anachronisme  qui  dépare  tous  les  manus- 
crits de  toutes  les  versions,  hors  les  manuscrits  syriaques 
B  et  Gj^  :  ils  placent  Sarhédom  après  Sennachérib  et  non 
avant. 

Les  mots  «  Nabousemak  Meskin  Kenothi  »  dont  //  fait 
un  seul   nom  propre  ^    [supra,  p,    196,   note)  et  que  nous 


2  juin  1908,  que  ces  papyrus  remontaient,  à  son  avis,  au  vc  siècle 
avant  notre  ère  et  concernaient  aussi  bien  la  sagesse  que  l'histoire 
d'Ahikar  :  «  Die  Ahikar-Papyri  sind  nicht  dath-t,  stammen  aber 
nacli  meiner  Ansicht  aus  derselben  Zeit  wie  die  iïbrigen  Papyri,  d.  i. 
aus  dem  5  lalirhunderl  v'or  Clir.  geb. 

«  Soweit  ich  bis  j'etzt  seke,  beziehen  sich  vier  Papyri  auf  den 
crzâlileiiden,  fiinf  auf  den  didaktischen  Theil.  lin  Einzelnen  ist  nnck 
i'ieles  unsicher.  » 

1.  Appelé  «  roi  d'Assur  »,  flgure  col.  2,  lignes  2,  3,  7;  après  ck 
ce  nom  porte  ici  un  alef  qui  répond  à  la  semi-voyelle  i,  au  début 
de  irba  :   Sin-ahi-irba. 

2.  Mentionné  col.  3,  lignes  1,  2,  12,  15,  sous  la  forme  Asarl.iadon 
avec  un  alef  en  tête  et  un  autre  après  le  l.i,  celui-ci  répondant  à  la 
voyelle  i,  de  iddin    :  Asur-ah-iddin. 

3.  Il  en  est  de  même  du  manuscrit  syriaque  Gr. 

19 


290  HISTOIRE    ET    SAGESSE      d'aHIKAR 

avons  traduits,  avec  M.  Rendel  Harris,  par  a  Nabousemak, 
le  bourreau,  mon  ami,  »  semblent  remplacés  par  i;3DDD1!23 
seul.  Si  notre  lecture  est  bonne,  ce  mot  serait  la  trans- 
cription araméenne  exacte  du  nom  très  babylonien  Na- 
bû-snm-iskun,  «  Nabû  a  établi  un  nom  ))  ou  «  un  fils  », 

Ahikar  lui  demande  aussi  :  «  Comme  j'ai  fait  avec  toi, 
fais  aussi  avec  moi,  ne  me  tue  pas.  »  Cf.  supra,  p.  200, 
3-4. 

Le  numéro  64  contient  des  sentences  et  des  allégories 
(  ou  fables  d'animaux) ,  par  exemple  :  «  J'ai  levé  du  sable 
et  j'ai  porté  du  sel  et  cela  ne  m'a  pas  été  plus  lourd 
que  ...»  cf.  p.  172,  n.  57-58  ;  puis  :  «J'ai  levé  de  la  paille  et 
j'ai  pris  le  joug  (?)  et  cela  ne  m'a  pas  été  léger...  »  «  La  pan- 
thère rencontra  la  chèvre  ^  ...  la  panthère  prit  la  parole 
et  dit  à  la  chèvre  ...  la  chèvre  dit  à  la  panthère  ...  tu  ne 
prendras  pas  ma  peau,   car  ...  » 

Au  point  de  vue  paléographique  :  les  mots  sont  séparés 
par  des  espaces  blancs,  comme  cela  a  lieu  dans  la  requête 
des  prêtres  juifs  d'Eléphantine  ;  de  plus,  à  la  fin  des  ma- 
ximes, le  scribe  passe  à  la  ligne  ou  met  parfois  un  signe 
en  forme  d'étoile. 

Ces  papyrus  viennent  corroborer  la  plupart  de  nos 
assertions  :  1^  Aucune  des  versions,  aucun  des  manuscrits 
n'a  conservé  fidèlement  la  légende  d'Ahikar,  à  plus  forte 
raison  aucun  d'eux  ne  peut-il  être  considéré  comme  le  re- 
présentant autorisé  de  son  histoire.  Il  faut  donc  distinguer 
soigneusement  la  tradition  légendaire  de  l'histoire  primi- 
tive qui  lui  a  donné  naissance.  Cf.  supra,  p.  116-119.  Nous 
croyons  que  les  papyrus  conservés  ne  mentionnent  pas  le 


1.  '  Enzâ.  Ce  mot  porte  ici,  comme  en  assyrien  enzu,  un  noun 
après  l'aïn.  On  trouve  aussi  plus  loin  fobiû  (cf.  supra,  p.  243,  note  4), 
qui  signifie  en  araméen  «  gazelle  »  ;  on  trouve  ensuite  «  le  cerf  x, 
'ail.  Ct.  DalmaD,  Aramàisch-neuhebidisches  Wôrterbuch,  Francfort, 
1901,  p.  156. 


ADDITIONS  291 

voyage  en  Egypte  ;  cependant  il  n'est  pas  impossible  qu'ils 
renferment  déjà  certains  traits  légendaires,  caries  diverses 
rédactions  nous  montrent  que  les  scribes  ont  modifié  libre- 
ment leur  modèle  :  c'est  à  peine  si  dans  les  papyrus  on 
trouve  quelques  noms,  quelques  mots,  quelques  maximes 
de  nos  versions  modernes.  La  tradition  a  coulé  dans  le 
moule  de  l'histoire  primitive  des  matériaux  de  moindre 
valeur,  comme  une  source  pétrifiante  remplit  de  carbonate 
de  chaux  toutes  les  cellules  vivantes  et  parfumées  d'une 
rose,  et  les  critiques  qui  voudraient  mesurer  la  personna- 
lité d'Ahikar  d'après  sa  seule  manifestation  légendaire,  res- 
sembleraient aux  chimistes  qui  voudraient  tirer  l'essence 
de  rose  de  la  seule  distillation  des  roses  changées  en  pierre 
par  la  séculaire  action  des  eaux  carbonatées. 

2"  Nous  tenons  donc  toujours  qu'au  vu*  siècle  avant 
notre  ère  vivait  un  homme  puissant  et  sage,  tour  à  tour 
favori  du  roi  et  proscrit,  auteur  de  maximes  morales  et 
d'allégories  ou  paraboles.  Au  v*  siècle  avant  notre  ère, 
son  histoire  et  ses  maximes  étaient  répandues  dans  tout  le 
monde  juif,  puisque  les  papyrus  araméens  trouvés  au  sud 
de  l'Egypte,  à  Éléphantine,sontde  cette  époque.  Démocrite, 
dans  son  voyage  à  Babylone,  y  trouvait  les  maximes  et  les 
traduisait  à  l'usage  des  Grecs.  Les  allégories  servaient  de 
modèle  aux  fables  mises  sous  le  nom  d'Esope.  Depuis  lors, 
la  tradition  a  coulé  dans  le  moule  primitif  toute  sorte 
d'éléments  que  nous  avons  réunis  dans  le  présent  ouvrage, 
en  les  faisant  précéder  de  l'exposé  des  travaux  et  des 
recherches  auxquels  ils  ont  déjà  prêté. 

F.  Nau. 
Paris,  12  novembre  1908. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


DES    MATIÈRES    ET    DES    NOMS   PROPRES  (i) 


abeille,  216. 

Abestan,  10. 

Abikam,  12,  207,  212,  216-219,  232, 

Abraham,  128,  130, 

absinthe,  172  (56). 

Abul-Wafa  ibn  Fatik,  90,  91,  92. 

Acenchérés,  36. 

Achior,  7,  49. 

Acoris,  36. 

Adam,  245. 

agneaux,  237,  253,  284. 

Agoub  (J.),  16,  17,  18,  74,  76,  88,  120 
134. 

Agur,  14. 

Ahihoud,  8. 

Ahikam,  12,  216,  217. 

Aliikar;analyse  du  livre, 1-2:  nom  pro- 
pre, passim;  ses  diverses  formes, 
7-8. 

Al.iià,  13,  188. 

Al.iisemak,  11,  197. 

aigles,  124,  209,  213,  215,  222-225, 
250,252(136). 

aiguille,  123,  238. 

Aki,  13,  iS8,  189. 

Akis,  284. 

Alexandre  le  Grand,  66,  90,  182-184. 

Aman,  52. 

amandier,  158  (10). 

âme,  274  (242). 

amis,  160  (17),  173  (61),  173  (64),  179 
(76),  184  (94),  260  (2),  261  (10), 
262  (30,  33),  266  (178),  268  (192), 
270  (211),  271  (221),  278  (273). 


Ammihoud,  8. 

Anaël,  frère  de  Tobie,  8,  11,  24,  50.  ' 

âne,    165,  166   (34),  240   (105),  242, 

245,  253,  254. 
Angers,  286. 

Anne  (épouse  de  Tobie),  11,  56. 
anneau   d'or,  164  (25),  184  (95),  243, 

(109),  245  (115). 
année,  227-229. 
Aphtonius,  103. 
Apophthegmes  des  Pères,   67,   163, 

184,  269. 
Arabes,  119,  130,  131. 
Aram,  148. 
arbres,  121,  167(39),  246(122),   247 

(126). 
Arestûlâ,  90. 
Aristote,  90,  91. 
Arphestan,  10. 
Asaph,  126, 127,  132, 133. 
Asarhaddon,  4,  5,  11,  50,  287,  289. 
Asnafar,  13. 
Asphenez,  10. 
Assémani,  16. 
Assur,  5,  145,  146, 147,  190, 195,  211, 

222, 225-227,  231,  255,  285,  289. 
Assurbanipal,  13,  38. 
Assyrie,  17,  190,  195,  204,  205,  221, 

229,  232, 
astrologues,  285. 
aumône,  59,165  (31),  253,  264(168), 

274  (247),  276  (258). 
avarice,  269  (200-201). 
aveugle,  173  (62). 


1.   Les  chiffres    en    italiques  indiquent  des  pages    où   l'on  trouve 
plus  qu'une  simple  mention  du  nom  propre  correspondant. 


294 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


Babrius,  30,  31,  111,  115,  120,  121, 
124,  125,  238,  241,  242,  245-248, 
250, 253. 

Babylone,  225,  227,  232,  291. 

Bachet  de  Méziriac,  127,  128. 

Bagohi,  288. 

Bahira,  69. 

bain,  244  (114). 

Balaam,  128,  129. 

Baliayn,  14. 

Bâour,  128. 

Bar  Bahloul,  72,  214,. 

Barsov  (E.  V.),  17, 

Basile  (Saint),  90. 

Basset  (René),  128. 

bavardage,  268  (190). 

beauté,  156  (6),  174  (65),  183_(92). 

Bedjan  (P).,  78,  79. 

Beit  'Edri,  81. 

Bel,  217,  219. 

belette,  248. 

Bêliar,  13,  234-235. 

Belsim,  14,  22,  149,  220. 

Berlin,  79,  81,  133,  281,  288. 

Bianchini,  50. 

Bickell  (G.),  17. 

Bidpai,  130. 

Bilelsanam,  14,  148,  149,  217. 

blé,  243  (108  110). 

Bochard,  36. 

bœuf,  166  (34),  175  (68). 

bonté,  169  (48). 

Borsippéniens,  47-48. 

Bosporéniens,  47,  48. 

Bostra,  47. 

bouc,  244  (112),  245(116). 

boucher,  245  (116). 

boucherie,  244  (112). 

boulangers,  244. 

brebis,  176,  249,  251(134),  252  (137), 
253,  286. 

Brink  (V.  ten).,  36. 

Brooks  (E.  W.),  81,  284. 

bûcherons,  247. 

Budge  (W.),  78,  79. 

Burton,  15. 


Buzurgimihr,  90. 

câbles  de  sable,  229-230. 

cadavre,  275  (253). 

caroubes,  251. 

carthame,  122,  251  (135). 

Cassel  (P.),  73. 

Caton,  103. 

Gaussin  de  Perceval,  10,  15,  88. 

cèdre,  250  (132). 

cerf,  289. 

charançon,  242  (108),  243. 

Charlemagne,  28,  32. 

chat,  121,  225-227,  248  (127). 

château  en  l'air,  204,  222-225. 

chaudron,  243  (109),  245  (115). 

Chauvin  (Victor),  15,  73,  120. 

Chavis  et  Cazotte,  9,  15,  88. 

chêne, 151. 

Cherbonneau,  125. 

chevaux,  225-227,  239,  240. 

chèvre,  169(46),  174(68),  238  (99), 

239,  249  (129-130),  253,  289. 
chevreau,  252  (137),  284. 
chien,  124,  170   (48),   175,  240,    244 

(113),     246  (118),    255,    261  (11), 

278(269),  286. 
Cicéron,  90. 
ciel,  263  (162). 
Clément  d'Alexandrie,  2,  19,  31,  32, 

35,  36,  39,  41,  110,  111,  115,  118, 

245. 
Cléobule,  228. 
Cléobuline,  228. 
colombe,  267  (187). 
Conybeare  (F.  C),  19,  77,  92,  93. 
Copenhague,  281. 
coq,  226-227. 
Coran,  68-70,  128-133. 
corbeau,  124,  180  (80),  246,  252. 
CorniU  (C.  H.),  87,  89-92,  176. 
Cosquin  (E.).  20,  21,  22, 
coups,   165     (32-33),    170  (50),    179 

(54),  286  (96). 
Crésus,  126. 
Croiset  (M.),  30,  126. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE     DES    MATIÈRES 


295 


Cyrus,  120. 

Dabshalim,  12. 

Dalman,  289. 

Dan,  56. 

Daniel,  63-64,  135. 

Darius,  287. 

Daschian  (J.),  25,  67,  93. 

Daudet  (A.),  21. 

David,  90,  129,  130,  132,  256. 

Debbora,  56. 

Démocrite,  3,  4,  23,  28,  32,  33,  35,  36, 
38,  39-41,  46,  90,  110,  111,  115, 
118,  127,  135,  156,  160,  165,  169, 
170,  173,  174,  180,  245,  252,  254, 
291. 
dette  (créance),  172,  268  (191),  270 
(208). 

Dieu,  son  rôle  dans  Ahikar,  5-6,  155, 
162,  163,  167  (38),  180  (81),  181 
(82),  203,  220,  228,  239  (100),'  240 
(103,104),  241,242(106),  250-251 
(134),  253  (138),  254-255,  257,  259 
(1),  260  (19),  263  (159,  161),  264 
(163,  165,  167),  265  (173),  268 
(195,  196),  269  (199,  204),  271 
(222),  273  (235),  275  (254),  276 
(258),  277(266,  267),  283. 

Dillon  (E.  J.),  19,  21,  109. 

dimanche,  263. 

Dinarzade,  10. 

Diogène,  90-91. 

Diogène  Laerce,  46,  176. 

discorde,  177. 

discrétion,  154  (2),  155  (3),  158  (11), 
168    (40-41),    176    (70),    177    (72). 

disputes,  44,  178. 

Doualkifil,  131. 

Duval  (R.),  73,  90. 

Eberhard  (A.),  73,  103,  105. 
Ecclésiastique,  60-63,  115, 135. 
Edrês,  131. 
Egypte,  5, 10, 117  190,192,  203-205, 

211,  212,  214-232,  234,  289,  291. 
Élam,  5,  13,98,  188,  190. 


Éléphantine,  287,  289,  291. 

Élie,  131, 

Éliézer  le  Grand,  67. 

enfants,  125,  161  (19),  165  (32-33), 
167  (37,  39),  171  (53),  172  (59), 
249  (130),  254  (140-141),  264 
(166,  167),  265  (175),  266  (183), 
268  (193). 

ennemis,  163  (25),  164  (28),  180 
(79),  260  (2-3),  261  (10),  263  (158), 
266  (179),  270  (206),  273  (233). 

Ennos,  8,  30,  149,^91,  210-212,  262. 

Éphrem  (Mar),  145. 

épines,  161. 

éponge,  270  (210). 

Esfagni,  9-11,  13,  80,  117,  197,  198, 
201,212,284. 

Esfegâ,  284. 

Esmoun,  14. 

Ésope,  3,  16,  29,  30,  31,  33,  103,  104, 
105,  106,  111,  115,  120,  122,  124, 
125,  126,  127,  128,  130,  131,  132, 
133,  135,  146,  149,  191,  193,  199 
204,  210-  212,  217,  219,  222,  224 
225,  227-229,  237,  238,  241,  242, 
244,  247,  248,  250,  253,  262,  281, 
291. 

Esther,  19. 

États-Unis,  285. 

Ethiopie,  218. 

Etienne  de  Byzance,  47. 

Eudoxe,  35. 

Eusèbe,  2,  36,  132. 

Eustathius,  128. 

Ézéchias,  110. 

Ézéchiel,  131. 

Eznik,  67. 

Fabricius,  36,  106,  110,  126,  127. 

faucon,  278  (269). 

femme  querelleuse,  156  (7),  159 
(14),  163  (26),  — parée  et  parfu- 
mée, 157  (8),  163  (26),  —  du  pro- 
chain, 157  (9),  —  bavarde,  164 
(27),  167  (39),  —  fiançailles,  182 
(88),     183     (92),      260     (4),     261 


296 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAU 


(9),  267     (186,     189),    271    (220), 

275  (251),":276  (257). 
fer,  172  (57). 
fiel,  267  (184). 
figuier,  158  (10). 
fleuve,  181  (83),  251,  266  (182). 
fontaine,  181  (84). 
fou,  163. 

Frankenberg,  42. 
Fridmann_(M.),  109. 

Gad,'132. 

Galien,'90,';91. 

Gange,  236. 

garance,  238. 

Gaster,  28,  49,';67,'^99,'106-J<?5,  112, 

135. 
Gaultier  (E.),''15-16. 
gazelle,  238,  243,  290. 
géhenne,  256. 
Gibson  (D.),  285. 
Gildemeister,  91. 
Goldberg  (B.),  132. 
Gottheil  (R.),  69. 
gourmandise,  271'(215). 
Graffin  (Mgr),  282. 
Grecs,  119,  130,  133,'291. 
Grégoire  (Saint),  90. 

Habicht,  15. 

Hagen,  21. 

Halévy  (J.),  9,^13,^23,    24,  47,  159, 

188,  197. 
Hamsélim,  13,  188. 
Hanley,  15. 
Harles,  127. 
Harper,  8,  12. 
Harward  University,  285. 
Hasbadana,  10. 
Héber,  129. 
Héliopolis,  227,  228. 
Henning,  15. 
Hénoch,  131. 
Héraclius,  90. 

Herbelot  (d'),  128,  130,^131. 
Hermès,  90,  91, 197. 


Hermippos,  12,  193,  197,  199,  206. 
Hérode,  114, 
Hérodote,  126. 
Heumann,  126, 127. 
Hippocrate,  90-91. 
Hiram,  204. 

hirondelle,  121,  247,  248  (127). 
Hochfeld  (S.),  132. 
Hoffmann  (G.),  16,  17,  78. 
Hoffmann  (S.  F.  G.),  106. 
Honein  ibn  Isl.iaq,  70,  90,  91,  92. 
hospitalité,  262  (31). 

Houd,  129. 

Houday,  14. 

lagic  (V.),  17,  20,  98,  99,  106,  109. 

idoles  (dieux),  147, 148,  149, 183,  206 
247  (124),  281,  282,  283. 

Ignace  le  diacre,  238,  248,  250. 

impies,  159  (15),  164  (29). 

insensés  (hommes),  159  (12),  162 
(24),  164(30),  166  (36),170  (50- 
51),  172  (60),  180  (80),  184  (93, 
95),  267  (188),  274  (241),  278 
(272,  275). 

Isaïe,  131. 

Ithiel,  14. 

ivrogne,  269  (202),  270  (205,207), 
273  (237). 

Jacques"d'Édesse,  145. 

James,  64,  65. 

Jean  bar  Aphthonia,  80. 

Jéroboam,  56. 

Jérôme  (Saint),  7,  14,  49. 

Jérusalem,  129. 

Jésus,  fils  de  Sirach,  1,  111. 

jeûne,  265  (173). 

jeunes  gens,  160  (16,  18),   265   (171). 

Job, 128. 

Johns,l8,  9,  11,  12,  13,  14. 

Jonas,  57. 

Josèphe  (Flavius),  48,  204,  229. 

Josippos,  132. 

Josua  ben  Chanania,  66. 

Josué,  131. 


TABLE    ALPHABETIQUE    DES    MATIERES 


297 


Judas,  256. 
Judée,  288. 
juges,  179  (77-78),  265  (172),  266 

(179),  271  (218),  274  (246). 
justes  (hommes),  159  (13),  164  (29), 

274  (248)). 
justice,  169(47),  177(73),  178  (74), 

179  (77-78),  236  (97),  264  (164). 

Kai-Kaos,  204. 
Kasri,  90. 
Kautzsch,  287. 
Kersis,  90. 
Khoud,  131. 
Knunst,  91. 
Koch,  25. 

Krumbacher,  (K.),  103. 
Kuhn  (E.),  17. 
Kurdistan,  282. 

La  Fontaine,  19,  75-76,  120,  123, 124, 

125,  130,  228,  237,  241,  244,  250. 
Land  (J.  P.  N.),  42-45,  175,  254. 
Landsberger,  132. 
langue,   173  (63),  176  (71),  260    (5), 

274  (247). 
Lazare  de  Pharbe,  68. 
Lefebvre  (Gustave),  42. 
Leroy  (L.)  286. 
Lévi  (Israël),  183. 
Lévy  (J.),  113,114,161. 
Lewis  (A.  S.),  19,  77,  286. 
Libowitz  (N.  S),  109. 
Lidzbarski  (M.),  18,  79,  82,  86,  87,  88, 

188,  196,  199,  213,  228. 
lion,  123,    175  (68),    179    (78),    240 

(105),  242,  247  (124),  248. 
livres,  275  (249). 
Loqman,   3,   68-72,  91,  92,120,121, 

122,  123,   124,   125,  126,127,128, 

129,  130,  131,  132,  133,  135,  237. 
loup,   123,  169    (46),  237,   241,  246 

(118),    248-249    (129),   252   (137), 

253,   284,  287. 
Lyceros,  127,  146,  191,  204,  206,  219, 

222,  225,  227,  232,  233. 


Macchabées,  114. 

Macmillan,  38. 

Mahomet,  69,  129,  130,  132. 

Mai",  50. 

maison,  263,  264  (168). 

maître,  277  (263,  264),  278  (269). 

Manassé,  53. 

Manéthon,  36. 

Manzifar,  13,  200. 

Marc  (P.),  24. 

Marcel  (J.-J.),  130: 

Mardochée,  52. 

Margoliouth,  (G.),  81,  88. 

Marie  de  France,  74. 

Martin  (abbé  François),  7,  37. 

Massel  (J.),  19,  109,  112,  113. 

Mediafar,  284. 

médisants,   262   (13),  263  (158),   264 

(169),  276  (256). 
Meissner  (B.),  7,  17,  18,  19,  49,  79, 

145,  169,  173,  188,  197,  204,  213, 

225,  228,  229,  231. 
Ménage,  36. 
Ménandre,  3,  4,   35,  41-46,  110,  115, 

135,  175,  180,  181,  254. 
mensonge,   182  (87),   266  (177),   269 

(199,  200),  270  (209),  276  (257). 
mer,  161. 
meule,  231. 
Michaud,  131. 
Millot  (Pierre),  127. 
Moïse,  46,  47. 
mort  ;  s'en  souvenir:  161  (21),  174 

(66),  177  (73),  182  (86). 
Mossoul,  81. 
mouches,  216,  246. 
moutons,  249,  253. 
MûUer  (Fr.),  238. 
Millier  (J.),  29. 
mûrier,  158  (10). 

Muss-Arnolt,  12.  j 

myrrhe,  172  (56). 

Nabouel,  13,  213,  234. 
Naboul.iaîl,  12,  213. 


298 


HISTOIRE    ET     SAGESSE    d'ahIKAR 


Nabousemak,  11,  34,  80,  196-201 
203,  207-209,  212,  233,  234,  289. 

Nabouzardan,  9,  11,  187. 

Nabuchodonosor,  63,  64. 

Nachor,  128. 

Nadan,  1,  2,  3,  4,  5,  6,  8-9,  10,  11,  26, 
27,  30,  49,  52,  55,  57,  58,  64,  65,  81, 
118,  145,  149,  150,  151,  152,  153, 
154,  185-195,  202,  206,  232-237, 
251,  255-257,  286. 

Nalon,  13,  98. 

Nathan,  132. 

navire,  161. 

Nectanébo,  105,  127,  204,  216,  219, 
221,  222,  225,  232. 

Négubil,  234. 

Nephtali,  24,  56. 

Nesrin  (plaine  de)  ou  des  aigles,  5,  98, 
190,  192,  194. 

Nestlé  (E.),  286. 

Ninive,  5,  145,  146,  147,  190,  191, 
195,  204,  211,  215,  216,  221,  225, 
226,  231,  255. 

Nisan,  218,  219,  220. 

noix  de  Galle,  267. 

obéissance,  154  (1). 
œil,  181  (84),  246  (120). 
onagre,  164  (27). 
Origène,  48. 
Osiris,  237. 
Oubâîl,  12,  214. 
Ourmiah,  81,  285. 

paille,  289. 

palmier,    122,  210,  251    (135),    252, 

284. 
panthère,  290. 
papyrus  d'Ahikar,  288-291. 
paresse,  246  (119-120). 
Parthes,  11,  119,  197,  198,  200,  284. 
passereau,    124,    125,  166  (36),  175 

(68),  176,  241,  242. 
patience,  269  (197). 
Pauly  et  Wissowa,  48. 
pauvre,    162  (22),    172  (55-56),    173 


(61),     174     (68),    265    (174),    267 

(185),  271    (214),    273  (231),    275 

(250). 
pauvreté,  267. 
Payne  Smith,  150,  214,  234. 
péchés,  257-258,  267  (184). 
perdrix,  243,  244  (111). 
Pei-se,  5,  117,  119,  188,  190,  198. 
Petrus  Alfonsus,  129. 
Pharaon,  1,  3,  5,  190,  192,  195,  203, 

205,   211,  214,  216,    220,  221-224, 

231,  234. 
Phèdre,  237,  241,  250. 
Philémon,  45-46 

piège,  124,  241-242,  244  (111),  256. 
Planude  (Maxime),    8,  103-105,  127, 

134. 
Plath,  (M.),  20,  286. 
Platon,  90,  91,  126. 
pleurs,  174  (67). 
plomb,     172    (57),    266   (177),    267 

(184). 
Plutarque,  126,  245. 
pondération,    156   (5),  158  (10),  178 

(75). 
Pongerville  (de),  16. 
porc,  239   (102),   240,  244  (114),  251 

(134). 
Poseidonios,  30. 
potiers,  244  (113). 
poulailler,  287. 
poules,  286. 
Pourrai,  15. 
prévoyance,    160   (17),    161  (19-21), 

167  (38). 
prière,  265  (173),  276  (258). 
prochain,  126,  162  (23),  170(49),  176 

(70),   239   (101),    266     (179),    269 

(198,    203),    271  (217),    273  (232), 

278  (268,  271,  274),  280  (284). 
Procida  (Jean),  91. 
Ptolémée,  90,  91. 
puissant,    168     (40-43),    171    (52), 

177     (72-73),    180    (79),  181  (83), 

268    (195),    272  (223),    277    (262). 
Pythagore,  35,  90,  91. 


TABLE    ALPHABETIQUE     DES    MATIERES 


299 


Qennesré,  80. 
Qennesrin,  192. 

querelles,  156  (7),  159  (14),  163  (26), 
177  (73),  182  (85-86). 

Ramlah,  129. 

Ranke,  8. 

Régnier  (Henri),  20. 

Reinach  (Th.),  22,  23,  47,  52. 

Renan  (E.),  52,110. 

Renard,  175  (68). 

Rendel  Harris  (J.),  12,  14, 19,  20,  34, 

54,  55,  65,  68,  96,  80,  81,  111,  113, 

128,  129,  132,  133,  134,  196,   239, 

243,  245,  285,  289. 
repas,  171  (54),  174  (67),  260  (25), 

271  (221),  272  (225,  226,  227), 

273  (238,  239),  279  (276,  277,  278, 

279),  280  (283). 
retenue,  156  (4),  158  (10),  162  (23), 

168  (40-41,  43),  177  (72),  178 

(74),  260  (5),  265  (176). 
riche,    161    (22),    172  (55),    173  (64), 

174  (68),  265  (174),  275  (250). 
roi,  259  (1),  266  (179). 
Roquefort  (B.  de),  74. 
Roth  (K.  L.),  129,  132. 
Rynucius,  104,  106,  134,  259. 

Saba  (reine  de),  3,  204. 

Sabatier  (P.),  50. 

sable,  289. 

sac,  280  (285). 

Sachau,  18,  33,  79.  81,  82,  133,  288. 

sacrifices,  263  (159). 

sages  (hommes),  159  (12,  1.5),  160 
(16,  18),  164  (30),  168  (40),  170 
(50-51),  172  (55),  180  (80),  184 
(93),  267  (188),  271  (216),  274 
(240),  277  (267),  278  (270,  272, 
275),  279  (282). 

!^ah  le  sage,  13,  188. 

Salekh,  131. 

Salhani,  17,  82,  86,  88. 

Salmanazar  IV,  11. 


Salomon,  1,  2,  3,  90,  111,  126,  127, 
129,  204. 

Samin,  14,  22,  149. 

Samson,  275J251). 

Sargon, 11. 

Sarl.iédom,  1,  3,  4,  5,  8,  9,  34,  38,  50- 
51,  63,  67,  117,  118,  146,  147,  150, 
152,  189,  190,  192,  196,  197,  200, 

203,  204-206,   219,  220,  221,   225, 
232,  282,  289. 

Satans,  6,  167  (38),  170  (49). 

Schahrastani,  32,  170,  176. 

Schariar,  10. 

Schéhérazade,  10. 

Scher,  (Mgr),  282. 

Schrader,  13. 

Schiirer  (E.),  24,  26,  52. 

Schwab  (Moyse),  66,  67. 

scorpion,  123,  237,  238. 

Sechnuphis,  35. 

Séert,  282. 

sel,  172  (58),  267  (184),  290. 

semeur,  243. 

Senifar,  13. 

Sennachérib,  1,  3,  4,  5,  8,  9,  10,  11, 
34,  50,  67,  81,  110,  118,  145,  146, 
147,  148,  150,  152,  186,  188,  189, 
190,  194,  196,  197,  200,  201,  203, 

204,  211,  216,  217,  220,  232,  233, 
234,  255,  257,  281,  282,  285,  289. 

serpents,  123,  161  (22), 248-249  (129). 
serviteurs,    166     (35),     169    (44-45), 

171  (53),  261  (7),  271  (212). 
Sextus,  90. 
Sibylle  (la),  26. 
Siéger  (J.),  20. 
silence,  45. 
Simil,  14,  22,  149. 
Simonide,  90. 
Sindbad,  120. 
Singer  (I.),  56. 

Si^  (montagne  de),  5,  192,  284. 
Smend  (Rudolf),  29-34, 120, 121, 150, 

152,  162,  167,  169,  170,  176,  184, 

227,  238,  242,    244,  245-248,  252, 

253,  263. 


300 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


Sôaip,  131. 

Socrate,  90,  91,  111,  126,  173,  176. 

Sol.iou,  284. 

Soles,  90. 

Solon,  173,  176. 

spiculator,  233,  284.  : 

Steinschneider  (M.),  90,  91,  92. 

Stobée,  32,  39,  41. 

Strabon,  19,  30,  32,   46-48,  110,  115, 

118,  119. 
Studemund,  48. 
Suchomlinov,  99. 
sumac  des  corroyeurs,  238  (99). 
Syntipas,  73,  99,  119,  120,  132. 

Tabari,  204. 

Tabêl,  213. 

Tallquist,  9,  10,  18. 

Talmud,  66,  67,  109,  161,  172,  184, 
225,  229,  231, 241. 

Targum,  112,  115. 

taupe,  124,   250  (134). 

taureau,  125,  242. 

Tebsâloum,  12,  213,  214. 

Thareh,  128. 

Thémistius,  90. 

Théophraste,  23,  46. 

Tignonville  (Guillaume  de),   70,  91. 

tigre,  237. 

Tobie,  3,  4,  5,  9, 11, 16, 17, 19,  20,  21, 
22,  24,  25,  26,  27,  28,  29,  31,  32,  33, 
34,  48,  49-59,  118,  135,  287. 

Tobiel,  11. 

Torrès  (J.  F.),  106. 

tour,  250  (133). 


Trêves,  48. 
Tzalet,  131. 

Ucal,  14. 

vautour,  252  (136). 

vérité,  269  (199). 

vêtement,  182  (89). 

Vetter  (P.),  8,  25,  26   31,  66,  68,  82, 

89,  93,  94,  109,  111,  112-115,  161, 

181,  198,  229,  241,  263. 
veuve,  265  (170). 
vieillard,  180  (79),  268  (195). 
Vigoureux  (F.),  27,  49,  50. 
vin,    159    (12-14),      268    (190),     269 

(204),  270  (207). 
vipère,  161. 

vol,  182  (87),  268  (194),  276  (257). 
voyage,  161  (21),  167  (38),  272 

(224),  279  (280,  281). 

Walton,  51. 

Westermann  (A.),  104,  105,  134,  259. 

Windisch,  228. 

Xerxès,  13,  188. 

Zacharie,  131. 

Zéfagnie,v.  Esfagni,  148,  187,  189, 

i   197,  199,  206,  207,  216,  224,  233, 

257. 
Zenon,  176. 
Zimmern,  14. 
Zotenberg,  91. 


TABLE  DES  PASSAGES  DE  LA  BIBLE 


I.  ANCIEN   TESTAMENT 


Ahikar 

Genèse,  ii,  24 267 

Exode,  XXI,  17  167 

XXXI,  6     11,  197 

XXXV,  34   11,  197 

Nombres,  v,  21,  22,  27 256 

XXII,    5    128 

XXIV,  3    128 

Deutér.,  vi,   16  167 

Juges,  IX,  8-15   2 

XIV,  12-14    3 

XVI 275 

I  Samuel,  ii,  35  152 

VIII,    11    152 

XXI,  11     13,  188 

XXVII,     2     13,  188 

II  Samuel,  xn,  1-4 2 

XV,  1    152 

I  Rois,  I,  5 152 

I,    31     151 

VIII,    41-43    23 

X,  1   3 

II  Rois,  XXV,  8 9,  187 

XXV,  22    12,  216 

XXV,  26    207 

II  Paralipomènes,  ix,  1 3,  204 

Esdras,  iv,  7   213 

IV,    8-9     150 

IV,  10    13,  200 

IV,    17 150 

IV,  23    150 

Néhémie,  ii,  3    151   ' 


Al.uka 
Tobie,  t,  1 56,  57 

I.   4 22,  56 

I.    8    56 

I.    11   22,  59 

I,    20 56,  59 

ï.    21-22 50,  55 

i,   22 4,  22 

I,  24    .'..5 

II,  10 52,  55 

H,  11    5 

",   14 59 

I",  1    56,  57 

m,  2-6   58 

III,  7 56 

IV,  2     58,  154 

IV,  3  57 

IV,  4-19 55,  57 

IV,  13  58 

IV,  14    58 

IV,  16    58,  269 

IV,  18-19    58 

VI,  6  29 

X,  10 22 

XI,  17-18   52,   55 

XI,  18    22 

XI,  20   5,  49 

XII,  7 177 

XII,  9 58 

XII,   11   177 

XIII   58 

XIV,  3   5,  57 


302 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


Al.likar 

Tobie,  XIV,  4 54 

XIV,   6    59 

XIV,   8    57 

XIV,  10  22,  53 

55,  59,  236,  253. 

XIV,  10-11 23 

XIV,  11   57,  59 

XIV,  14 59 

XIV,  15 54 

Job,  XXXI,  9-11 157 

XXXI,  22 246 

Psaumes,  vu,  16  256 

cxxvii,    3-5    167 

cxxviii,  3-4    167 

CXLI,    5    184 

Proverbes,  i,  6 204 

v,  3-5 157 

VI,  1-3 270 

VI,  3   179 

VII,  25-26 157 

VII,  25-29 183 

X,  2 59 

XI,  4 59 

XI,  13 176 

XIII,  20 160 

XXII,  1 174 

XXIII,  12    165 

XXIII,  14    165 

XXIV,  17 163 

XXV,  9-10   154 

XXV,  17   184 

XXV,  22  154 

XXVI,  4    160 

XXVI,  17 182 

XXVI,  27 256 

XXVII,  3 172 

XXVII,  10 174 

XXVII,  14 179 

XXVII,  20 181,  184 

XXVII,   22    180 

XXX,  15 14 

XXX,  17   246 

XXX,    24    14 

Ecclésiaste,  i,  8 181 

IV,   2 174 


Al.likar 

Ecclésiaste,  iv,  6-8 272,  276 

IV,  13 175,  277 

IV,  27   163 

VI,  1-4    272 

VI,  9 175 

VII,  2 173,174 

VII,  2-4    171 

VII,  6 158,  184,  278 

IX,   4 175 

IX,    13-16    277 

IX,  15-16 161,  207 

X,  8 25G 

Cantique,  m,  7   21 

VI,    7     23,  147 

Ecclésiastique,  m,  6 167 

III,  9    167 

IV,  7 60,  180 

IV,  32   60,  181 

IV,    33    60 

IV,  34 156 

V,  17 60 

VI,  5    163 

VI,  7 60,  160 

VI,  7,  11 266 

VI,  14 60,262 

VI,  24    60,  154 

VII,  2   159 

VII,  25 61,  165 

VIII,  1 61,  171,  177 

VIII,  2 178 

VIII,  7 180 

VIII,  8    61 

VIII,  15    162 

VIII,  17    178 

IX, 8 157 

IX,  8-9 61,  164,  183 

IX,  11  164 

IX,  14   61,  179 

IX,  16 172 

IX,  18 179 

XI,  30 265 

XII,  2   165 

XIII,  21-23 172 

XIII,  32    182 

XIV,  9    181,  184 


TABLE    DES    PASSAGES    DS    LA    BIBLE 


303 


Al.iikar 

Ecclésiastique,  xyi,  24-25 154 

xvni,  22,  24  263 

XIX,  8-10 176 

XIX,  26-27   61,    182 

XX,  18 176 

xxii,  7 180 

XXII,  14-16 170 

XXII,  17-18 172 

xxii,  26-27 62,  176 

XXIII,  5 157 

XXV,  29-30 261 

XXV,  23 159 

XXVI,  12 157 

XXVII,  17      62,  176 

XXVII,  24 176 

XXVII,  28    62 

XXVII,  29 256 

XXVIII,  30 173 

XXX,   11-12 165,  171 

XXX,  13  165 

XXX,   17 62,  174 

XXXII,  9-12 156 

XXXIII,  20   261 

XXXIV,  16    162 

XL,  21   169 

XL,  32  243 

XLi,   3-4   174 

XLi,   15-16     156,  173,  174 


Al.iikar 

Ecclésiastique    xli,  16  62 

XLi,    27     62,  157 

xlii,  1   63 

Isaïe,  VII,  G   213 

XXVII,  4 161 

Lvi,  6-7 23 

Jérémie,  i,  11-12   158 

XXXIX,   9    9,  187 

XXXIX,   14    12,  216 

XL,    5    12,  216 

LU,    12    9,  187 

Daniel,  ii,  1 80 

II,  2 63,  205 

II,  3 80 

II,  4 63,  151 

11,11 63,   208 

m,    0 63,  151 

III,  10    80 

IV,  4 63,  80,  205 

ivi30 64,  209 

V,  7 63,  205 

v'    10    63,  151 

V,  16    63,  208 

VI,  6 63,  151 

VI,  18   80 

VI,  21 63,  151 

XI,  45   80,  147 

Jonas,  m,  6   206 


II.  NOUVEAU   TESTAMENT 


Al.iikar 

Matthieu,  v,  38-48 164 

VII,    12 269 

XIX,  5 267 

XXIV,  48-51    64-65 

XXV,  21-23 168 

XXV,  24,   30    243 

XXVII,  5  256 

Luc,  VI,  31 269 

XII,    45-46    64-65 


Al.iikar 

Luc,  XIII,  6-9 66,  251 

XV,  15,   19  251 

XXI,  2-4   174 

Actes,  1,18 256 

Romains,    xii,   21 178 

I  Corinthiens,  v,  11 159,  162 

Ephésiens,   v,   28-31 267 

II  Timothée,  iv,  17 181 

Il  Pierre,  ii,  22 66,  244 


TABLE  DES  PASSAGES  DES  APOCRYPHES 


Al.nkar 

Didachè,  m,  3  157 

Jubilés,  I,  20 234 

Testaments    des    douze  patriarches, 
234,235 


Al.iikar 

Ascension  d'Isaïe,i,  8,  9 235 

11,1 235 

III,  11  235 

Livres  sibyllins, 235 


TABLE   ANALYTIQUE 


INTRODUCTION 


Chapitre    I.   Analyse   du  livre 1 

Chapitre  II.  Enseignements  et  doctrines  de  l'Histoire  d'Ahikar 3 

§  1.  Histoire  et  géographie 4 

§  2.  Dieu     5 

§  3.  Eschatologie 6 

§  4.  Préceptes   moraux    6 

§  5.  Noms  propres 7 

Chapitre  III.  Le  problème  littéraire 15 

§  1.  Al.iikar  dans  la  littérature  moderne 15 

§  2.  Al.iikar  dans  Démocrite,  Ménandre  et  l'ancienne  littéra- 
ture grecque  35 

§  3.  Al.iikar  et  l'Ancien    Testament 49 

a)  Livre  de  Tobie 49 

b)  Ecclésiastique    60 

c)  Al.iikar  et  Daniel 63 

§  4.  Ai.iikar   et  le  Nouveau  Testament 64 

§  5.  Al.iikar  et  le  Talmud 66 

§  6.  Ahikar  dans  les  littératures  orientales 67 

Chapitre  IV.  Les  versions  de  l'Histoire  d'Ahikar 74 

§  1.  Traducteurs  et  copistes 74 

§  2.  La  version  syriaque 78 

§  3.  La  version  néo-syriaque 86 

§  4,  Les  versions  arabes 87 

§  5.  La  version  éthiopienne  89 

§  6.  La  version  arménienne  92 

§  7.  La  version  slave  98 

§  8.  La  version  grecque 102 

§  9.  La  version  roumaine 106 

§  10.  La  version  hébraïque  de  Joseph  Massel 109 

20 


306 


HISTOIRE    ET    SAGESSE    D  AHIKAR 


Chapitre  V.  Le  texte  original  de  l'Histoire  d'Aiùkar 110 

§  1.  Langue  du  premier  écrit 110 

§  2.  Contenu  du  premier  écrit 111 

§  3.  Les  prétendus  néo-hébraïsmes  de  la  version  syriaque. . . .  112 

§  4.  Transmission  du  texte  original 116 

1°  Historicité  des  versions  conservées 116 

2°  Historicité  de  l'écrit  araméen  original 118 

Chapitre  VL  Aliikar  et  les  fabulistes 119 

Chapitre  VIL  But  du  présent  travail 133 

Bibliographie   137 


HISTOIRE  ET  SAGESSE  D'AHIKAR 


Introduction    145 

Chapitre  I.  Al.ukar  demande  un  fils 146 

Chapitre  IL  Al.iikar  adopte  Nadan  et  le  choisit  pour  son  successeur. . . .  150 

Chapitre  III.  Sagesse,  doctrine  et  proverbes  qu'AMkar  enseigna  à  Na- 
dan, fils  de  sa  sœur 154 

Chapitre  IV.  Ahikar  arrêta  ici  les  sages  paroles  qu'il  adressait  à  Nadan; 
ensuite  Ahikar  montra  au  roi  tout  ce  qu'avait  fait  Nadan  contre  ses 

possessions  et  ses  biens 185 

Chapitre  V.  De  ce  qu'Al.iikar  prit  le  frère  de  Nadan  pour  l'élever 187 

Chapitre  VI.  De  ce  que  Nadan  écrivit  à  son  père  Ahikar  au  nom  du  roi.  191 

Chapitre  VIL  De  ce'que  Nadan  donna  au  roi  une  lettre  qu'il  écrivit  au 

nom  d'Al.iikar     193 

Chapitre  VIII.  Réponse  de  Nadan  au  roi  au  sujet  d'AMkar 193 

Chapitre  IX.  De  ce  que  Nadan  alla  en  ambassade  près  d'AMkar  son 

père 193 

Chapitre  X.  Ahikar  annonce  sa  condamnation  à  Esfagni  sa  femme. .  197 

Chapitre  XL  De  ce  que  Esfagni,  femme  d'Ahikar,  sortit  au-devant  de 

lui     198 

Chapitre  XII.    De  ce  que  Ahikar  demanda  à  Nabousemak  de  ne  pas 

être  mis  à  mort 199 

Chapitre  XIIL  Ahikar  le  scribe  fut  caché 201 


TABLE    ANALYTIQUE  307 

Chapitre  XIV.  Que  le  roi  ordonna  à  Nadan  de  me  faire  des  funérailles  et 

un  deuil   202 

Chapitre  XV.  Prière  qu'AMkar  adressa  à  Dieu 202 

Chapitre  XVI.  Lettre  que  Pharaon,  roi  d'Egypte,  envoya  à  Sarhédom, 

roi  d'Assur  et  de  Ninive 203 

Chapitre  XVII.  Que  le  roi  Sarhédom  réunit  tous  les  principaux  de  son 

royaume  et  leur  fit  connaître  le  lettre  de  Pharaon 205 

Chapitre  XVIII.  Qu'on  appela  Nadan  devant  le  roi  et  il  entendit  sa 

voix 206 

Chapitre  XIX.  Que  Nabousemak  cherche  à  faire  connaître  au  roi  ce  qui 

concerne  Aliikar,  le  scribe 207 

Chapitre  XX.  Que  Nabousemak  délivra  Ahikar,  le  scribe 209 

Chapitre  XXI.  Que  Nabousemak  conduisit  Ahikar  au  roi 209 

Chapitre  XXII.  Ai.ukar  répond  au  roi 210 

Chapitre  XXIII.  Lorsque  AMkar  vint  près  du  roi  après  sa  sortie  du 
cachot  où  il  avait  été  enfermé,  le  roi  lui  fit  connaître  la  lettre  envoyée 

parle  roi  d'Egypte 211 

Chapitre  XXIV.  Ahikar  répond  au  roi 211 

Chapitre  XXV.  Ahikar  écrit  une  lettre  à  Esfagni,  sa  femme 212 

Chapitre  XXVI.  Départ  pour  l'Egypte 214 

Chapitre  XXVII.  Entrée  d'Ahikar  en  Egypte  avec  les  messagers  de  Pha- 
raon,  roi  d'Egypte    216 

Chapitre  XXVIII.  Ahikar  répond  à  Pharaon 219 

Chapitre  XXIX.  Pharaon  demande  à  Ahikar  quel  est  son  nom 220 

Chapitre  XXX.  Ahikar  écrit  la  parole  que  lui  demandait  Pharaon. . . .  221 

Chapitre  XXXI.  Ahikar  quitte  l'Egypte  et  revient  près  de  Sarhédom, 

roi  de  Ninive  et  d'Assur 231 

Chapitre  XXXII.  Ahikar  revient  d'Egypte  et  va  près  du  roi  qui  le  reçoit 

avec  honneur 232 

Chapitre  XXXIII.  Suite  de  la  sagesse  d'Ahikar X236 

Chapitre  XXXIV.  Mort  de  Nadan 256 

Chapitre  XXXV.  Épilogue  257 

APPENDICE 

I.  Maximes  de  la  rédaction  grecque 259 

II.  Maximes  de  la  version  arménienne  qui  ne  figurent  ni  dans  le  syriaque 

ni  dans  l'arabe  263 


308  HISTOIHE    ET    SAGESSE    d'aHIKAR 

III.  Maximes  de  la  version  slave  qui  ne  figurent  ni  dans  le  syriaque  ni 
dans  l'arabe  ni  dans  l'arménien 270 

IV.  Maximes  de  la  version  roumaine  auxquelles  M.  Gaster  n'a  pas  trouvé 

de  parallèles  dans  la  version  slave 277 

ADDITIONS 

I.  Nouveaux  manuscrits  syriaques 281 

II.  Les  manuscrits  arabes  de  Paris 286 

III.  IjCs  papyrus  araméens  du  v«  siècle  avant  notre  ère 288 

Table  alphabétique  des  matières 293 

Table  des  passages  de  la  Bible 301 

Table  analytique 305 


Imp.  M.-R.  Leroy,  185  rue  de  Vanves.  Paris. 


308 


Hi: 


III.  Maximes  de  la  ver 
dans  l'arabe  ni  d£ 

IV.  Maximes  de  la  vers 

de  parallèles  dans 


I.  Nouveaux  manuscri 

II.  Les  manuscrits  ara 

III.  Les  papyrus  aram 


Table  alphabétique  de; 
Table  des  passages  de  '. 
Table  analytique 


Imp. 


LETOUZEY  ET  ANÉ,  Éditeurs 

76  BIS,  RUE  DES   SAINTS-PÈRES,    PARIS 

LE   LIVRE   D'HÉNOGH 

TRADUIT  SUR  LE  TEXTE  ÉTHIOPIEN 

AVEC  INTRODUCTION  ET  NOTES 

Par  François  MARTIN 

Professeur  de  langues  sémitiques  à  l'Institut  catholique  de  Paris. 

Beau  vol.  in-8  de  clii-320  pag.  —  Prix  :  7  fr.  50 


L'introduction.,,  est  très  développée...  Les  nombreux  problèmes  que 
soulèvent  sa  composition  primitive  et  sa  teneur  actuelle  sont  examinés  et 
discutés  avec  un  soin  minutieux.  La  traduction  mérite  les  mêmes  éloges 
que  l'introduction.  Les  nombreuses  notes  fournissent  surtout  les  explica- 
tions nécessaires  à  l'intelligence  du  texte  traduit.  M.  Martin  a  utilisé  et 
discuté  les  recherches  de  ses  devanciers  ;  il  y  a  joint  ses  observations  per- 
sonnelles. Assyriologue  distingué,  il  a  relevé  maints  passages  dans  les- 
quels se  trahit  l'influence  de  la  littérature  assyrio-babylonienne  ..  Pré- 
.'icnté  dans  un  ensemible  aussi  parfait,  le  Livre  d'Hénoch  forme  une  publi- 
. cation  commode  et  utile  pour  les  théologiens.  Il  mérite  de  servir  de  modèle 
pour  les  autres  Apocryphes  de  la  collection. 

RuBENS  DuvAL     {Journal  asiatique). 

V  II  serait  difficile  d'imaginer  une  édition  plus  soignée  et  plus  complète 
d'un  ancien  document.  Du  commencement  à  la  fin,  les  méthodes  les  meil- 
leures et  les  plus  récentes  de  critique  littéraire  et  historique  sont  appliquées 
aux  sujets  les  plus  variés.  Aucun  témoignage  n'a  été  ignoré  par  le  savant 
éditeur.  Désormais^  sans  être  peut-être  définitive,  l'édition  du  Livre  d'Hé- 
nock  de   Fr.   Marlin   est  décidément  la  meilleure  publiée  jusqu'à  présent, 

Francis  Gigot    {The  New   York  Reuiew). 

Tout  est  traité  avec  soin,  érudition,  esprit  critique...  l'éditeur  nous  a  déjà 
dit  expressément  qu'il  n'a  pas  prétendu  épuiser  le  sujet.  Nous  n'avons  pas  à 
le  juger  sur  ce  qu'il  aurait  pu  faire ...  Ce  qu'il  a  fait  est  très  bien  fait. ..  Sa 
publication  est  un  grand  service  rendu,  et  un  véritable  titre  d'honneur 
pour  l'Institut  catholique  de  Paris. 

R.   P.  LA.GRANGE  [Rei'ue  biblique). 

Nous  applaudissons  de  tout  cœur  à  l'initiative  de  l'éditeur  et  de  l'auteur 
et  nous  conseillons  la  lecture  du  volume  à  tous  ceux  qui  aiment  à  connaître 
sur  le  vif  les  caractères  des  espérances  messianiques  au  temps  de  Jésus- 
Christ  et  désirent  se  faire  une  idée  des  diverses  influences  doctrinales 
où   s'est  mûrie  la  première  pensée  chrétienne. 

Rii>ista  storico-critica  délie  scienza  theologiche  (Rome). 

Letravail  de  Fr.  Martin  est,  malgré  le  contenu  si  ^arié  de  la  compilation 
(de  Uénoch),  aussi  approfondi  que  compréhensif.  C'est  un  témoignage 
éclatant  de  l'état  de  la  science  critique  catholique  en  France. 

Tkeologische  Revue. 

n'ouvrage  en  question  de  l'érudit  catholique  François  Martin  est  un 
commencement  bien  léussi,  conforme  aux  méthodes  et  aux  besoins  du 
temps.. . 

VoLZ   {Theolog.  Jahrosbrichi). 


Imp.  Leroy,  183,  rue  de  Vanves. 


APR  2  6  1983 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


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